Comprendre le poker menteur entre Minnesota, San Antonio et Denver
Il se joue depuis hier une drôle de partie de poker entre Spurs, Wolves et Nuggets. Pour faire simple, les Spurs veulent Kirilenko, que Minnesota refuse de leur envoyer par sign-and-trade; et les Wolves veulent Corey Brewer, mais eux aussi se heurtent au refus de Denver. Pourtant, les deux joueurs sont free agents, et donc, a priori, libres de signer où ils le souhaitent. Pourquoi, alors, tout ce bazar? Pour comprendre, il faut se plonger dans les arcanes de la gestion du salary cap (si vous n’êtes pas familier avec les bases du CBA, on vous conseille notre guide des finances, il est juste au-dessus, dans le menu).
Rappelons que les chiffres officiels, révélés cette nuit, sont les suivants: 58,679 m$ pour le salary cap, 71,748 m$ pour la luxury tax.
Partons de la situation de Minnesota, équipe au centre du problème. Les Wolves, avec la signature à venir de Kevin Martin, environ 47,5 m$ engagés pour 11 joueurs. A cela s’ajoute à peu près 10 m$ de cap hold, un total qui prend en compte la présence des free agents tant qu’ils n’ont pas été resignés; pour les Wolves, il s’agit de Pekovic et Budinger. Ce dernier s’est déjà entendu sur un contrat de 16 m$ sur 3 ans, mais son cap hold étant bien inférieur à son nouveau salaire, on imagine que Minnesota va attendre un peu avant d’officialiser son contrat, pour garder un peu de marge. Idem pour Pekovic, même si la différence est moins importante. Cela fait, au total, presque 58 m$ de salaires « bloqués », soit quasiment la limite du salary cap. En clair, Minnesota ne peut plus signer de free agents que par deux moyens: la Room Mid Level Exception (2,652 m$) et les contrats minimums.
Par ailleurs, et c’est un point important à retenir, la masse salariale réelle (et non plus le cap hold) de Minnesota après avoir signé Budinger et Pekovic devrait être d’environ 64 m$ (en partant du principe que Pekovic recevra un contrat autour de 11-12 m$). Ce qui ne laisserait que 7 m$ avant d’attendre la luxury tax.
Le problème est que les Wolves, avec le départ de Kirilenko, ont besoin d’un ailier. Comme AK 47 veut un contrat autour de 8 m$, le risque serait très grand pour Minnesota de dépasser la luxury tax en le resignant. Sachant que Minnesota semblait enclin à lâcher son ailier, San Antonio est sorti du bois, et a proposé un sign-and-trade, un système qui permet à une équipe de resigner un free agent pour l’échanger directement, pour récupérer Kirilenko.
Pourquoi choisir cette solution pour les Spurs? Pour la simple et bonne raison que le fait de garder Ginobili et Splitter signifiait pour eux être de toute façon au-dessus du salary cap, donc être incapables de signer des free agents autrement que par les exceptions, insuffisantes pour attirer Kirilenko (et utilisées pour Belinelli et Pendergraph). Le sign-and-trade est donc la seule solution pour eux de récupérer le Russe, mais avec certaines contraintes: en étant au-dessus du salary cap, les Spurs ne peuvent récupérer un salaire supérieur à 150% de celui dont ils se séparent. En clair, si Kirilenko signe pour 8 m$ , San Antonio doit se débarrasser de 5,4 m$.
D’où la proposition des Spurs: Kirilenko contre au moins 5,4 m$ de contrats (on peut imaginer que Bonner, Neal et/ou Blair étaient compris dans l’échange). Refus de Minnesota. La raison? Elle est toute simple: quel intérêt pour les Wolves d’aider SA à recruter Kirilenko, si c’est pour récupérer des contrats de joueurs dont ils n’ont pas besoin? Car ces 5,4 m$ (ou plus) amèneraient les Wolves à près de 70 m$ de masse salariale, et mettrait fin aux espoirs de recruter un bon ailier sans dépasser la luxury tax.
Car Minnesota, en parallèle, a un autre objectif: faire signer Corey Brewer, en fin de contrat à Denver, qui vaudrait environ 5 m$. Comme on l’a dit, ils ne peuvent utiliser leur espace sous le cap, et la Room MLE est insuffisante. C’est donc la solution du sign-and-trade qui est privilégiée: non seulement elle permet de signer Brewer, mais elle offre aussi la possibilité de se séparer d’un joueur et de ne pas faire monter la masse salariale, qui resterait sagement en-dessous de la luxury tax. La solution proposée par Minnesota est donc la suivante: ils proposent un contrat à 5 m$ l’année à Brewer, que Denver fait signer à l’ailier, puis ce dernier est envoyé à Minnesota, en échange de Luke Ridnour ou JJ Barea (un peu plus de 4 m$ l’année chacun).
Seulement voilà, Minnesota se retrouve dans la posture de l’arroseur arrosé, se heurtant au même refus dont ils ont fait part à San Antonio. Denver, en effet, n’a pas franchement l’utilité d’un meneur payé 4 m$ pour jouer derrière Lawson et Miller, et, en plus, ils veulent conserver Brewer. Les Wolves, de leur côté, ne veulent pas récupérer Brewer sans faire un peu de ménage dans la masse salariale, ce qui serait possible en envoyant des tours de draft aux Nuggets, afin de ne pas se rapprocher de la luxury tax. Bref, la situation est bloquée.
On peut donc bien parler ici de partie de poker menteur: toutes les négociations reposent sur le refus de l’une des trois équipes de céder sur ses priorités, et notamment sur celle de Minnesota de ne pas bouger tant qu’ils seront sûrs que l’échange ne fera pas augmenter leur masse salariale. Tout cela peut-il aboutir à quelque chose? Oui, si l’une des équipes fait un compromis, mais ce n’est pas parti pour. Une autre possibilité est de monter un échange à trois, entre elles ou avec une autre franchise. L’intersaison NBA ressemble souvent, comme ici, à un jeu de dominos: la chute d’une pièce entraîne toute une série de réactions. Le jeu restera-t-il bloqué? A suivre!
Les Nuggz ne veulent pas de Bonner, Neal et/ou Blair? Si oui, ces 3 là vont aux Wolves contre Kiri puis aux Nuggets contre Brewer…et tout le monde il est content!!
Sauf Denver! Avec la caravane d'intérieurs qu'ils ont, je vois pas ce qu'ils feraient de Bonner…