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More than a game: comment les jeunes américains se jettent corps et âme dans le basket

Lundi, Basket-infos publiait la dernière mixtape de Chase Adams, un gamin de 13 ans et 1m50 déjà attendu (depuis ses 10 ans environ) comme le meneur du futur. Pendant, ce temps, Andrew Wiggins continue son bonhomme de chemin en NCAA, lui dont la première vidéo fut balancée sur la toile à peu près au même âge, et qui a su confirmer jusqu’à devenir le potentiel numéro 1 de la draft 2014. Dans une société américaine dans laquelle les inégalités sociales sont présentes et nuisent aux chances de réussir des plus modestes, certains jeunes comprennent très vite que le basket constitue un moyen crédible de candidater à une place dans une bonne faculté et de s’assurer ainsi d’une éducation à laquelle ils n’auraient pas forcément pu prétendre plus tôt. Et s’ils se découvrent un certain talent au fur et à mesure de leurs aventures sur les parquets, ils n’hésitent plus alors à tout mettre en oeuvre pour tenter de devenir des pros. La volonté acharnée de ces jeunes américains est alors bien différente de celle des « internationals », européens notamment, car ils complètent les rêves de gloire et de capacité à bien jouer par un certain pragmatisme. Certains l’ont bien compris, leur avenir passe par le basketball, et sera intimement lié à leur niveau de jeu.

L’apparition des phénomènes type Chase Adams est une conséquence moins directe qu’on pourrait le croire de cet état de fait. Si les joueurs sont vites persuadés de la nécessité pour eux de devenir des ballers exceptionnels, ce sont souvent les parents qui font la différence lorsqu’ils prennent les choses en main. On découvre ainsi sur youtube des dizaines de vidéos de coachs personnels américains qui n’hésitent pas à infliger des entraînements hallucinants à des jeunes de dix ans pour les faire progresser un maximum. Nul besoin de chercher bien loin sur Google pour découvrir des « pro skill trainer » s’adressant aux parents de joueurs de tout âge pour les convaincre que leur fils/fille fera des progrès hallucinants sous les ordres du coach en question.

Dans un article sur le site TrainForHoops datant de quelques années, Brian McCormick pointait déjà le problème qu’entraînait la pratique avec un coach particulier: la plupart des joueurs se contentent d’une session individuelle par semaine avec le coach en question, en raison du prix et de la disponibilité de ce dernier, et ne travaillent pas individuellement entre chaque séance, se contentant des entraînements collectifs et des matchs en équipe (ce qui constitue déjà un emploi du temps assez rempli vu le rythme des équipes de jeunes US). Le tout revient à la pratique d’une seule séance individuelle par semaine, ce qui limite grandement la progression. A contrario, les joueurs évoluant sans coach, à la condition d’être suffisamment motivés ce qui n’est évidemment pas le cas de tous, peuvent facilement enchaîner les séances de travail individuel, sans doute un peu moins efficace, mais la grande quantité compense largement la qualité un peu moindre.

Le principe du travail avec un coach est-il alors à jeter? Certainement pas pour les joueurs vraiment prometteurs. Nul doute que les coachs, flairant la bonne publicité et le paquet d’argent à obtenir durant la carrière de ces derniers, n’hésiteront pas à proposer des tarifs moindres, voire une collaboration gratuite, dans l’espoir de former jour après jour la future star de demain. Seventh Woods, le prospect de 15 ans qui fait baver les USA, travaille ainsi depuis plusieurs années avec Marseilles Brown, un entraîneur particulier dont les exigences vont bien au-delà de celles nécessaires à l’évolution en high school. Le résultat est édifiant.

Si vous ne l’avez jamais vu, voici le résultat sur les parquets de high-school :

 

Dans ce cas précis, nul doute que l’on puisse parler de franche réussite. D’ailleurs en y repensant, on s’aperçoit que de nombreuses stars NBA sont sans doute passées par là, à la différence que pour ces dernières, se sont souvent les parents qui faisaient office de coach. Del Curry a ainsi repris en main le shoot de son fils Stephen le temps d’un été complet et en a fait l’une des gâchettes les plus régulières de l’histoire de la ligue. Kobe a sans aucun doute beaucoup travaillé avec Joe Bryant durant la carrière de ce dernier en Italie et ailleurs pour en faire le joueur que l’on connaît (même si Kobe doit aussi une grande part de son talent à son instinct de compétiteur absolu). Très bien. Dans ce cas que reprocher à la présence de ces coachs près des prospects les plus prometteurs?

D’abord, certains d’entre eux ne sont absolument pas qualifiés et n’ont aucune idée de ce que nécessite vraiment le fait de devenir pro, en dehors de leur expérience personnelle (souvent celle de joueurs dans des facs correctes ou étrangères). On trouve ainsi des vidéos d’enfants enchaînant les travaux physiques que leur corps ne leur permet pas forcément, et qui prennent rapidement une masse musculaire telle qu’elle pourrait gêner leur croissance et hypothéquer leur chance de devenir basketteur professionnel dans un sport où la taille est un atout majeur. C’est sans doute pour cette raison aussi que la plupart des joueurs formés de cette façon sont préparés à jouer meneur. Les coachs réduisent ainsi l’aléa dû au facteur taille, et évitent d’avoir à se concentrer trop sur l’aspect physique en dehors du jeu de jambes, dont on sait qu’il peut se travailler tôt avec peu de risque. Il n’empêche que les pratiques de certains paraissent irresponsables, lorsque l’on voit des gamins de 11 ans au physique surdimensionné… (à 1:30 sur la vidéo)

Pour rappel, LeBron à 16 ans n’était pas plus musclé qu’un autre (ce qui en dit long sur ce qu’il a mangé durant ses deux dernières années de lycée), et le développement d’une telle musculature chez un jeune est plus susceptible de constituer un futur problème qu’un avantage réel.

D’autre part, un coach personnel n’est pas un parent, et ceux propulsés trop vite sur le devant de la scène doivent éviter de tomber dans la facilité et de se reposer sur leurs lauriers, ou même de tomber dans des travers extra-sportifs. Là où un père ex-professionnel saura inculquer à son fils la discipline nécessaire à la longévité au haut niveau, le coach n’aura pas forcément la même exigence au niveau de la gestion des à-côtés, et plusieurs stars annoncées se sont déjà brûlées les ailes en arrivant trop haut trop vite (Lenny Cooke, le rival de LeBron en high-school a détruit sa carrière à force de mauvais choix et de mauvaises fréquentations).

Le business des coachs particuliers aux US n’est donc pas prêt de se tarir. Et le nombre de talents tués dans l’oeuf par des pratiques irresponsables sera sans doute important dans les années à venir. D’un autre côté, certains joueurs profitent très largement de ce système pour exploiter leur potentiel d’une façon qui leur serait impossible autrement. Au final, cette évolution pourrait bien être bénéfique au jeu en général, mais le serait encore plus si un minimum de connaissance non seulement du basket mais aussi de l’évolution du corps des jeunes était requis pour la pratique d’une telle activité. En attendant, les générations qui arrivent n’ont pas fini de nous faire saliver d’avance. Car ses jeunes sont déterminés à devenir les champions de demain, et ont les armes pour repousser les limites du jeu du fait d’une motivation entretenue chaque jour et croissant à chaque heure d’entraînement. More than a game…

 

7 réflexions sur “More than a game: comment les jeunes américains se jettent corps et âme dans le basket

  • JoachimCelts

    Excellent article!!! J'ai appris pas mal de chose ^^

  • OnlyMilky

    Bon article !
    C'est clair que la gonflette et les muscles c'est pas cela qui est la clé pour réussir au basket, en tout cas pour devenir pro parce qu'après c'est nécessaire pour pas crever sur un coup d'épaule du premier babar venu !

    Sinon on trouve des terrains de basket a chaque coin de rue, là ou en europe ca existe pas, donc pour s'entraîner, se perfectionner c'est un méga avantage.

    Ensuite suffit de regarder les installations dans les écoles américaines, l'école la plus flinguée on y trouvera un gymnase énorme avec une salle de muscu une salle de foot etc… tout est étudié pour le sport. Je vous laisse faire la comparaison avec nos collèges lycées fac en France :'(

    Quand j'étais au collège en 3e (y a 16 ans le temps passe vite :D), j'ai eu la chance de partir un mois à Harrisburg dans une high school, j'étais sur les fesses pour tout, mais nous concernant pour le basket, physiquement les mecs avaient 4/5 ans de plus que nous, c'était un truc de dingue, les mecs allaient au gym pour se muscler, puis après basket et baseball ou foot us. Déjà a cette époque les mecs prenaient des protéines pour gonfler. C'était des bonhommes, nous on était des jeunes enfants par rapport à eux !

    Si Lebron James a croqué pour avoir cette musculature, il était quand même développé au lycée, je suis plus impressionné a ce niveau là par Noah qui était une crevette au lycée et qui a les veines du cou et du bras qui ressortent maintenant !

    Perso le pti gars qui a du talent il réussira, et sans avoir recours a un coach personnel :)

  • Windy_City

    Très bel article !

  • bous95

    Magnifique article qui parle d'un sujet très important : La différence entre les jeunes Américains et Européen en terme de motivation. Pour la plupart des jeunes américains le basket et bien plus qu'un simple jeu. C'est un moyen de sortir de la misère d'ou ces entrainements acharnés pour sortir du lot….

  • Longley

    Superbe article.
    On peut cracher sur Marseilles Brown? Entre bourrinage et à peu près techniques, on le paye cher pour ça?

  • ArmandBI

    J'ai pas plus d'info que ça, le site proposant les services de Marseilles Brown (qui peut donc aller coacher n'importe quel gamin américain dont les parents sont prêts à mettre les sous) ne communique pas ses prix. Je pense que tout dépend du joueur. Si Woods a fait appel à lui après avoir commencé à exploser, sans doute qu'il y a eu arrangement et que Woods n'a pas payé au prix fort. Maintenant, les vidéos dans lesquelles on voit Woods bosser avec Brown datent d'il y a deux ou trois ans, avant que Woods ne deviennent la star en devenir qu'il est, et on peut donc supposer qu'il a du débourser pas mal pour s'offrir ses services.
    Plus que les approximations techniques je pense que Woods a avant tout voulu travailler avec un coach ayant une certaine expérience du haut niveau (Woods a joué sous les ordres de l'actuel coach de Michigan par exemple) afin de comprendre comment fixer ses objectifs et comment travailler efficacement, plutôt que pour obtenir un gain technique significatif. Je peux bien évidemment me tromper, mais Woods me paraît être un gros bosseur qui a surement du se rendre compte à un moment donné qu'il avait besoin d'une méthode plus que d'un surplus technique.

  • Longley

    C'est de Brown dont je parlais. Et c'était ironique pour le prix, mais c'est forcément trop cher. Le bourrinage et les à peu près techniques étaient adressés à Brown.

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