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Le salary cap, échec cuisant d’un système bancal

Dans une ligue au sein de laquelle une grande partie de la marge de manœuvre d’une équipe dépend de sa position vis-à-vis du salary cap (un montant que le total des salaires d’une équipe ne doit pas dépasser sous peine de payer une amende et de ne plus pouvoir proposer certains contrats, voir le très complet dossier de Rapha sur le sujet), les anomalies sont légions. Entre les joueurs complètement surcotés (Hello Rudy Gay), ceux dont le salaire ne reflète pas vraiment le talent (LeBron) et les rookies qui coûtent peu tout en ayant un apport statistique considérable, on retrouve dans la quasi-totalité des franchises un contrat pourri (bon, je généralise, Toronto n’a aucun gros contrat donc peu de chance d’en avoir un mauvais). Ces « mauvais » contrats sont souvent attribués à des GMs incompétents. Pour autant, les dirigeants sportifs des franchises ne sont pas les seuls responsables de ces étrangetés.

Il y a d’abord la taille du marché, qui a été si souvent analysée. Il est évidemment plus difficile pour les responsables de Milwaukee de remplir leur salle que pour ceux des Lakers. Deux conséquences à cela: la franchise mal placée est peu intéressante pour un free agent, ce qui rend difficile le recrutement des joueurs libres. Une telle équipe doit alors se construire au moyen de deal et de coups réalisés à la draft, dans l’espoir de devenir un candidat crédible au titre et ainsi de devenir attractive pour les joueurs sans contrat. C’est un peu ce qui s’est produit chez le Thunder, mais la franchise de l’Oklahoma a vite été rattrapée par… les incohérences du CBA et du système de salary cap.

Dans une logique selon laquelle le salaire de chaque joueur dépend de son niveau (ce qui n’est pas franchement scandaleux), le fait de se dévaluer procure un avantage inestimable. Seul problème, les jeunes joueurs, encore loin de gagner ce qui correspondrait à leur niveau du fait de leur contrat rookie, n’acceptent pas de rentrer dans ce petit jeu du « je suis fort mais je ne prends pas un salaire en adéquation avec mes responsabilités parce qu’avec mes copains nous allons renverser la ligue » (big up LeBron). Ainsi, Westbrook, Durant et Harden ont successivement réclamé au Thunder un salaire conséquent, et le tout constituait une masse trop lourde pour une franchise, qui a donc fait exploser son effectif pour éviter d’être complètement bloquée au moment de recruter les seconds couteaux si précieux pour un contender.

Prenons maintenant le nouveau contrat de Kobe, et réfléchissons un peu. Le Black Mamba est, à n’en pas douter, l’argument offensif numéro 1 de sa franchise, et gardera les clés de la maison jusqu’à sa retraite ou son véritable déclin. Beaucoup auraient aimé que Kobe, espérant ajouter une dernière bague à sa main bien garnie, accepte de baisser son salaire pour offrir plus de flexibilité à sa franchise, et ont largement critiqué l’équipe dirigeante des Lakers pour avoir répondu aux attentes du Black Mamba.

C’est mal comprendre la logique du système. En tant que joueur majeur de son équipe, Kobe doit assumer un certain nombre de responsabilités, et le contrat max, offert en principe au meilleur joueur d’un contender, lui convient parfaitement. En fait, KB24 a tenu à marquer le coup, en jouant le jeu du CBA  jusqu’au bout: lui ne se dévaluera pas, ne refusera pas les responsabilités inhérentes à son salaire gargantuesque, pour aller chercher le titre. Il ira le chercher proprement sans sombrer dans la facilité de la réduction de salaire consentie pour l’obtention d’une équipe compétitive.

L’esprit qui se cache derrière les décisions de certains joueurs d’accepter moins d’argent pour triompher dans une meilleure équipe est d’ailleurs pervers et mal interprété. Lorsque LeBron, Wade et Bosh consentent à un salaire moindre pour se réunir à Miami en 2011, ils ne baissent en réalité pas réellement leur revenu. Les ventes de produits dérivés du Heat, le changement de maillot (imaginez tous les fans du King qui auraient conservé leur vieux maillot de LeBron et qui se sont empressés de dévaliser le site de la NBA pour obtenir le nouveau jersey de James), et les revenus associés à la plus grande popularité (à l’international notamment) de cette équipe « galactique » ont largement compensé la perte affichée sur le salaire. Il ne s’agit donc pas d’un choix purement sportif, mais d’une chute vers la facilité (d’autant que, suivant le modèle du big 3, de nombreux free-agents ont choisi de se tourner vers la Floride pour obtenir une bague quasi-certaine contre un salaire un peu plus faible sur 2 ou 3 ans, cf Shane Battier et Mike Miller, ou plus récemment Ray Allen).

La formation de ces Big 3 par le recrutement de free-agents a eu plusieurs conséquences majeures. La première est un effet de réplication. De nombreuses équipes, conscientes de leur incapacité à rivaliser avec les armadas formées, ont tenté de copier le modèle ainsi crée. D’ailleurs, l’origine de ce phénomène de rassemblement de superstars durant la free agency se trouve sans doute du côté de Boston. Le big 3 initial (Allen, Pierce et Garnett), formé durant une intersaison folle, avait triomphé dès sa première saison, et c’est sans doute ce succès lors de la campagne 2008 qui a déclenché tous les fantasmes des GMs de franchise au grand marché. Ainsi, de plus en plus d’équipes tentent de se constituer un Big 3 par l’intermédiaire du recrutement de free agents (Lin et Howard pour Houston, auparavant Howard et Nash pour les Lakers, voire même Artest quelques années plus tôt). La conséquence est un abandon total par les stars en devenir des petits marchés, dont les GMs se retrouvent à devoir offrir des contrats faramineux pour conserver des joueurs bons (et non très bons) type Rudy Gay ou Joe Johnson et remplir un peu leur salle. On obtient ainsi une ligue aussi hétérogène que peuplée de mauvais contrats.

Cette dimension ne déplaît d’ailleurs pas totalement à la ligue, puisqu’elle offre une approche un peu manichéenne de la NBA: en finale 2012 et 2013, le mauvais Heat qui travaille à sa rédemption en affichant un basket léché et spectaculaire affronte des équipes construites par la draft mais évoluant dans de petits marchés dont les américains se préoccupent peu. Et Miami triomphe, comme un héros de cinéma, devenu paria par son erreur initiale, parviendrait à sauver le monde des ennemis universels. La métaphore est d’ailleurs encore plus forte si l’on se réfère à la finale 2013 et au face-à-face avec les Spurs, eux qui ont brisé les rêves de titres de générations de fans en s’appuyant sur un basket peu spectaculaire et avant tout tactique.

La NBA ne semble donc pas vouloir réellement prendre le problème en mains. Pour autant, des solutions simples pourraient endiguer les errements du système et le rendre bien plus rationnel. Car, si certains analystes en viennent à proposer une sorte de March Madness en Mars pour attribuer un ticket en playoffs, ou une refonte totale de la NBA via une draft pour rééquilibrer les débats, c’est bien là le signe d’un problème majeur. D’ailleurs, l’aura d’un joueur comme LeBron ne pourrait que sortir renforcé d’un passage dans une équipe moins compétitive, et sa légende pourrait véritablement outrepasser celle de Michael Jordan s’il parvenait à remporter un titre sans l’appui de plusieurs All-Stars.

Une solution simple et évidente serait d’obliger les franchises à offrir un contrat max aux joueurs multi-All-Stars (un peu sur le modèle de la jurisprudence Derrick Rose concernant le salaire des joueurs sous contrat rookie). On obtiendrait ainsi des masses salariales plus conformes à la réalité, ce qui éviterait les grands rassemblements dans les franchises et rendrait la ligue plus compétitive en augmentant la qualité de la saison régulière via une course plus difficile pour les playoffs. Avec le CBA signé il y a deux ans, on est évidemment encore loin d’une telle solution, mais il est clair que le système arrive à bout. Charge à Adam Silver, qui prendra les rênes de la grande ligue d’ici quelques mois, de trouver le moyen de rendre ses lettres de noblesses au système salarial, et d’ainsi contribuer au sauvetage d’une saison régulière à l’intérêt diminuant toujours….

6 réflexions sur “Le salary cap, échec cuisant d’un système bancal

  • Orion87000

    Très bon article comme souvent! Je trouve l'idée d'une refonte total de la NBA via une draft génial mais on peut tjs attendre…!
    Continuez comme ça vos articles sont plaisant à lire!

  • Windy_City

    Très bel article, plaisant à lire une nouvelle fois.

  • ArmandBI

    Merci ;)
    J'avoue que l'idée est séduisante sur le papier mais en même temps quasiment impossible à mettre en oeuvre en pratique, à moins (et là ça deviendrait véritablement intéressant de redrafter tout le monde en obligeant les équipes à offrir des contrats max aux joueurs choisis en 1er, des gros contrats à ceux pris en 2ème etc… Cela pose quand même de nombreux problèmes et risquerait de donner une saison pas franchement fabuleuse la première année. Sans compter qu'il faut aussi gérer le problème des coachs et des tours de draft. Bref, l'idée est franchement sympa, mais ne verra jamais le jour.

  • Fonkyflav

    Il y a malheureusement un problème direct à la solution que vous proposez: l'individualisation du jeu toujours plus possée. Dans une ligue où le système et la philosophie de jeu sont encore très basés sur le 1 contre 1 et où les statistiques et distinctions individuelles sont sans cesse mis en avant, obliger les franchises à accorder automatiquement un contrat max au franchise player conduirait chaque joueur à jouer de plus en plus individuellement pour faire accroitre ses stars, puisqu'il s'agit aujourd'hui du 1er critère de comparaison des joueurs et de leurs performances. Et pour moi, cela induirait un apprauvissement du niveau de jeu.
    2e point: je ne crois pas que formation des Big 3 et probleme du système de salary cap soient autant liés que ce que vous laissez l'entendre. Je pense que le Big 3 est la recette du succès pour remporter des titres, mais cela ne date pas on plus d'aujourd'hui. Remontez dans l'histoire, vous verrez que les équipes ayant gagné ont majoritairement au des effectifs dominés par des Big 3, et ceux pas seulement depuis Boston 08' ou Miami 11' (contre ex: spurs de Tp-Duncan-Manu).
    Enfin, baisser son salaire pour pouvoir gagner, moi je trouve qu'il s'agit de quelque chose de bien. Ca montre que le gars en question est prêt à faire des sacrifices (financier en l'occurence) pour gagner.

  • ArmandBI

    Pas forcément, les équipes seraient plus équilibrées plutôt que de se retrouver dans des collectifs au choix ultra-dominés par trois joueurs ou trop faibles pour rivaliser par le collectif, avec des effets "tout le monde veut sauver la planète" type Rudy Gay à Toronto. De toute façon ce type de solution n'interviendrait qu'une fois par joueur et par équipe, donc une fois le joueur désigné, pas besoin pour les autres de faire trop de forcing, sans compter que la hiérarchie implicite du franchise player pousse déjà aux excès dont vous parlez. On aurait des équipes très proches, donc des matchs plus denses et a fortiori moins de match perdus d'avance dans lesquels un joueur tente de prendre sa responsabilité outre-mesure en se disant qu'il pourra se montrer sans avoir rien à perdre. Après cette solution n'est évidemment pas parfait, mais je la pense meilleure que le système actuel.

    Justement, le salary cap était supposé empêché la formation de tels armadas et une explosion incontrôlable des salaires dès son origine en 1999. Ce que je cherche à dénoncer ici, ce sont les Big 3 constitués par la free agency, qui favorise forcément les gros marchés du fait de leur potentiel économique et en terme d'image. Le Big 3 des Spurs, construits par la draft à la suite d'un projet cohérent porté par une vraie idendité de jeu, est à mon sens le type de situation que je trouve intéressante et qu'il me semble nécessaire de conforter.

  • G_08

    Assez d'accord par rapport à ton dernier paragraphe.
    Pour cela il faudrait avantager les contrats signés pour des joueurs draftés par l'équipe, et désavantager les contrats FA.
    En gros, si le joueur a été drafté par telle ou telle équipe, quand il re-signe avec l'équipe qui l'a drafté, son contrat ne compte qu'à 75% dans le salary cap, par exemple. Ça permettrait aux équipes de garder leurs joueurs draftés, et donc aux petits marchés de garder leurs stars draftées.
    De même, les gros contrats signés pendant la FA pourraient compter pour 125% dans le salary cap. Et donc éviter les réunions de stars.

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