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Dossier : les chiffres remplaceront-ils un jour les coaches en NBA ?

Les statistiques avancées deviennent peu à peu un outil indispensable en NBA. Alors que le PER, statistique inventée par John Hollinger, est devenu le chiffre référence pour évaluer la qualité d’un joueur de la grande ligue, les franchises sont aujourd’hui de plus en plus nombreuses à suivre la mouvance indiquant qu’il vaut mieux un coach geek des statistiques, qu’un coach à l’ancienne, misant tout sur les valeurs humaines et sa propre vision du jeu. Adieu donc les coaches comme George Karl ou Doug Collins, bonjour à Erik Spoelstra et Brett Brown !

Il est vrai que les outils d’aujourd’hui permettent très facilement dévaluer quel line-up fonctionne le mieux, quelle distance parcourt chaque joueur sur le terrain, ou encore les zones d’efficacité au shoot de chaque joueur. De nombreuses caméras ont même été installées cette année dans toutes les salles NBA, afin d’approfondir encore l’étude de ces données statistiques. Cela donne forcément des résultats hyper-intéressants pour tous les coaches de la ligue qui veulent bien croire aux chiffres.

Ce qu’il faut savoir c’est que l’ère des statistiques avancées semble n’en être qu’à son début. Les évolutions chaque année sont énormes, et grâce à elles, nous apprenons chaque jour de nouvelles choses sur notre sport favori. Ces chiffres ont ainsi clairement fait leurs preuves, et nous n’en avons pas fini, car tout ceci progresse à une vitesse folle.

Cependant, il y a forcément des limites. Certains coaches ne sont toujours pas prêts à se faire remplacer par des chiffres, et on les comprend. Les valeurs humaines et la cohésion d’équipe sont des valeurs essentielles dans le sport collectif, et il serait clairement idiot de passer outre cette dimension du jeu. Il est vrai que ces arguments s’entendent. Comment mesurer la cohésion d’une équipe ? Comment mettre sous forme de chiffres, les capacités des joueurs à s’entendre sur le terrain, à connaître les qualités et les défauts des autres, ou à motiver leurs coéquipiers ? Des données à priori inquantifiables.

Sauf que, dans cette ère de révolution statistique, des chercheurs étudient ce sujet avec attention. Rien ne doit leur échapper, et quand Daniel McCaffrey, fondateur de SyncStrength, référence en terme d’analytique, discute avec Jordan White, journaliste pour Hardwood Paroxysm, site très novateur en terme de chiffres, voilà ce que ça donne.

JW : Depuis des années, il existe des statistiques « inquantifiables » comme la cohésion d’équipe, le cœur et l’esprit combatif d’un joueur. Serez-vous un jour capables de mesurer ces données, ou pensez-vous que c’est peine perdue à tout jamais ?

DM : Je pense que l’on est sur la bonne voie. Ce sont des sujets compliqués que nous étudions avec attention, et nous pensons que notre heure viendra. Nos statistiques sont élaborées pour donner du sens à des choses très complexes que l’on étudie en y apportant le maximum de données différentes. Par là, je veux dire que nous pouvons utiliser le rythme cardiaque, les données spécifiques au sport en question comme les yards parcourus ou les shoots marqués, mais aussi les dynamiques interpersonnelles comme la cohésion d’équipe. Combiner tout cela nous aide à avoir une vue globale sur la santé et les performances des sportifs, ce qui nous emmènera à finalement quantifier ce que vous pensez inquantifiable.

JW : Comment une équipe peut-elle utiliser vos mesures ? Vous pouvez dire à un joueur d’arrêter de shooter à une certaine distance ou encore lui dire s’il ferait mieux de partir à gauche ou à droite, mais vous ne pouvez pas demander à deux joueurs qui ne s’aiment pas de s’entendre. Je me trompe ?

DM : C’est vrai. Mais imaginez qu’au début de chaque saison, en plus des stratégies de matchs, d’entraînements et de préparation physique, chaque équipe se concentre aussi sur les stratégies de cohésion d’équipe. Un plan qui se concentrerait sur la conception et l’analyse d’un esprit d’équipe à travers des qualités spécifiques : la communication, la gestion des émotions, la gestion du stress, la capacité à réguler son énergie, et la force mentale. Toutes ces qualités peuvent être améliorées en aidant chaque joueur à mieux comprendre celles de son coéquipier afin d’être plus performants ensemble. De plus, si les équipes se servent de nos mesures dans ce domaine, cela leur permettra de mieux gérer leurs line-ups, leurs rotations, et leurs remplacements, en s’assurant que les cinq hommes sur le terrain présentent le niveau maximum de cohésion au bon moment du match ou de l’entraînement.

JW : L’analytique dans le sport comme tout ce qui change les normes habituelles, rencontre une certaine hésitation, voire un certain rejet de la part de certains. Avez-vous eu à affronter cela, en espérant que vos études vous donneront raison ?  Y a-t-il une différence entre les réticences que vous avez rencontrées à l’université comparées à celles que vous rencontrez dans le monde du sport professionnel ?

DM : Oui, nous devons souvent lutter contre un certain scepticisme dans la communauté du sport. Cela nous motive encore plus à approfondir nos recherches, en perfectionnant nos méthodes en s’assurant que nos études soient faites de manière rigoureuse. Nous sommes préparés à affronter les réticents et allons continuer à progresser dans ce domaine.

JW : Quelle est la prochaine étape ? Quelle information vous semble vitale dans un avenir proche pour envisager de chiffrer l’esprit d’équipe ?

Nous voulons continuer à travailler avec les équipes, les franchises, pas seulement autour de la cohésion d’équipe ou de l’alchimie, mais aussi autour de la santé liée aux chiffres que nous publions. Cela permettra aux équipes de maximiser leurs chances en gérant, en analysant et en visualisant la santé et la forme de chacun en relation avec ses performances. Les informations à étudier dans le futur seront les mesures psychologiques et les mesures sociales. Aucune d’elles n’a pour l’instant été réellement étudiée dans le monde de l’analytique lié au sport. Les mesures psychologiques devront inclure la personnalité et les capacités intellectuelle de chacun. Les mesures sociales intégreront des données telles que le langage corporel, les contacts visuels et les façons de communiquer.

JW : Quel est le principal obstacle à affronter dans vos études ?

DM : Ne pas avoir accès aux entrainements, à la rééducation, à la récupération et au repos des athlètes est un obstacle important. Le scénario idéal nous donnerait l’occasion d’utiliser nos outils dans un sport d’équipe, en étant complètement intégrés depuis le début de la présaison, jusqu’au dernier moment de la saison. Cela nous permettrait d’avoir des données encore plus précises. Je comprends que les franchises aient à garder certaines choses secrètes, sur le business et la santé de leurs joueurs, mais sans avoir toutes ces données, nos chiffres perdent en précision.

JW : Pensez-vous que vos mesures vont réellement évoluer si vous pouvez (on l’espère), accéder à ces données plus précises ?

DM : Nous avons prévu de continuer à travailler nos mesures pour chiffrer les performances individuelles des joueurs et des équipes, pour que les coaches puissent comprendre quelle formation de joueurs a la meilleure alchimie. Mais nous en sommes encore loin. Nous n’en sommes encore qu’au début de la révolution analytique dans le sport. Quand nous aurons ces données supplémentaires, ce que nous mesurerons évoluera forcément et notre vision changera parallèlement.

Quand on lit tout cela, McCaffrey semble finalement être aussi dingue que génial. Certains avanceront d’ailleurs aisément qu’il n’est qu’un doux rêveur. Cependant, de par son lucidité au niveau des limites de ses analyses, le statisticien semble ainsi que crédible. Sa méthode scientifique couplée à son exploitation des hypothèses et des données empiriques finiront de nous convaincre.

Cela ne veut bien sûr pas dire que ses théories sont indiscutables, et de nombreuses avancées doivent encore être réfléchies et élaborées avant de les utiliser efficacement. Impossible donc de réellement quantifier la cohésion d’une équipe à ce jour, et créer celle-ci semble demander un parcours intellectuel différent que de l’identifier.

Le côté humain semble donc encore primordial à ce jour, et les meilleurs coachs semblent être ceux qui sauront trouver l’équilibre parfait entre les données statistiques, les données sociales et les données psychologiques concernant leurs joueurs. Mais avouez que si les choses avancent dans le sens que prévoie McCaffrey, certains entraîneurs ont des soucis à se faire.

L’ère des geeks semblent donc bien entamée en NBA, et les entraîneurs comme Doug Collins qui disaient il y a encore moins d’un an « les seuls chiffres qui m’intéressent se trouvent dans la tête et dans les c******* de mes joueurs », semblent aujourd’hui finalement bien has been, malgré tout le talent de meneurs d’hommes qu’ils ont pu montrer lors de la dernière décennie…

Bienvenue dans la NBA 2.0 !!

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