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Les playoffs 2014: une histoire de générations

Les playoffs 2014 marquent sans doute un tournant dans l’histoire de la ligue. Car si la saison régulière avait déjà permis aux anciens (Tim Duncan, Dirk Nowitzki) de montrer qu’ils n’ont rien perdu de leur superbe, elle avait aussi laissé présager de l’émergence de quelques stars de demain: Damian Lillard confirmant son immense potentiel, John Wall enfin digne du joueur que l’on annonçait à ses débuts dans la ligue, DeMar DeRozan continuant sa belle progression pour devenir All-Star…

Mais les belles saisons régulières ne sont rien face aux joutes d’avril, et une post-saison intéressante peut vite transformer un bon joueur en une star, un potentiel en une confirmation. Stephen Curry, si prometteur durant ses premières années dans la ligue mais incapable d’aller disputer les playoffs, a ainsi pris une nouvelle dimension après son incroyable passage de l’an dernier, notamment lors de la série disputée sur une jambe contre les Spurs.

La post-season 2014 a ainsi rassemblé un grand nombre d’éléments susceptibles d’en faire un moment d’histoire de la NBA. Trois générations, symbolisées de façon brutale par trois draft, s’y retrouvent ainsi. La première étire encore une domination qui a duré près d’une décennie, en fait jusqu’au premier titre du Heat en 2012. La seconde arrive à maturité et éclabousse la ligue d’un talent presque surhumain. La dernière nous offre un niveau de jeu et de sang-froid proprement hallucinant avec une expérience si faible.

Partie 1: La draft 1998 et la génération fin 90’s, une résistance sans fin

Tous les ans depuis la fin de la dernière décennie, on se demande comment la génération de la draft 1998 (Paul Pierce, Dirk Nowitzki, Vince Carter) va faire pour résister à l’action combinée du temps et de nouveaux arrivés toujours plus phénoménaux physiquement. On peut aussi évidemment ajouter les Kevin Garnett (draft 1995), Tim Duncan (draft 1996) ou Manu Ginobili (draft 1999). Et tous les ans, le constat est simple: par une adaptation de leur jeu, une intelligence dans le game supérieure, mélange savant de Q.I basket et d’expérience, plusieurs stars d’hier restent des stars d’aujourd’hui. S’ils ont eu la chance (l’hygiène de vie?) nécessaire pour prolonger leur carrière aussi longtemps, ils ont avant tout fait preuve d’un professionnalisme énorme, d’une remise en cause permanente, d’un mental d’acier pour continuer à travailler sur leur jeu malgré les années. C’est à ce prix, que contrairement à d’autres (Tracy McGrady, Steve Francis, Allen Iverson)  ces joueurs ont su se maintenir au sommet de leur sport.

Ainsi, Dirk Nowitzki n’est plus l’homme capable d’aller chercher 24 lancers francs (et évidemment de tous les rentrer) un soir 2011 face à Oklahoma City. Mais le grand blond des Mavs a accepté avec beaucoup d’humilité de donner les responsabilités nécessaires à Monta Ellis, de façon à ce que celui-ci puisse parvenir à s’épanouir dans une équipe de Dallas trop limitée pour survivre sans jeu collectif. Ne négligeons bien sûr pas l’excellent coaching de Rick Carlisle, qui a su intégrer le transfuge de Milwaukee, mais Dirk a su accepter les consignes, et le Wunderkind n’a pas hésité à jouer très souvent les mains à mains ou les écrans nécessaires pour envoyer Ellis au cercle. Enfin, le départ de Jason Terry et la chute immense du niveau de ce dernier depuis semblent également montrer que l’allemand est devenu au fil des ans un vrai joueur de collectif, capable de mettre ses partenaires dans les meilleurs dispositions en se pliant au consigne de Carlisle et en se montrant extrêmement solidaire sur le terrain.

Il n’est pas besoin d’aller chercher bien loin pour trouver un second représentant de cette génération qui a su s’adapter aux ravages de l’âge pour rester au niveau. Il n’était pourtant pas évident qu’un joueur avec le physique de Vince Carter serait capable de se rendre aussi utile à 37 ans. Pendant les playoffs, le barbu a montré qu’il savait encore jouer, avec notamment 28 points dans le Game 5 face à San Antonio. Plus vraiment d’envolée partant de la ligne des lancers-francs bien sûr, mais un mental qui a su se bonifier avec l’âge, fruit d’un travail assidu dont l’aboutissement est symbolisé par ce game-winner divin du game 3. Un moment sans doute extrêmement précieux pour un joueur souvent raillé du fait d’un manque de clutchitude, et qui pourrait encourager Vinsanity à ne pas prendre tout de suite sa retraite.

Dans le camp d’en face durant cette série, deux autres phénomènes du jurassique étaient également là pour enquiller les paniers. Manu Ginobili, ce joueur racé que l’on avait perdu après des playoffs 2013 ratés (moins de 40% d’adresse, 11.5 points au shoot), est redevenu ce magicien capable de détruire son adversaire en quelques minutes de mille façons. Il a fait le coup aux Mavs sur plusieurs séquences (17.7 points à 45% de moyenne sur la série), offrant aux Spurs une option offensive de poids supplémentaire, peut-être la pièce manquante pour rendre l’équipe injouable. L’argentin offre un niveau d’émotion surdimensionné à notre sport. D’ici la fin des playoffs, on l’aura détesté encore plusieurs fois (que l’on soit pour les Spurs ou non), et l’aura admiré plus d’une fois pour sa classe folle et son génie pure. Ginobili est peut-être le joueur qui a le plus le basket dans le sang. Dans les bons moments, il laisse l’impression déroutante d’être en symbiose avec les dieux de la balle orange. Ses tirs les plus forcés paraissent alors naturels, ses shoots à 8 mètres ne révoltent plus. A priori, on aura le plaisir de revoir Manu l’an prochain. Ce ne sera pas pour nous déplaire. Et en attendant, une bague de plus constituerait le symbole d’un renouveau inespéré.

L’autre phénomène est aussi le seul homme pour qui les Spurs aient jamais tanké (officieusement of course), Tim Duncan. La légende. Inusable, capable de rajouter des cordes à son arc passé 35 ans comme ce tir à 5 mètres rajouté depuis les années 2010, TD a combiné 17 points à 58% (!!) et 8 rebonds sur les 7 premiers match des Spurs en playoffs. L’improbable fusion entre le zen absolu et la rage de vaincre la plus féroce de la ligue a accouché d’un joueur qui se bat désormais face à l’histoire. Celui que beaucoup présentent comme le meilleur ailier-fort jamais connu par la NBA va néanmoins passer un véritable test lors du prochain tour. Le natif des îles Vierges va devoir se frotter à l’une des étoiles montantes de la ligue: LaMarcus Aldridge. Cet affrontement pourrait avoir une influence décisive sur la fin de carrière de Duncan. Si l’ancien nageur est dominé par LMA, il pourrait considérer qu’il a accompli l’année de trop, lui qui se disait prêt à partir en cas de titre des Spurs l’an dernier. A moins que son mental de compétiteur acharné le pousse à revenir pour un an, histoire de dominer sans retenue les adversaires un à un avant de goûter à une retraite méritée. On peut par ailleurs supposer que les déclarations de l’an dernier sont toujours valables et que si les Spurs vont au bout cette année, Duncan clôturera l’une des plus belles pages de l’histoire de la ligue avec 5 bagues au doigt.

Côté Est, deux autres personnes âgées sont également là pour nous rappeler le bon souvenir. Il s’agit des deux anciens Celtics évoluant désormais aux Nets: Kevin Garnett et Paul Pierce. De tous les joueurs cités aussi, Garnett est sans doute celui dont l’impact est le plus délicat à mesurer. Si le vétéran (37 ans) a produit des stats correctes lors du dernier match (12 points, 11 rebonds), son rendement sur l’ensemble de la série ne fait pas rêver (8 points, 5 rebonds). Sa présence n’est plus aussi décisive en défense. En revanche, le Big Ticket possède toujours une rage de vaincre et une exubérance qui font de lui un phénomène à part dans la ligue. Son côté guerrier ressort dès qu’un match devient un peu serré (« Bar fight! ») et il peut électrisé une salle et ses coéquipiers en quelques secondes. En ce sens, toute l’importance de Garnett aujourd’hui se situe lors des matchs à enjeu de la post-season, car c’est là qu’il sera capable d’offrir à son équipe le supplément d’âme qui comblera le faible fossé séparant défaite et victoire au cours d’un match serré. Néanmoins, Garnett ne serait peut-être pas titulaire au poste 4 dans la majorité des équipes de la ligue. Sans doute l’une des stars d’hier qui a eu le plus de mal à faire évoluer son jeu, notamment comparé à Dirk Nowitzki et Tim Duncan.

Enfin, Paul Pierce. On a beaucoup vu The Truth lors de la série face à Toronto. Pierce a incarné durant plus d’une décennie l’âme des Celtics. S’il a quitté la franchise de Danny Ainge, c’est pour gagner un titre, rien d’autre. Et cet état de fait apparaît clairement lorsque l’on scrute les prestations du numéro 34 en playoffs: 13 points de moyenne à un très bon 46%, quelques séquences à l’expérience qui ramènent son équipe dans le match ou lui font prendre une avance décisive… Pierce fait le nécessaire, sans superflu et avec une redoutable efficacité, efficacité forcément favorisée par la qualité générale du reste de l’équipe qui lui permet de ne pas forcer. Au fil du temps, l’ailier a fait évoluer son jeu en limitant les pénétrations coûteuses et en comprenant de mieux en mieux le jeu: quand prendre les choses en main, quand laisser le jeu venir à lui. Pierce a également défendu avec beaucoup d’intensité lors de la série face aux Raptors, à l’image de sa présence sur la dernière action du game 7 et la pénétration de Kyle Lowry. Visiblement, le joueur drafté en 1998 est prêt à aller chercher le Heat. Il faudra commencer par limiter LeBron James, tâche qui pourrait en partie lui incomber car Pierce est l’un des rares ailiers possédant une puissance suffisante pour ralentir le King. Paul Pierce va ainsi avoir l’occasion d’écrire une page majuscule à son histoire, à 36 ans.

 

La suite dans la semaine avec la draft 2003 (James, Wade, Bosh) et sa génération (dont la draft 2005 (Paul, Williams, Lee…)) qui pose progressivement son empreinte sur la NBA pour y régner sans partage.

 

 

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