Vincent Collet évoque le réservoir de pivots de l’équipe de France
Vincent Collet, l’entraîneur des bleus, a fait récemment un voyage aux Etats-Unis et il s’est longuement confié au site de la LNB sur l’Eurobasket 2015. Voici quelques extraits de l’interview sur les pivots de l’équipe de France,
Dans L’Équipe, vous disiez avoir pu aussi voir l’énorme match de Rudy Gobert avec les Jazz (19 pts et 24 rebonds !). Êtes-vous étonné par sa progression ?
Pour Rudy, j’ai vu de très larges extraits, qui tournaient en boucle à la télé, de ce match que le Jazz a gagné grâce à son énorme production. Oui, je suis impressionné par ce qu’il réalise, sur certains aspects de son jeu qu’il a su développer. Alors, étonné, oui et non, parce que l’an passé, j’avais pu découvrir quelqu’un qui était demandeur, toujours à la recherche d’informations. On sent bien qu’il brûle d’envie de progresser. Après, entre l’envie et les progrès réels, il peut se passer du temps. Et là, sur ce match, comme sur ses performances depuis le All Star Game, on sent qu’il avance. Bon, il a pris plus de 20 rebonds. Les points qu’il met, c’est beaucoup sur ses deuxièmes chances, car je crois qu’il a pris une dizaine de rebonds offensifs. Il y a eu des courses aussi. À un moment, il a contré d’un côté du terrain et est venu finir la contre-attaque de l’autre côté. Ce sont des actions qu’on lui connaît : vitesse de course, jump, envergure, c’est presque dans la normalité pour lui… En revanche, je l’ai vu faire deux passes superbes en back-door et ça, je ne suis pas certain qu’il savait les faire il y a encore quelques mois.
Même si le passé récent pousse à croiser les doigts, pour la première fois de son histoire, entre les progrès de Gobert, un Ajinça efficace avec New Orleans, éventuellement Joakim Noah et d’autres encore (Joffrey Lauvergne, Ian Mahinmi, AliTraoré…), les Bleus peuvent présenter un profil dominant dans la raquette…
(Il coupe avant la fin de la question) Là, je t’arrête tout de suite ! Il y a deux ans, c’était la même chose et, au bout, aucun des pivots listés n’est venu, hormis Ajinça. Donc, c’est difficile d’en parler au mois de mars, c’est tout à fait prématuré. Après, ce serait vraiment un coup dur d’en voir un ou plusieurs se blesser, mais tant que la saison n’est pas terminée, difficile de savoir ce qui peut se passer. Il y a deux ans, j’avais listé huit intérieurs potentiels et, au final, n’est resté qu’Alexis, qu’on a associé avec Lauvergne et Petro qui n’étaient pas vraiment pressentis. Entre temps, on avait perdu Noah, Turiaf, Ali (Traoré), Séraphin, Mahinmi, euh… Tous !
Bien sûr, mais pour faire appel à l’historien du basket que vous êtes, c’est aussi sans doute la première fois que les Bleus peuvent potentiellement apparaître dominants au pivot…
Oui et non. Parce qu’il y a deux ans, on aurait pu espérer la même chose ou presque. Le vrai changement au pivot, c’est 2011. Là, il y avait Joakim Noah et son impact avait été important. En plus, à l’Euro 2011, Ali (Traoré) avait effectué une compétition assez remarquable, tout comme (Kevin) Séraphin. Là, c’était la première fois qu’on obtenait un rendement, en attaque comme en défense, impactant sur le poste 5. L’été d’après, Joakim n’est pas venu, Ali a été blessé et est venu sur une jambe après une rééducation express, et Kevin n’avait pas eu non plus le même impact. À nouveau, nous étions moins dominants. En 2013, on a fait du bricolage dans un premier temps. Puis nous avons eu de bonnes surprises. Avec Ajinça d’abord. Mais aussi la révélation de Lauvergne. Et même Petro avait apporté son écot. Donc, à nouveau, si on a été sacré Champions d’Europe, nous ne le devions pas seulement à nos extérieurs. À ce niveau, on sait très bien qu’on ne peut pas y arriver sans un secteur intérieur performant. Mais attention ! Même dans tous les moments dont je viens de parler, la première arme de l’équipe de France en post-up, c’est Boris Diaw. Ça n’a jamais changé, même en 2011 avec Joakim Noah dans l’effectif. Noah, il nous a apporté par tout le reste, son activité, sa réactivité, sa défense, la domination au rebond, mais quand on voulait créer du jeu dos au panier, la première option, ça a toujours été Boris. L’an passé, Joffrey a aussi commencé à faire un peu de post-up. Pour finir, Rudy, malgré ses progrès, ce n’est pas dans ce domaine qu’il est le plus performant. Mais ce que l’on voit, c’est qu’on possède quand même maintenant un certain nombre de joueurs qui ont des qualités à faire valoir. Rudy, en termes de cocktail taille, envergure, vitesse, mobilité, même en NBA, ils n’en ont pas des wagons ! Il fait 2,15 m, il bouge, il a une vitesse de déplacement hallucinante et 2,37 m d’envergure. Et plus important encore : il a envie de les prendre, les rebonds. Parce que parfois, tu as des grands un peu mous du genou. Ce qui est intéressant, c’est qu’il progresse vraiment dans ce qui était ses points faibles. La compréhension du jeu, les passes… Et ça, c’est énorme, parce que dans le basket européen, tu as besoin de savoir te placer, être juste dans le jeu, etc. Parce que sinon, ton attaque peut vite être étouffée. Mais c’est pareil pour Noah. Lui comme Rudy ne sont pas des shooteurs. Leur « range » (distance de tir) est quand même limité. Dans le jeu européen, plus dense, ça pose des problèmes qu’il faut résoudre. Et la seule manière de contourner ça, quand tu manques de tirs ou de moves offensifs, c’est l’utilisation de l’espace et de la mobilité. Et là-dessus, ils progressent.
Dans le même ordre d’idée, voir Alexis Ajinça efficace même sur de courtes séquences et concentré sur ses points forts, près du panier, plutôt que flottant au large…
(Il coupe) Oui mais ça, cela fait un moment qu’Alexis l’a compris. Depuis qu’il est revenu en NBA, il le fait très bien. À l’inverse, nous, dans le contexte européen, on n’est pas contre le fait qu’il utilise un peu plus sa capacité à s’écarter.
Une composition avec deux n°5, deux 4 et un intérieur polyvalent est-elle immuable ou pourriez-vous partir avec trois pivots ?
Non, pas du tout. De toute façon, il te faut trois joueurs qui puissent jouer au pivot. À ce niveau-là, tu ne peux faire autrement. Tous les autres postes sont plus malléables. Par exemple, plusieurs fois, Gélabale a rendu des servies au poste 4. Ou Boris en 3. Souvenez-vous qu’on a battu l’Espagne avec Boris en 5 et Flo Piétrus en n°4 pendant tout le dernier quart-temps. Les gens ont peut-être oublié. On a beaucoup parlé, en 2013, des jeunes qui se révélaient, etc., mais quand il a fallu faire la guerre, on est revenu aux grognards ! À ce niveau, il y a souvent des problèmes de fautes – et que les fautes, il faut les donner sinon tu es puni très vite. À un moment, quand il faut arrêter l’adversaire, tu ne peux pas y couper. Tu peux bricoler sur les autres postes, mais là… quand tu as des montagnes en face, il faut pouvoir s’opposer. Mais c’est aussi le cas de Joffrey. Lui, c’est le prototype du 4/5 avec, en plus, cette possibilité qu’il offre d’écarter les défenses, de temps en temps, en pouvant te mettre un panier à trois-points. Ce n’est pas négligeable car nous avons la chance d’avoir des joueurs de percussion qui peuvent aller chercher des paniers dessous. Alors, si tu as un n°5 qui peut aérer un peu tout ça en obligeant un baobab à aller voir au large, c’est un plus ! Ensuite, il y a aussi les oppositions. Tous tes adversaires ne sont pas formatés pareil. Contre ceux qui ont des pivots lourds et grands, il faut pouvoir s’opposer, mais d’autres ont des joueurs qui peuvent mieux s’écarter et là, avoir un 5 plus mobile, c’est intéressant. L’an passé, quand on a joué l’Iran, sans pivot classique, nous étions bien contents d’avoir des grands capables d’aller chercher les joueurs au large.
Dernière question – incontournable – à propos des pivots : Patrick Beesley, le DTN, est allé voir Joakim Noah à Chicago. Au-delà du discours officiel, a-t-il eu un ressenti par rapport à son éventuelle participation ?
Je ne sais pas, il faut le demander à Patrick…
Vous ne lui avez pas posé la question ?
J’attends sereinement sa réponse. Moi, j’ai simplement demandé à Patrick de pouvoir savoir, en temps et en heure, s’il venait ou pas. Je ne veux pas à avoir à m’occuper de ça indéfiniment. Alors oui, il faut que ça soit clair début avril pour qu’on puisse constituer la sélection. Mais bon, je suis serein par rapport à ça. Comme je l’ai déjà dit, nous ne sommes plus en 2011. Nous avons un réservoir de joueurs plus important, et qui nous permet de construire une équipe compétitive, avec ou sans Joakim. Il y a 4 ans, franchement, si Joakim n’était pas venu, nous aurions eu beaucoup de mal à aller chercher cette médaille d’Argent. Autant là, nous avons des arguments tout autres !
L’intégralité de l’interview est à lire sur le site de la LNB