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Qui est Jerome Robinson, l’invité surprise de la Draft 2018 ?

Au sein de cette classe de Draft 2018, la cuvée la plus talentueuse et profonde de ces dernières années, un nom pourtant peu connu est venu voler la vedette et attirer à lui quelques projecteurs de par sa sélection surprise : Jerome Robinson. L’arrière de Boston College est monté très vite, très tard, et et très haut dans les mocks draft pour au final atterrir dans une loterie où déjà tant de prospects étaient attendus cette année.  

Au début du processus de Draft, dès la fin de la saison universitaire, Robinson était un inconnu du grand public, seulement présent dans quelques mocks Draft d’observateurs avisés et très loin sur les Big Boards des équipes NBA. C’est à peine une ou deux semaines avant la grande cérémonie que Jonathan Givony, grand gourou de DraftExpress, le place dans le top 15 de ses prévisions alors que son nom n’avait jamais été évoqué autre part qu’en milieu de second tour avant cela. Et pourtant, le soir du 21 Juin, Robinson est appelé en 13e position par les Clippers.  

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Qui est Jerome Robinson ?

Robinson n’est cependant pas la folie spéculative d’une seule franchise (les Clippers) ou d’un seul homme (Jerry West) bien que tous les éléments semblent pointer sur ça. Certes, sa montée dans les mocks draft coïncide avec ses excellents workouts pour la franchise Californienne, et depuis le début de sa courte montée en flèche, c’est bel et bien en 13e choix (celui des Clippers) que Robinson était prédit. Mais les sources se recoupent également sur le fait que Denver en 14e position, et d’autres équipes après cela, auraient été ravies de jeter leur dévolu sur l’arrière de Boston College si les Clippers ne l’avaient pas sélectionné à la 13e place. Autrement dit : ce n’est pas juste une équipe qui a fait flamber sa valeur et qui l’a surpayé, Robinson semblait vraiment avoir acquis une très grande valeur sur le marché au point même que les Clippers ne pouvaient pas se permettre de descendre dans la draft, récupérer des assets supplémentaires via un « trade down » et quand même avoir leur homme quelques positions plus bas. Sur le marché, la valeur de Robinson était vraiment un 13e choix, semble-t-il. 

Mais alors, qu’est-ce qui explique cette explosion vertigineuse de sa côte en si peu de temps ? Comment un joueur peut-il voir sa valeur augmenter si rapidement sans jouer le moindre match dans un marché pourtant ultra compétitif, des plus scrutés et disséqués qui existent ? Est-ce possible que les innombrables yeux d’observateurs analysant toute l’année le championnat universitaire de très près pour y découvrir les meilleurs jeunes talents de demain soient tout simplement « passés à côté » de Robinson ? Est-ce vraiment possible que ce soit juste une question d’information qui ait échappé à l’œil attentif de tout le monde ? Selon toute vraisemblance, c’est exactement ce qui s’est passé.  

Plusieurs facteurs expliquent toutefois cela. En premier lieu, Robinson manque des deux qualités principales les plus recherchées chez les prospects. Les deux caractéristiques les plus valorisées par les scouts, et par conséquent les plus valorisantes pour les joueurs : la jeunesse, et le physique.  

Jerome Robinson a déjà 21 ans, un âge avancé pour un prospects NBA. Depuis quelques années maintenant, la grande ligue a largement affiné ses critères de recherche et de valorisation des jeunes prospects autour du même axiome : plus un joueur est bon à un jeune âge, plus il a une grande marge de progression. Et par conséquent, plus un prospect arrive vieux en NBA, plus sa marge de progression est (a priori) faible. 

Or, ce n’est pas seulement que Robinson a 21 ans, ce qui est à peine un an de plus que la plupart des freshmen. C’est aussi et surtout le fait que Robinson est un junior, dans sa troisième année universitaire. C’est-à-dire que le garçon est observé depuis au moins quatre ou cinq années, si on rajoute les dernières année High School souvent suivies de près par la NBA. S’il y avait eu quelque chose à voir de suffisamment intéressant, on l’aurait déjà vu, c’est un peu l’idée. 

L’autre aspect qui a participé à l’oubli Jerome Robinson, c’est son manque de qualités physiques et athlétiques de très haut calibre. Robinson est un bon athlète cela étant dit, assez rapide et très agile pour sa taille, mais il ne possède pas l’explosivité d’élite qui facilite la vie dans tout ce qui est création offensive (dépasser le défenseur, se rapprocher du cercle, finir au niveau du panier, créer une séparation avec le défenseur). Et surtout, ses mensurations athlétiques sont assez banales pour son poste de deuxième arrière. Pas petites, mais communes. A 6’5 de taille, et 6’7 d’envergure, Robinson est dans la norme, et même dans la partie inférieure de la norme (pour les standards de la grande ligue), et ne possède là encore pas les outils qui facilitent la vie (capacité à shooter à volonté par-dessus le défenseur, gagner en verticalité autour du panier pour plus facilement marquer, défendre efficacement, etc). 

Aucun de ces éléments n’est rédhibitoire, cependant. Il n’est pas beaucoup trop petit, ni trop lent, ni même beaucoup trop vieux, mais le mix des trois explique en partie pourquoi l’œil des scouts n’a sans doute pas autant été accroché que pour d’autres joueurs avant le mois de mai.  

D’ailleurs, Robinson n’était pas du tout parti pour s’inscrire à la Draft dès cette année et prévoyait de retourner finir son cursus universitaire à Boston College pour sa saison senior. Le garçon s’est présenté au combine et aux différents workouts pour prendre un peu la température, et il s’est avéré que son dossier n’a pas refroidi du tous les décideurs NBA, loin de là. Comme l’a dit Jonathan Givony, les franchises de la grande ligue, épatées par ce qu’elles voyaient en workout, ainsi que les observateurs extérieurs, se sont a posteriori ré-intéressés à la saison et aux matchs de Robinson et se sont aperçus de la qualité de son jeu ainsi que la facile transposition de son jeu chez les pros. « On s’est rendu compte que personne n’avait réussi à autant produire dans l’ACC (la conférence universitaire de Boston College, une des trois plus revelées de NCAA) et à réaliser d’aussi belles choses depuis Antawn Jamison », dixit Givony.  

Produire des statistiques au niveau universitaire est une chose, mais bien souvent les stars NCAA (a fortiori les « vieux » joueurs) n’arrivent pas forcément à transposer ça chez les pros. Un autre élément qui n’a pas forcément aidé les observateurs à prêter plus grande attention aux prouesses du Junior de 21 ans. Pourtant, Robinson possède lui un panel de qualités très intéressantes qui pourraient lui permettre de réussir en NBA.  

Quelles sont-elles ? 

En premier lieu, c’est son jump-shot. En termes de production, de volume de tir, et de diversité de tir, Robinson est sans aucun doute un des joueurs les plus accomplis de cette cuvée 2018 (en compagnie des Trae Young et autres Kevin Huerter). Quand on sait l’importance qu’a pris cette arme-là dans la NBA actuelle, maîtriser cette facette du jeu est synonyme de grande valeur sur le marché.  

Sa mécanique de tir est tout ce qu’il y a de plus propre techniquement. Robinson compense parfaitement son « manque » de bras surhumain avec une très belle forme de tir, plaçant le ballon très haut au moment du shoot (à la Devin Booker), lui permettant ainsi de jouer “plus grand” qu’il n’est réellement en relâchant son tir très haut. Sa rapidité d’exécution et sa régularité dans le geste sont également des plus appréciables. 

Plus qu’un simple artilleur à longue distance, Robinson est en plus un vrai créateur balle en main, capable de se dégager de l’espace pour son propre tir. Coordonné, agile et assez rapide, il use de sa très bonne qualité de dribble pour se séparer du défenseur juste ce qu’il faut pour déclencher le tir. Non seulement d’être la qualité la plus recherchée (parce que la plus compliquée) et donc la plus précieuse dans le basket et en NBA, savoir se créer son tir, Robinson a dû le faire à de maintes et maintes reprises à Boston College, avec un grand succès. Robinson n’est pas le cas de figure classique du très jeune joueur qui semble montrer quelques fulgurances çà et là, fulgurances qui demandent évidement confirmation. Au contraire, Robinson a prouvé sur la durée être capable d’assumer de grandes responsabilités dans le jeu, et notamment celle de devoir créer à partir de rien lorsque le système de jeu offensif avortait.  

Plus encore, Robinson complète assez bien sa palette offensive avec de bonne qualités de slasher. Pas extraordinaires, mais tout de même très respectables, voire même plus dans les bons jours. Il n’est pas ultra explosif mais est quand même rapide et agile pour son poste, et sa qualité de dribble semble très bonne. Il n’est jamais plus à l’aise sur sur des spot-up drives, où ses capacités au shoot forcent le défenseur à se jeter, lui permettant d’attaquer ce closeout pour aller finir au cercle. Mais Robinson possède également un solide premier pas, et a démontré à l’occasion être capable de battre les intérieurs sur des switchs, et même certains arrières en un contre un, sur de la vitesse pure en dépassant le vis-à-vis au démarrage. 

Autre caractéristique appréciable en attaque : Robinson n’est pas un trou noir, ni un simple scoreur unidimensionnel. Il n’est pas encore non plus un passeur très productif, et dans sa mentalité, il a même semblé très loin d’un équilibre scoring/passe (dû en partie à son rôle également, selon toute vraisemblance). Mais là où l’oeil des scouts s’attarde un peu plus sur Robinson que sur d’autres scoreurs classiques est dans la qualité des fulgurances entre-aperçues. Au-delà des bonnes lectures du jeu ou capacité à faire la passe simple, Robinson a réussi par moment à créer de très belles manières pour autrui, sur du Pick & Roll et surtout sur pénétration. En toute petite quantité, mais quand même. Les joueurs chez qui on retrouve ce nombre limité de “flashs” n’ont en général pas cette aussi grande qualité de fulgurances.   

Défensivement, le garçon fait preuve d’une très belle combativité et d’une assez bonne mobilité pour se battre avec ses armes. Actif sur l’homme, c’est aussi et surtout son application et son intelligence de jeu loin du ballon qui sont forts appréciables (là encore, a fortiori pour un scoreur, un profil de joueur généralement peu intéressé par cet aspect-là du jeu). Il semble peu probable que Robinson apporte un jour un apport très “positif” dans la balance, mais son sérieux et sa compréhension des principes de défense collective assurent un plancher minimum pour qu’il ne soit pas un élément négatif.  

Au final, le tableau dressé de son profil de jeu est des plus intéressants et des alléchants. Robinson coche à peu près toutes les cases souhaitées dans un profil d’un joueur dans la NBA moderne : du shoot à longue distance, une capacité à créer en 1 contre 1, des capacités à faire tourner le jeu (et même à le créer un peu) avec ses passes, tout en n’étant pas perdu défensivement, un défaut qui freine la progression d’énormément de jeunes joueurs (et même les moins jeunes).  

Dans ce cas-là, pourquoi ne pas avoir retrouvé Robinson bien plus haut dans la Draft ? Sur la cuvée 2018, parmi les joueurs sélectionnés avant lui, très peu ont prouvé arriver à produire et à créer aussi bien et autant, à maîtriser l’inévitable tir à trois points, où même à comprendre le jeu en attaque comme en défense.  

Est-ce possible que son âge et ses limitations physiques à elles seules soient responsables de ce plafond de verre ? Possible, mais peu probable que ces seuls facteurs soient uniquement ceux qui équilibrent la balance jusqu’à la 13e position de la Draft. Robinson n’a que 21 ans, pas beaucoup plus vieux qu’un bon nombre de “gros prospects” drafté haut ces dernières années. Quant à ses limitations physiques, elles ne sont pas si écrasantes que ça. Robinson manque certes de taille et de longueur de bras, mais pas de manière dramatique, et c’est tout de même un très bon athlète, loin du cas classique du joueur beaucoup trop petit ou beaucoup trop pataud, en manque flagrant d’un semblant de vitesse ou d’explosivité.  

Il faut dire que chaque qualité affichée par Robinson possède son lot de doutes pour le niveau supérieur. Autant dire que, bien que Robinson soit un des meilleurs joueurs intrinsèquement de cette classe de Draft, il est loin d’être celui qui a le plus de chances d’être encore le meilleur joueur dans cinq ans, dans une ligue d’un tout autre niveau.  

En effet, ses capacités à créer de manière individuelle, qualitativement et même quantitativement, sont très appréciables, mais face à des défenseurs de haut calibre et/ou des athlètes de l’acabit de la NBA, Robinson a logiquement eu plus de mal. Là-dessus son manque de taille et de mensurations s’est fait ressentir. Lorsqu’en face de lui se tenait un très grand défenseur, avec des longs bras, et donc plus difficile à contourner ou à perdre sur une série de moves balle en main, il n’arrivait pas si bien que ça à faire ce qu’il fait de mieux : se créer assez d’espace pour le tir. D’autant que, face à ce genre d’opposition, son point de relâchement du tir est apparu plus bas et plus atteignable pour les bras du défenseur cherchant à le contrer. Il en va de même lorsqu’il attaquait son défenseur sur pénétration d’ailleurs : son premier pas n’était pas suffisamment rapide, ou ses jambes pas si grandes que ça ne couvraient pas assez de terrain pour contourner le défenseur. Le débat reste ouvert par exemple sur sa capacité à battre les intérieurs après des switchs défensifs par exemple (sans parler des vis-à-vis taillés pour le contenir), les mêmes Big Men qu’il parvenait à mettre dans le vent sur une action parvenaient celle d’après à rester bien en face de lui pour le priver d’accéder au cercle.  

La question de sa création individuelle en NBA se pose donc. Bien que ce soit la qualité la plus recherchée chez un joueur, et qu’il a montré être capable de le faire régulièrement, il existe une probabilité pas négligeable du tout qu’il n’arrive pas à créer aussi bien (ou même tout court) en NBA. Or, que reste-il de Jerome Robinson si ses qualités de un contre un ne se retranscrivent pas au niveau supérieur ? Des choses intéressantes, bien sûr, mais un simple shooteur extérieur de catch & shoot n’a évidemment pas la même valeur sur le marché. Premier doute.  

Le second est conséquent lui aussi : Robinson est-il capable de survivre défensivement en NBA ? Là encore, les doutes existent et prennent racine dans son manque de qualités physiques idéales pour la norme NBA. Robinson était un assez mauvais (voire pire, dans les mauvais jours) défenseur sur l’homme l’an passé, se faisant éliminer facilement de pleins de manières différentes : sur de la puissance pure (incapable de résister et repousser l’attaquant lorsqu’il est attaqué de front), sur de la vitesse pure (mobile et rapide, mais pas assez grand pour couvrir suffisamment de terrain en un rien de temps et rester en face de l’attaquant qui cherche à le contourner), et sur de la verticalité pure (même en bonne position, il se faisait scorer par-dessus la tête très fréquemment).  

Que reste-il de Jerome Robinson s’il n’est pas capable de tenir son vis-à-vis défensivement ? Un joueur déjà beaucoup moins intéressant, ou tout simplement beaucoup moins viable pour un poste de titulaire NBA. D’autant qu’il existe une probabilité loin d’être infime où à la fois sa défense face à des joueurs NBA et sa capacité à créer face à des joueurs NBA lui font défaut. Que reste-il alors ?  

L’évolution de Robinson sera des plus intéressantes à suivre cette saison et sur le reste de sa carrière. Si le scepticisme semble être de mise, et pas forcément à tort (sa seule défense peut le priver de devenir un jour un titulaire NBA), Robinson compile tout de même des qualités on ne peut plus intéressantes dans la NBA moderne. Spacing, création individuelle, intelligence de jeu, application défensive, les ingrédients sont loin d’être inintéressants pour un joueur peu scruté jusqu’ici mais qui possède de réelles chances de devenir un bon joueur dans un ligue adaptée à ses qualités.  

 Guillaume (@GuillaumeBInfos)

 

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