Joel Embiid explique pourquoi il ne pouvait pas regarder de matchs NBA quand il était jeune et raconte son déclic en 2009
Si Joel Embiid s’est énormément documenté sur YouTube pour progresser dans son jeu, c’est parce qu’il ne pouvait pas regarder la NBA. Non pas parce que sa famille était trop pauvre pour se le permettre, mais parce que sa mère avait d’autres priorités pour lui. C’est ce qu’il a expliqué dans son article publié sur le site Players’ Tribune.
« La raison pour laquelle je ne pouvais pas regarder la NBA c’est parce que ma mère était super, super strict par rapport à l’école. Elle ne rigolait pas. Je ne pouvais jamais rester éveillé pour regarder les matchs. Tous les jours c’était : je me lève, je mange, je vais à l’école de 7h à 17h, je rentre à la maison je fais une sieste, je me réveille je mange et ensuite j’étudie jusqu’à genre minuit. Je vous le dis, l’école est trop facile en Amérique. Au Cameroun, c’est dingue. L’école primaire c’est comme l’université. Je n’avais aucun ami parce que tout ce que je faisais c’est dormir et faire mes devoirs.
Je me souviens lors de la Coupe du monde 2002, c’était la génération dorée du Cameroun, j’avais 8 ans, donc je suppliais mes parents de pouvoir jouer au foot. Mais non. Donc quand j’ai grandi, je suis devenu un peu plus rebelle, et je m’échappais de la maison pour jouer. J’avais une heure après l’école avant que ma mère rentre, et le terrain de foot était juste à côté de notre maison, donc j’avais tout un stratagème. Je me dépêchais de rentrer de l’école, je déposais mon sac dans la cuisine, j’ouvrais un livre de sciences ou un truc comme ça. Des feuilles et des stylos partout. Une fois que tout était installé, je fonçais au terrain.
J’arrivais à reconnaître la voiture de ma mère au loin quand elle arrivait. Mais si j’étais de l’autre côté du terrain, trop loin, celui qui était dans les buts l’entendait et me criait : ‘Joel ! Joellllllll ! Ta mère arrive frère, cours !’. Je faisais un sprint jusqu’à la maison, je cachais mes chaussures et je m’asseyais à table, en sueur. Comme si j’étais tellement en train de réfléchir à propos de sciences que j’allais m’en évanouir. J’avais à peu près 25 secondes avant que ma mère se gare, qu’elle enlève ses chaussures et qu’elle entre pour s’assurer que j’étudiais. J’étais là, assis avec un verre de jus de fruits genre ‘bonjour maman, c’est moi, ton fils adoré’.
[…]
La première fois que j’ai regardé un match NBA, c’était les Finales 2009. Lakers vs Magic. Dwight. Pau. Odom. KOBE. Je n’avais jamais rien vu de tel. J’avais l’impression qu’ils shootaient à 100%. Tout rentrait. Leur façon de bouger, leurs qualités athlétiques, je trouvais que c’était le truc le plus cool de la terre. Je me suis dit : je veux faire ça. J’ai supplié ma mère et mon père. J’ai supplié pendant un an. Mon père me disait ‘personne ne joue au basket au Cameroun, tu peux jouer au volley’. À ce moment-là, j’avais commencé à écouter du hip-hop américain sur internet, et j’essayais de connaître les paroles pour avoir l’air cool, même si je ne parlais pas du tout anglais. Je me promenais à l’école en chantant la chanson de Lil’ Bow Wow et Ciara. Vous vous en souvenez Tout ce que je pouvais dire en anglais c’était ‘hello, good morning’ et puis ‘I ain’t never had nobody do me like you’.
C’est ce qui m’a exposé à la culture américaine. Bow Wow, Kanye et Kobe. Parfois j’allais sur le terrain à côté de chez moi où les gars faisaient des pick-ups, et à chaque shoot que je prenais je criais : ‘KOBE !’. Imaginez. Je suis là à balancer des briques en criant Kobe, sur un panier défoncé au Cameroun. Sept ans plus tard, je jouais contre Kobe. Un film, vraiment un film. » Joel Embiid via Players’ Tribune