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Young Corner: le double effet Trae Young, la promesse Hachimura, rookies et 3-pts

Bienvenue dans le Young Corner! Le coin où l’on décortique les progrès (ou non) des joueurs arrivés dans la ligue depuis moins de trois ans.

Hachimura en liberté

Une des plus grandes surprises de ce début de saison est sans doute de voir des Wizards composés de Bradley Beal, quelques vétérans, des laissés pour compte des Lakers et une poignée de jeunes détenir la deuxième meilleure attaque de la ligue. Washington ne brille même pas en adoptant le fameux régime « analytics friendly » : à rebours de la ligue, les Wizards sont la 5e équipe à prendre le plus de longs tirs à mi-distance, seulement la 17e près du cercle et la 14e à 3-pts.

Le secret de Scott Brooks ? Jouer à un rythme effréné, et laisser les joueurs prendre les tirs qui leur conviennent le mieux. Les Wizards ne vont jamais sur la ligne des lancers, ne sont pas particulièrement efficaces en transition, mais ont une réussite étonnante au tir, sans doute parce que chaque joueur se contente de faire ce qu’il sait faire. Le rookie Rui Hachimura profite à fond de ce système, quitte à se construire une shotchart qui lui vaudrait l’excommunication à Houston. 26% des tirs d’Hachimura sont des « long 2 », le tir le moins efficace du basket, mais 49% d’entre eux sont réussis, un très bon pourcentage. Son amour pour cette zone du terrain l’amène même à des choix curieux. Ici, il a largement la place pour driver vers le cercle, mais il préfère prendre un tir – manqué, au demeurant.

Dans l’attaque de Washington, Hachimura n’initie jamais les actions : il reste dans le corner, ou est utilisé comme roll man sur pick & roll ou pick & pop. Sa vitesse de tir et sa taille lui permettent aussi d’être utilisé en isolation, parfois au poste, pour punir les switchs. Lorsqu’on visualise sa palette offensive par type d’action, on s’aperçoit qu’Hachimura n’est pas efficace lorsqu’il est utilisé comme un ailier shooteur – avec ses 23.1% à 3-pts, rien d’étonnant à cela, ni comme un intérieur qui « roule » vers le cercle :

L’une des principales qualités d’Hachimura est son explosivité. Il n’est jamais aussi bon que lorsqu’il a de l’espace devant lui et qu’il peut aller martyriser le cercle. Sans être particulièrement puissant, il a le sens du timing, ce qui explique notamment ses excellentes stats sur rebond offensif. Non qu’il soit un excellent rebondeur, mais il sait trouver l’espace et le moment pour profiter de la passivité d’une défense :

Idem pour les coupes, où il sait bien lire les déplacements adverses. Les résultats de cette intelligence de déplacement peuvent être spectaculaires :

Les inquiétudes qui entouraient Hachimura lors de la draft ne se sont pas évanouies : sa défense et son tir extérieur ne montrent pas de signes d’améliorations très convaincants, mais sa vision du jeu a, elle, passé un cap. Sa polyvalence offensive, elle, est réelle, même si elle est en partie mise en avant par le système très libre de Scott Brooks. En réalité, le jeune Japonais est tombé dans l’équipe idéale pour sa saison rookie, puisqu’on le fait jouer sur ses points forts plutôt que de le mettre dans le costume d’un role player chargé de shooter ou de conclure au panier : Hachimura est autorisé à jouer au poste, à prendre des tirs peu efficaces, à chasser les rebonds. L’ensemble est un peu confus et on peut se demander si les Wizards font vraiment un travail de développement, ou laissent juste le talent naturel parler. Derrière Isaiah Thomas, Hachimura a le pire Net Rating de l’équipe (-9.2) et le pire Defensive Rating (121.2). Cela étant, cette philosophie a le mérite de le mettre à l’aise et de donner l’impression d’un rookie épanoui et spectaculaire. On jugera de l’efficacité du processus un peu plus tard.

 

Le double effet Trae Young

Atlanta a le pire bilan de la conférence Est (4-13) et une défense atroce. Les Hawks sont surtout absolument incapables de marquer lorsque Trae Young est sur le banc : leur Offensive Rating est de 93.9, une marque atroce, lorsque leur meneur se repose. L’effet de Young en attaque va au-delà de son shoot à 3-pts et de la gravité qu’il crée. Si Young n’a pas la diabolique habileté de déplacement de Curry et s’il est très loin du double MVP pour aller au cercle, il est sans aucun doute un meilleur passeur. Young manipule les défenses avec une grande dextérité et, surtout, sait que la menace qu’il représente libère énormément d’espace dans la peinture. En seulement quelques matchs, Young a rendu Jabari Parker plus efficace qu’il ne l’a jamais été, à partir de pick & rolls développés de différentes manières, mais avec toujours le même résultat : approcher le plus possible Parker du cercle.

Avec Damian Jones, Trae Young change de style, et passe à une réécriture de Lob City. Un peu à l’image de la relation Harden/Capela, la défense est prise entre deux feux : si le big man reste trop près du roll man, il ouvre la porte à un tir de Young ; mais s’il surveille trop le meneur, il ouvre l’accès à un alley-oop pour Jones. Ici, Towns choisit la seconde option, que Young lui fait payer immédiatement :

Le double effet Trae Young consiste à additionner la propre menace qu’il représente à une autre, créée entièrement par lui : Parker et Jones, deux joueurs dont les limites ne leur ont pas encore permis de trouver une place fixe dans la ligue, sont aujourd’hui respectivement 3e et 12e de la ligue au nombre de dunks.

 

Le 3-pts chez les rookies : à la recherche de la polyvalence

Il y a, pour simplifier, deux manières d’être un shooteur à 3-pts en NBA : shooter immédiatement grâce à une passe faite par un coéquipier (catch & shoot), ou créer son tir après un ou plusieurs dribbles (pull-up 3). Le premier tir est l’arme des role players ; le second celui des stars, ou des dragsters offensifs en sortie de banc à la Lou Williams. Avoir les deux (comme Stephen Curry) est encore mieux : cela permet d’être utilisé avec et sans la balle, et donc offre plus de solutions au système offensif.

Après une vingtaine de matchs, on peut déjà avoir une idée de comment se répartissent les rookies 2019-20 quand il s’agit du shoot à 3-pts. Dans le tableau ci-dessous, on trouve les 13 d’entre eux les plus prolifiques à 3-pts, avec leur nombre de tentatives en catch & shoot et pull-up, et leur réussite sur chacun de ces gestes.

Catch & shoot 3 Pull-up 3
3PA 3P% 3PA 3P%
Tyler Herro 3.5 48.1 1.8 18.5
P.J. Washington 2.8 45.1 0.2 66.7
Cameron Johnson 4.4 41.9 0.2 33.3
DeAndre Hunter 3.4 41.4 0.9 25.0
Kendrick Nunn 4.3 41.2 1.4 40.9
Nickeil Alexander-Walker 2.3 40.5 1.4 26.1
R.J. Barrett 2.4 38.5 0.6 20.0
Ja Morant 1.1 37.5 1.0 46.7
Coby White 3.6 36.9 2.6 29.8
Darius Garland 2.2 29.7 2.1 38.9
Jordan Poole 4.0 25 1.4 23.1
Jarrett Culver 2.2 21.6 1.5 34.6
Cam Reddish 2.7 15 1.1 37.5

 

Les données permettent d’esquisser une typologie :

  • Le shooteur inefficace : Jordan Poole, le rookie des Warriors, est visiblement incapable de scorer à 3-pts, même si ce n’est pas faute d’essayer.
  • Les purs catch-and-shooteurs : on retrouve dans cette catégorie des joueurs qui étaient annoncés comme tels à la draft, comme Herro, Johnson et Hunter, dont les très bons pourcentages confirment que leur geste est fiable et durable, mais qui sont pour l’instant incapables de se créer leur tir. Retrouver P.J. Washington à ce niveau est une très bonne surprise, puisque quelques doutes existaient sur son tir. Alexander-Walker, comme Herro, est avant tout habile en catch & shoot, mais tente sa chance en pull-up, ce qui peut laisser penser à un progrès futur.
  • Les shooteurs en développement, qui parient pour l’instant sur d’autres armes : R. J. Barrett et Ja Morant ne sont pas loin d’être les deux meilleurs rookies de la saison, mais aucun des deux n’était réputé pour son shoot extérieur. Cela se confirme, puisque le 3-pts ne représente respectivement que 19 et 12% de leurs tirs. Tous les deux ont d’autres talents et existent autrement au scoring. Cela dit, ces premiers chiffres sont prometteurs, notamment pour Morant. Pour un jeune joueur qui était annoncé comme médiocre à 3-pts, être à 41% à 3-pts, même sur un échantillon trop faible pour apporter des leçons définitives, est plus qu’encourageant.
  • Les particularités : Cam Reddish et Jarrett Culver sont des catch & shooteurs atroces, à cause de gestes à retravailler. En revanche, leurs pourcentages en sortie de dribble sont très corrects. Cela est dû au fait que tous les deux sont de meilleurs dribbleurs que la plupart des joueurs de la 2e catégorie, mais témoigne aussi de leur besoin d’être en mouvement pour shooter.
  • Les possiblement polyvalents : Coby White et Darius Garland shootent à 3-pts, qu’ils soient adroits ou pas, avec ou sans dribble, pertinemment ou non. Tous les deux sont les plus proches d’une vraie polyvalence à 3-pts, même si leur réussite faiblarde la rend assez théorique. Les pourcentages de Garland en catch & shoot sont vraiment faibles, mais il est déjà efficace en sortie de dribble. White, en revanche, a peut-être un peu trop le feu vert pour arroser… Le métier qui rentre !
  • La bonne surprise : Kendrick Nunn fait partie des dix seuls joueurs dans la ligue à dépasser les 40% à 3-pts en catch & shoot et en pull-up (la liste comprend Towns, Marcus Morris, Barton, Redick, Booker, Dragic, Fournier, Bojan Bodanovic et Mills). Quelle trouvaille du Heat !

 

 

 

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