Blues before Sunrise
A quoi vont ressembler les Suns l’an prochain? La question est vague et la réponse pour le moment noyée dans un flot de suppositions. Pour être parfaitement honnête, cette interrogation a déjà été soulevée lors du départ de Steve Nash, mais est plus que jamais d’actualité. Où vont les Suns? Ils n’en savent rien. Alors qu’ils avaient choisi de tout gommer pour mieux redessiner, les voici déjà contraints de raturer le timide croquis esquissé l’été dernier.
Tout d’abord, la direction des Suns a décidé de renouveler la totalité de la façade sportive : nouveau General Manager, nouveau coach, qui choisira probablement ses nouveaux assistants. L’un comme l’autre sont des débutants à ce niveau de responsabilité : Ryan McDonough, ancien membre du département sportif des Celtics où il était l’un des assistants de Danny Ainge, qui a été bombardé General Manger, n’a que 33 ans, et a surtout opéré en partenariat avec les scouts des C’s.
Le nouveau GM de Phoenix jouït pourtant d’une belle reconnaissance de la part de ses pairs : Ryan McDonough est présenté comme le GM du futur, celui qui analyse chaque aspect, sportif, financier ou statistique avant de prendre une décision. Il pourra décider d’aller superviser un joueur à l’autre bout du monde, en prenant soin de noter non seulement les aspects classiques d’un rapport de scouting, mais également les statistiques avancées, et ce sur plusieurs années. McDonough arrive avec une expérience limitée certes, mais avec des dossiers complets sur lesquels il travaille depuis longtemps, ainsi que des théories et stratégies qui n’attendent que d’être mises en pratique.
Prendre McDonough est un pari pour les Suns, mais le risque s’avère au final assez minime tandis que le gain potentiel peut devenir maximal. Les années à venir semblent être vouées à sélectionner des jeunes joueurs via la draft -10 choix à venir au cours des trois prochains années- et l’embauche d’un assistant à qui l’on doit en partie les sélections de Rajon Rondo, Al Jefferson ou Tony Allen avec des picks relativement peu élevés apporte une certitude quand à ses compétences dans le domaine. De la même manière, on peut penser que McDonough sera capable de choisir ses assistants avec le sérieux et la pertinence dont a fait preuve Danny Ainge à Boston, son mentor qui fut élu dirigeant de l’année en 2008.
A travers ce choix, Phoenix assume sa décision de prendre une nouvelle direction vis à vis du recrutement : historiquement parlant, les Suns ne se sont jamais bâtis à travers la draft, et c’est la première fois que celle-ci peut devenir partie intégrante du projet sportif. On peut également espérer de la part de McDonough une capacité à trouver de bons free agents ou bon échanges à bas coût, comme il a pu le montrer en ramenant Terrence Williams aux Celtics. Une qualité dont n’ont pas fait preuve les Suns cet été, puisque leur recrutement qui semblait pourtant pertinent s’est avéré un échec cuisant.
La première signature enregistrée par McDonough n’est pourtant pas celle d’un ex-NBAer perdu en Europe ou d’un obscur D-Leaguer, mais celle d’un ancien du Jazz, Jeff Hornacek. Bien évidemment, celui-ci ne vient pas rejoindre l’escouade des shooteurs à trois points des Suns mais les entraîner. En tant que head coach et non comme assistant, ce qui constitue une grande première pour Horny. Preuve que la franchise tient à lui donner les moyens et surtout le temps de constituer une équipe à nouveau taillée pour les sommets qui lui ont longtemps été promis, Hornacek s’est vu proposer un contrat de trois ans, qu’il a bien sûr accepté.
McDonough a lui été embauché pour les quatre prochaines années, il faudra donc compter sur les deux hommes pour redonner des couleurs à une franchise qui en manque cruellement. Au vu de la situation actuelle, inutile de préciser que l’un comme l’autre ont les mains libres, et qu’ils travailleront en partenariat de manière à prendre les meilleurs décisions quand à la reconstruction de cette équipe.
Si l’on connaît déjà plus ou moins les points forts de McDonough, ceux de Jeff Hornacek restent assez flous : du joueur, on connaît le shooteur redoutable doté d’un QI Basket hors normes, mais pour ce qui en est de l’entraîneur, aucune certitude n’émane de l’ancien coéquipier de John Stockton. A Utah, il a tout d’abord travaillé comme assistant spécialiste du shoot sous Jerry Sloan, obtenant des résultats satisfaisant au niveau de la progression des joueurs, puis est devenu assistant à plein temps sous Tyrone Corbin après le départ de son ancien coach.
On peut toutefois noter que son travail auprès des jeunes joueurs de l’Utah a été salué par le reste du staff, par les jeunes eux-même ainsi que par les journalistes qui suivent la franchise. Les embauches simultanées de l’ancien numéro 14 de Phoenix et de Ryan McDonough annoncent clairement la couleur : l’avenir de la franchise passera avant tout par la jeunesse et le développement de celle-ci. L’effectif actuel est d’ailleurs plutôt jeune, puisque seulement Luis Scola et Jermaine O’Neal (dont le contrat est désormais expiré) ont plus de trente ans.
Pourtant, cet effectif sera surement à revoir : déjà, parce que les résultats de cette saison ont été largement en-dessous des attentes qu’on pouvait avoir vis-à-vis d’un groupe aussi talentueux, mais également parce qu’il est extrêmement bancal, avec beaucoup de joueurs présentant le même profil. Par exemple, Wes Johnson, Michael Beasley et Marcus Morris évoluent tous dans le même rôle, et malheureusement pour les Suns, tous avec le même rendement.
McDonough sera donc chargé d’équilibrer cet effectif, en tenant compte d’un autre paramètre : comment Hornacek va-t-il décider de faire jouer son équipe? En effet, on se sait guère qui de Jerry Sloan ou de Tyrone Corbin a eu le plus d’influence sur le désormais coach de Phoenix. On connaît bien les préceptes du premier, défenseur d’un jeu ultra-structuré et basé sur du pick’n’roll à outrance, et on peut se dire qu’il colle assez mal à l’effectif actuel. Aucun des deux intérieurs, Gortat ou Scola, n’excelle dans ce domaine.
Le Polonais, s’il a été convaincant sous la houlette de Nash, n’a en revanche jamais fait preuve de la mobilité nécessaire pour être une réelle menace dans ce type de situation. Quand à l’Argentin, il est avant tout un joueur au poste bas, et fait preuve d’encore moins de vivacité que son compagnon dans la raquette. Dragic lui est un meneur correct sur pick’n’roll, mais uniquement pour accéder à la raquette. Il ne se sert que rarement d’un tel système pour servir ses intérieurs, et préfère profiter d’avoir pénétré dans le périmètre pour shooter ou ressortir sur ses ailiers. Si Horny décide de privilégier le pick’n’roll, il devra compter sur McDonough pour lui trouver les joueurs adéquats.
Il serait bien mal avisé de comparer les talents de coaches de Sloan et Corbin, mais force est de constater qu’il vaudrait mieux pour Phoenix qu’Hornacek ait davantage tiré partie de son expérience avec le second. Corbin, qui a été pendant longtemps assistant de Sloan, a lui davantage privilégié le jeu au poste, sans doute par nécessité quand on voit la richesse du frontcourt du Jazz et l’indigence de ses lignes arrières, mais l’équipe a quand même penché vers l’intérieur dans un jeu relativement léché qui faisait également la part belle aux shooteurs. Tout ça sans réel meneur de jeu.
Avec la raquette Scola-Gortat, Hornacek a sous ses ordres deux excellents joueurs au poste, qu’il pourra alimenter grâce au génial meneur dont il dispose, Goran Dragic. Dragic a été la seule satisfaction des Suns l’an dernier (avec dans une moindre mesure PJ Tucker et J.O’Neal) et a montré qu’il pouvait créer du jeu pour ses intérieurs comme pour ses extérieurs tout en apportant sa part au scoring et en perdant peu de ballons. Sa vision du jeu lui permet d’alterner judicieusement entre les différentes options de son équipe et il sait imprimer le tempo du match.
Le meneur slovène sera sans doute l’élément clé de la reconstruction des Suns, comme ceux-ci l’espéraient l’été dernier lorsqu’ils lui ont offert un contrat de 30 millions sur 4 ans. En revanche, Phoenix a eu la mauvaise idée d’offrir des contrats tout aussi longs à de nombreux joueurs, limitant par la même occasion leur marge de manoeuvre au niveau des transferts. On a dit plus tôt que les choix de McDonough et Hornacek annonçaient une reconstruction à travers la draft, mais parvenir à se débarasser de contrats encombrants ou de joueurs inutiles serait un grand pas pour les deux hommes sur la route du succès.
Si l’on regarde de plus près le détail de la masse salariale des Suns, on s’aperçoit que quasiment aucun de leurs joueurs n’est intéressant dans le cadre d’un trade : seul Gortat possède un contrat finissant supérieur à 5 millions, et la plupart des autres joueurs ont vu leur valeur marchande baisser du fait de cette mauvaise saison. Si l’on peut espérer de Jeff Hornacek qu’il parvienne à révéler le potentiel de quelques uns des éternels espoirs dont il aura la responsabilité, il ne faut pas s’attendre à ce que par miracle chacun de ses joueurs deviendra la star attendue lors de sa draft. Pas de mouvement spectaculaire à attendre de ce côté-là donc, même si l’intérêt des Suns pour Eric Gordon reste réel.
Il ne faut pas s’attendre à ce que McDonough et Hornacek fassent de cette équipe un candidat aux Playoffs dès l’an prochain. La reconstruction par la draft est un processus assez long, et souvent hasardeux, bien qu’on puisse compter sur le nouveau GM pour que le hasard ait la part la plus réduite possible dans le futur de la franchise. Le pick de Washington par exemple serait un premier objectif largement à leur portée, d’autant qu’il pourrait leur offrir l’opportunité de mettre le grappin sur Nerlens Noel dans le cas où ni Cleveland ni Orlando ne l’aurait drafté. Ils pourraient alors échanger le contrat finissant de Gortat contre un bon titulaire ou le garder pour avoir de la place sous le salary cap à l’été 2014. Mais nous n’en sommes pas encore là.
Toujours est-il que contrairement à d’autres équipes qui s’entêtent dans leurs erreurs et ne parviennent pas à prendre de nouvelle direction, les Suns n’ont mis qu’une saison à comprendre que la voie qu’ils avaient choisie n’était pas la bonne, et prendre les décisions qui s’imposaient en conséquence, c’est à dire l’instauration d’un nouveau staff dans le but de mettre en place une nouvelle politique. La tâche n’est certes pas aisée, mais le temps ne manquera pas. A eux maintenant d’en faire bon usage.