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Cahier des rookies: le problème D’Angelo Russell

Le petit monde des rookies est un univers à part dans une saison NBA. Toutes les deux semaines, Basket Infos vous propose d’analyser les performances, bonnes ou mauvaises, des débutants dans la grande ligue.

 

Pendant que Kobe Bryant lance sa tournée d’adieux à grands coups de démonstrations vaines (et, avouons-le, quelque peu pathétiques) qu’il peut encore prendre 30 shoots par match, un rookie souffre à LA. Les Lakers ont surpris leur monde en choisissant la star d’Ohio State en deuxième position lors de la dernière draft, plutôt que Jahlil Okafor, vers qui tout le monde les voyait se tourner. Lorsque vous avez Jordan Clarkson et Kobe Bryant, à quoi bon prendre un nouvel arrière? Incompréhension augmentée par la signature, dans les semaines suivantes, de Lou Williams. Critique injuste, répondaient les défenseurs de ce choix: Kobe n’est plus là pour longtemps, la NBA est dominée par les meneurs, les Lakers font le choix de la modernité en prenant Russell.

Le débat est loin d’être tranché, et ne pourra sans doute pas l’être avant plusieurs saisons. Pour l’instant, une chose est sûre, D’Angelo Russell n’est pas un second pick rentabilisé. Au contraire, même. Tout se passe comme si son développement était le cadet des soucis de Byron Scott, qui préfère s’occuper à faire des déclarations abracadabrantes sur Kobe et son volume de shoot. Russell joue aujourd’hui 28 minutes par match, un total tout à fait correct pour un rookie, est le cinquième scoreur de l’équipe (derrière Clarkson, Kobe, Randle et Williams) et le troisième à prendre le plus de tirs. Ses stats (10.5 pts, 4.6 rbds, 3.1 pds) sont correctes, sans être extraordinaires. Son adresse est typique d’un jeune rookie, avec 40.4% et 30.4% derrière l’arc. Rien de tout cela n’est, en soi, choquant. C’est lorsque l’on rentre dans le détail que son utilisation devient préoccupante.

Première chose: D’Angelo Russell, combo guard à la fac, joue quasi exclusivement meneur en NBA. Cela suppose qu’il puisse avoir les mains sur le jeu de son équipe, organiser les systèmes, bref, faire ce qu’un meneur est censé faire. Or, lorsqu’il est sur le terrain, Russell n’utilise que 20% des possessions offensives de son équipe, ce qui est un chiffre très bas. A titre d’exemple, Emmanuel Mudiay, l’autre meneur vedette de cette draft, utilise 27% des possessions de son équipe, dont le niveau est supérieur à celui des Lakers. Stephen Curry en est, lui à 32%. Et Jahlil Okafor, un pivot (dans le contexte un peu particulier de Philadelphie, certes), en est à 27%! La faute à qui? A Kobe, d’abord, qui mange 29.8% des possessions lorsqu’il est sur le terrain. Mais pas seulement: Lou Williams (23.5%), Jordan Clarkson (21.5%), Julius Randle (21.1%) et même Nick Young (20.2%) ont une place plus importante que ce pauvre Russell dans le système des Lakers, une aberration pour un meneur. Ce constat se retrouve dans le pourcentage de shoots pris lorsque Russell est sur le parquet: là encore, il est derrière Kobe (forcément), Clarkson, Williams et Young.

Le problème, pour les Lakers, est que Russell est bien plus efficace pour faire tourner la balle que ses partenaires croqueurs. Lorsqu’il est présent, 29.7% des passes décisives de l’équipe viennent de lui. Un chiffre bas pour un meneur (Mudiay est à 41%!), mais néanmoins supérieur aux chiffres de Kobe (27%) et Lou-Will (25.5%), et largement au-dessus de ceux de Clarkson (19.6%, en dessous de Randle!). Pour le dire autrement, Russell sait faire des passes, mais n’a pas assez le ballon pour le montrer. Pourtant, lorsqu’on lui en donne l’occasion, cela donne des actions comme celles-ci, cette nuit:

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Ces deux actions sont l’exemple même de ce que pourrait être l’attaque des Lakers si elle n’était pas constamment polluée par les initiatives en isolation des Kobe, Swaggy P et autres Lou Williams: une axe 1-4 fort, jouant sur la capacité de Russell et Randle à installer des pick & rolls, et sur la capacité de passe des deux pour écarter sur des shooteurs. Rien de bien compliqué, mais ce serait déjà une amélioration par rapport à l’horreur actuelle.

La relation entre Russell et Randle est d’ailleurs la plus accomplie que le jeune meneur ait pour l’instant réussi à installer. 21% de ses passes sont à destination de son intérieur (9.4/m), et ce dernier est celui dont il reçoit le plus le ballon (29.4%, 13.9 passes/m). Le problème de Russell est que, lorsqu’il fait la passe à quelqu’un d’autre, la balle ne revient pas: il en donne 109./m à Kobe, qui lui en donne pour sa part… 5.2. Clarkson? 8.9 et 5.7. Williams? 2.4 et 1.4. Que le meneur donne la balle plus qu’il ne la reçoit, ok. Mais que 54% des passes qu’il reçoit viennent de ses deux intérieurs (Hibbert et Randle), voilà qui est plus problématique. Pour le dire clairement, Russell n’est pas, à l’heure actuelle, intégré au jeu par ses compagnons du backcourt. Ce n’est pas que ceux-là ne l’aiment pas (il reste celui à qui Kobe donne la balle le plus souvent, le deuxième pour Clarkson), c’est juste qu’ils préfèrent jouer tous seuls que faire tourner le ballon.

On en revient, bien sûr, au coaching de Byron Scott. Son choix de bencher très régulièrement son rookie dans le quatrième quart est l’une des bizarreries difficilement explicables lorsque l’on dispose d’un second pick dans son groupe. Russell joue moins dans ces moments que Kobe, Williams, Huertas et Young. Cela pourrait se justifier si les joueurs sur le terrain faisaient le boulot: sauf que, dans ces périodes, Williams tourne à 29.4%, Kobe à 27.8%… Russell, lui, reste dans ses moyennes annuelles.

Bref, D’Angelo Russell est mal utilisé. L’impression visuelle le montre, les chiffres le confirment. Mais la responsabilité en incombe plus largement aux dirigeants des Lakers et à leur manière de construire l’effectif. Deux de leurs trois actifs les plus prometteurs pour le futur, Russell et Clarkson, jouent sur les postes arrières. Que ni Byron Scott, ni aucun des membres du front office n’aient le courage de freiner Kobe dans sa course frénétique vers la médiocrité, passe encore. Mais rajouter à l’ensemble deux autres pétards ambulants comme Williams et Young, cela dépasse l’imagination. Russell ne pouvait pas démarrer sa carrière dans un environnement plus compliqué, en concurrence avec des vétérans égoïstes et un autre jeune aux dents longues. Rien n’est encore compromis, bien sûr. Mais ce premier mois de compétition offre, de la part des Lakers, l’exemple même de ce qu’il ne faut pas faire pour mettre un rookie choisi en deuxième position à l’aise.

 

Quelques remarques sur le petit monde des rookies:

  • Jahlil Okafor a mangé Karl Towns lors de la première confrontation entre les deux intérieurs stars de la cuvée. Sorti très vite pour deux fautes, l’intérieur des Wolves n’a jamais retrouvé le rythme et a laissé l’ancien de Duke se régaler. Visiblement, cela n’a pas porté chance à ce dernier, puisque c’est juste après qu’il a commencé à faire n’importe quoi: voir ici, ici et ici.
  • Toujours en parlant de Towns: Sam Mitchell décide, depuis une semaine, de se passer presque systématiquement de ses services dans les derniers quart-temps, lui préférant Gorgui Dieng. Si l’argument de Mitchell selon lequel ce dernier serait plus à l’aise pour défendre le pick & roll fera hurler de rire quiconque a déjà vu jouer le Sénégalais, les résultats de ce choix sont inégaux: se passer de Towns contre les Clippers a été catastrophique, mais Dieng a été excellent cette nuit contre le Magic.
  • Magic, justement: la situation de Mario Hezonja devient franchement préoccupante, avec 8 minutes de jeu sur les quatre derniers matchs. Comme Scott Skiles n’est pas du genre à faire dans le social, il va falloir que le Croate prenne son mal en patience. Surtout que devant lui, Fournier et Oladipo assurent, et que Harris est bien meilleur au poste 3.
  • Dans l’indifférence générale, Nikola Jokic a aujourd’hui le deuxième meilleur PER de tous les rookies, derrière Towns. Très lent, il a en revanche une intelligence de jeu hors du commun. Très bonne pioche de Denver.
  • Rondae Hollis-Jefferson ne ressemble pas à grand-chose offensivement, mais son apport défensif est crucial pour les Nets. Si Brooklyn reprend des couleurs, c’est en partie grâce à son activité sur ce front. S’il arrive à ajouter un shoot extérieur à son arsenal, il pourrait devenir l’un des très bons 3&D de la ligue.
  • Stanley Johnson vient de nous sortir un match à 19 pts et 10 rbds, à 4/5 derrière l’arc. Après avoir fait un 0/9 en trois matchs à 3-points, il vient d’enchaîner un 7/9. L’instabilité des rookies.
  • Emmanuel Mudiay sera sûrement un très bon joueur, mais tourner à 32% d’adresse… Bof bof. Remarquez, Terry Rozier tourne à 25.6%, donc bon…
  • Lamar Patterson est le rookie que l’on n’avait pas vu arriver: près de 16 minutes de moyenne avec les Hawks!
  • La lecture de la semaine sur les rookies: Zach Lowe à propos de l’impact de Porzingis sur les Knicks et leur avenir.
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