[Interview fleuve 1/2] Rudy Gobert : « Je veux être le leader »
Le Jazz était de passage pendant 3 jours à New York, afin de jouer les Knicks et les Nets. Une opportunité rare qui nous a permis de s’entretenir longuement avec « Gobzilla » (son surnom préféré), sur son nouveau rôle, son équipe et les fans d’Utah. Sans oublier quelques insolites… A lire en deux parties, sur BasketInfos !
Rudy, tout d’abord, comment te sens-tu quelques jours après ton retour de blessure ?
Je me sens bien. Je commence à me sentir en forme, à retrouver mes jambes. Je trouve que l’équipe redevient comme avant, aussi…
Sens-tu que le Jazz avait besoin que tu reviennes ?
Oui bien sûr, surtout que Derrick (Favors) aussi était blessé. Sans nos deux plus gros défenseurs intérieurs, c’était compliqué quoi. Même offensivement, avec la manière dont on joue. Comme on bouge beaucoup la balle et qu’on utilise beaucoup les intérieurs, c’était une période difficile.
Pour toi aussi ça a été difficile à regarder ?
Oui, pour moi ça a été difficile de ne pas pouvoir aider l’équipe. Quand tu es sur le banc, que tu vois ton équipe et que tu ne peux pas aider… c’était difficile. Mais là le mieux que je pouvais faire c’était travailler dur pour revenir.
Surtout que l’équipe est juste au bord de la qualification en playoffs…
On essaie juste de gagner tous les matchs que l’on peut. C’est important d’être à la huitième place à la fin de la saison surtout. On ne pense pas forcément au classement, même si forcément, la huitième place, c’est quand même psychologique. Mais je pense qu’on est bien. C’est vrai que l’on a perdu des matchs que l’on n’aurait pas dû perdre. Sacramento, Charlotte, New York… Maintenant, il faut que l’on soit focus et que l’on prenne les matchs que l’on doit prendre. Il y a le break du All Star Game qui arrive aussi. Donc c’est important de bien finir, bien sûr. Ça va nous aider à sortir confiants et repartir sur une bonne dynamique. Je ne m’inquiète pas, franchement. Il faut surtout que l’on soit en bonne santé. (Il cogne sur le siège de son vestiaire) Je touche du bois et j’espère qu’on va faire une bonne série.
Votre force l’an dernier a aussi été de pouvoir expérimenter. Est-ce que l’objectif de qualification en playoffs pourrait bloquer de nouvelles tentatives cette année ?
En fait, cette année on n’a pas eu le choix. Vu que l’on avait des blessés, tant qu’à faire, autant faire jouer les jeunes. Par exemple, Trey Liles a beaucoup joué et du coup il a progressé. Quand il a commencé, tu vois, je n’aurais pas pensé qu’il allait progresser aussi vite. Donc c’est bon signe ! Il m’a impressionné sur les derniers matchs. Tu sais, au début de saison, je sentais qu’il avait du mal à s’adapter, donc je pensais qu’il aurait besoin vraiment de temps. Mais quand il a commencé à avoir du temps de jeu, au début, bon, il a appris, c’est normal, mais là je sens qu’il est plus confiant. Il est plus affirmé. Et on a besoin de ça ! On a besoin d’un mec qui va s’affirmer.
Tu penses que c’est une des forces de ton coach, Quin Snyder ?
Ouais, je pense. Il sait bien mettre les joueurs en confiance. Il est vraiment bon pour ça.
La blessure de Dante Exum a-t-elle aidé d’autres joueurs, comme ton compagnon de draft Trey Burke, qui avait connu des moments difficiles ?
Je ne dirai pas que cela l’a aidé, mais des fois les blessures ça peut aider à avoir plus de temps de jeu. Après, c’est surtout notre rookie, Raul Neto, qui a l’occasion de prendre de l’expérience en NBA, ce qui est positif.
Tu as d’ailleurs un challenge avec lui : le dernier à se couper la barbe… Quelle est la punition pour le perdant ?
Ah, malheureusement, je ne peux pas la dire… (impossible d’en savoir plus du côté du Brésilien non plus, donc on imagine que c’est très sale !).
En tout cas ça peut vous aider en playoffs d’avoir ces joueurs qui se développent…
Ouais, bien sûr. Quand quelqu’un se blesse, ça soude un peu le groupe. Si on est assez intelligents. On lance des jeunes et c’est positif pour eux. Ils prennent de l’expérience, de la confiance. Et quand les papas reviennent, s’ils ont l’opportunité de jouer, ils seront plus prêts que s’ils n’avaient jamais joué.
L’absence de Dante semble par contre vous rendre la tâche plus difficile pour bloquer les meneurs offensifs, comme Damian Lillard ou Kemba Walker récemment. Comment vois-tu cela depuis la raquette ?
C’est vrai que l’on a deux meneurs qui sont un peu plus petits que Dante. Et moins longs, surtout. Après, à l’Ouest on a vraiment de bons meneurs. Westbrook, peu de gens le stoppent. Curry aussi. Donc on fait de notre mieux et on essaie de ne pas tout leur donner. De ne pas leur donner à la fois le scoring et les passes vers les big men. Moi, je suis plus près du panier, mais sur des mecs comme Curry ou Lillard, je suis obligé d’être haut, sinon ces gars-là ils shootent en sortie d’écran. Kemba nous a un peu surpris. De temps en temps il est chaud et il va mettre ses trois points. D’habitude, il va plus shooter à mi-distance et aller en pénétration. Là, il a mis ses trois points.
D’autant que le système défensif du Jazz est basé sur ce qu’ont fait les Spurs avec Tim Duncan à l’époque : tout envoyer vers toi…
Ouais, c’est exactement ça. Parce que justement on ne veut pas tout leur donner, tu vois. Si tu changes, que tu es inconstant, ben un coup ils vont shooter et l’autre ils vont aller au panier. Nous, on essaie vraiment de protéger la raquette. Et s’ils mettent les shoots, ben, tant pis, ils mettent les shoots.
Ton rôle de leader grandit aussi…
Oui, je commence. J’ai senti que quand je n’étais pas là, l’équipe avait un manque. Donc il fallait que quand je revienne… (il hésite) il fallait qu’ils m’entendent. Que je communique vraiment avec mes coéquipiers. Je veux être le leader de cette équipe. J’aime bien la manière dont on évolue et le but c’est d’amener cette équipe au sommet. Ça prendra peut-être du temps. Aucune équipe n’est arrivée au sommet d’un coup. D’autant qu’on est un petit marché. Il faut que l’on gagne le respect de tout le monde. Des arbitres notamment… Ça, ça va être dur (il rit) ! De tout le monde : des autres équipes, des coéquipiers même. Le staff a fait un très bon boulot, donc c’est à nous de gravir les échelons. Chaque année, chaque saison. Et on pourra aller là où on voudrait arriver.
Tu sens donc cette responsabilité individuelle grandir ?
Bien sûr, ce n’est pas facile tous les jours. Mais en tant que compétiteur, j’ai envie d’avoir le plus d’impact possible sur mon équipe. En étant un des joueurs non seulement titulaire, mais en plus l’un de ceux sur qui tout repose, ça me permet de contrôler plus de choses.
Un joueur comme Trey Liles va venir te voir par exemple ?
Il ne va pas forcément venir de lui-même. Mais quand je lui parle je sens qu’il écoute. Et c’est bien. Parce que je suis passé par là où il en est passé. Et même si ce n’est pas forcément le même poste, j’ai appris plus qu’il a appris. Donc il m’écoute. J’espère en tout cas (il rit) !
D’autres partagent aussi ce rôle : Gordon Hayward par exemple…
Oui, c’est notre leader en points par match. Cest celui sur qui repose un peu l’attaque. Donc c’est notre leader offensif. Il est assez discret, mais ça progresse. Chaque année, je trouve qu’il est plus impliqué dans la communication. De par sa personnalité, il est plutôt renfermé sur lui-même. Mais il a fait un gros effort et cette année il est plus communicatif.
Qui est le leader charismatique alors ?
Ben c’est moi. C’est ce que le coach veut et c’est là-dessus que je travaille. Sur le terrain, c’est moi. C’est sûr. Je sens qu’ils m’écoutent. En dehors, ils disent ok, mais ça peut peut-être rentrer par une oreille et sortir de l’autre… Comme tout le monde (il sourit). Dans le vestiaire, c’est plus le coach. Après, on a des gars qui vont parler de temps en temps. Ce n’est pas tout le temps le même. Mais quand j’étais absent, j’ai senti qu’il manquait cette petite connexion entre tout le monde. Mais ça, c’est juste la communication. Le talent, on l’a. On a beaucoup de gars qui peuvent scorer, on a un bon système défensif… On partage bien le ballon et je pense qu’on comprend bien le basket. Mais il manquait cette petite méchanceté. J’ai trouvé qu’on était trop gentils.
Attention à ne pas développer un petit melon, Rudy, ce serait dommage !