[Big Interview 1/2] Kevin Seraphin : « Pas la plus difficile en fait »
Pendant presque deux heures, le pivot français des Knicks est revenu en détail avec nous sur sa saison. Un regard unique, riche en enseignements et histoires inconnues… Sélection, 1ère partie.
Est-ce que cela a été ta saison la plus difficile ?
(Il hésite). Non. Les plus difficiles, ça a été la première et la deuxième (avec les Wizards,ndlr). Je ne parlais pas anglais. Flip Saunders m’avait dit d’entrée : « tu ne parles pas anglais, donc tu ne joueras pas ». Il me l’avait dit cash. Milieu de première année, il nous sort une feuille. C’était un test. En anglais. Avec 4-5 pages. Ça demandait plein de trucs sur les systèmes et tout ça. Mon anglais n’était pas au niveau. J’ai rendu copie blanche. Après cela, il m’a clairement dit que si je n’améliorais pas mon anglais, je ne jouerais pas. Ils m’ont mis un prof, ils ont même payé pour elle, et tous les jours, après chaque entrainement, on faisait une heure. Pendant 4-5 mois. Après mon anglais est devenu vachement meilleur. Là, tu vois, je parle avec tout le monde. Ça a pris quelques mois, mais là je peux te garantir que tout le monde dans l’équipe m’apprécie. Tout le monde. Chaque fois qu’il se passe quelque chose, je suis invité. Je suis grave intégré et tout le monde me kiffe. Ce n’était pas le cas à Washington au début. Quand je suis arrivé, j’avais trois potes dans l’équipe, c’est tout. John Wall, Trevor (Booker) et Hamady (N’Diaye), tous les gars avec qui j’avais été drafté en fait, c’est tout.
Pas une bonne ambiance donc…
Non. Je ne sais pas dire cela sans les insulter mais… C’était des enfoirés ! Tout le groupe, ce n’était pas agréable. Pas du tout. En plus on perdait tous les matchs de 30, 40 points… Je me rappelle, quand Ronny (Turiaf) est arrivé, au bout de 4-5 jours il m’a dit : « Mais, c’est quoi ce bordel ? C’est quoi ce bordel ?! ». Et il s’est barré (via un trade). Et encore, c’était déjà meilleur que quand moi je suis arrivé !
Même si ce n’était pas aussi grave que les toutes premières saisons aux Wizards, ce fut quand même une mauvaise saison avec les Knicks…
Pour le temps de jeu, oui. Mais ce n’était pas une mauvaise année. Je pense même avoir progressé sur beaucoup de choses. Quoi qu’il se passe cet été, je pense que cela m’aura aidé sur plein de choses. Sur ma compréhension du jeu par exemple. J’ai vachement progressé. Il y a des choses sur lesquelles j’ai « fucked up » (déconné), mais je ne dirai pas que c’était une mauvaise année.
Sur quoi as-tu « fucked up » ?
Je ne suis pas arrivé à 100%. Mon genou a commencé à me faire des trucs… Du coup je me suis retrouvé en concurrence avec tout le monde.
Pas bien préparé donc…
Oui. Il y a eu beaucoup de choses. Mentalement aussi. C’était la première fois que j’avais la free agency. Il y avait beaucoup de choses que j’attendais et je n’ai pas eues. Ça ne s’est pas passé comme je le voulais. C’est pour ça que maintenant j’apprends. On verra ce qu’il se passe, mais ça ne va pas changer ma façon d’être et de travailler.
Sur quoi vas-tu te focaliser cet été ?
Là je vais travailler le physique. J’essaie de descendre et d’être vraiment bien. Hors-saison, c’est le meilleur moment pour travailler. C’est là où tous les joueurs NBA deviennent meilleurs.
Déjà, le problème au genou est parti…
Oui. Après que je me sois mis en forme – j’ai perdu 10 kg sur cette saison – je n’ai plus aucun problème de genou. Là, c’est mon poids idéal.
Et le travail sur ton jeu ?
Je ne vais pas devenir un shooteur à 3 points demain. C’est surtout mon cardio qui est important, par rapport à ce que je sais faire. Il faut que je sois sur le terrain et que je sois capable d’enchainer, enchainer, enchainer. C’est un truc sur lequel je veux passer beaucoup de temps. Mon shoot mi-distance, tout ça. Mon footwork, tout ça, c’est très, très bien. Il y a beaucoup de moves d’ailleurs que je fais à l’instinct. Sans les avoir jamais fait avant. Et ça va rentrer. Comme beaucoup de joueurs d’ailleurs. Tu as une base. Sinon ça rend les choses beaucoup trop compliquées. Mais souvent ça vient comme ça.
La décision de signer pour seulement un an, cela avait à voir avec le nouveau salary cap, qui va entrer en vigueur cette année ?
Moi et Rich (Paul, son agent), on s’est posés et la décision ne s’est pas seulement faite par rapport au nouveau salary cap à venir. Car ce n’est pas tout le monde qui va en bénéficier. Tout le monde n’aura pas cet argent. Mais c’est surtout qu’aux Wizards je n’ai pas eu l’occasion de jouer. Je me suis retrouvé avec deux joueurs à gros contrats devant moi, donc ce n’était pas évident que je sois sur le terrain. Beaucoup de gens ne comprennent pas cela, mais la NBA ce n’est pas seulement (il réfléchit)… De l’extérieur tu regardes et tu te dis que c’est les meilleurs sur le terrain, mais ce n’est pas forcément vrai. Je ne parle pas forcément de mon cas, mais de tous les cas. C’est pour cela qu’il y a plein de joueurs en NBA qui, quand ils partent quelque part ailleurs, explosent et tout le monde se dit : « oh mais il est fort en fait lui ! ». C’est la NBA. Avec la hiérarchie des contrats, il y a plein de choses qui font que des fois tu ne joues pas. Je pense qu’à Washington, je me suis souvent retrouvé dans cette situation-là. Où je peux rentrer mais, que je sois en forme ou pas… (il cherche un exemple) Comment tu expliques que quand je rentre contre Houston par exemple, que je marque 18 points, 5 rebonds et quelques contres, en une mi-temps. Alors, qu’avant, on perdait de 5 points et on remonte quand je suis le terrain. Et derrière je ne joue pas. (Votre serviteur lui rappelle un match contre San Antonio en janvier, auquel il avait pu assister) Les Spurs, pareil, je marque, je joue bien… et on gagne le match. Et derrière on joue Chicago le lendemain et là je ne joue pas plus que ça. Alors qu’entre-temps je n’ai rien fait de mal. C’est arrivé plusieurs fois. Ce n’était pas de mon contrôle et il faut que les gens comprennent cela. Beaucoup de gens se disent : « ah mais lui, il ne joue pas donc il est nul ». Ce n’est pas ça. Regarde Eric Bledsoe (qui a le même agent que lui). Il ne jouait pas trop aux Clippers, il faisait des trucs mais voilà. Là, il est à Phoenix, il est avec les starters et il joue à un niveau all-star. Il ne l’est pas mais il joue au niveau all-star. Ou Nikola Vucevic… Il ne jouait pas du tout à Philadelphie ! S’il était resté, ce ne serait pas le Nikola d’aujourd’hui. C’est ça que je veux dire. Alors qu’il est bon ! Ce que Nikola a fait à Orlando, les deux années d’avant il est capable de le faire. Il y en a beaucoup qui sont comme ça. On ne va pas passer notre temps à pleurer. Mais au lieu de prendre une offre de 4 ans – j’en ai eues – alors que je n’avais pas eu l’occasion de montrer ce que je peux faire, je préférais prendre un an et montrer ce que je sais faire.
Tu avais signé pour moins d’argent que l’année précédente…
(Il coupe) L’argent n’est pas ma priorité. Si je cherchais de l’argent, j’aurais pu en avoir.
Mais tu n’avais pas peur que cela influe sur ta hiérarchie dans l’équipe, comme tu le mentionnais à Washington ?
(Il hésite). Je ne crois pas. En tout cas cela ne me fait pas peur. J’ai pris un million en moins… Mais bon, l’idée c’était de prouver ma valeur et gagner du temps de jeu.
Tu as un agent influent dans la ligue…
(Il coupe à nouveau) Quand j’ai signé avec Rich, il n’avait rien prouvé. C’est après qu’il a fait signer Bledsoe, tout ça. Il avait des joueurs, mais il n’avait fait signer personne. Il avait LeBron, mais ça ne veut pas dire qu’il peut convaincre les autres équipes de signer d’autres joueurs. Surtout que tout le monde sait que c’est son ami d’enfance, donc ça peut nuire à sa crédibilité. Mais en fait, Rich est un très bon agent. Je pense que c’est le meilleur.
N’aurait-il pas pu jouer de son influence pour discuter avec les Knicks, sachant que vous ne jouiez pas du tout ?
C’est arrivé plein de fois ! Il leur a parlé plusieurs fois. Il a eu plusieurs meetings. Il est venu sur New York…
Mais ça n’a pas vraiment abouti…
Ça dépend. Une fois que c’était lancé, c’est compliqué. Si tu n’es pas dans les plans du coach, ce n’est pas évident. J’en avais parlé avec Derek aussi. J’étais allé dans son bureau plusieurs fois, de mon initiative. Décembre-janvier, je n’ai pratiquement pas joué. C’est moi qui lui ai proposé quelque chose. Je lui ai dit que je voulais aider l’équipe. A ce moment-là, j’étais encore en surpoids. J’avais perdu mais j’étais encore en surpoids. Je lui ai dit que pendant plusieurs matchs j’étais prêt à ne pas jouer. Mais que j’allais travailler, que j’allais aller deux fois par jour à la salle pour perdre mon poids en fait. Donc du coup on a eu cet accord et pendant cette période je n’ai pas joué. Mais ensuite il y a eu Lou Amundson qui s’est fait mal au dos. Donc il m’a quand même gardé actif, même s’il ne m’a pas fait jouer. L’accord à la base c’était même que je sois désactivé.
Tu lui as carrément proposé de te désactiver ?
Ouais. Pour travailler mon physique et perdre mon poids.
Pour revenir sur la signature aux Knicks, quelles ont été les autres équipes qui ont fait des offres ?
Mon agent ne veut pas que je dise lesquelles
Y avait-il des offres où plus de temps de jeu était garanti ?
Non ! Tous les plans étaient des équipes dans lesquelles j’aurais pu avoir du temps de jeu. Même New York, l’objectif était que je joue. L’éclosion de Kristaps. Robin (Lopez), aussi qui a fait une très, très belle saison… Il y a beaucoup de choses qui ont fait que… Mais le plan était que je joue en fait. Et même maintenant, je suis énormément kiffé. Phil (Jackson) par exemple, c’est quelqu’un qui ne parle pas beaucoup ou qui ne parle pas à beaucoup de joueurs. Or moi à chaque fois il va s’arrêter et il va me parler. Il y a beaucoup de joueurs qui sont impressionnés d’ailleurs. Ça n’arrive pas souvent. Même à la fin de la saison, je lui ai parlé et il croit en moi. Et s’il vient me parler, vu qu’il ne parle pas beaucoup, c’est que du coup pour moi il le pense.
La seconde partie est à suivre demain !
Propos recueillis par Antoine Bancharel, à New York
Intéressante interview, merci BI !
Merci pour Antoine qui a réalisé l\’ITW