Bubble Offense: Visualiser les palettes offensives des joueurs NBA
Jamais la NBA n’a fourni autant de stats pour comprendre en détail le jeu. Pour peu que l’on sache où chercher, tout (ou presque) est disponible sur NBA.com. Du point de vue de la présentation, néanmoins, ces stats restent pour l’essentiel visibles sous formes de tableaux, pas toujours très lisibles et où il est parfois difficile de se retrouver. Vous voudriez visualiser la palette offensive d’un joueur? Cet article (et d’autres à suivre) propose un outil qui montre, sous forme de graphique en bulles, cette palette offensive: une bubble offense, donc.
Le but de cet outil n’est pas de visualiser les zones du terrain où un joueur se situe en attaque, ni ses pourcentages par zone – pour cela, les shot charts de NBA.com suffisent largement. L’objectif est de montrer la manière dont un joueur marque un panier, c’est-à-dire les actions techniques qu’il réalise. Pour cela, à partir des chiffres fournis par Synergy à la NBA, j’ai divisé la palette offensive d’un joueur en dix, comme les dix actions principales permettant de marquer un panier:
- Spot Up: tir pris à l’arrêt (3-pts dans le corner, par exemple)
- Transition: tir pris en contre-attaque
- Putbacks: tir pris après un rebond offensif
- Pick & Roll Ball Handler: tir pris par le porteur de ball sur pick & roll
- Pick & Roll Roll Man: tir pris par le joueur qui « roule » vers le panier sur pick & roll
- Cut: tir pris après une course permettant de « couper » la défense pour se libérer du marquage (le joueur coupe sans la ballon en main)
- Isolation: tir pris en un-contre-un
- Post Up: tir pris dos au panier, dans la raquette.
- Hand Off: expliqué ici
- Off Screen: tir pris derrière un écran
A part de petites exceptions, il n’y a pas d’autres moyens de marquer en NBA. Répartir les tirs d’un joueur dans ces dix catégories permet donc d’avoir un aperçu complet de ses moves offensifs: un meneur aura souvent plus de tirs pris en tant que porteur de ball sur pick & roll, un ailier shooteur aura beaucoup d’occasions de tirer en spot up, un pivot de marquer en recevant la balle sur pick & roll ou après un rebond offensif. C’est là que les bulles entrent en jeu; dans notre visualisation, dix bulles de couleur différente représentent ces dix actions, et leur taille est proportionnelle au pourcentage de tirs que le joueur concerné prend dans chaque catégorie.
Les bulles fournissent donc un visuel de la répartition des types d’action réalisés. Pour juger de l’efficacité de ces actions, il faut situer ces bulles dans un contexte. Sur un graphique, on a donc indiqué à l’horizontale la moyenne de points marqués par possession en fonction du type de tir, un indicateur plus précis que le pourcentage de réussite. A la verticale, l’axe indique où se situe cette moyenne de pts/possession par rapport au reste de la ligue, ce qu’on appelle le percentile: si un joueur est dans le 91e percentile en post up, cela signifie que seuls 9% des joueurs font mieux que lui, un score d’élite donc.
Comment juger de la palette offensive d’un joueur sur ces graphiques? Pas compliqué: plus les bulles sont hautes et à droite du graphique, plus le joueur est efficace offensivement. Par ailleurs, si ces bulles sont placées à cet endroit et qu’elles sont, en plus, de grande taille, cela signifie que le joueur a conscience de ses qualités et réalise en majorité des actions qu’il maîtrise. Au contraire, une grosse bulle vers le bas ou vers la gauche du graphique montre un joueur qui adore un type d’actions, mais qui n’est absolument pas efficace lorsqu’il la réalise. Qui ferait mieux de se calmer, donc!
Prenons l’exemple de Kevin Durant, peut-être le joueur le plus complet de la ligue offensivement:
Le graphique montre très clairement l’attaquant d’élite qu’est Durant, à un point qui est même assez incroyable: Durant est dans le 84e percentile ou au-delà pour 8 des 10 actions offensives possibles! D’où un graphique qui, évidemment, penche vers le haut et la droite, ce qui est idéal. Les deux autres actions sont celles qui, logiquement, concernent plutôt les intérieurs: les situations de roll man ou de post up. Même là, Durant est loin d’être catastrophique. Il est très rarement utilisé comme roll man (les Warriors utilisent peu le pick & roll, par rapport à la moyenne de la ligue), et a un jeu au poste moyennement efficace. Mais, très intelligemment, Durant n’insiste pas sur cette phase de jeu, comme le montre la bulle relativement réduite – intelligence que n’a pas, pour ne prendre qu’un exemple, Dwight Howard, qui prend 28 % de ses tirs au poste et est dans le… 37e percentile.
Connaître ses faiblesses offensives est essentiel en NBA, pour ne pas polluer l’attaque de son équipe en réalisant des actions qu’on est incapables d’accomplir à un niveau d’excellence. D’où certains graphiques où n’apparaissent pas les dix bulles, puisque des joueurs conscients de leurs faiblesses évitent de se risquer en terrain glissant. Regardez donc le graphique de DeAndre Jordan:
Seulement 5 bulles, ici: Jordan ne dribble pas, ne prend pas de shoots en spot up, ne joue pas en isolation, parce qu’il ne sait pas faire, tout simplement. Il se contente donc de ce qui marche, et le fait à un niveau d’élite pour trois actions (les trois bulles en haut à droite): les coupes près du panier, les paniers en transition, et surtout les dunks lorsqu’il « roule » sur pick & roll. On remarque aussi que Jordan joue sans doute un peu trop au poste, où il n’est pas franchement génial et, plus surprenant (grosse bulle du milieu), qu’il a si peu de qualités de main qu’il est loin d’être efficace lorsqu’il tire après avoir récupéré un rebond offensif.
Troisième exemple, cette fois-ci d’un joueur qui n’est pas efficace en attaque mais ne le sait (peut-être) pas: le MVP 2011 Derrick Rose.
On le voit du premier coup: la plupart des bulles flottent au milieu du graphique, sans que leur taille soit réellement en rapport avec l’efficacité de chaque action. La grosse bulle bleue est le point le plus positif du graphique: Rose, comme la plupart des meneurs, a un jeu porté sur le tir en sortie de pick & roll, où il fait preuve d’une certaine efficacité. Le reste, en revanche, est plus inquiétant. Rose est tout juste dans la moyenne sur les phases de transition ou d’isolation, qu’il utilise pourtant beaucoup, et est surtout catastrophique en spot-up et lorsqu’il s’agit de couper. Au contraire, les trois bulles les plus en haut à droite (les actions où il est le plus efficace, donc) sont aussi les plus petites, la preuve que Rose ne connaît pas bien ses forces et ses faiblesses et insiste sur des actions qu’il ne réalise pas efficacement.
Voilà pour cette première présentation de la visualisation en bulles des palettes offensives des joueurs NBA: plus d’articles à ce sujet à venir, avec l’analyse du jeu d’attaque de plusieurs joueurs!
Excellent article, c'est clair et intéressant.
Juste 2 trucs pour pinailler :
• Quand il y a 2 bulles l'une sur l'autre, la couleur recouverte" passe mal, et quand on passe avec le curseur, on ne peut rien visualiser sur la bulle "recouverte".
• Il y a une autre façon de scorer : les lancers-francs. Ca peut mettre en valeur les qualités de certains scoreurs, genre Harden au hasard : )
Très intéressant, merci.
Merci pour les compliments et les remarques!
Effectivement, il y a un problème pour les bulles qui se chevauchent. J'ai essayé de résoudre ça, sans succès. Je vais continuer à regarder.
Très juste pour les LF. Difficile à modéliser, mais ça vaudrait tout à fait le coup d'y être. Je vais y réfléchir.
Merci beaucoup!
Les stats avancées c'est la vie !