[Interview 1/3] Tony Parker : « Est-ce que c’était une erreur ? »
Frais physiquement et performant sur le parquet, Tony Parker vit une nouvelle jeunesse à Charlotte, auprès de têtes connues comme Nicolas Batum ou l’entraîneur James Borrego, qui a passé dix ans à San Antonio. Parallèlement, son immense expérience de joueur le plus titré en activité est très sollicitée, auprès des jeunes des Hornets comme par leur leader, Kemba Walker. Basket-Infos a échangé avec le numéro 9 légendaire en pré-saison sur le sujet, avant de conclure dimanche soir, au moment où le premier tiers de la saison se boucle.
Tony, comment t’adaptes-tu à cette nouvelle équipe, après 18 ans aux Spurs ?
Ça se passe bien. Je prends beaucoup de plaisir sur le terrain. Nouvelle aventure, nouveau challenge pour moi, et pour l’instant tout se passe bien !
Forcément, cela a quand même du être difficile de quitter San Antonio…
Bien sûr que c’était dur ! Mais je veux me concentrer sur Charlotte. Cela se passe très bien, je me plais dans cette équipe. C’est un beau challenge pour moi, et voilà, j’aime bien cette idée d’essayer d’amener cette équipe en playoffs. Faire cela 18 saisons de suite, ce serait pas mal !
« J’essaie de passer moins de temps par terre ! »
Quelle est la différence principale à ton âge ?
J’essaie d’être plus intelligent, de moins passer de temps par terre ! Parce qu’après cela fait beaucoup de bobos ! Tu essaies d’être plus briscard. Et cela se passe bien ! Là, cette année, je me sens beaucoup mieux au niveau de mon corps. L’année dernière, ce n’était pas facile, parce que je suis revenu plus vite que prévu. J’ai essayé de le faire pour aider les Spurs. Je devais être « out » dix-onze mois et je suis revenu au bout de sept mois. Est-ce que c’était une erreur ? Bon, c’est comme ça. C’était mon choix et j’ai essayé de faire le plus rapidement possible. Là cette année, j’ai pris mon temps. J’ai bien travaillé cet été pour renforcer ma jambe, et là on voit la différence ! Je me sens beaucoup mieux, j’ai l’impression d’avoir une nouvelle jeunesse. Je peux attaquer dans la peinture. Ça fait du bien de retrouver son corps ! Et j’ai mis l’année dernière derrière moi. Parce que c’est comme ça, c’est les blessures. J’ai quand même eu beaucoup de chance. Enfin, beaucoup de chance, j’ai travaillé dur aussi pour ne pas être blessé toute ma carrière. Et si au moment de prendre ma retraite la seule blessure que j’aurai eu c’est celle-là, bah je signe tout de suite quoi ! Parce que l’on sait très bien que dans une carrière de sportif, les blessures ça peut être très gênant. Ça fait vingt-deux ans que je joue professionnellement, dix-huit en NBA (sans oublier les campagnes estivales avec l’équipe de France, en jeunes comme les 181 sélections en seniors…).
Tes coéquipiers parlent d’un coach avec un maillot, ton entraîneur fait une liste longue comme le bras d’influences que tu apportes par ton expérience… Comment définirais-tu le rôle qui t’est donné ici ?
On va dire que je suis un peu le grand-frère de l’équipe ! Mon rôle c’est de les guider. J’ai beaucoup d’expérience oui. Donc j’essaie de les aider un maximum pour leur montrer la voie et pour essayer d’aller en play-offs. A nous de retrouver cette énergie et de faire une bonne saison !
Nicolas Batum nous avait dit que dès les premières minutes du premier entraînement, tu as poussé une gueulante, exprès. Tu sentais un besoin de cadrer ?
On va dire que j’ai grandi avec un certain basket, par rapport à l’éducation que j’ai eu, avec les Spurs. C’est beaucoup de discipline, et c’est ce que j’essaie d’amener aux Hornets. On va essayer en tout cas ! Ce que j’ai connu à San Antonio, ça reste rare… Donc c’est leur montrer le bon exemple, au quotidien. C’est vraiment un travail de tous les jours. On a de bons jeunes talentueux avec Malik Monk, Miles Bridges… je pense qu’ils pourront réussir !
« Kemba est un peu comme Tim Duncan »
En plus des jeunes, comment cela se passe-t-il avec Kemba Walker ?
Ça se passe très très bien ! Kemba a envie de continuer à progresser. Il veut passer du niveau All-Star à amener une équipe en playoffs et à gagner une série. On partage beaucoup sur le fait de trouver le juste milieu entre attaquer, passer… être performant tous les matchs et porter son équipe. C’est pour cela qu’il me pose pas mal de questions sur mon expérience avec les Spurs. Et pour l’instant ça va. Il fait un gros début de saison. Je trouve qu’il manage bien entre quand passer et quand attaquer. On progresse de match en match. C’est dommage que l’on ait laissé passer quelques matchs en début de saison, mais c’est normal, on est une équipe avec un nouvel effectif, nouvel entraîneur… Mais on progresse et je trouve que l’on va dans la bonne direction, notamment contre les équipes que l’on doit battre.
Si tu devais pointer quelque chose en particulier chez lui, ce serait quoi, maintenant que tu le côtoies au quotidien ?
Très humble. Très humble. Absolument pas égoïste. Un peu comme Tim Duncan d’ailleurs. J’ai souvent dit que Tim est la meilleure superstar qui ait existé. Pas égoïste, il s’en fichait des stats… C’est ça qui a fait que l’on a eu autant de succès. Parce qu’on se fichait de qui faisait quoi, on voulait juste gagner ! Et Kemba a la même attitude, donc on essaie de diffuser ça au reste de l’équipe. Tout le monde va dans la même direction. Car notre équipe est vraiment jeune, on a beaucoup de jeunes, mais ils veulent jouer de la bonne manière et on est sur la bonne voie. On progresse.
Le coach, James Borrego, a passé dix ans aux Spurs, donc tu le connaissais et tu dois être assez familier avec ses concepts, mais sens-tu aussi les autres influences et sa propre philosophie ?
Je pense qu’il a sa propre identité. Bien sûr, il y a pas mal de choses qu’il a appris avec les Spurs, parce qu’il était resté dix ans avec nous. Mais en même temps il a sa patte. Je suis agréablement surpris. Il est sûr de lui, il sait ce qu’il veut, il met bien les choses en place. L’équipe a une grosse envie d’apprendre et de réussir, donc cela se passe très, très bien.
Ce qu’il te demande est-il différent de ce que tu avais l’habitude de faire, notamment à d’autres moments de ta carrière ?
Je m’habitue ! C’est un rôle que j’ai commencé l’année dernière avec les Spurs. Et là il est un peu plus conséquent, parce qu’on a vraiment une équipe de jeunes ici. Il n’y a pas beaucoup d’expérience. Donc je peux utiliser ça du mieux possible on va dire. Essayer de leur donner des conseils, trouver les bons moments pour parler. Et essayer de faire progresser cette équipe.
« Tous les joueurs de l’équipe me posent des questions sur tout »
Quels exemples peux-tu nous donner ?
Disons que ça dépend. Tous les joueurs dans l’équipe me posent des questions, me demandent des conseils. Ça peut être une expérience de fin de match, contre les grosses équipes… Ça dépend. Il y a plein de questions ! Et mes coéquipiers savent qu’ils peuvent venir me parler quand ils veulent et que j’essaierai de faire de mon mieux.
Et avec Nicolas (Batum) ?
Nico, c’est un vétéran. Il sait ce qu’il a à faire. Il a fait plus de dix ans en NBA, donc ce sont plus des ajustements qu’autre chose. Il sait ce qu’il a à faire. Il a été performant dans cette ligue. Donc maintenant c’est plutôt retrouver son meilleur niveau, où l’année dernière ils n’ont pas eu une saison facile, avec Dwight Howard.
Vous avez eu plusieurs défaites serrées. C’est à mettre sur le compte d’une équipe qui se met en place ?
Oui, c’est ça. Il y a eu des défaites serrées contre Atlanta, Chicago, Cleveland… Des matchs que l’on n’aurait pas du perdre. Cette équipe, elle a eu une fâcheuse habitude l’année dernière, où ils ont perdu entre quinze et vingt matchs de moins de cinq points. Donc c’est mon rôle aussi de bien jouer dans les quatrième quart temps, d’être clutch et prendre la balle en main, mettre tout le monde en place, être sûr que l’on ait les bonnes possessions. Et contre les grosses équipes cela se passe bien ! On a eu des grosses victoires contre Denver, Milwaukee… Maintenant, il faut trouver la régularité contre les équipes que l’on doit battre, que l’on doit laisser derrière nous.
Propos recueillis par Antoine Bancharel, à Philadelphie et New York