Roselyne 4 commissioner [partie 2]
Suite et fin de l’histoire de la nouvelle vie de Mike D’Antoni La première partie est ici: Roselyne 4 commissioner [partie 1]
Sur le papier, ce deal avait tout pour casser la baraque. Ce nouveau tandem était diabolique : la force indomptable à l’intérieur, le diamant brut à l’extérieur. Le Ying et le Yang. Riggs et Murtough : Lethal weapon ! Même avec deux paralytiques et Greg Kite on arrivait à avoir un cinq majeur prometteur. Les médias s’enflammaient, Spike L. revenait s’assoir au premier rang… Pourtant, Mike avait un pressentiment.
Aujourd’hui encore il ne comprend pas pourquoi, mais le fait est là, ce nouveau joueur il n’a jamais pu le sentir. D’abord il a un nom de bonne sœur : Carmelo. Ca fait bien longtemps qu’il va plus chez les curés Mike, sauf à aller siphonner quelques bières trappistes mais ça, c’est autre chose. D’ailleurs, en pensant à cela, il s’en ouvre une. Et Mike se remémore le premier entraînement avec sa nouvelle recrue, qu’il voit débarquer avec un stupide bandeau sur la tête et un tatouage Warner Bros sur l’épaule gauche. Cela avait été un effort surhumain pour ne pas se gondoler – réflexe normal pour un italien – quand il avait remarqué ce tatouage. Pourtant, en tant que coach professionnel, il en avait vu des cas, des asociaux complètement frappés, des décérébrés qui pensaient que la ligne des trois-points était plus haute que celle des lancers-francs, des trépanés qui ne pouvaient pas dribbler et mâcher un chewing-gum en même temps, des obsédés qui ne pensaient qu’à se taper les cheerleaders, des lobotomisés incapables d’avoir leur permis de conduire… bref tout un tas d’avatars de Javale Mc G. Mais là, c’était une sorte de sommet.
Dès lors, plus dure serait la chute. La plus grosse boulette avait été de virer Chauncey B. et de l’envoyer à LA. Certes plus très jeune, c’était un taulier formaté à la sauce Motor City. Detroit, la ville d’Iggy Pop, du MC 5, de Jack White, d’Eminem, de Sugar Ray Robinson… bref du solide, du lourd, du costaud. Chauncey B., c’était surtout le genre de type capable de rabattre le claquet des jeunes branleurs à bandeau. Le transférer, c’était filer les clefs à Melo, Vol au dessus d’un nid de coucou en plein Garden, de quoi tordre les boyaux du Lakermaniac Jack N. Il y avait bien eu une divine surprise déguisée en un gosse parfait sous tous rapports, gendre idéal raté par tous les scouts du pays. Une dizaine de match d’anthologie – en l’absence du cas Melo – et les médias new-yorkais s’enflammaient, Spike Lee rêvait même de titre et Mike de bague (sa femme ne s’était pas encore barrée). Mais comment un jeunot comme Jeremy L., frais émoulu d’Harvard, tête de geek à binocles, peut-il s’imposer face à un gangsta passé par Syracuse, institution ayant produit le notoirement psychopathe Derrick C et s’apprêtant à récidiver avec un pur génie académique dénommé, je vous le donne en mille, Mélo ? Ce qui devait arriver arriva. Mécontent de son temps de jeu et de peur que son statut soit écorné, Carmelo A. demanda la tête de Mike d’A., et l’obtint, sans coup férir, au prétexte que ce dernier avait voulu le transférer de l’autre côté de l’Hudson, contre un type qui passe ses vacances d’été à jouer avec des Turcs surchauffés dans des gymnases blindés comme des hammams.
Mike aurait dû être d’autant plus méfiant que l’un de ses vieux potes, Raymond D., l’avait mis en garde. Les deux s’étaient rencontrés lors de vacances d’été un peu chaudes au Cap d’Agde, dans le sud de la France, le pays de Raymond D. C’était les années 70, une époque de liberté comme on en fait plus à l’aube du XXIe siècle. Raymond, son truc, à part les gonzesses, c’était le foot, le soccer comme disait Mike. Quelques jours à peine avant le début des training-camps, les deux potes s’étaient retrouvés pour bavarder et boire le coup dans un bar de Soho. Raymond avait pas la grande forme, il était arrivé à Gotham en pensant faire le vide, être peinard, fuir le monde, la pression et les médias. Manque de pot, à la sortie de l’aéroport, il était tombé nez-à-nez avec Thierry H., un de ses anciens joueurs avec qui il avait eu quelques antécédents fâcheux. C’était un gros tournoi en Afrique du Sud et les gars s’étaient mis en grève – non Mike, rien à voir avec le lock-out – et avaient même refusé de descendre d’un stupide bus pour aller s’entraîner. Les images pathétiques étaient diffusées en boucle sur tous les networks des pays où on aimait le soccer – c’est-à-dire partout sauf aux USA. Mike faisait une tête de 6 pieds de long lorsque Raymond lui expliquait qu’une ministre avait même discuté de la question au Parlement, évoquant certains joueurs en des termes très durs, parlant même de « caïds immatures commandant à des gamins apeurés ».
Il est alors 13 h 35 à New Rochelle, Mike termine sa douzième bière et commence à être bien amoché. Il s’endort tranquillement dans son fauteuil, pensant à Carmelo A, Jeremy L., Amar’e S., Thierry H. , Raymond D., Franck R…. Dans son rêve, il retourne au cap d’Agde avec son pote Raymond D. et constate effaré que le dernier truc à la mode chez les bogosses est de porter le maillot des New York Knysna. Parvenu au sommeil paradoxal, Roselyn B. remplace David S. parti à la retraite après une brillante carrière de commissionner. Les nerds d’Harvard vont enfin pouvoir botter le cul des gangstas de Syracuse.
Japhy Rider