Pau Gasol: L’ultime rebond?

S’il fait l’unanimité dans le jeu FIBA depuis une dizaine d’années, Pau Gasol n’a jamais su faire taire définitivement les détracteurs dans le monde de la NBA. Sa carrière dans la grande ligue, entamée dès 2001, a connu de nombreux soubresauts. Taxé de soft durant la finale perdue en 2008, intronisé lieutenant gagnant de Kobe Bryant après les titres de 2009 et 2010, tout en ayant montré à la plupart des critiques qu’il pouvait ajouter une certaine dureté à son jeu, puis relégué au rang de simple monnaie d’un potentiel échange depuis le départ de Phil Jackson (malgré la ferme volonté de Kobe de garder l’espagnol à ses côtés), Pau Gasol aura été l’une des plus grosses victimes collatérales de l’épisode « Howard at the Lakers », tant son incapacité à évoluer près de l’ancienne star du Magic est apparue évidente.

Et celui qui fût élu rookie de l’année en 2002 pourrait bien connaître un nouveau rôle lors de la prochaine saison, ou du moins retrouver un statut dans la rotation de l’équipe phare de la cité des anges plus conforme à son (très grand) talent. Howard et Metta World Peace partis, Kobe blessé (mais avançant très très vite dans sa rééducation), Steve Nash vieux mais toujours présent, les conditions semblent réunies pour que Pau Gasol retrouve un impact digne de son potentiel réel qui, s’il est sans doute légèrement érodé du fait d’un âge certain (le frère de Marc a eu 33 ans il y a un mois), reste sans doute suffisant pour rendre les Lakers plus dangereux qu’attendus par les analystes.

Laissons-nous donc aller à tenter d’évaluer les conditions dans lesquelles évoluera l’aîné des frères Gasol la saison prochaine. Commençons pour cela par le secteur intérieur des Lakers. Howard et Jamison sont donc partis de L.A, laissant Pau Gasol seul maître de la raquette du Staples Center. Dans le roster, on trouve pour le moment pour l’accompagner deux joueurs (avant d’éventuels ajouts minimes): Chris Kaman et Ryan Kelly (bon Robert Sacre est là aussi mais je doute que son jeu impacte beaucoup les performances de Pau. Il devrait jouer à peu près autant que Ryan Kelly mais ce dernier est bien plus intéressant dans sa complémentarité avec Gasol). Reprenons donc. Pour évoluer à son meilleur niveau, Gasol l’a dit et répété, son jeu doit être axé vers la raquette. Les présences d’Andrew Bynum et Howard ces dernières années, en plus de l’habitude qu’à Kobe d’aller chercher ses points au poste, ont considérablement limité le rayon d’action de Pau Gasol dans ces deux domaines. C’est d’ailleurs lorsque Bynum a commencé à avoir un très grand nombre de ballons, réduisant de fait les possibilités de Gasol, que les stats de ce dernier ont diminué. Nul doute que, par rapport à Chris Kaman, l’ailier fort des Lakers sera favorisé par coach d’Antoni pour obtenir un maximum de ballons, et qu’il pourra retrouver son impact sur le jeu de Los Angeles. Ajoutons que Kaman est un pivot capable d’évoluer plus loin du panier que Bynum et Howard, tout deux adeptes du jeu au poste sous le panier ou directement dans la raquette. Kaman peut se montrer efficace à 4-5 mètres grâce à un shoot correct et des fondamentaux plus adaptés à ce type de jeu. Gasol aura ainsi toute la liberté nécessaire à l’optimisation de son jeu et de ses grands talents de joueur au poste. Pour ce qui est de Ryan Kelly, l’ex joueur de Duke est un ailier fort avant tout shooteur. Durant ses passages sur le terrain, on pourrait donc retrouver Pau Gasol comme seul point d’ancrage dans la raquette, ayant la possibilité de ressortir sur le très adroit Kelly et pouvant profiter un maximum des espaces laissés par une défense étirée. Les dernières saisons un peu moins prolifiques ne doivent pas faire oublier que Gasol est un attaquant exceptionnel au poste, capable de driver pour conclure avec élégance, de shooter pour amener la défense à le coller un peu plus et à le laisser illuminer le Staples Center de son premier pas impressionnant, ou de faire la passe au bon moment. Prometteur donc.

Le problème à l’intérieur se situera sans doute avant tout défensivement, d’autant que les espaces laissés par les joueurs devant (Hello Steve Nash) devraient encore être conséquents. Ceci étant, Dwight Howard n’a jamais réellement brillé de ce côté du terrain sous la tunique des Lakers (il était en tout cas loin de son niveau d’Orlando) et le secteur intérieur devrait, avec un coaching adapté (bon, ça c’est pas gagné), être capable de compenser le départ du néo-Rocket par des rotations intelligentes, et obtenir des résultats proches de ceux de la saison dernière, voire meilleurs.

Prenons un peu de recul et observons le problème Lakers dans son ensemble. C’est peut-être là que se situe la clé de la future réussite de Pau Gasol. Avec Dwight Howard planté dans la raquette, difficile pour d’Antoni d’organiser de façon astucieuse des situations amenant des pick-and-rolls entre Nash et Gasol. Pourtant, l’association vend du rêve, sur le papier en tout cas. Avec sa vision du jeu irréelle et son shoot de tueur, Nash a déjà transformé des joueurs moyens en machine à stats (Marcin Gortat, si tu nous lis…). Le potentiel d’un écran porteur rodé et bien utilisé entre Gasol et le canadien est illimité. Le shoot de Gasol pourrait aussi permettre un pick-and-pop au poste haut, et l’on pourrait imaginer Kobe attendant patiemment la balle poste bas durant l’action, Nash se décalant grâce à l’écran pour le servir, et Gasol tranquillement prêt à recevoir le ballon au poste haut pour recevoir et jouer les « point center » façon Joakim Noah auquel on aurait greffé un shoot, ou ré-enchaîner sur un pick-and-roll dévastateur avec le double MVP canadien. Et ce n’est qu’un exemple parmi des milliers d’autres. Les possibilités tactiques induites par les atouts offensifs respectifs des trois compères combinés à une raquette libérée sont infinies. Les seules limites seront celles, physiques, des organismes du nouveau Big Three californien (Nash inquiète particulièrement) et les manques de capacité de création tactique de l’italien à moustache qui siégera sur le banc.

Avec tout ça, on en viendrait presque à regretter l’avance prise par Kobe sur son calendrier. Avec un mois ou deux seuls et sans pression démesurée pour se roder, nul doute que Nash et Gasol seraient parvenus à une entente prometteuse, que l’ajout d’une menace telle que KB24 aurait suffit à rendre dévastatrice. Gasol aurait aussi pu tenter d’exercer dans un rôle de « point center » un peu à l’image de ses derniers matchs de saison régulière cette année, tentant de faire un peu tout sur le terrain et de contrôler l’attaque de L.A depuis le poste haut.  Au lieu de cela, les Lakers, qui évolueront certes avec une pression moindre comparé à la saison passée, devront composés avec la volonté farouche (et qui risque d’être légèrement destructrice collectivement dans un premier temps) de Kobe de prouver qu’il n’est pas mort, et les attentes inhérentes à un groupe emmené par trois superstars NBA. Pau Gasol possède aujourd’hui, à 33 ans, l’occasion de prouver qu’il est encore un joueur majeur de la grande ligue, capable de seconder à merveille Bryant et d’emmener un groupe a priori insuffisant vers les playoffs ou au-delà. L’espagnol pourrait, en réussissant une saison à la hauteur de son talent, montrer à tous ses détracteurs que les défaillances successives des Lakers ont plus été le fruit de mésententes collectives et de guerres d’egos que de faillites personnels de l’ailier fort. Sans doute que le champion NBA 2009 et 2010 piaffe d’impatience dans son coin, pressé à l’idée de montrer au monde que son jeu n’a pas disparu, n’est pas mort. Car, laissé à l’abandon depuis plusieurs saisons, il est prêt à illuminer à nouveau le Staples Center de sa clarté.