Analyse Vidéo : Joakim Noah est-il le meilleur pivot de NBA ?
Fraîchement récompensé du trophée de meilleur défenseur de la ligue, au cours d’une saison durant laquelle il a célébré sa deuxième sélection All Star, Joakim Noah semble jouer le meilleur basket de sa carrière ces dernier mois. Pierre angulaire du système Thibodeau, en attaque comme en défense, véritable leader vocal et émotionnel de l’équipe la plus intense et mort de faim de la ligue, Noah s’est même permis cette saison de dépoussiérer quelques vieux records de passes décisives historiques pour le poste de pivot. Décidément une saison pleine, au point que l’on arrive à se demander si Joakim Noah ne serait il pas tout simplement devenu le meilleur pivot de NBA ?
Jetons un coup d’oeil à son profil.
Guillaume (@GuillaumeBInfos)
D’un point de vue physique, Joakim Noah ne peut pas être classé parmi les athlètes d’exception de NBA mais possède de très bons atouts pour le poste de pivot. A commencer par une taille adaptée (6’11/2m10) et une carrure solide (235 lbs/107 kg). Il manque clairement d’explosivité et de verticalité, et son envergure de bras est plutôt moyenne, mais possède une excellente mobilité pour un joueur de sa taille, capable de très bien se déplacer sur le terrain et à l’aise lorsqu’il évolue loin du cercle.
Offensivement, Noah n’est pas un intérieur très prolifique ou sur qui peut reposer toute une attaque (du point de vue du scoring en tout cas), mais possède une polyvalence des plus intéressantes.
Très actif sans le ballon, c’est de cette manière qu’il va chercher la majorité de ses points (transition, opportunités sous le panier, P&R, rebonds offensifs, etc). C’est un finisseur moyen au cercle qui conclut généralement sous l’arceau en raison de son manque d’explosivité, et du fait qu’il ne décolle pas très rapidement du sol. Son 58% de réussite reste d’ailleurs bien loin des 70% ou plus auquel les meilleurs finisseurs de la ligue sont généralement (Howard, Ibaka, Jordan, Drummond, Davis, Jefferson et autres). C’est ainsi qu’on le voit rarement monter au alley oop, et demeure assez limité dans sa production sur Pick & Roll, n’étant pas capable de conclure régulièrement avec autorité.
Il en va de même pour son jeu au poste, présent mais toutefois limité. Très mécanique, son footwork est moyen et ne lui permet ainsi pas de tirer profit de sa puissante partie basse du corps, et il n’est pas non plus vraiment vif pour battre son défenseur sur de la rapidité pure et/ou d’impressionnants moves. Sa seule arme fiable reste son hook shot main gauche, mais là encore la portée de ce tir reste assez limitée et il a du mal à le rentrer si trop éloigné du panier. De plus, son toucher de balle est bon mais sans être excellent, et il manque cruellement de contre-moves (forçant souvent de mauvais tirs lorsque le défenseur parvient à parer ses moves en somme très mécaniques et basiques).
Noah possède également un « jump-shot » à son arsenal offensif. Sa mécanique de tir est vraiment peu orthodoxe (ce fameux « tornado », tir à deux mains avec le pouce qui donne au dernier moment cette rotation latérale plutôt que verticale au ballon) mais elle fonctionne pour lui, comme en atteste d’ailleurs son très correct 72% de réussite au lancer francs où il utilise aussi le tornado. Il est loin d’être extrêmement efficace (36% de réussite à mi-distance), mais se montre capable d’en rentrer à l’occasion lorsque la défense lui laisse le temps et l’espace pour ajuster ce tir finalement assez long à déclencher.
Noah est aussi capable d’attaquer le cercle, sur straight-line drive d’un ou deux dribbles au plus depuis la tête de raquette. Ceci dit, là encore sa production reste limité dans cet exercice en raison de son manque d’un bon premier pas et de vivacité plus généralement, l’empêchant de vraiment mettre son défenseur dans le vent ou de le distance sur son chemin jusqu’au cercle. De ce fait, il force beaucoup de mauvais tirs ce faisant, le défenseur étant généralement dans le coup et même en très bonne position pour contester le tir au moment où Noah souhaite le déclencher.
Enfin, sa qualité de passeur, qui le démarque réellement de tout autre pivot de NBA. Ses instincts de passeur sont tout bonnement exceptionnels et en font le meilleur pivot passeur de la ligue, et le bougre a passé la deuxième partie de saison régulière à déterrer dans ce domaine des records parfois vieux de deux ou trois décennies. Doté d’une splendide vision de jeu, il peut trouver des shooteurs ouverts ou coéquipiers qui coupent vers le cercle depuis n’importe où, et se montre d’un altruisme à faire rougir de jalousie certains vrai-faux meneurs de jeu NBA. Son feeling pour les passes à terre est d’ailleurs lui aussi impressionnant et fait sans doute rêver quelques arrières de la ligue.
L’un dans l’autre, c’est finalement assez facile de comprendre pourquoi Tom Thibodeau a fait du pivot français la pierre angulaire de sa Triangle/High Post Split Offense. Positionné majoritairement poste haut, Noah représente une triple menace (passe/shoot/drive) des plus intéressantes, qui le devient encore plus que le garçon est très lucide et altruiste, prenant de bonnes décisions pour le bien de l’équipe. Il compense son manque de superbes qualités en drive ou tir à mi-distance par la capacité à généralement savoir saisir l’opportunité qui est là. Si elle n’y est pas, il peut trouver un coéquipier ouvert quelque part sur le terrain ou tout simplement continuer de faire circuler la gonfle et fluidifier le jeu, quelque chose dont Thibodeau se contente très largement.
Parfait joueur d’équipe en attaque, c’est aussi le cas en défense. Et le trophée largement mérité de défenseur de l’année qu’il vient à peine de recevoir suffit amplement à montrer à quel niveau se situe le garçon de ce coté-là du terrain.
C’est sans doute son intensité et son activité qui le caractérisent le mieux en défense, notamment sur le ballon. Très perturbateur, il est capable de créer des turnovers, fait pression sur le ballon même dans le périmètre et laisse souvent très peu de place à son attaquant pour respirer. Au poste, son footwork est tout bonnement impressionnant (à des années lumières de son footwork en attaque, comme évoqué précédemment) et lui permet d’être à tout instant en très bonne position pour offrir un contact et une opposition à l’adversaire, puis contester le tir. Sa vitesse latérale est elle aussi bien au-dessus de la moyenne pour un joueur de sa taille. Il se montre tout à fait capable de coulisser latéralement pour ralentir un intérieur qui tente de driver depuis la tête de raquette mais aussi (plus impressionnant) de contenir les pénétrations jusqu’au cercle des arrières et ailiers. Définitivement quelque chose que ne sont pas capables de faire tous les pivots NBA.
Sur Pick&Roll, Noah fait là encore partie de la crème de la crème (en français dans le texte) de la ligue, grâce justement à cette mobilité et cette intensité. Il demeure (avec Taj Gibson) l’élément clé de cette défense « Icing du P&R » prôné par Tom Thibodeau à Chicago qui consiste à n’offrir à l’équipe adverse qu’un long tir à deux points contesté en sortie du P&R. C’est ainsi que Noah est capable de coulisser pour contenir l’arrière adverse le temps que son défenseur retrouve bonne position, puis revient rapidement sur son propre attaquant pour contester le tir (voir concrètement à quoi cela ressemble sur la vidéo). De plus, Noah est également capable de switcher très efficacement sur P&R comme il a déjà pu le démontrer à de nombreuses reprises.
Noah est également un excellent défenseur collectif, qui fait preuve d’une remarquable attention à tout instant et d’une très bonne compréhension du jeu, lui permettant de bien anticiper sur ses aides et rotations défensives. C’est un bon protecteur du cercle (1.5 blk/m) mais pas un des meilleurs que l’on puisse trouver. Là encore, son manque d’explosivité, de détente, et de longueur de bras limitent son impact et sa capacité à contester efficacement n’importe quel tir dans la raquette. Néanmoins, sa lecture du jeu et son anticipation lui permettent généralement de compenser, mais il lui manque des attributs physiques et athlétiques de première classe pour être une vraie terreur des arceaux.
Noah est enfin un excellent, très productif et possédant de très bons fondamentaux en terme de positionnement préférentiel sous le panier, blocage et boxout de l’adversaire. Il compense son manque de longueur et détente par une une grosse énergie et ces fondamentaux ci. De plus il possède une très grande activité au rebond offensif, et même si très peu aérien et athlétique, il est toujours à la recherche de secondes chances sur lesquelles capitaliser.
Tout bien considéré, il y a encore un grand pas à faire entre ce titre on ne peut plus mérité de meilleur défenseur de la ligue et celui officieux de meilleur pivot NBA. Un grand pas caractérisé par son jeu offensifs moyen, tant en terme de production, d’efficacité que de fiabilité (il est très polyvalent mais n’a finalement pas de go-to move, d’arme offensive meilleure que les autres sur laquelle il sait qu’il peut s’appuyer quand son équipe a besoin d’un panier).
Il n’empêche qu’il apporte un cocktail de qualités des plus intéressantes, et même s’il n’est pas capable de représenter une grande menace offensive, possède tous les ingrédients d’un vrai bon pivot titulaire d’une équipe qui vise le titre. Défenseur infatigable à la base de la superbe défense collective des Bulls, Noah est aussi un remarquable facilitateur offensif, très altruiste, et toujours enclin à faire ce qui est bien pour l’équipe. Tout cela sans même compter son éthique de travail, sa passion pour le jeu, son incroyable compétitivité, son excellent leadership ou encore sa mentalité de joueur entièrement dévoué au collectif. Un peu court pour ce titre de meilleur pivot de la ligue mais nul doute que Thibodeau et les Bulls sauront se satisfaire de tout ce (magnifique) reste de qualités.
Excellente video, juste et sans concession. Avant même de parler de meilleur pivot je dirais d'abord qu'il est le meilleur pivot d'équipe de toute la NBA.
Merci pour l'auteur !