Finances: bien comprendre la situation salariale du Heat
Après LeBron James, ce sont donc Dwyane Wade et Udonis Haslem qui ont décidé de devenir free agents cet été, et Chris Bosh a suivi le mouvement. A eux quatre, ils libèrent près de 66 M$ dans les caisses, et laissent Miami avec les seuls Norris Cole et Shabazz Napier dans l’effectif. On l’a bien compris, l’objectif semble être de renforcer l’équipe en modifiant l’équilibre des contrats de l’équipe. Mais comment toute cette tactique s’intègre-t-elle au règlement salarial NBA? Que peut et ne peut pas faire Pat Riley? Si vous ne comprenez pas les subtilités de la chose, toutes les réponses sont ici!
En quoi les Three Amigos aident-ils le Heat en devenant free agents?
James, Wade et Bosh avaient la possibilité de rester sous contrat à Miami l’an prochain, mais cela aurait occupé 61 M$ dans la masse salariale de la franchise. Une somme énorme, puisque le salary cap est à 63,2 M$! Concrètement, cela aurait drastiquement limité le recrutement de Miami, qui n’aurait pas pu utiliser d’espace sous le cap pour recruter des free agents. Les seuls recours auraient été les contrats minimums, la Mid Level Exception (5,15 M$) et la Bi Annual Exception (2,06 M$). De quoi attirer des vétérans et quelques joueurs corrects, mais pas suffisant pour vraiment renforcer l’équipe. En renonçant à leurs contrats actuels, les Three Amigos veulent diminuer le poids de leur salaire pour dégager de l’espace sous le cap, et offrir une plus grande capacité d’amélioration à la franchise.
Quel salaire LeBron James peut-il obtenir?
Les dernières rumeurs font état du souhait de James d’obtenir un contrat maximum, sans toujours préciser ce que signifie cette expression, relative à la situation du joueur. Comme LeBron a plus de 10 ans d’ancienneté dans la ligue, il peut espérer toucher, lors de la première année de son nouveau contrat, un salaire équivalent à 35% du salary cap. Les chiffres n’étant pas encore officiels, cela devrait en gros représenter 22 M$. Comme le Heat possède les Bird Rights sur James (la possibilité de resigner un de ses free agents en dépassant le salary cap), son contrat peut augmenter chaque année de 7,5 % sur une durée de cinq ans. Sous forme de tableau, ça donne ça:
Année | 2014-2015 | 2015-2016 | 2016-2017 | 2017-2018 | 2018-2019 | Total |
Salaire | 22 000 000 | 23 650 000 | 25 423 750 | 27 330 531 | 29 380 321 | 127 784 602 |
127 M$ sur 5 ans, autant dire un sacré pactole pour King James! Et un vrai avantage, aussi, pour Miami sur les autres franchises, qui ne peuvent lui offrir qu’un contrat de 4 ans avec une hausse de 4,5 % par an, soit 94 M$. Pas de quoi être à la rue, mais un manque à gagner de 33 M$ tout de même.
Quels contrats Bosh et Wade vont-ils signer?
La réponse à cette question est la clé de toute l’intersaison du Heat. On en est pour l’instant réduit à la supputation, mais il ne faut pas oublier que Wade et Bosh viennent de faire une croix sur deux ans de contrat qui représentaient 42 M$. Malgré leur désir d’aider la franchise, les deux joueurs ne sont pas des bénévoles non plus, et ne vont pas signer des contrats à 6 M$ la saison. Le grand minimum semble être 10 M$ par saison, et ce serait déjà un petit miracle que Pat Riley obtienne cela. D’autant que la durée du contrat compte autant que le montant annuel, et qu’il va falloir que Mr Gomina se contorsionne pour ne pas bloquer la situation salariale du Heat pour trois ou quatre ans. Attention également à la surenchère d’autres équipes pour Chris Bosh (on voit mal Wade partir): si Houston arrive avec une offre de contrat à 17 M$ la saison, que fera l’intérieur?
Combien le Heat peut-il obtenir d’espace sous le cap?
Avec Norris Cole et les droits sur le rookie Shabazz Napier, le Heat a pour l’instant 3 M$ engagés pour l’an prochain. Il faut y ajouter environ 6 M$ « fictifs », qui sont dus au manque de joueurs dans l’effectif: chaque place vide dans un effectif de moins de 12 joueurs compte pour le salaire minimum d’un rookie (environ 0,5 M$). Ce qui nous fait 9 M$ engagés, et donc environ 54 M$ disponibles pour signer des free agents (63,2 – 9, vous suivez toujours?).
Imaginons maintenant que LeBron James signe pour le maximum (22 M$, donc) et que Wade et Bosh prolongent pour 10 M$ chacun, l’hypothèse la plus basse. 9 + 22+ 10 + 10= 51, ce qui laisse donc une douzaine de millions de dollars pour recruter. Sans être colossale (loin de pouvoir attirer un Carmelo Anthony, par exemple), cette somme peut permettre d’attirer un ou deux joueurs très solides. Mais, encore une fois, il s’agit d’une évaluation basse des salaires de Bosh et Wade: 12 M$ d’espace sous le cap paraît donc le grand maximum pour le Heat.
Qu’est-ce que c’est que cette histoire de Bird Rights?
Une question vous brûle peut-être les lèvres: si le Heat a les Bird Rights sur les Three Amigos, qu’est-ce qui empêche Pat Riley d’utiliser ses 54 M$ disponibles sous le cap, et de ne resigner qu’ensuite ses trois stars en dépassant allégrement le salary cap, puisque c’est ce que permettent les Bird Rights?
Ce n’est pas si simple, ma bonne dame, et heureusement. Si un tel stratagème était possible, ce serait pour ainsi dire la porte ouverte à toutes les dérives. Pour éviter cela, il existe ce qu’on appelle le cap hold, une règle qui fait en sorte que le salaire d’un joueur free agent continue de compter dans la masse salariale de son équipe tant qu’il n’a pas été resigné, ou qu’il n’a pas quitté définitivement la franchise. Cela veut tout simplement dire qu’à l’heure actuelle, Miami n’a pas d’espace sous le cap, car les salaires fictifs de James, Wade, Bosh et Haslem pèsent dans leur compte, pour un total exact de 67,8 M$ cumulés. Le but est d’éviter, justement, la création de super équipes par l’ajout progressif de gros contrats utilisant l’espace libéré par les Bird Rights.
Qu’est-ce que cela veut dire, concrètement, pour Miami? Que le Heat doit resigner d’abord les Three Amigos, pour se débarrasser de ce cap hold étouffant, et ensuite se lancer dans la free agency. Pas question, donc, de promettre 10 M$ à Kyle Lowry sans savoir à l’avance quels seront les contrats des trois autres. C’est bien pour cela que Pat Riley doit faire vite, et négocier la prolongation de contrat de ses stars aussitôt que possible. Un équilibre délicat, car, dans le même temps, LeBron James fait du recrutement la condition de sa prolongation…
Miami a-t-il le droit aux exceptions pour recruter?
Cela dépend de quoi on parle. Comme toute équipe, Miami a le droit aux Bird Exceptions, qui concernent ses propres free agents. En revanche, utiliser l’espace sous le cap signifie que le Heat n’a plus le droit à la Mid Level Exception et à la Bi Annual Exception, qui ne sont utilisables que pour les équipes au-dessus du salary cap. Pour être clair, les recours de Miami lors de cette free agency sont les suivants, dans l’hypothèse où les Three Amigos resignent:
- l’espace sous le cap, qu’on peut évaluer raisonnablement entre 5 et 12 M$.
- la Minimum Exception, c’est-à-dire la possibilité de signer autant de joueurs que souhaités au salaire minimum.
- la Room Mid-Level Exception, qui permet de signer un joueur pour 2,65 M$ une fois l’espace sous le cap rempli.
C’est tout? Eh oui! Autant dire que Pat Riley va devoir la jouer malin pour renforcer l’effectif.
Finalement, tout cela est-il une si bonne nouvelle pour le Heat?
Tout dépend. Si Bosh et Wade font un vrai sacrifice financier (puisque James, visiblement, ne le fera pas, ou peu), cela peut être une très bonne opération. Avoir une douzaine de millions d’espace sous le cap avec trois superstars à peine trentenaires dans l’effectif serait une superbe affaire, très contestable du point de vue de l’esprit du salary cap et de l’économie NBA (mais c’est un autre débat). Miami passerait de 7 M$ (MLE+ BAE) à 15 M$ (cap space + Room MLE) pour recruter, ce qui est une différence notable. Mais il est aussi possible que cela soit beaucoup de bruit pour rien, si les nouveaux contrats des Three Amigos ne sont pas aussi bas que Pat Riley l’espère. On pourrait se retrouver avec beaucoup de rumeurs pour ne libérer, au final, que 4 ou 5 millions supplémentaires…
Le vrai risque, dans tout cela, c’est le timing. Chaque jour de retard dans la resignature des Three Amigos mettra en danger le recrutement du Heat, puisque les meilleurs free agents sont ceux qui partent le plus vite. Par ricochet, c’est l’avenir de LeBron James qui peut poser question, si jamais le quadruple MVP voit que son équipe ne se renforce pas assez… Et dans ce cas, comptez bien sur Houston, les Lakers ou les Clippers pour profiter de la moindre hésitation de Miami pour passer à l’offensive.
En somme, Miami a encore les cartes en main. Si les Three Amigos se sont déjà entendu sur leurs futurs contrats, tout peut aller très vite, et la free agency peut être très efficace. Ne rêvons pas pour autant, il n’y a pas de quoi signer Kyle Lowry et Greg Monroe aux postes 1 et 5, mais bien de quoi conserver une équipe jouant le titre. En revanche, le moindre retard, bug ou contre-temps peut avoir des conséquences dévastatrices, soit parce que les meilleurs free agents seront partis, soit parce que LeBron James commencera à s’impatienter…