Nobel Boungou Colo : de Brazzaville, en passant par la Nationale 3, jusqu’à la NBA ?
Révélation de la saison de Pro A 2013-14 avec le Limoges CSP, Nobel Boungou Colo vient de se construire un palmarès déjà conséquent. Champion de France 2014, MVP du dernier All-Star Game (28 points et 13 rebonds), 3e à l’élection du trophée de MVP français (derrière Antoine Diot et Edwin Jackson), MVP du championnat du mois de janvier et du mois d’avril, celui que l’on appelle Nobeezy a tout explosé cette saison. A tel point qu’il a obtenu une place en équipe de France A’, puis une sélection dans les seize derniers prétendants à l’équipe de France A pour la coupe du monde en Espagne cet été.
Alors qu’il vient officiellement de prolonger à Limoges jusqu’en 2017, NBC a négocié une clause en cas de départ en NBA, dans son contrat. Et vu qu’il vient d’être appelé pour jouer les Summer Leagues avec les Spurs et avec le Heat, cette clause pourrait finalement bien être utile… Retour sur le parcours atypique de ce joueur ayant commencé le basket sur le tard, étant aujourd’hui, à 26 ans, au summum de sa carrière. Ça ne fait peut-être que commencer…

Fils de diplomate, né à Brazzaville, Nobel Boungou Colo a passé les dix premières années de sa vie en Afrique, entre le Congo et le Bénin. Arrivé en France à dix ans, en banlieue parisienne, c’est avec le football qu’il prit d’abord son pied. Alors milieu défensif, Nobeezy s’est alors vu grandir à une vitesse folle, et nombreux étaient les recruteurs du milieu du basket qui lui proposèrent alors un essai. C’est donc à l’âge de 15 ans que tout a commencé, quand à Juvisy, NBC a touché pour la première fois la balle orange sérieusement.
Commençant à petit niveau, l’ailier s’est peu à peu fait sa place dans l’équipe de Nationale 3, malgré son jeune âge, mais son manque d’expérience et de fondamentaux ne lui offraient que quelques miettes de temps de jeu à ce niveau. Le déménagement de sa famille à Vendôme lorsqu’il avait 18 ans, a marqué une étape cruciale dans sa carrière. Obligé de quitter l’équipe de Juvisy pour des raisons géographiques, Nobel Boungou Colo se questionnait alors sur ses possibilités de continuer le basket. Cela dit, le destin lui a donné un coup de pouce. Nobeezy a, à ce moment-là, pris son téléphone pour contacter directement le coach de l’équipe de Blois, évoluant alors en Nationale 2, niveau que l’ailier n’avait alors jamais connu. Un test lui a été proposé, il a été sélectionné, il a joué, il s’est fait remarquer, et l’aventure pouvait continuer…
Toujours jeune et plein de potentiel par rapport à la plupart de ses coéquipiers, Boungou Colo avait toujours soif d’apprendre, c’est pourquoi il n’a pas longtemps hésité à rejoindre le centre de formation d’Orléans lorsqu’il reçut officiellement une proposition de Philippe Hervé. Mais le basket professionnel demande beaucoup d’investissement et Nobeezy dut se rendre compte que jouer à ce niveau nécessitait beaucoup d’énergie et de sacrifices. Voici d’ailleurs ce qu’il avait confié au journal LePoint, il y a quelques semaines :
Mon apprentissage s’est fait dans la dureté, j’ai dû me forger un caractère. Au premier entraînement à Orléans, j’ai pleuré, je me suis dit: ‘Je rentre chez moi’. Coach Hervé m’est rentré dedans mais je ne connaissais rien à ce qu’il me demandait! »
Cela a tout de même fonctionné, et NBC a réussi à tenir, car dès sa première saison espoir, il termina meilleur scoreur du championnat, avant de profiter de sa deuxième saison pour progresser encore, et disputer quelques minutes de temps de jeu avec l’équipe pro. Nobeezy a ainsi appris à être polyvalent, et ses statistiques dans le championnat espoir (15,7 points, 8,6 rebonds, 4,1 interceptions et 1,8 passe) l’ont vite prouvé. Mais la décision qui a suivi, n’était pas celle qu’il attendait car les dirigeants d’Orléans, malgré son bon passage dans le Loiret, ont ensuite décidé de ne pas le conserver. Premier gros coup dur, dans la carrière de basketteur de Nobel.
Orléans m’a donné ma chance. Ils ne m’ont pas gardé parce que le coach misait sur d’autres jeunes. Moi, j’étais le plus vieux. L’année, où je finis mon contrat Espoir, Orléans est finaliste du championnat et va jouer l’Euroligue la saison suivante. »
Suivi par Vichy et Hyères-Toulon néanmoins, l’ailier a choisi cette deuxième destination pour la suite de sa carrière. Il signait ainsi son premier contrat professionnel en Pro A, à l’âge de 21 ans. Difficile encore une fois pour lui de faire sa place, mais à force de travail et de progression, NBC a finalement réussi à obtenir un temps de jeu mérité, scorant 4,1 points par match lors de sa première saison dans l’élite et 6,8 lors de la seconde. C’est durant cette période qu’il découvrit Beaublanc, salle qui allait devenir son antre moins d’un an plus tard.

Fort de sa progression, Boungou Colo reçut alors une offre du Mans, pour un rôle de pigiste médical, et avait alors l’occasion de découvrir l’EuroCoupe, après la relégation de l’équipe de Toulon en Pro B pour des raisons majoritairement financières. Après deux mois compliqués (4,6 points par match) qui marquèrent la fin de son contrat, NBC se retrouvait à nouveau sans contrat au mois de janvier 2012. La suite de sa carrière devenait alors un gros point d’interrogation, au vu du peu d’offres de Pro A qui se présentaient devant lui.
C’est à ce moment-là que le CSP, qui stagnait en Pro B depuis plusieurs années, voulait se donner toutes les chances de regagner l’élite, c’est ainsi qu’ils proposèrent un contrat en cours de saison à un Nobel Boungou Colo intéressé par le projet, même si le deal proposé au départ ne se prononçait que sur une toute petite durée de trois mois. Grâce à un apport convaincant (8,6 points par match) et un objectif accompli, NBC pouvait alors retrouver la Pro A et signer une prolongation à Limoges.
C’est lors de la saison 2012-13 que Boungou Colo fit une rencontre décisive en la personne de Panagiotis Giannakis. Pour la première fois de sa carrière, Nobeezy rencontrait un coach qui voulait vraiment le pousser, vraiment le faire progresser, et qui lui faisait réellement confiance. Mais tout ne s’est pas réalisé si facilement, et Nobel a du faire preuve d’un mental et d’une force de caractère impressionnants :
Ma progression s’explique surtout grâce à mon grand coach la saison dernière. Il m’a donné des minutes de jeu, il m’a mis sur le terrain dans les moments chauds. C’était déterminant. Il a misé sur moi et il me l’a dit, mais plusieurs fois il m’a fait craquer. »
Giannakis m’a fait craquer à l’entraînement. Il m’a appris à me contrôler, à jouer sur les appuis. C’était sa façon de jouer et pas une autre. Il m’a appris à jouer juste. »

Peut-être que NBC avait besoin de cette dimension autoritaire, presque militaire, au vu de son tempérament quelque peu fougueux, parfois difficile à canaliser. C’est peut-être pour ces raisons que cet ancien footballeur est fan et se retrouve un peu dans le caractère de l’attaquant italien, Mario Balotelli, récemment éliminé de la coupe du monde.
C’est un très bon joueur. Je l’aime bien. Il a tout le package. Il est un peu fou, incompris, mais sur le terrain, personne ne peut dire qu’il ne fait pas ce qu’il faut. »
Même si la saison 2012-13 ne s’est pas montrée clémente en terme de résultats pour le CSP, Boungou Colo lui, avait clairement évolué. D’un joueur réputé pour son scoring, il est devenu un bulldog en défense, et c’est bien ça qui a plu à Giannakis.
Je ne dois pas oublier la défense. C’est ce qui m’a mis sur le terrain et puis je suis dans une équipe où plein de joueurs peuvent scorer donc il ne faut pas que je me prenne la tête là-dessus. »
Cette progression lui a peu à peu permis de devenir un cadre dans l’équipe du CSP, et après le départ de Giannakis, remplacé par Jean-Marc Dupraz cette année, son rôle est devenu essentiel à la dynamique du CSP, champion de France 2014. Pour vous en convaincre, il suffit de relire le palmarès du joueur cette saison résumé en début d’article. Son match à 36 points à 11/14 au tir (42 d’évaluation, record de Pro A), le 20 avril dernier en est une preuve supplémentaire, s’il y en avait besoin.
Coach Dupraz parle d’ailleurs au site de la LNB, de la transformation qu’a connu son ailier durant la saison précédente :
C’est surtout un joueur qui peut faire beaucoup de choses au-delà des statistiques. Le côté intéressant chez Nobel c’est que même en produisant des stats moins florissantes, il peut apporter autre chose. »

Des propos très enthousiastes pour un joueur qui a réalisé une saison on ne peut plus pleine ! Celui-ci, au vu de sa polyvalence peut d’alleurs évoluer à plusieurs postes, mais lui comment se voit-il, plutôt 3, plutôt 4 ? Parole au principal intéressé :
Je peux aider aussi en 4 mais ma préférence est sur le poste 3. J’ai plus la balle, plus de liberté sur mes drives, je peux monter le ballon et puis je suis un ailier de grande taille, je me retrouve facilement face à des ailiers d’1,95 m, donc beaucoup plus petits que moi. C’est un poste où je me sens plus libéré. »
Un bon point pour les Summer Leagues, durant lesquelles Boungou Colo au vu de son physique (2,02m et 90 kg), aurait été sûrement un peu juste pour jouer sous le paniers, alors que ses mensurations semblent pleinement correspondre à celles d’un small forward estampillé NBA. Mais du coup, quels domaines doit-il désormais travailler afin de passer encore une fois au niveau supérieur ? Le leadership, et il le sait :
Je laisse encore les plus vieux prendre la parole, comme JK Edwards. Le coach essaie de me forcer à prendre plus la parole. »
C’est une facette du basket qui vient avec l’âge et l’expérience, et nul doute qu’il y arrivera au vu de la marge de progression qui semble chez lui, illimitée. A lui, qui en 2010 s’était présenté à la draft NBA sans grand espoir, de saisir une nouvelle fois sa chance et de montrer en Summer League dans quelques jours, et pourquoi pas en équipe de France A dans quelques semaines, qu’il peut encore aller bien plus haut. Au final, au vu de la facilité à laquelle il a passé les étapes dans sa carrière, malgré quelques coups durs, rarement un joueur n’a aussi bien porté son surnom que Nobeezy. Sky is the limit pour lui, cela ne fait pas de doute !
Pour ceux qui ne le connaissent pas encore, voici une petite mixtape retraçant les meilleures moments de la saison 2013-14 exceptionnelle qu’a réalisée Nobel Boungou Colo sous les couleurs du Limoges CSP. Des images assez impressionnantes qui mettent l’eau à la bouche avant de pouvoir le voir évoluer en Summer League dans quelques jours !