Les extensions et la peur du Trade-Kicker
Aujourd’hui on vous propose un nouvel article écrit par Free publié sur BasketEvolution qui aborde un sujet très méconnu, le ‘trade-kicker’.
42 millions pour Alec Burks, 48 millions pour Kemba Walker, 53 millions pour Nikola Vucevic, 56 millions pour Ricky Rubio, 70 millions pour Eric Bledsoe, il n’y a pas à dire, la période des extensions des contrats de rookie avait de quoi donner le tournis cette année. Nous avons déjà expliqué l’impact du nouveau contrat TV national sur ces signatures, sans doute la grande raison qui explique les montants mirobolants. Mais résumer la cause de ces contrats à la simple augmentation des salaires dans un futur proche n’est sans doute pas entièrement juste.
Dans le fond, la majorité de ces négociations tient dans la façon dont la direction d’une équipe voit la demande pour le joueur en question à la fin de son contrat. Elle doit ainsi faire une projection d’une saison en avance, l’extension ne pouvant être offerte que jusqu’au 31 octobre alors que le contrat prendra lieu et place au 1er juillet suivant. Mais ne l’oublions pas, si aucune extension est trouvée, la franchise a la possibilité de placer le joueur comme agent libre restrictif. Et c’est là que les choses se compliquent. Dans le cas d’un agent libre non-restrictif, on sait que la concurrence sera ouverte et que les autres équipes n’hésiteront pas à formuler des offres pour l’intéressé. Si la situation est loin d’être facile à gérer, elle est néanmoins aisée à comprendre. Pour ce qui est d’un agent libre restrictif, la donne change nettement à cause des mécanismes qui vont de pair avec cette protection. Par exemple, les franchises désireuses de s’accaparer le joueur devront formuler une offre qui va bloquer leur marge sous le Salary Cap pendant 3 jours, sans garantie de résultats. Dans une NBA qui vit à la minute au mois de juillet, c’est un inconvénient notable assez dissuasif. « A quoi bon tendre une offre et se mettre des battons dans les roues si l’on sait pertinemment que la franchise en face va égaler l’offre… » est un refrain courant des GMs pour expliquer leur frilosité à aller tenter de récupérer un Bledsoe, un Monroe ou un Pekovic.
Cependant, les avantages du statut restrictif d’un joueur ne vont pas forcément toujours dans le sens de la franchise qui détient les droits de l’agent libre. Si l’équipe bénéficiant de la protection peut égaler une offre, on doit garder en tête que justement, elle doit faire avec cette offre et pas une autre. Certes, la somme du contrat est généralement l’unique élément qui peut faire pencher la balance dans un sens ou l’autre. Mais suivant la situation salariale d’une équipe, un contrat d’une certaine durée peut mettre en difficulté une franchise. Dans le cas des Rockets et de Chandler Parsons par exemple, le fait que l’ailier et Dwight Howard puissent terminer leur contrat en même temps sachant qu’ils ont le même agent (le très dangereux Dan Fegan) était une option non-envisageable pour Daryl Morey. Les saisons en option activable par le joueur sont aussi un élément nuisible pour un GM, rendant les plans futurs plus imprévisibles, un adjectif que déteste les dirigeants. Cela dit, la durée d’un contrat est un facteur difficile à mettre en place pour déséquilibrer l’autre équipe, il faut quand même que le joueur accepte l’offre en question après tout. Pour Parsons, savoir que les salaires augmenteront ensuite est un argument convaincant pour prendre un contrat plus court.
Si la durée est souvent anecdotique, il y a une caractéristique dans une offre d’agent libre restrictif qui l’est beaucoup moins : les bonus. Et notamment une forme particulière de bonus que l’on appelle le « Trade Kicker ». Un « Trade Kicker » représente une somme que le joueur touche s’il est transféré une première fois lors du contrat incluant cette clause. Le montant dépend de la somme restante à payer au joueur et peut prendre la forme d’un montant brut (genre 1 million) ou d’un pourcentage (5% par exemple). Comme tout bonus, il faut préciser que la somme maximum de celui-ci ne peut pas dépasser 15% de l’argent que le joueur doit encore récupérer. Pour mieux comprendre, voici un exemple issu du cbafaq de Larry Coon. Notre joueur lambda a signé un contrat de 5 ans avec 1 million de dollars par saison et une clause contenant un « Trade Kicker » de $500,000 :
Pour rappel, encore une fois, c’est la somme restante sur le contrat au moment du transfert qui nous intéresse. Dans notre cas, si le joueur est transféré lors de sa quatrième année, il ne peut pas toucher la totalité de sa clause puisque celle-ci finit par être supérieure au fameux 15% maximum. Imaginons que le transfert est effectué dans cette quatrième année, le joueur touche donc $300,000. Ce bonus est réparti équitablement sur les années restantes de son contrat (hors option). Ainsi, le salaire passe à $1,150,000 lors des deux années restantes. A noter qu’en dépit du fait que cet excédent joue contre dans la masse salariale de l’équipe réceptionnant le joueur, le bonus est payé par l’équipe qui a fait signé initialement le contrat. Ainsi, face au Salary Cap, le salaire est bien de $1,150,000 mais la nouvelle franchise du joueur n’en paie que 1 million.
Dans l’idée, un « Trade Kicker » rend l’opération d’un échange plus compliquée à mettre en place. Surtout que bien évidemment, en étant proportionnel au salaire, on imagine bien que notre cas du joueur à 1 million par saison ne joue pas dans la même cours qu’un Steve Nash par exemple. Si le meneur des Lakers est transféré (allo Sam Hinkie ?), l’équipe le recevant verra plus de 11 millions de sa masse salariale comptés contre son Salary Cap juste pour Nash au lieu des 9,7 millions initiaux. Et les Lakers devront lui payer environ 1,5 million en plus, tout cela via le « Trade Kicker » de 15% inclus dans son contrat. Pour vous dire, le montant d’un « Trade Kicker » a pu monter jusqu’à 6,75 millions lorsque Kevin Garnett avait été transféré à Boston en 2007. Heureusement pour les Celtics, le Big Ticket avait été prêt à laisser de côté une partie de son bonus pour faire fonctionner le transfert.
Pour éviter ce genre d’excès, la NBA a mis en place un règlement dans le CBA qui stipule que les bonus ne peuvent pas faire en sorte qu’un joueur finisse par avoir un salaire supérieur au contrat max correspondant à son ancienneté lors de l’année où il est transféré. De cette manière, un « Trade Kicker » pour un joueur qui avait signé le max ces dernières années était assez inoffensif, le salaire du joueur montant généralement plus vite que le seuil maximum auquel il a droit. Si l’on prend Brook Lopez pour illustrer cela, ce dernier a beau avoir un bonus de transfert à 15%, il ne toucherait rien en cas de transfert car son salaire ($15,719,063) est déjà supérieur au maximum qu’il pourrait recevoir en 2015 ($14,746,000). On pourrait ainsi penser que les « Trade Kicker » à 15% signés par Chandler Parsons et Gordon Hayward sont finalement sans grandes conséquences pour leur franchise car ils ont des salaires max (ou proche). Sauf que si vous avez bien noté, j’ai souligné le fait que ce salaire maximum correspond à l’année où le joueur est transféré. C’est une nuance importante à saisir puisque les contrats maximums sont calculés en fonction du Salary Cap. Or, avec la montée de ce même seuil suite au nouveau contrat TV, il risque d’y avoir rapidement une différence assez importante entre les salaires de Parsons et Hayward et les contrats max futurs. Il n’y aurait ainsi rien de surprenant à ce qu’un transfert de Gordon Hayward en 2016-17 implique un bonus de transfert de l’ordre de 2,6 millions de dollars :
Les chiffres ci-dessus sont à prendre avec beaucoup de précaution, le sujet est compliqué à comprendre et n’ayant que très peu d’exemples, j’émets quelques réserves sur certaines valeurs.
De quoi potentiellement refroidir une équipe intéressée pour récupérer l’ailier du Jazz. Les « Trade Kickers » inclus dans les offres faites à des agents libres restrictifs ne sont absolument pas négligeables ces derniers temps, surtout si l’on est pas complètement confiant au moment de prolonger le joueur en question.
Mais ce n’est pas tout. Si vous pensiez que ces montants bonus rendaient déjà un transfert difficile, le casse-tête est en réalité encore plus grand. Dans son CBA, la NBA explicite plusieurs règles concernant les écarts de salaire possible lors d’un échange. Par exemple, lorsque Kevin Love a été échangé aux Cavaliers, Cleveland devait envoyer en contre partie des salaires au moins équivalent à celui de Love ($15,719,063) moins 5 millions ($10,719,063 donc). Ça, c’était la partie simple. Lorsqu’un échange inclut un joueur avec une clause de transfert, ce même joueur n’a pas la même la valeur suivant l’équipe qui envoie et qui reçoit le joueur. L’équipe récupérant le joueur voit un salaire arrivé incluant le bonus. A contrario, l’équipe qui veut l’échanger voit un salaire sans le bonus. On ne va pas rentrer dans les détails mais pour simplifier, on pourrait dire que cela a pour effet de créer un décalage inhabituel dans la balance d’un échange et complique sérieusement les possibilités de trouver un accord entre franchises. Il faut préciser quand même que le joueur peut accepter de sacrifier une partie ou la totalité de son bonus pour rendre le transfert possible comme ce fut le cas entre Garnett et les Celtics.
Si on résume, les complications liées à un « Trade Kicker » :
– Il oblige l’équipe le transférant à lui payer un bonus qui peut être important.
– Il force la franchise qui le reçoit à sacrifier un peu plus de masse salariale vis-à-vis du Salary Cap.
– Il crée des décalages de balance de salaires pour effectuer un transfert concluant.
On comprend mieux le calvaire que peuvent constituer ces bonus de transfert, c’est presque comme un engagement que le joueur restera pour la durée de son contrat dans l’équipe qui l’a signé. Et pour revenir à nos moutons, le « Trade Kicker » est le bonus parfait à offrir à un agent libre restrictif pour faire douter l’équipe qui détient ses droits. C’est exactement le genre de choses qui rendent ce côté restrictif si complexe à saisir et les extensions des contrats de rookie du 1er tour peuvent permettre de s’en prémunir. Mais à quel prix ? Là est toute la question.
Source : cbafaq, Marc Stein, ShamSports
Par Free sur BasketEvolution
Super article ! J'ai appris beaucoup de chose grâce à cet article, et je trouve dommage que ces "options" ne soient pas mises en avant lors ce qu'on apprend le contrat qu'à signer le joueur, puisqu'elles ont tout de même une certaine importance dans certains cas.
Merci pour le retour, content que ça plaisir car c'est quand même pas des plus ouverts! :)
Généralement, ce genre de bonus est explicité, c'était le cas au moins pour Parsons et Gayward si mes souvenirs sont bons. Après, c'est surtout que c'est le genre de termes qui passe vite à l'oubliette, le montant total et la durée primant sur tout le reste.
Cela dit, c'est intéressant de voir que selon Kawakami (l'insider le plus connu des Warriors), il y a une possibilité que les Warriors ne voulaient pas subir une offre à la con (Trade Kicker, option joueur) vis-à-vis de Thompson lorsque ils l'ont prolongé pour le max. Car il y a toujours la tentation de se dire qu'après tout, le max d'une équipe concurrente sera toujours inférieure au max de l'équipe qui détient les droits (une question d'augmentation) donc autant attendre. C'est ce que doivent se dire les Spurs avec Leonard. Mais il y a toujours le risque de voir une offre sur la table finalement plus contraignante que donner le max. Les Spurs n'ont pas trop de contrainte ni de doute à filer le max sur Leonard je pense donc ça va mais pour les Warriors, au vu de leur situation salariale à venir, il y avait de quoi bien les embêter.