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Le Revenue Sharing, l’incarnation Social-NBA ?

Aujourd’hui on vous propose un nouvel article écrit par  publié sur BasketEvolution qui aborde le ‘Revenue Sharing’

 

On peut reprocher de nombreuses choses aux systèmes des ligues fermées mais ces dernières possèdent souvent pour caractéristique une égalité des chances qui rend envieuse la majorité de ses homologues ouvertes. Il suffit de voir l’introduction du fair-play financier par l’UEFA pour comprendre les difficultés des associations à gommer une partie des disparités financières. Que ce soit par son Salary Cap ou la Draft, la NBA est très progressiste sur ces questions d’inégalités, tellement qu’elle est même régulièrement raillée d’entreprise la plus socialiste du pays. Mais ce n’est pas pour autant que le système n’est jamais critiqué, la question des gros marchés contre les petits reste un éternel affrontement au sein de la grande ligue. Dans un précédent article, nous avons pu voir en quoi consistait réellement ces différences financières. Il est temps maintenant d’étudier les mécanismes mis en place pour les contrer et garantir cette fameuse balance de compétitivité tant prônée par David Stern puis Adam Silver. C’est un sujet crucial pour ce dernier justement. La pression entre propriétaires étant de plus en plus palpable depuis l’introduction du dernier CBA, il est certain que ces questions n’ont jamais été autant d’actualité. Nous allons essayer d’y répondre dans cet article justement.

Wyc Grousbeck, propriétaire des Celtics et principal instigateur du système de Revenue Sharing actuel

 

Il existe deux systèmes de redistribution en NBA :

:arrow: Le premier est assez connu puisqu’il s’agit de la Luxury Tax, cette limite de masse salariale au-delà de laquelle on doit payer des frais supplémentaires. Sans y être obligée, la ligue peut donner jusqu’à 50% du magot généré par cette taxe aux équipes qui ne l’ont pas payée. C’est ainsi que l’on peut comprendre la joie des autres propriétaires face à la facture des Nets l’an dernier, 45 millions de dollars ont été distribués à 25 équipes à la fin de la saison seulement grâce à Brooklyn.

:arrow: Le second est sans doute plus emblématique et plus intéressant : le Revenue Sharing. Mais avant de nous lancer dans sa description, une question mérite d’être posée :

 

Pourquoi mettre en place des systèmes de redistribution ?

« Vous pensez que vous êtes au berceau du capitalisme et vous vous rendez compte que finalement, vous êtes la plus capitaliste de la pièce ! ». Tels sont les mots de Irina Pavlova, la présidente des opérations financières des Nets, lors d’une discussion autour du Revenue Sharing pendant un « Board of Governors ». Il peut être surprenant en effet d’entendre des notions plus proches du communisme que du néolibéralisme lors d’un meeting regroupant plusieurs milliardaires nord-américains. Michele Roberts, la nouvelle directrice du syndicat des joueurs a tenu à peu près le même discours récemment à propos du Salary Cap. Mais en dehors de ces critiques idéologiques un peu simplifiées se cache une question fondamentale : quel équilibre donner entre la volonté de garder une égalité des chances sportives d’un côté et préserver l’indépendance de chacune des franchises de l’autre.

Dès le début, en 1950, la NBA a choisi son credo en adoptant un format de Draft plus favorable aux mauvaises équipes. Mais c’est en 1983 que les choses se bousculent. Afin de partager équitablement les revenus entre joueurs et propriétaires, David Stern met en place le Salary Cap. Ce dernier étant indexé sur les revenus générés par l’ensemble des franchises (appelé BRI), on mutualise ainsi les sommes crées par chacune des équipes. Le problème, c’est que s’il y avait mutualisation des revenus, il n’y avait pas partage pour autant.

Regardons un cas pratique. Le BRI était l’an dernier de 4.8 milliards de dollars. On peut voir ci-dessous les proportions dans lesquelles chaque franchise a participé à ce montant total :

 

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Tout comme nous avions pu le voir en comparant les « big markets » au « small markets », il y a des différences. Or, ces différences ne sont absolument pas répercutées sur le Salary Cap. En effet, ce seuil est calculé en prenant une portion du BRI représenté par le camembert ci-dessus puis en divisant ce dernier en autant de part égale qu’il y a de franchises comme si leur contribution avait été équivalente (pour plus de détails, voir ici). C’est ainsi que le Salary Cap représente 20% du chiffre d’affaire des Knicks et 53% de celui des Bucks. On comprend ainsi pourquoi toutes les franchises ne sont pas égales entre elles face à ce seuil. On peut même y voir un effet pervers : les hauts revenus générés par les gros marchés augmentent les revenus globaux, les revenus globaux augmentent le Salary Cap, le Salary Cap forcent toutes les équipes, y compris les petits marchés, à dépenser plus. A titre d’exemple, le mirifique contrat TV local des Lakers (125 millions de dollars l’an dernier) est responsable à lui seul de presque 2 des 63 millions du Salary Cap actuel. Or, aucune autre franchise que les Lakers ne voit vraiment la couleur de cet argent.

Bref, on a la un système qui n’est pas viable s’il n’y a pas un partage minimum des revenus. Et pourtant, c’est de cette manière que la ligue a fonctionné pendant presque 35 ans, les gros marchés profitant largement des petits. C’est pourquoi de vives critiques furent énoncées sur la « crise » des franchises lors du lock-out de 2011. Une partie ont été entendues puisque la NBA a depuis corrigé le tir avec le Revenue Sharing que nous allons voir immédiatement.

 

La mécanique de Revenue Sharing

Le système qui se cache derrière le Revenue Sharing est assez simple. Dans un premier temps, toutes les équipes vont verser un pourcentage équivalent de leur chiffre d’affaire dans un pot commun, environ 50%. De cette façon, disons que les Lakers participent à 130 millions pendant que les Hornets donnent 50 millions.

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Ensuite, ce pot commun est redistribué aux équipes mais en autant de part égale qu’il y a de franchises. Dans notre exemple, tout le monde reçoit 80 millions.

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C’est ainsi que lorsque l’on fait les totaux, certaines équipes sont gagnantes et deviennent « receveuses » (+30 millions pour Charlotte dans notre cas) pendant que d’autres sont perdantes et donc « donneuses » (-50 pour les Lakers). De manière plus pratique, le pot commun n’a qu’une existence fictive pour le calcul, les équipes donnent ou récupèrent directement l’argent comme ci-dessous :

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Simple comme un exercice de primaire, non ? Désolé de jouer les rabat-joie mais comme toujours dans le CBA, les choses sont plus complexes. Je vous expliquais dans mon dernier article que dans tout le CBA, il y avait un seul endroit où la NBA différenciait les franchises suivant leur statut de Big Market ou non. Cette clause concerne justement le Revenue Sharing :

– Si votre franchise évolue dans une zone avec moins de 1 million de foyers télévisés, vous ne pourrez pas donner pour plus de 15% de vos revenus. Si l’on reprend notre exemple ci-dessus, les Spurs (à la fois un petit marché et un « donneur ») remplissent ce critère.
– Si votre franchise évolue dans une zone avec plus de 2.5 de millions de foyers télévisés, vous ne pouvez pas être « receveur ». C’est pourquoi dans les schémas, les 76ers se voient refuser leur juste part. Ils sont finalement neutres, ne gagnant pas assez d’argent pour faire partie des « donneurs », n’évoluant pas dans un marché moyen ou petit pour faire partie des « receveurs ».
– Les franchises entre 2 et 2.5 millions de foyers télévisés ne reçoivent qu’un pourcentage de leurs gains s’ils ont « receveurs ». Une équipe à 2 millions de foyers, recevra 100% de sa part, une équipe à 2.25, 50%, etc…

Fort de l’expérience des autres ligues (MLB, NFL) bien plus avancées que la NBA sur cette question du partage des revenus, plusieurs règles pour empêcher les abus ont été mises en place :

– Une équipe ne peut pas donner pour plus de 30% de ses revenus + 5 millions.
– Une équipe qui est profitable avant le Revenue Sharing recevra une plus petite part. Dans la même optique, le Revenue Sharing ne peut pas mener une équipe à avoir plus de 10 millions de profits.
– Les équipes sont tenues de faire un minimum de revenus, toujours et encore proportionnels au nombre de foyers TV dans leur agglomération. Les Knicks ont pour objectif de faire au moins 160% des revenus moyens, les Pelicans 60%. Si une franchise est en-dessous de son seuil, elle doit combler le manque en participant plus au pot commun. Elle devra aussi travailler avec les instances de la NBA pour booster les résultats. En cas de situation désespérée, son objectif de revenus sera abaissé.

Avec tous ces critères en plus, le calcul devient bien plus ardu. Mais on peut dire que la NBA a eu le mérite de vouloir trouver un juste milieu, ne prenant pas trop aux riches et demandant à tout le monde de jouer le jeu. A t-elle vraiment réussie ?

 

Futur et conséquences du Revenue Sharing

Là où la Luxury Tax distribuait peu (~45 millions) et sans doute mal (les Bulls recevaient la même part que les Wolves), le Revenue Sharing a rempli ses objectifs premiers avec 232 millions de dollars échangés l’an dernier et seule une équipe en déficit net contre une dizaine il y a quelques temps. Tout cela sachant que l’équipe déficitaire a un profil bien particulier puisqu’il s’agit des Nets et de leur masse salariale à 190 millions de dollars. Globalement, l’amélioration est notable mais ne satisfait pas tout le monde pour autant.

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Les Nets de Prokhorov, la seule franchise déficitaire de la NBA en 2014. Un résultat qui devrait rapidement changer…

Avec un CBA actuel favorable aux propriétaires et un contrat TV national mirobolant qui va bientôt rentrer en jeu, les gros marchés exigent de revenir sur le format du Revenue Sharing trop coûteux de leur point de vue. L’un des leurs arguments est notamment le prix d’achat de leurs franchises : s’il y a une différence de 1.5 milliard entre les Clippers et les Bucks, il faut bien que la différence se ressente ailleurs. De l’autre côté, les propriétaires des petits marchés voudraient aller encore plus loin, mettant en avant les modèles de la MLB et de la NFL où un plus grand partage des revenus mènerait à une ligue plus égalitaire, plus intéressante et donc plus lucrative. De plus, le contrat TV local des Lakers est la preuve selon eux du fossé qui continue à se creuser au niveau des revenus locaux, un fossé qui doit être comblé par un Revenue Sharing plus important.

En dehors de ces batailles entre « small markets » et « big markets », la question du Tanking se pose également. Si la victoire reste primordiale sur le long-terme d’un point de vue sportif, elle l’est aussi souvent d’un point de vue financier. Chaque match à domicile en playoffs rapporte entre 1 et 2 millions de dollars. Les sponsors comme les diffuseurs restent dépendants des bons résultats de la franchise. Ce n’est pas un hasard si les Spurs et le Thunder étaient encore dans le top 10 des équipes les plus lucratives de la ligue l’an dernier. On a tendance à oublier dans ce système de ligue fermée que par un passé encore récent, ces mêmes victoires étaient une question de survie pour les petits marchés. C’est notamment ce qui les empêchaient, ou les désintéressaient plutôt, à construire des stratégies de Tanking trop subversives.

C’est pour cela que 76ers sont l’équipe la plus scrutée et la plus crainte de toute la ligue. Philadelphie est un cas à part dans le sens où la franchise de Pennsylvanie profite pleinement du système sans en payer les conséquences : malgré une saison 2013-14 catastrophique sur le plan sportif, la franchise a dégagé 24 millions de dollars de bénéfices, le 13ème meilleur total de la ligue. Philadelphie peut se permettre ce genre de choses car son propriétaire ne cherche pas à maximiser ces gains financiers sur le court-terme et surtout, la ville est un gros marché. On pourrait donc croire que la stratégie de Sam Hinkie est réservée à une association rare de « big market » et de propriétaire patient. Cependant, le Revenue Sharing énoncé ci-dessus pourrait étendre ce phénomène aux petits marchés.

Le cas des Pirates de Pittsburgh en MLB, le modèle à éviter à tout prix pour la NBA.

 

Dès le début de la mise en place de cette redistribution massive, David Stern et Adam Silver ont voulu éviter le cas des Miami Marlins et Pittsburgh Pirates en MLB. Ces franchises se sont distinguées il y a quelques années par une tactique consistant à abaisser au maximum leurs dépenses (autrement dit, leur masse salariale) et à générer des profits grâce au Revenue Sharing. Le sportif avait complètement laissé place à une opération purement financière et très juteuse. On a pu voir ci-dessus que des limites avaient été mises en place par la NBA pour ne pas tomber dans les mêmes écueils. Néanmoins, comment trouver la juste balance entre donner l’opportunité à chaque franchise de pouvoir concilier victoires et profits mais aussi inciter aussi ces dernières à ne pas sombrer dans le Tanking en privilégiant le court-terme au long-terme ? En cas de succès des 76ers, d’autres pourraient être incités à suivre le chemin, sûrs de leurs garanties financières assurées par le Revenue Sharing.

C’est ici que l’on voit que tout est lié : loterie, tanking, revenus, balance de compétitivité, etc… Vous modifiez juste l’une des composantes et vous avez des conséquences systémiques sur la NBA entière. Tel est le défi d’Adam Silver dans sa volonté de marquer la NBA et surtout, d’éviter la grève ou le lock-out d’ici deux ans en contentant tout le monde : les joueurs, les gros marchés, les petits marchés et les spectateurs. Finalement, l’affaire Sterling était peut-être ce qu’il y avait de plus facile à gérer pour le nouveau commissionnaire…

PS : A noter aussi un élément intéressant : lors de la vente des Kings à Vivek Ranadive, l’un des arguments clés de ce dernier pour être préféré à Seattle par la NBA fut de promettre qu’il ne toucherait pas un centime de Revenue Sharing. De quoi compenser les 18 millions que Sacramento aurait du recevoir par le mécanisme là où Seattle aurait sans doute figuré dans les « donneurs ». Comme quoi, tout est négociable derrière ces principes d’équité.

Source : Forbes, Grantland, Cbafaq

Par  sur BasketEvolution

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