Les sept clés de l’intersaison 2015
Aujourd’hui on vous propose un nouvel article écrit par Free publié sur BasketEvolution qui nous parle cette fois de l’intersaison.
Sources : ESPN, cbafaq, heathoops
Pendant de nombreuses années, les mots de Salary Cap, de Bird Rights, de Trade Exception étaient inconnus pour presque la totalité des fans NBA. Mais les menaces de lockout quasi-quinquennales, les restrictions de dépense de masse salariale, la stimulation du marché des agents libres sont autant de facteurs qui ont poussé de force le grand public à s’y intéresser. En effet, difficile de comprendre les rouages de chaque mouvement sans avoir un minimum de connaissances dans les arcanes du très obscur Collective Bargaining Agreement, le texte qui régit la ligue. Petit à petit, la compréhension du sujet fut de plus en plus commune. Le problème, c’est que tout cet apprentissage risque de devenir caduc lors des prochaines intersaisons. Avec cet énorme influx d’argent que va représenter le nouveau contrat TV national, la donne va changer sur du nombreux points. Maintenant que la saison 2014/15 vient de se terminer et que l’intersaison approche à grands pas, voici un article pour expliquer ces modifications, des plus évidentes aux plus abstraites, afin de comprendre au mieux les philosophies de construction d’équipe à venir.
Court-Terme VS Long-Terme
C’est bien évidemment la première chose à retenir : signer un contrat à l’intersaison 2016 risque d’être plus rentable qu’à l’intersaison 2015. Logique me direz-vous, il devrait y avoir environ 650 millions de dollars à se partager en plus entre les joueurs si l’on s’en tient à leur part des revenues (51%). Du coup, ceux qui accepteront des contrats longue durée cet été ne voudront pas être lésés. On a pu déjà voir cet effet lors de l’été 2014 entre ceux qui ont signé avant l’annonce conjointe de la NBA et des diffuseurs (Lowry, Markieff) et ceux qui ont paraphé leur contrat après (Faried, Bledsoe). Maintenant qu’il ne reste plus qu’une petite saison avant l’eldorado, on peut se demander dans quelle mesure les agents demanderont un effet compensateur pour accepter des contrats longs dès cet été. Le cas de DeMarre Carroll est de ce point de vue très intéressant. S’il paraît un brin exagéré de donner à l’ailier des Hawks un salaire supérieur à 10 millions dès la saison à venir, il n’y a que très peu de doute que sa valeur devrait se situer au-dessus de ce seuil en juillet 2016. En raisonnant en pourcentage de Salary Cap (une méthode plus juste pour comparer que les sommes brutes), un 10 millions en 2015-16 devrait avoir pour équivalent 15% du Salary Cap. Rien qu’en 2016-17, ce ratio tombera à 11%.
Mais il y a deux limites à ce raisonnement :
- La première est bien évidemment l’inconnue du long-terme, notamment pour le joueur. Ce dernier peut encore évoluer, progresser et donc augmenter sa valeur. S’engager trop rapidement pour une longue durée pourrait donc être contre-productif pour lui. Une problématique qui s’inverse si un agent libre de 2015 tente le pari d’un contrat court et revenir sur la place des négociations quand l’argent coulera à flots. Carroll (29 ans l’an prochain) n’a pas encore gagné beaucoup d’argent et il n’est pas certain qu’il prenne le risque de voir tout s’envoler si son corps craque au plus mauvais moment. A l’inverse, un DeAndre Jordan semble tout désigné pour jouer cette carte. Avec déjà 33 millions de dollars amassés en carrière, seulement 26 ans et pas de blessure grave en antécédent, le pivot des Clippers a sans doute intérêt à attendre encore un an avant de signer un contrat sur plusieurs années.
- La deuxième limite tient dans le seuil maximum auquel on peut être augmenté au cours de son contrat. Celui-ci est à 7,5% (ou 4,5% selon les cas) de la somme de la première année du contrat. De 2009 à 2014, la ligue ne connaît pas de nouvelles rentrées d’argent, le montant disponible au travers des 30 franchises n’évoluait pas et signer avec les 7,5% d’augmentation annuelle était du coup très rentable. On peut le voir ci-dessous avec l’exemple d’un contrat max signé en 2012 : celui-ci prend de la valeur au fur et à mesure des saisons. Mais maintenant que le Salary Cap grimpe à toute vitesse (7.4% l’an dernier, 6.8% cette année, 32% en 2016), la barrière des 7,5% ne compense plus ce que l’on pourrait appeler l’inflation NBA. Ainsi, les joueurs sont moins incité à s’engager pour du long-terme dès maintenant, une décision qui leur ferait perdre de la valeur quoi qu’il arrive. C’est ainsi que parapher le même contrat max mais en 2015 revient en termes d’inflation NBA à ce que l’on aurait appelé un contrat dégressif en 2012.
Le jeu du long-terme contre le court-terme sera le moteur de toutes les tractations estivales et il sera très intéressant de voir quels choix les franchises, les agents, les joueurs feront. Mais ne vous étonnez pas si vous voyez cet été des Khris Middleton, Danny Green, Tristan Thompson approcher le contrat maximum.
Cap Space VS Cap Floor
L’autre grande interrogation de l’été va être de voir à quel point les équipes qui le pourront chercheront à utiliser leur marge salariale sous le Salary Cap. Ce que l’on appelle aussi abusivement du Cap Space est le moyen de signer des agents libres. Dans une NBA où il est de plus en plus dur pour les gros dépensiers de bâtir des échanges valables, le marché de la « free agency » est devenu quant à lui un domaine clé pour gagner une dynamique positive. Un domaine où il faut ce Cap Space. Et que ce soit avec Iguodala pour les Warriors, LeBron James pour les Cavs, Dwight Howard pour les Rockets, Millsap/Carroll/Korver pour les Hawks, les quatre finalistes de conférence cette année en ont bénéficié pour construire leur effectif. Une flexibilité qui a été remarquée et largement copiée au sein de la ligue (bien aidée par des contrats raccourcis), il suffit de voir le nombre d’équipes en disposant lors de l’intersaison à venir. Mais qu’en sera t-il lorsque même les équipes qui auront payé la Luxury Tax lors de saison 2015-16 pourront se retrouver en dessous du Salary Cap dès le 1er juillet 2016 ? Privé de sa rareté, ce Cap Space risque de constituer un avantage réduit pour attirer les gros poissons. Quand presque tout le monde pourra envoyer un contrat max à Durant, Howard, Horford, qu’est-ce qui différenciera les franchises pour convaincre les joueurs ?
En dehors des questions classiques de taille de marché, de taux d’imposition et compagnie, le projet sportif sera au cœur des argumentations. Et si beaucoup de monde aura envie de copier le Heat en 2010 en proposant à deux ou trois stars de s’associer, une telle redite sera loin d’être évidente. C’est surtout l’ensemble des joueurs assurés d’être dans le roster qui pourra faire tomber le premier domino, comme souvent. Et pour avoir un bon corps de joueurs, il faut remplir sa masse salariale. Bref, trouver le bon équilibre entre Cap Space et effectif attirant risque d’être le dilemme de nombreuses franchises. Un dilemme d’autant plus compliqué qu’il faudra bien respecter la règle de Cap Floor au commencement de la saison 2016/17. Fixé à 90% du Salary Cap, ce montant minimum à respecter augmentera probablement de 60 millions de dollars en 2015 à 80 millions en 2016. Comme on peut le voir su le schéma ci-dessus, la transition est pour le moins violente et l’ajustement ne sera pas évident pour tout le monde. Si la punition en cas de violation est assez permissive (l’équipe doit reverser le manque de masse salariale à ses joueurs), elle incitera sûrement les GMs à dépenser plus d’argent. Tellement d’argent que, pour une fois en NBA, l’offre risque d’être bien inférieure à la demande et que certaines équipes risquent de se retrouver en dessous du Cap Floor par manque d’agents libres ! Besoin de dépenser, besoin de se différencier du troupeau avec un roster aguicheur, voici encore plus d’intérêt de surpayer des joueurs dès cet été.
Rookie Contract Prolongation
Le jeu des prolongations des juniors de la NBA risque d’être un excellent indicateur de la façon dont les General Managers réagiront en 2016. En effet, tous ces joueurs draftés au premier tour et à qui il reste une 4ème et dernière année de contrat peuvent signer une extension un an en avance (ou pas, comme Jimmy Butler ou Kawhi Leonard dernièrement). Une négociation souvent difficile pour les franchises, le front office se devant de bien doser la valeur du joueur par rapport à son potentiel alors même que le contexte dans lequel il a évolué est souvent imparfait. Des pourparlers encore plus compliqués cet été puisque les contrats, bien que négociés en 2015, rentreront en vigueur au 1er juillet 2016, moment où le cap explosera. Certes, la prolongation d’un Anthony Davis ne devrait être soumis à aucune hésitation. Mais qu’adviendra t-il pour des joueurs dans des zones un peu plus grises comme Lillard, Beal, Drummond, Barnes, Valanciunas ? Voici les contrats max auxquels ces joueurs peuvent prétendre :
A surveiller de très près.
Une Luxury Tax raccourcie
Autre conséquence intéressante à ne pas négliger : l’envol de la Luxury Tax. Également indexée sur les revenus de la ligue, il n’y a pas de raison que ce seuil ait un régime différent du Salary Cap. C’est ainsi que, prévue à 81 millions cette intersaison, elle pourrait atteindre les 108 millions en 2016. Si ce montant ne paraît pas impossible à dépasser, il a de quoi soulager certaines équipes qui s’en approchaient dangereusement. Celles-ci seront donc confrontées à un choix cornélien cet été : payer la taxe sur la saison à venir en sachant que la facture ne durera qu’un an ou privilégier les bénéfices en acceptant de perdre un joueur qu’ils ne pourront pas remplacer avant un an, faute de flexibilité. Les Warriors, sûrs de proposer un salaire important à Draymond Green, n’ont-ils pas intérêt à conserver David Lee en cas d’offres non valables pour ce dernier plutôt que de sacrifier un tour de Draft par exemple pour qu’une équipe accepte de le prendre ? Les Bulls ne doivent-ils pas garder Butler et Dunleavy plutôt que de laisser partir l’un des deux par souci d’économie ? Les Cavaliers se risqueront-ils à voir un joueur parmi leur armée d’agents libres s’envoler vers une autre franchise à cause de la Luxury Tax ? Là où ce genre de décision impliquait des amendes sur quelques années, les voir se transformer en une pilule d’un an pourrait faire réfléchir à deux fois les propriétaires les plus proches de leur porte-monnaie.
Ne pas oublier les cols blancs
Un élément sous-estimé de la hausse des revenus est la façon dont les propriétaires vont gérer leurs dépenses. Si la masse salariale des joueurs est plus ou moins gravée dans le marbre avec cette part de 51% du chiffre d’affaires de la ligue, ce n’est pas le cas pour le reste. Avec un personnel de plus en plus nombreux, de plus en plus responsabilisé, assistera t-on à une guerre pour s’arracher les meilleurs équipes médicales, les coaching staffs les plus compétents, les front offices les plus pointus ? Ou au contraire, bien pressés de se remplir les poches, est-ce que les possesseurs de franchises NBA privilégieront les bénéfices ? Les stratégies risquent sans doute de varier dans un premier temps mais l’évolution des salaires des cols blancs sera un excellent sondage pour voir à quel point la nouvelle génération de propriétaires considèrent ce qui ne court pas sur un terrain. Quoi qu’il arrive, des départs sont sans doute à prévoir suivant les franchises.
Le crash des exceptions, la bulle des TDDs
Plus haut, nous avons évoqué la notion « d’inflation NBA » : la perte de valeur due à l’augmentation de l’argent disponible dans la ligue. Un phénomène qui va faire beaucoup de mal aux exceptions comme la Mid-Level Exception, le joker parfait des candidats au titre pour se renforcer. Contrairement aux contrats maximums qui suivent l’évolution du Salary Cap, cela n’est pas le cas des exceptions. Au moment de la signature du CBA en 2011, la ligue et les joueurs se sont mis d’accord sur leurs montants jusqu’en 2021. Et sur une période de 10 ans, celle-ci augmente de 26%. Un pourcentage à comparer à la croissance du Salary Cap qui augmentera de 32% en seulement un an. Autant dire que des joueurs du calibre de Livingston, McRoberts, Collison qui ont signé l’an dernier pour la MLE risquent d’être très difficiles à atteindre dans un futur proche avec des enveloppes qui perdent clairement en intérêt financier.
A contrario, les franchises pourront se réjouir de savoir que les contrats de rookie et les contrats minimums sont eux-aussi fixés jusqu’en 2021. Le salaire du 1er pick de Draft en 2021 ne sera que 32% plus important que celui de 2011, encore une fois assez loin de l’évolution du Cap sur la même période. La conséquence sera bien évidemment une valeur encore plus accrue des Tours de Draft dans les années à venir. Concernant les contrats minimums, ils risquent d’augmenter les inégalités entre les joueurs, les franchises pourront réserver une part plus faible de leur masse salariale pour combler leur fin d’effectif. Sauf si…
Le Flou de 2017
Sauf si les joueurs ou les proprios décident de remettre les compteurs à zéro en renégociant le CBA d’ici là. En effet, chacune des parties aura la possibilité de casser l’accord (normalement valable jusqu’en 2021) avant la saison 2017/18, un an après l’explosion du Salary Cap. Et c’est une éventualité qui amène un flou considérable sur l’avenir de la ligue. Comme à chaque discussion, le partage des revenus sera le point clé des pourparlers : ce dernier était passé de 57%-43% en faveur des joueurs à un 50%-50% (en réalité, 51%-49%) en 2011. Prétextant de nombreux déficits pour obtenir gain de cause à cette époque, il est vrai qu’il sera difficile pour les propriétaires de rester sur un statu quo maintenant que l’argent coule à flots. Un lockout ou (plus probablement) une grève ne semble pas impossible, loin de là. Or, un tel évènement aurait bien évidemment des répercussions sur le chiffre d’affaire de la NBA, même si cette dernière s’est bien remise des épisodes de 1999 et 2011. Et qui dit répercussions sur le chiffre d’affaires dit effets collatéraux sur le Salary Cap. Mais de l’autre côté, si les joueurs raflent la mise, tout pourcentage récupéré équivaudra à une augmentation du Salary Cap de 2 millions. Tout cela sachant que le nouveau et lucratif contrat avec l’équipementier Nike devrait rentrer en vigueur au même moment ainsi que de potentiels droits TV locaux renégociés à la hausse. Bref, on comprend rapidement que les inconnues sont nombreuses et qu’elles peuvent influencer le Salary Cap dans un sens comme dans l’autre.
Une instabilité qui déplait fortement à la ligue, autant dire aux propriétaires. Récemment, la NBA a envoyé son communiqué annuel où sont précisés les estimations concernant le Salary Cap dans le futur. On retrouve bien ce seuil aux alentours de 67 millions pour la saison à venir puis de 89 millions pour 2016/17. Mais, plus étrange, les projections ne s’arrêtent pas à deux ans comme d’habitude. Les chiffres vont jusqu’en 2020/21, soit six saisons en avance ! Et comme on peut le voir sur le schéma ci-dessous, les résultats sont pour le moins étranges.
Pourquoi observe t-on une augmentation du Salary Cap entre 2016/17 et 2017/18 aussi brutale que celle de 2015/16 à 2016/17 alors que la transition du contrat TV national aura déjà été effectuée ? Qu’est-ce qui amène ensuite à une décroissance entre 2017/18 et 2018/19 ? En réalité, cela s’explique par une combinaison de mécanismes d’ajustements obscurs du CBA et d’estimations osées qui font que le crédit à donner autour de ces projections est quasi nul. Mais dans quel but délivrer un tel message ? On peut y voir une contre-offensive d’Adam Silver suite au refus par le syndicat des joueurs de sa proposition pour avoir une augmentation du Salary Cap décorrélée des revenus, surnommé « smoothing ». Autrement dit : « Regardez les conséquences de votre non-coopération ! ». Preuve que la bataille entre propriétaires et joueurs a déjà commencé et que le résultat de ce conflit sera un élément de plus à prédire pour des General Managers naviguant déjà en eaux troubles.
L’intersaison 2015 n’est que le début d’une période de transition complexe qui risque de bouleverser profondément les parties de poker bien établies entre franchises. De quoi amener à la situation paradoxale où l’été est loin d’être la saison morte de la NBA. Happy Interseason !
Par Free sur BasketEvolution
Très intéressant !
Bonne chance pour les joueurs de faire plier les proprio de la NBA !