Basketball Manager: Ma partie, Episode 7
StillBallin s’est collé au jeu de simulation de gestion sportive « Basketball Manager » qui offre la possibilité à son possesseur d’enfiler le costume de General Manager d’une franchise NBA. Alors qu’il teste cette réplique version balle orange de Football Manager pour la première fois, le chroniqueur a décidé de relever l’un des défis les plus relevés de l’histoire de la célèbre ligue américaine: faire gagner un titre aux Timberwolves de Minnesota.
[Lire les épisodes précédents]
L’impatience qui hameçonne ma joue me pousse à faire avancer le jeu alors que je n’ai pas encore terminé les indispensables préparatifs à toute progression dans le temps. Mais tant pis, je suis encore au premier jour virtuel de ma partie et l’envie de voir cette NBA fictive prendre vie autour de moi devient trop forte. Je vais perdre du temps dans la recherche d’un éventuel transfert et du temps de scouting, des opportunités vont peut-être me passer sous le nez avant que je ne sache si elles pouvaient être intéressantes ou non pour mon projet sportif, mais ce n’est pas grave. Ce n’est qu’un jeu.
J’appuie sur la flèche sur fond bleu à droite de l’écran. Le panneau de mes messages s’excitent et les petites lignes représentant chacune une missive s’empilent les unes sur les autres comme les petits cubes de Tetris. A chaque clic sur ces lignes, un petit morceau de cette NBA simulée s’anime devant moi: Russell Westbrook annonce qu’Oklahoma City sera la meilleure équipe de l’Ouest cette année, Anthony Davis vise le titre de MVP et DeMarcus Cousins fait savoir qu’en cas de non participation à la prochaine post-season, il pourrait bien envisager de demander un transfert.
Le jeu a également intégré Twitter et récapitule les gazouillis à retenir dans un message journalier. Les joueurs, coachs, dirigeants, journalistes et observateurs multiples s’y mêlent pour délivrer rumeurs, statistiques, bons mots ou trash-talking dans une ambiance bien plus bon enfant et moins corrosive que celle généralement engendrée par le réseaux au piaf bleu.
Je me doute que Basketball Manager était bien tenté d’y faire dire des âneries à certains joueurs ou autres personnes déjà bien assez connus pour ça. Ça lui aurait donné du piquant et permis de distiller un peu d’humour dans un type de jeu bien trop souvent plus sérieux que la réalité qu’il veut reproduire. Je suppose cependant que la volonté de ne pas se mettre la moindre personne à dos était trop forte. Difficile de leur en vouloir. Le risque de tourner ce truc en caricature ridicule était peut-être également trop grand pour être raisonnablement pris.
Toujours est-il qu’on y apprend que les discussions concernant la prolongation anticipée de contrat de Bradley Beal battraient de l’aile, que les Mavericks seraient intéressés par Taj Gibson et que Patrick Patterson est un bien meilleur finisseur sur pick-and-roll que je le croyais (1,19 point par possession de ce genre). Pat Riley affirme de son côté que le Heat va flinguer des mères à l’Est (du moins, c’est ce que je comprends quand il tweete que le championnat ne se méfie pas assez de son équipe) et Ty Lawson déclare être heureux de jouer pour les Rockets.
Je passe plus ou moins vite les différentes infos (tiens, Henry Walker signe en Italie) jusqu’à un message qui est en fait une proposition d’interview de la part d’un journaliste local. L’intelligence voudrait que je finisse ma réflexion sur l’équipe et surtout que je m’entende avec Flip Saunders sur les orientations futures de la franchise avant d’accorder cet entretien, histoire d’éviter de dire publiquement des choses sur lesquelles je voudrais peut-être revenir après une analyse un peu plus approfondie de l’effectif, ou qui iraient à l’encontre de ce que le coach a en tête alors que je n’en ai pas encore discuté avec lui. Mais je n’en ai pas envie (un sourire idiot s’affiche sur mon visage). Avance le micro, Paper Boy.
Malheureusement, les questions sont un peu décevantes. Je réponds à des banalités par des banalités. Évidemment que je suis content d’être à la tête des Wolves. Bien sûr que mon objectif est de faire de cette équipe la meilleure possible. Effectivement, la tâche sera ardue… Le système de combinaison de mot-clefs permettant pratiquement de créer des phrases de toutes pièces offre une certaine liberté mais toute la créativité du monde est inutile face à ce genre de questions à la réponse automatique.
Le journaliste se montre un peu moins insipide et évoque l’embouteillage à l’intérieur. Cette fois, c’est moi qui plombe l’interview en bottant lâchement en touche. Je ne fais pas ça de gaité de cœur mais je n’ai moi-même pas encore réfléchi à la manière de traiter cette situation, ni évoqué le sujet avec Saunders. Passer pour un mou du genou indécis devant la presse, même fictive, n’est pas spécialement un plaisir mais plutôt ça que créer des imbroglios pesant sur l’atmosphère de l’équipe ou froisser inutilement des susceptibilités.
Les questions que j’attendais et redoutais en même temps arrivent enfin. Certes, monsieur le journaliste, j’ai pris les fonctions de General Manager qu’occupait coach Saunders mais Flip est un professionnel qui, quand je l’ai rencontré, a fait honneur à sa réputation d’homme intelligent qui n’a que le seul intérêt de la franchise à l’esprit. Il est également un grand entraîneur et je n’ai aucune inquiétude quant au succès de notre collaboration.
Le plus malin scribouillard qu’il n’y paraissait me demande si Saunders aura droit à la parole dans les décisions de mouvements d’effectif. Le coach est un rouage majeur dans la réussite d’une équipe, réponds-je, et il a besoin des moyens qu’il juge approprié pour faire un bon travail. Je n’imagine donc pas prendre des décisions importantes sans avoir eu son avis sur la question.
Il était intéressant de voir que cette phrase que j’ai choisi et qui correspondait assez bien à ce que j’avais en tête existait également en une version légèrement différente en ce sens que le mot « avis » était remplacé par le mot « aval ». Cette nuance est loin d’être insignifiante: dans un cas, j’indique publiquement que j’écouterai Saunders dans mes prises de décisions. Dans l’autre, j’annonce que mes choix seront subordonnés à ses validations.
Saunders a des oreilles, s’il m’avait entendu dire au monde entier qu’il avait un droit de veto sur mes décisions, il ne se serait pas privé d’utiliser ce puissant pouvoir avec ce qui semble être ma bénédiction. Et si malgré mes propos je serais passé outre son désaccord, l’iconique coach de la franchise m’aurait fait la guerre. Ce fichu jeu a l’air d’être presque aussi vicieux que la réalité. C’est merveilleux.
Le journaliste tente un violent coup d’estoc: « Ne pensez-vous pas que Saunders sera celui qui, dans les faits, prendra les décisions sportives tandis que vous n’exerceriez en réalité que les tâches purement administratives de General Manager? »
Ma réponse sera abrasive. « Il est bien malséant de votre part d’imaginer que Flip Saunders est le genre de personne à s’approprier le pouvoir de la sorte. »
Une petite fenêtre apparaît pour m’indiquer que je perçois un certain énervement chez mon interlocuteur suite à ma contre-attaque cinglante. Je me suis peut-être fait un ennemi. Cependant, j’ai raffermi publiquement ma position dans la franchise et vraisemblablement mis la pression sur Saunders si jamais il avait réellement des velléités de reprendre les pleins pouvoirs.
Alors que mon interlocuteur bat en retraite avec une question plus classique sur la philosophie de jeu que j’espère voir développer par les Wolves cette saison, je l’envoie balader avec la réponse la plus popovitchienne que m’offre le jeu: « notre stratégie sera de marquer des paniers et d’essayer de ne pas en prendre ».
Une seconde fenêtre s’affiche pour me signaler que le petit bonhomme a l’air, selon mon C+ en perception des humeurs d’autrui, assez irrité. D’ailleurs, l’entretien se termine sans autres questions de sa part. Je vais avoir droit à un papier gratiné demain matin.
Dans le monde de chair et d’os, le jeu médiatique est un exercice périlleux et aléatoire. Il enveloppe bien plus d’enjeux que la simple information et il peut avoir des répercutions positives ou négatives sur l’équipe comme sur la situation des individus, dirigeants ou autres. Basketball Manager a l’air de vouloir reproduire cet élément de la sphère sportive. En bref, va falloir prendre ces interviews au sérieux.
En bas, à droite de la discussion désormais close, un bouton dénommé « Médias » me fait les yeux doux. Appuyer dessus ouvre un espace paraissant centraliser toutes les déclarations, rumeurs et commentaires tournant autour du championnat. Un petit menu me permet de filtrer les nombreuses lignes pour que soient uniquement affichées celles ayant traits à une franchise ou un joueur en particulier.
Rien de bien excitant ne concerne les Wolves. Parmi les déclarations estivales habituelles des uns et des autres, il est seulement fait état d’un faible intérêt de quelques franchises pour Kevin Martin. C’est tout. Rien pour Nikola Pekovic et ce n’est pas une surprise au regard de son profil peu maniable, de son gros salaire et de ses antécédents de blessures. Je ne sais pas encore si le monténégrin est un candidat à un transfert mais s’il le devient, je devrais avoir du mal trouver preneur.
Je brise le filtre et parcours quelques instants les rumeurs de transfert ou celles faisant état de joueurs malheureux dans leur équipe pour avoir un œil sur les potentielles opportunités à saisir. J’avais déjà aperçu l’ultimatum de Cousins dans mes messages mais je remarque aussi des bruits de trade concernant des éléments de moindre envergure que j’ignorais: Brandon Jennings est au milieu de rumeurs de départ, Markieff Morris ronchonne et Gerald Henderson fait savoir qu’il ne se sacrifierait pas sur l’autel de la reconstruction des Blazers. Rien de tout cela m’intéresse mais jeter régulièrement un rapide coup d’œil à ce qui se dit peut rapporter gros. Certaines ouvertures viennent parfois de nulle part et nécessitent d’être présent au bon moment pour en profiter.
L’exemple de James Harden que le Thunder avait transféré à Houston sans attendre de tourner sept fois sa langue dans sa bouche, en est une belle illustration. Presque caricaturale, même. Si les négociations sur la prolongation de contrat capotent encore longtemps entre Washington et Brad Beal, je serai peut-être bien avisé de me tenir en embuscade si jamais les Wizards désiraient le transférer tant que c’est possible avant de risquer de le perdre sans rien en échange. Un scénario dans lequel Nikola Mirotic râlerait à propos de son temps de jeu jusqu’à demander un transfert ne serait également pas pour me déplaire.
Et si les dieux sont joueurs, Kevin Durant annoncera qu’il ne poursuivra pas sa collaboration avec Oklahoma City au-delà de cette saison. Le Thunder serait donc tenté de le transférer plutôt que de prendre le risque de le perdre l’été 2016, à la fin de son contrat, sans rien obtenir en retour.
Minnesota n’est certainement pas une destination que le Slim Reaper a cochée dans sa liste mais cela ne m’empêchera pas de tenter quelque chose. Pour un Durant, je pourrais transférer Andrew Wiggins et tout ce que j’ai qui ne s’appelle pas Towns ou Rubio. Non pas que je considère que l’un et l’autre ont plus de valeur que Wiggins mais peut-être plus que quiconque, le canadien sera capable de convaincre OKC de traiter avec moi plutôt qu’avec une autre franchise, tandis que la présence d’un meneur et d’un pivot du profil et du talent de Tricky et de Tony Toné promet à l’ancien MVP de tomber dans un cadre de départ qui lui siérait à merveille. Le triangle Durant-Rubio-Towns présente sur la feuille de match une magnifique combinaison de qualités, de jeunesse et de complémentarité dans laquelle je pourrais y voir le potentiel d’un candidat au titre. Du moins, si Towns montre assez vite qu’il est du bois de ceux qui règnent.
Cet aspect serait une condition sine qua none. Je ne transfère Wiggins pour Durant qu’avec l’assurance de voir Dudu prolonger son contrat une fois les valises posées dans le Minnesota et pour cela, il faut lui promettre les meilleures chances de remporter un titre. Une promesse qui ne pourra que prendre la forme d’un Towns du feu de dieu. Dans ce rêve à haute voix, je pourrais même tenter d’embarquer Serge Ibaka au milieu de ce colossal transfert en forme de coup de tonnerre.
Voir Ibaka sous les couleurs des Wolves était un petit fantasme que j’avais, il y a quelques temps. A vrai dire, quand le congolais n’avait pas encore autant développé son shoot et qu’Harden était encore en tunique turquoise et bien trop sous-coté, j’avais l’insolence de penser que la franchise du froid pourrait s’adjoindre les services de ces deux éléments en échange de Kevin Love, alors au sommet de sa gloire (que je trouvais et trouve toujours un brin exagérée).
Le Thunder aurait converti ce qu’on qualifiait de deux très bons joueurs de complément contre une star et serait parti à la conquête du monde avec un cinq Westbrook-Sefolosha-Durant-Love-Perkins. On était en 2011 et ça aurait eu de la tronche.
Minnesota aurait aligné une équipe Rubio-Harden-Beasley-Ibaka-Pekovic tout aussi talentueuse et bien mieux équilibrée des deux côtés du terrain. De quoi largement faire les playoffs à mon avis. Si en plus Harden et Ibaka avaient suivi la même évolution que présentement, les observateurs se seraient retournés sur ce transfert du passé en hurlant à quel point il s’agissait d’un coup de génie de la part de Minnesota.
Je ne me serais cependant pas reconnu dans ce qualificatif. Je pensais qu’Harden était mal considéré et voyais même en lui le meilleur joueur d’Oklahoma City derrière Durant et devant Westbrook, mais l’idée qu’il puisse un jour sérieusement contester le titre de MVP au leader d’une équipe ayant tout détruit sur son passage n’a jamais frôlé mes pensées. Imaginer Serge Ibaka devenir une réelle menace à trois points était également un peu trop pour moi.
Basketball Manager n’existait pas à l’époque et ce fantasme de trade est resté dans les cartons de mon esprit, sans même une application virtuelle pour calmer ma frustration. Mais ces temps sont désormais révolus et pouvoir m’amuser aujourd’hui avec Wiggins et sa clique réparera grandement cet acte manqué.
A suivre.
StillBallin (@StillBallinUnba)
Malheureusement même si Durant rien assure qu'il va prolonger même si il le promet en interne !