Cahier des rookies: les intérieurs au pouvoir
Le petit monde des rookies est un univers à part dans une saison NBA. Toutes les deux semaines, Basket Infos vous propose d’analyser les performances, bonnes ou mauvaises, des débutants dans la grande ligue.
Les intérieurs en force
Vous connaissez la thèse selon laquelle, en NBA, les joueurs intérieurs mettent plus de temps à se développer que les autres? Exception ou non, le début de saison des rookies déroge pour l’instant à la règle de manière spectaculaire. Si l’on regarde le haut du panier des débutants, la domination des intérieurs sautent aux yeux. Le graphique ci-dessous montre les meilleurs performeurs, classés au nombre de points par match et à l’efficiency.
Les deux premiers, dans les deux catégories, et de très loin, sont deux pivots, Okafor et Towns. Le troisième est, à chaque fois (et bien qu’avec peu de marge), Kristaps Porzingis. Derrière ce trio gagnant, le constat semble moins clair au scoring, puisque ce sont deux meneurs, Mudiay et Russell, qui suivent. De point de vue de l’efficiency, en revanche, rebelote: si le surprenant McConnell est en quatrième position, le 5e et le 6e sont deux nouveaux intérieurs, le « faux » rookie Nemanja Bjeliça (27 ans) et le défenseur des Kings Willie Cauley-Stein. Soit cinq intérieurs sur les six rookies les plus efficaces!
Comment expliquer ce phénomène? Tout d’abord, il est clair que la draft 2015 était perçue depuis longtemps comme une draft d’intérieurs, ce qui s’est confirmé lors du choix des franchises. Trois des quatre premiers picks ont été utilisés pour drafter des big men: Towns (#1), Okafor (#3) et Porzingis (#4). Soit le trio que l’on retrouve en tête des évaluations. Dans la suite de la lottery, on trouve plusieurs autres intérieurs: Cauley-Stein (#6), Kaminsky (#9), Turner (#11) et Lyles (#12). Ce qui nous donne sept intérieurs choisis dans la lottery, un chiffre supérieur aux drafts 2014 (4), 2013 (6), 2012 (5) et 2011 (6). Malgré l’attirance classique des franchises pour le fameux franchise player qui changera leur raquette, c’est également la première fois en cinq ans que trois purs intérieurs ont été choisis dans le top 4.
On met souvent en avant que les stats des rookies sont faussées par la liberté qu’ont certains d’entre eux de faire des stats dans de mauvaises équipes. Si le fait est avéré pour Jahlil Okafor (quoi qu’il faille quand même les faire, les stats, hein…), il ne tient que modérément pour Towns et Porzingis, qui sont titulaires d’équipes du ventre mou, frôlant le bilan équilibré. Idem pour Cauley-Stein, qui, malgré le bilan très moyen des Kings, n’a pas du tout carte blanche, et est efficace dans un cadre collectif. Surtout, ces joueurs ne sont pas plus avantagés par le contexte de leur franchise que les meneurs Mudiay et Russell, qui jouent dans des équipes n’ayant que peu d’ambitions, si ce n’est développer leurs jeunes. L’argument se défend, en revanche, pour expliquer que Justise Winslow n’apparaisse pas plus haut dans le classement: quand vous jouez avec Bosh, Wade, Dragic et Whiteside, la possibilité de marquer des points est forcément plus basse.
Il est bien sûr trop tôt pour tirer quelque conclusion que ce soit sur la future carrière de tous ces joueurs, mais deux choses semblent sûres après une douzaine de matchs: 1) Aucun des trois intérieurs choisis dans le top 4 n’a usurpé sa place et, sauf blessure, devrait échapper au flop du big man choisi trop haut. 2) Les franchises concernées ont choisi intelligemment, en sélectionnant un joueur pouvant être utile immédiatement, dans un effectif où une place lui était réservée. C’est également le cas pour Emmanuel Mudiay, dont les stats moyennes viennent du déchet de son jeu (31.6 % aux tirs, 4.5 ballons perdus), mais pas pour D’Angelo Russell, empêtré dans un backcourt des Lakers surchargé de croqueurs de joueurs ayant besoin d’avoir la balle. Si ces stats nous disent quelque chose, c’est bien, d’une part, le talent des intérieurs de cette classe de draft et, d’autre part, la valeur du développement intelligent des rookies. Russell, mais aussi Hezonja, Kaminsky ou Payne font pour l’instant face à une organisation qui, pour une raison ou une autre, ne leur offre pas les conditions idéales pour se développer. Cela viendra peut-être.
Okafor, Porzingis, Towns: typologie de l’intérieur moderne
Cela étant, parler de la domination des intérieurs ne doit pas cacher les profondes différences dans le jeu de chacun des joueurs cités. Si le trio composé d’Okafor, Porzingis et Towns est aujourd’hui en tête des pronostics pour se disputer le titre de Rookie of the Year, c’est pour un style de jeu différent. Comme prévu, Jahlil Okafor s’affirme comme une force sous le panier, avec un range assez limité:
Okafor prend 71 % de ses shoots près du cercle, où il tourne à un honnête 53.7 % de réussite, juste en-dessous de la moyenne de la ligue. Dès qu’il s’écarte, on rentre dans le rouge, sauf lorsqu’il shoot en tête de raquette. La surprise vient du fait qu’on s’attendait à voir en Okafor le rookie de très loin le plus efficace de la ligue près du cercle, grâce à ses moves poste bas. Or aussi bien Towns que Porzingis font jeu égal dans ce domaine, avec plus de 52 % de réussite dans la zone. Par rapport au pivot des Sixers, les deux joueurs ont l’avantage de savoir s’écarter. Karl-Anthony Towns utilise ainsi beaucoup plus le tir à mi-distance, notamment du côté gauche, où il a montré ses capacités à réussir des moves à la LaMarcus Aldridge.
Il a incontestablement la capacité à shooter à trois-points, comme il l’a prouvé en mettant un très gros shoot dans le money time face aux Blazers, mais reste prudent de ce côté là. La répartition de ses shoots laisse entrevoir une aisance à toute distance: 57.6 % dans la raquette, 11.6 % entre 8 et 16 ft, 27.4 % entre 16 et 24 ft.
La shotchart de Kristaps Porzingis est, elle, plus brouillonne. Le Letton fait honneur à la comparaison avec Dirk Nowitzki en s’écartant énormément du cercle pour artiller à tout va.
Comme le laisse entendre le nombre de points rouges, ce n’est pas toujours une réussite. Porzingis prend 22 % de ses shoots derrière l’arc, mais n’en réussit que 28 %. Son adresse dans les deux zones à droite et à gauche de la raquette est également plus que suspecte. En revanche, sa réussite près du cercle est plutôt intéressante, pour un joueur qu’on annonçait trop léger pour exister immédiatement en NBA. Porzingis arrose, certes, mais son champ de possibilités est plus qu’intéressant dans l’ère du pace & space: il est capable d’étirer les défenses, même si le résultat n’est pas encore complètement convaincant.
Défensivement, les différences sautent également aux yeux. La mobilité de Towns et Porzingis leur permet d’être efficace pour défendre le pick & roll, ce qu’Okafor a encore du mal, parfois, à faire. Towns maintient ses adversaires à 43.6 % d’adresse, un très bon score, mais Okafor se défend surprenamment bien dans l’exercice, avec 45.6 %, mieux que son coéquipier Nerlens Noel (46.3 %)! Porzingis est lui à 50 %, un score moyen. Bien sûr, là encore, ces stats sur une douzaine de matchs ne sont pas encore révélatrices, tant l’adaptation à la défense NBA est compliquée.
Cette comparaison n’est qu’un survol rapide des trois joueurs les plus impressionnants, pour l’instant, de la classe des rookies 2015. Elle demandera à être affinée au fil du temps, mais une chose est sûre: ces trois-là ont de quoi devenir de très, très bons joueurs. Et donner des regrets aux Lakers d’avoir choisi un arrière avec leur deuxième choix? L’avenir le dira.
Quelques remarques sur le petit monde des rookies:
- Si D’Angelo Russell galère aux Lakers, un autre rookie, Larry Nance Jr, fait du bon boulot. Lorsqu’il est sur le parquet, LA n’encaisse plus que 96.4 pts sur 100 possessions, contre 108.4 en son absence! Il impressionne notamment par son activité remarquable au rebond, et par sa capacité à changer très vite sur les écrans, ce qui n’est pas un luxe vu la défense des Lakers.
- Emmanuel Mudiay est déjà un remarquable passeur (6.4 /m). Le bon début de saison des Nuggets n’est pas étranger à sa capacité à briser les lignes, mais aussi à son impact physique en défense (Ty Lawson s’en souvient). En revanche, sa tendance à sauter comme un cabri sans du tout savoir à qui il va faire la passe est un peu agaçante. Comme son adresse aux lancers (64.9 %).
- Nemanja Bjeliça est une excellente pioche, comme prévu. Les Wolves sont particulièrement efficaces quand Bjeliça est associé à Towns, un lineup qui permet d’écarter le jeu – une nécessité quand Ricky Rubio est à la mène. Par contre, le Serbe se fait siffler à peu près deux marchers par match, notamment sur ses départs en dribble vers le cercle. Zèle des arbitres, certes, mais Bjeliça gagnerait aussi à prendre plus vite les shoots ouverts.
- Justise Winslow est déjà un défenseur monstrueux. Il est le joueur du Heat le plus utilisé par Spoelstra dans les quatrièmes quart-temps, et il maintient son adversaire direct à 8.3 % de moins que leur adresse habituelle, un score énorme. Le nouveau Jimmy Butler?
- La blessure de Jodie Meeks et l’affirmation de Marcus Morris ont conduit Stanley Johnson à beaucoup jouer au poste 2. Pas sûr que ce soit son avenir, surtout vu son adresse extérieure (19.2 %). Ses difficultés à finir près du cercle (seulement 48 % de réussite) était connues lors de sa draft, mais il est clair qu’à l’heure actuelle, Johnson n’est pas encore prêt offensivement pour la NBA. Cela étant, il a montré de très belles choses contre les Clippers et les Warriors. Il n’aura pas le ROY, comme certains le prédisaient, mais la qualité est là.
- Mais où est donc passé Devin Booker?
- Marcelo Huertas est notre coup de coeur de la semaine:
Très bon article !
Ca serait intéressant de faire la même chose avec les Sophomores !
Haha Huertas ça ne se fait pas