[Interview] Dirk Nowitzki : « J’avais une peur bleue »
L’Allemand de 37 ans, MVP de la saison 2007 et des Finales 2011, n’a pas échappé aux comparaisons avec Kristaps Porzingis, la pépite lettonne de 20 ans des Knicks – bien parti pour remporter le trophée de rookie de l’année. Ce qui l’amène à se remémorer ses propres débuts et l’évolution du jeu en NBA, avec l’excès d’humilité qui le caractérise, au micro de Basket Infos.
Quand Kristaps Porzingis dit qu’il a grandi en vous regardant, qu’est-ce que cela vous inspire ?
Ça veut un peu dire que je suis vieux ! Mais bon, j’ai eu la chance d’avoir pu tenir aussi longtemps. Et puis c’est un honneur de voir que des gars respectent mon jeu. Je lui souhaite vraiment beaucoup de chance, car à mon avis il n’a pas de limite. Non seulement il est bon, mais c’est aussi un bourreau de travail. On m’a dit qu’il ne vivait que pour le basket. Il ne laisse pas la « hype » l’envahir. Vous ne pouvez que l’encourager. On a échangé quelques mots à la fin, je lui ai juste souhaité bonne chance et de continuer à travailler.
Trouvez-vous que les comparaisons qui sont faites entre lui et vous sont justes ?
Je pense que c’est plus que mérité. Il est largement en avance sur moi au même âge. À vingt ans, j’avais une peur bleue sur le terrain. Affronter des gabarits NBA, de 30 ans passés… Lui, c’est sa première année et il sort un double-double de moyenne ! Il est bien meilleur que je ne l’étais à vingt ans, donc la comparaison est plus probablement injuste dans l’autre sens.
Voyez-vous des similitudes entre lui et vous-même ?
Il est grand, long, il peut shooter, il peut partir en dribble. Moi aussi avant je pouvais un peu… (rires). Ces années-là sont loin derrière maintenant. Il peut être performant des deux côtés. Au poste bas, il a un bon fade-away, deux trois moves s’il va vers le panier… Son répertoire est déjà assez complet.
Vous avez participé à faire évoluer le jeu en NBA, où les grands peuvent shooter maintenant…
(Il coupe) Le jeu a évolué. Quand je suis arrivé, vous aviez beaucoup de one-on-one, de gars qui dribblaient beaucoup. Vous voyiez des ailiers-forts qui allaient dribbler 5 ou 6 fois avant d’aller vers le panier, faire des feintes, provoquer la faute… Avec la défense de zone, le jeu a évolué et les gars se sont reculés, ont commencé à shooter à 4-5 mètres. De plus en plus de passes aussi, comme nous l’apprenons en Europe, avec des coupes vers le panier et des pick & rolls. Ça a été vraiment sympa. Les Spurs ont donné la leçon sur comment jouer en équipe, surtout depuis 3-4 ans, et le jeu se dirige vers cela maintenant.
Prenez-vous une part de responsabilité dans ce changement ?
Non. Il y a eu plusieurs grands shooteurs avant moi. Detlef Shrempf (lui aussi Allemand), Toni Kukoc était un ailier qui s’écartait… J’ai plus l’impression que d’autres joueurs ont éclairé la voie pour moi en fait. Je suis juste heureux d’avoir pu avoir une longue carrière.
Il se dit que Kristaps Porzingis pourrait évoluer en pivot à plus long terme. Pensez-vous que cela pourrait aussi changer ce poste du coup ?
Quand ils le mettent en 5 en tout cas, ça fait une équipe qui est difficile à défendre. Aucun pivot ne peut rester avec lui, surtout sur un « pick & pop » (écran suivi d’un tir ouvert), d’autant que vous devez garder un œil sur Melo aussi. Il l’a montré en fin de match, en rentrant ses shoots (les Knicks sont revenus à 4 points à 43 secondes de la fin, après avoir été menés de 23 points lundi soir). C’est vraiment une composition assez monstrueuse à défendre.
Vous avez beaucoup joué à l’extérieur aussi, le fait de rentrer à la maison va vous faire du bien ?
Oui, ça a été assez dur. On a fait un back-to-back Sacramento-Portland puis on a enchainé sur la côte Est, avec le décalage horaire. On a envie de rentrer là. Mais des fois le fait de revenir à la maison n’est pas bénéfique, il y a trop de relâchement involontaire. Je me rappelle que par le passé on a laissé filer des matchs que l’on n’aurait pas dû perdre. Il faut que l’on garde cette combativité que l’on a eue à l’extérieur. Que l’on reste compétitifs (ils sont à 13-9), mais ça va faire du bien.
Comment expliquez-vous votre succès actuel justement, qui surprend plusieurs observateurs ?
Je pense que l’on a été assez combatifs. On est plus grands, plus longs que la plupart des autres équipes, quasiment sur tous les postes. Deron (Williams) est un meneur assez costaud, Wesley (Matthews) joue 2 pour nous, Chandler (Parsons) en 3. On a des mecs qui peuvent défendre dur et tous les soirs on veut prouver notre valeur. On exécute bien collectivement des deux côtés du panier et en attrapant des rebonds ça nous permet plus facilement d’exécuter la « flow offense » (la philosophie de Rick Carlisle, où les pick & rolls suivis d’attaques vers le panier se succèdent, tandis que Nowitzki profite de son avantage de taille pour shooter si l’équipe adverse switch, comme hier au MSG).
Propos recueillis par Antoine Bancharel, à New York