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Cahier des rookies: Jahlil Okafor, le dilemme des Sixers

Le petit monde des rookies est un univers à part dans une saison NBA. Toutes les deux semaines, Basket Infos vous propose d’analyser les performances, bonnes ou mauvaises, des débutants dans la grande ligue.

 

Jahlil Okafor n’aurait jamais dû jouer pour les Sixers. Tout était prévu, en juin dernier: Minnesota sélectionnerait Towns, les Lakers prolongeraient leur tradition de pivots dominants en prenant Okafor, et Philadelphie choisirait D’Angelo Russell pour remplacer Michael Carter-Williams, échangé en février. Mais, comme les plans de Sam Hinkie ne se déroulent jamais comme ils le doivent, tout a dérapé: les Lakers ont opté pour Russell, laissant les Sixers face à un dilemme. Prendre le meilleur joueur disponible, ou faire en fonction des besoins de l’effectif? On connaît les méthodes hinkiennes: c’est la première solution qui a été choisie. Et voilà comment la franchise se débat, depuis, avec un sacré problème: comment diable intégrer Jahlil Okafor à un plan sur le long terme?

Okafor n’est pas un mauvais joueur, loin de là (on se dispensera de revenir sur ses problèmes extra-sportifs). Il est le meilleur marqueur parmi les rookies (17.4 pts) et le troisième rebondeur (7.5 rbds, derrière Towns et Porzingis) et contreur (1.1 cts, derrière les mêmes). Son adresse est honnête (47.8 %), et il se débrouille bien mieux que prévu sur la ligne des lancers (70.1 %). Son jeu poste bas peut, par moments, être impressionnant de variété et de maturité.

Le gros problème, bien sûr, c’est que Jahlil Okafor et Nerlens Noel, l’autre star de la franchise, se marchent complètement sur les pieds. Brett Brown les associent en général en mettant Noel poste 4 (où il passe 48.5% de son temps de jeu, d’après NylonCalculus) et Okafor en pivot. Défensivement, la répartition se tient. Noel est un intérieur incroyablement mobile, tout à fait capable de suivre les ailiers-forts qui s’écartent et de switcher sur le pick & roll. Okafor, lui, manque de mobilité et de vitesse, et est donc bien mieux loti s’il reste près du cercle, qu’il protège de manière correcte, sans être non plus génial. C’est offensivement que le problème se pose. Pas besoin d’aller chercher très loin, il suffit de regarder leurs shotcharts:

Jahlil Okafor

Nerlens Noel

Okafor et Noel ont exactement les mêmes zones de shoot: le plus près du cercle possible. Cela ne serait pas un si gros souci s’ils étaient des shooteurs corrects à mi-distance, mais ce n’est pas le cas: Okafor tourne à un très médiocre 31.8 % dans cette zone, Noel à un catastrophique 24.6 %. Pour le dire autrement: aucun des deux n’est capable de s’écarter suffisamment pour représenter une menace pour les défenses. Dans la NBA moderne, ce problème est énorme. Comment jouer sérieusement le pick & pop, si aucun de vos deux intérieurs ne peut réellement s’écarter? Comment créer le surnombre offensif permettant d’aller au cercle?

Prenons cette action, ce week-end face aux Cavs. Okafor (n°8) a reçu la balle en tête de raquette, et la transmet à Stauskas avant de poser un écran sur Kyrie Irving. Face à un intérieur shooteur, Tristan Thompson, qui défend sur Okafor, serait obligé de suivre son joueur en périphérie.

Or c’est tout le contraire qui se passe. Conscient des limites d’Okafor, Thompson lâche volontairement son marquage, et « flotte » dans la zone intermédiaire, afin de pouvoir venir en aide sur Noel (n°4), ou disputer le rebond.

Okafor ne sert donc, dans cette action, qu’à poser l’écran. Le fait qu’il ne mobilise pas de défenseur bloque la raquette, où Noel est surveillé par Kevin Love et Thompson, plus James, qui profite que Jerami Grant ne soit pas non plus un shooteur pour venir bloquer Noel. Résultat des courses, Stauskas se voit contraint à prendre un 3-pts compliqué, qu’il manque, et où aucun Sixers n’arrive à venir contester le rebond.

Cette action n’est qu’un exemple parmi d’autres des problèmes quasi-insolubles que pose l’association Okafor-Noel, problème qui se ressent dans les stats. Lorsqu’ils sont alignés ensemble, l’équipe a un abominable Offensive Rating de 86.3 pts marqués sur 100 possessions, pas du tout compensé défensivement (108 pts encaissés, soit un différentiel de – 21.7!). Ce chiffre est tout ce qu’il y a de plus logique, puisque les deux joueurs ont des aspirations offensives qui ne peuvent que se contrarier. Près de 40 % des tirs d’Okafor sont des layups pris après une isolation, phase de jeu arrêtée sur laquelle il est redoutable. Noel, au contraire, est plus efficace sur du jeu en mouvement, où il peut conclure une phase de pick & roll par un dunk ou un alley oop (qui représentent plus de 35 % de ses tirs). Ce n’est pas un hasard si le retour d’Ish Smith a libéré Noel. Lorsque ces deux-là sont associés, les Sixers marquent 98 pts sur 100 possessions, un chiffre plutôt honorable.

Un autre problème posé par leur association est que ni Noel, ni Okafor ne sont de très bons passeurs. Dans la NBA moderne, le jeu en post-up d’Okafor peut être un vrai outil si le joueur en question, lors de prises à deux, est capable de ressortir le ballon ou de lire les lignes de passes qu’a ouvertes son action. Un joueur comme Al Jefferson, passeur moyen, a souvent été mis en difficulté par des défenses small ball faisant des prises à deux sur lui, et le défiant de faire la passe. Okafor a le temps de travailler sur ce problème, mais sa relation avec Noel est pour l’instant quasi inexistante. Sur les 95 paniers inscrits par Noel à la suite d’une passe, Okafor a été à l’origine de… deux. Dans l’autre sens, Noel n’a été passeur décisif que quatre fois sur les 108 paniers assistés inscrits par Okafor.

Brett Brown a bien tenté de résoudre le problème en faisant parfois démarrer l’un des deux sur le banc, afin de les faire se croiser le moins souvent possible. Mais on comprend bien que cette position est difficilement tenable: alors même que la grogne monte dans la ligue autour du projet des Sixers, voir la franchise mettre l’une de ses deux jeunes stars sur le banc fait vraiment mauvais genre.

Cela étant, le casse-tête de Brett Brown n’est rien en regard de celui auquel fait face Sam Hinkie (et Jerry Colangelo, désormais, on imagine). Si tout se passe bien, Joel Embiid devrait revenir aux affaires la saison prochaine, ce qui ferait trois top 6 picks pour deux places d’intérieur. Tout le monde s’accorde à dire qu’Embiid, s’il est en état de jouer, est de loin le meilleur shooteur des trois. Tout le monde s’accorde aussi à penser qu’Embiid et Okafor peuvent difficilement jouer ensemble défensivement, ni l’un ni l’autre n’étant assez mobiles pour défendre sur des postes 4 fuyants. Vous voyez venir la conclusion? Le projet de Hinkie a toujours été d’associer Embiid à Noel, un duo qui semble parfaitement complémentaire. Quelle place pour Jahlil Okafor dans ce schéma? Il est inconcevable de l’imaginer en 6e homme, à ce stade de sa carrière…

Oui, mais rien ne dit que Joel Embiid soit un jour capable de jouer en NBA, me direz-vous. Certes. Un autre problème pourrait venir compliquer l’équation. Embiid ou pas, les Sixers ont de grandes chances d’avoir le pire bilan en fin d’année, et donc le plus de chances de gagner la loterie (25 %). Imaginons qu’ils aient, enfin, le first pick. Le n°1 incontestable semble l’Australien Ben Simmons, sur lequel beaucoup de franchises fantasment. Or Simmons est un poste 3/4, dont le manque de shoot extérieur le destine plutôt à une carrière d’ailier-fort. Contrairement à Noel et Okafor, Simmons semble avoir l’arsenal de talents pour être un franchise player: gros scoreur près du cercle, excellent rebondeur, passeur de génie, il a un profil qui le rapproche d’un Lamar Odom amélioré, voire de LeBron James (en moins puissant). Simmons-Okafor ou Simmons-Noel, ça a de l’allure. Simmons-Noel-Okafor, en revanche, c’est le cauchemar du spacing.

Rien ne dit, bien sûr, que Phila aura le first pick. Rien ne dit non plus que Brandon Ingram, l’ailier scoreur de Duke, ne passe pas devant Simmons à la faveur d’une énorme fin de saison. Mais il semble tout à fait probable que les Sixers, en fin de saison, se retrouvent face à un sacré dilemme sur les joueurs autour desquels ils veulent bâtir leur secteur intérieur. D’autant que Dario Saric, un autre 3/4, est censé arriver la saison prochaine… Et, par quelque bout qu’on prenne le problème, le meilleur scénario ne semble jamais s’écrire avec Jahlil Okafor. Le constat est sans doute injuste pour le rookie, qui n’avait pas demandé à se retrouver dans une telle galère. La situation peut encore s’inverser, évidemment. Mais une chose est sûre: il est impossible de dire, à l’heure actuelle, qu’Okafor est une pierre angulaire du projet des Sixers pour les années à venir.

 

Quelques remarques sur le petit monde des rookies

  • Vous voulez comprendre les difficultés des rookies en NBA, et tout ce qu’il leur reste à apprendre? On vous conseille cet incroyable entretien avec Sam Mitchell, sans aucune langue de bois. On en redemande.
  • Après un petit coup de mou, Kristaps Porzingis revient en grande forme. 28 pts, 11 rbds contre les Spurs, 26 pts contre Boston… peut-être les Sixers auraient-ils dû le sélectionner en 3e position, finalement. Un duo Porzingis-Noel est en tout cas d’une complémentarité qui fait rêver.
  • Les retours de Mudiay et Cauley-Stein sont une bonne nouvelle pour la classe des rookies, même si l’un comme l’autre ont encore un peu de mal à trouver leur place. Le shoot de Mudiay ne s’est en tout cas visiblement pas magiquement amélioré durant sa convalescence: en deux matchs, il est pour l’instant à 6/22.
  • La capacité des Spurs à toujours trouver de bons joueurs de rotation relève presque de la magie. Jonathon Simmons et Bojan Marjanovic sont déjà tous les deux parfaitement productifs sur leur temps de jeu. Le premier tourne à plus de 40 % à 3-pts, le second à 61.8 % de réussite générale. Tranquille.
  • Devin Booker fait plaisir à voir ces derniers temps. Depuis Noël, il tourne à 14.8 pts, 3.7 rbds et 2 pds en 30 minutes, en frôlant les 50 % d’adresse générale. On parlait du dilemme des Sixers, mais les Suns devront peut-être aussi, à plus ou moins long terme, faire des choix en ce qui concerne leur backcourt.
  • Frank Kaminsky est franchement dans le dur en ce moment, avec un vilain 25 % d’adresse sur ses 6 derniers matchs, alors qu’il tente sa chance plus de 8 fois par rencontre. A corriger d’urgence, surtout que les Hornets sont sur une pente glissante.
  • Jerian Grant commence à pointer le bout de son nez aux Knicks, qui sont sur une bonne dynamique. Espérons pour lui que les rumeurs de trade à la mène ne soient pas préjudiciables pour son temps de jeu.
  • L’adresse de Stanley Johnson commence à devenir vraiment problématique. Son 0/7 contre les Spurs n’a franchement pas aidé un banc des Pistons qui se cherche une constance.
  • Nemanja Bjeliça a un peu plus de temps de jeu ces derniers temps, et semble retrouver son shoot. Une bonne nouvelle pour tous les fans de basket intelligent, d’autant que cela évite de voir sur le terrain l’infâme Adreain Payne.
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2 réflexions sur “Cahier des rookies: Jahlil Okafor, le dilemme des Sixers

  • WarriorsBlackKid #P

    J'espère vraiment que l'on verra Embiid un jour

  • Rapha

    J'espère aussi. Quel gâchis, sinon.

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