Evan Fournier : « au départ, Rudy Gobert n’était pas vraiment bon »
En France, on connait maintenant très bien les qualités de Rudy Gobert, mais aux Etats-Unis, beaucoup sont encore surpris de l’impact défensif que le pivot peut avoir grâce à des qualités athlétiques et une envergure impressionnantes. Alors que les Américains sont plus de quinze ans après encore énormément marqués par le dunk de Vince Carter sur Frédéric Weis lors des jeux olympiques de 2000, Gobert tient à redorer le blason des pivots français.
Personne ne me fera jamais ça. Personne. Certains gars n’ont pas de fierté, moi j’en ai peut-être trop. » Rudy Gobert à Sports Illustrated
Il arrive à s’énerver dans le bon sens du terme, et j’aime ça. Quels que soient les stéréotypes que les Américains ont à propos des joueurs français, il n’y correspond pas. » Quin Snyder, coach du Jazz
Suivi à St-Quentin cet été par le magazine Sports Illustrated, Rudy Gobert a largement surpris le reporter Ben Reiter. Alors qu’il roulait dans sa Citroën Picasso le pivot français était à la recherche d’un magasin de feu d’artifices pour le 14 juillet, seulement dix jours après que Jason Pierre-Paul, joueur de Foot US des Giants ait perdu un doigt avec ce genre de fusées. « Ne t’inquiète pas lui a-t-il dit, je n’aime pas les grosses explosions ».
[Retrouvez notre interview de Thabo Sefolosha ici]
L’occasion par la suite pour le journaliste de rencontrer Maman Gobert, qui expliquait que Rudy était un excellent élève, mais qu’il se battait souvent à l’école. Voici pourquoi elle l’a orienté vers le sport : l’athlétisme, la boxe, le karaté, le tennis de table, mais pas beaucoup de basket dans un premier temps. Il faut dire qu’à 15 ans, le corps de Gobert n’avait rien d’exceptionnel. Lors des deux années suivantes, le jeunot de Saint-Quentin a pris vingt centimètres.
Au départ, c’était un arrière. Il n’avait pas vraiment de dribble, pas vraiment de shoot. Pour être honnête il n’était pas vraiment bon. » Evan Fournier
Il n’arrivait pas à se tenir sur ses jambes. Il n’attrapait pas un ballon. C’était une période très difficile pour lui. » Philippe Urie, coach au centre fédéral
Alors que son père Rudy Bourgarel, originaire de Guadeloupe mesurait 2,13m et était le back-up de Rik Smits au Marist College avant d’être pro à St-Quentin, Rudy Gobert voulait faire encore mieux que ce paternel ayant abandonné ses enfants en 1995, quand l’actuel pivot du Jazz n’avait que 3 ans.
Même s’il n’était jamais là pour m’apprendre des trucs, je voulais tout faire pour être un basketteur comme lui. Aujourd’hui les gens pensent que beaucoup de joueurs deviendront comme moi, mais ils seront déçus. Chaque personne est différente. » Rudy Gobert
Très concentré sur ses qualités de contreur générées par ce physique si unique, Gobert a mis au moins un block à 190 joueurs différents dans la ligue, ce qui représente plus de 40% des effectifs NBA, une stat impressionnante.
LeBron James ? Oui, je l’ai contré. Le match suivant face à moi, il ne tentait que des skyhooks. Andre Drummond, j’aurais du le contrer mais ils ont sifflé un passage en force. James Harden lui, je l’ai sacrément contré ! Russell Westbrook ? Il doit être le gars à qui j’ai mis le plus de blocks. Il s’en fout, il continue à venir dans la raquette. Quand vous défendez bien et que les autres le savent, ce n’est pas facile de mettre des contres car vous n’en avez pas l’occasion. Les mecs ne viennent même plus dessous, et tentent des floaters ou des trucs du genre. » Rudy Gobert
Malgré toutes ces belles performances, Rudy Gobert s’est quand même pris quelques posters. Les plus connus sont signés Andrew Wiggins, DeMar DeRozan ou même un Vince Carter plus tout jeune dont le pivot du Jazz parlait au début de cet article quand il évoquait Fred Weis. Au final, c’est la rançon de la gloire et Gobert a toujours continué à tout donner par la suite, peu importe la férocité des dunks qu’il prenait sur le museau.
Je lui ai dit que j’espérais qu’il y avait un poster où quelqu’un dunke sur lui dans chaque ville NBA. Ça veut dire qu’il défend. Si concéder autant de dunks est le prix à payer pour faire autant de gros contres, il n’y a pas à chipoter, il doit continuer. Ses adversaires essaient d’aller au cercle, mais il sont conscients de ses qualités et doivent s’ajuster à sa taille. Cela rend leurs tirs plus compliqués. » Quin Snyder
Aujourd’hui Gobert est le deuxième meilleur contreur de la ligue (2.7 contres) derrière Hassan Whiteside (3.9). Pourtant, on peut dire sans trop se mouiller que le pivot est le meilleur défenseur des deux, en voici la preuve chiffrée. Alors que les adversaires de Whiteside shootent en moyenne à 47.6% de réussite lorsque celui-ci est sur le terrain, les adversaires de Gobert ne shootent eux qu’à 40.3%, soit le meilleur chiffre de toute le ligue dans ce domaine.
Whiteside un super contreur c’est certain, mais la défense ce n’est pas juste mettre de gros contres. » Rudy Gobert
Quand on se fait passer ligne de fond sur un drive, on sait que Rudy sera derrière. Et s’il ne met pas un contre, il arrivera quand même à faire changer la trajectoire du tir ou à forcer son adversaire à faire une extra-pass. » Gordon Hayward
Pour revenir aux feux d’artifice, Rudy Gobert n’en a finalement pas trouvé ce soir-là, et St-Quentin se vidait peu à peu, les habitants allant voir le feu d’artifice. En ville, près du playground, il ne restait que deux campeurs. Le pivot français les a tout de suite défiés à deux-contre-un.
Si je joue un match, même pour m’amuser sur un playground, je serai peut-être le premier à faire comme si je m’en foutais. Mais au final, je ne veux surtout pas perdre et je me mets toujours à jouer dur. Je ne veux jamais partir sur une défaite. » Rudy Gobert
Cela s’est vérifié. Alors qu’en début de rencontre Gobert était plutôt soft en défense, et passait son temps à envoyer des shoots longue distance, l’un des campeurs a défié le pivot en lui mettant un jump shot sur la tête au grand étonnement de chacun. Gobert a regardé le garçon et a grimacé. Sur la possession suivante, il est passé entre ses deux défenseurs pour placer un très gros dunk arrière encore plus bruyant que les feux d’artifices qui avaient lieu à quelques kilomètres. Du Rudy Gobert dans le texte…