[Interview] Nicolas Batum : « Michael Jordan n’est pas un propriétaire »
Individuellement, le Français se remet de sa blessure et pense retrouver son niveau du début de saison. Collectivement, les Hornets ont aussi trouvé de nouvelles clés… Notamment grâce au soutien de « MJ », comme il l’explique au micro de Basket Infos, depuis Brooklyn.
Tu es arrivé tellement jeune en NBA qu’on pourrait te prendre pour un vétéran, mais en théorie tu rentres à peine dans les meilleures années de ta carrière… Tu le ressens comme ça aussi ?
Oui. C’est un moment de la carrière, à 27 ans, où tu connais ton corps, tu sais comment gérer ta vie extérieure aussi. L’extra sportif. Comment préparer tes matchs, comment récupérer. Au niveau de ton autogestion, tu es au summum. Et tu es au summum de tes capacités physiques aussi. Donc c’est un bon équilibre. Cette période entre 26 et 30 ans, c’est la meilleure période oui.
Qu’est-ce qui définit cette meilleure autogestion alors ?
C’est moins de fast-food déjà. Surtout en arrivant ici, on peut être tenté par ça. Donc c’est surtout la nutrition qui est importante. Là dessus, j’ai fait beaucoup d’effort.
Tu n’es quand même pas passé du McDo au jus d’herbe ?
Ah non ! Au McDo je n’y vais pas. Mais c’est vrai qu’avant… (il réfléchit puis reprend) Oui, j’aime bien les burgers, j’aime bien les « chicken wings » ! Mais maintenant, j’essaie de limiter au maximum. Il faut faire attention.
Surtout avec le genre d’emploi du temps concocté en NBA…
C’est là où la gestion est importante. C’est un drôle d’emploi du temps. C’est unique au monde. Il n’y a qu’en NBA où tu vas faire 4, 5 matchs par semaine, dans 4 ou 5 villes différentes de temps en temps. Il faut savoir gérer, préparer. C’est un travail qu’il faut faire l’été. C’est la récupération qui est importante.
Question déplacement, avec Portland tu as goûté (les Blazers ont parcouru 64,576 miles en 2014-15, la moyenne NBA étant à 44,214) !
Malheureusement je ne peux pas utiliser ma carte « miles » pour ça ! Mais c’est vrai qu’à Portland, j’ai toujours connu ça. On était l’équipe qui voyageait le plus, car on était tout seul dans le nord-ouest, après le départ des Sonics de Seattle. À Charlotte, c’est plus évident. C’est plus « compact », entre guillemets.
Du coup faut-il savoir être intelligent et ne pas toujours aller au dunk par exemple, comme les Spurs, qui font cela très bien ?
Exactement. Exactement. Je pense que c’est un autre aspect de ta gestion. Il faut être intelligent, il faut savoir ne pas faire des choses qui sont inutiles par exemple.
Les stats indiquent d’ailleurs que les dunks diminuent énormément du premier au quatrième quart-temps…
Ouais. Ouais. C’est du double au simple. Mais là, tu vois, c’est aussi que la défense se resserre. Dans le premier quart-temps, on n’y est pas forcément encore. Le dernier par contre, on ferme tout. Donc c’est pour cela aussi, ce n’est pas que la fatigue.
Tu as confié que Michael Jordan vous a tous assis pour vous parler, sans vous engueuler mais au contraire pour vous encourager, est-il revenu à un rôle moins direct ensuite ?
Collectivement, peut-être. Mais il parle à certains joueurs individuellement. On se parle beaucoup lui et moi par exemple. Après les matchs. Ou même en « day off », ses textos, tout ça. Il est très, très présent. Parce qu’il sent que cette année est particulière et que l’on peut réussir quelque chose.
C’est assez rare finalement, venant d’un propriétaire NBA…
Le truc c’est que lui, contrairement aux 29 autres propriétaires, il a été un joueur. Le mec, il a joué au basket. Il a joué dans cette ligue-là. Il sait ce que l’on vit nous. C’est peut-être pour ça que la relation que l’on a avec lui est différente d’avec les autres. Il a vécu tout ce que l’on vit nous actuellement. Il a vécu les back-to-back, les road trips, la fatigue physique, les moments difficiles, les bons moments… Donc il sait ce qu’il se passe. Pour moi, ce n’est pas un propriétaire. Il est encore joueur. C’est comme si tu avais un mec blessé au bout du banc qui encourage l’équipe. Pour moi c’est exactement pareil.
Quelle a été la réaction dans le groupe face à la blessure de Michael Kidd-Gilchrist ?
Dur, dur. Collectivement, mais surtout pour lui. Il se blesse dans le premier quart-temps du premier match de pré-saison, donc pas de chance ! Ensuite, il a bossé dur pour revenir. J’ai lu des trucs comme quoi il est revenu trop vite… (Catégorique) Non. Il a même pris son temps. Il aurait pu revenir avant mais il voulait être à 100%. Et il était à 100% (il insiste) ! Sa blessure, c’est pas de chance. Car en plus c’est une blessure à l’épaule qui n’a rien à voir avec celle qu’il avait eu avant. C’est Ian (Mahinmi) qui le blesse, par dessus le marché !
Difficile pour le groupe aussi donc…
Oui, c’est dur pour nous aussi car depuis son retour, c’est ça aussi qui expliquait notre renouveau. On arrivait à gagner à nouveau grâce à lui. Donc on a dû faire un trade pour Courtney Lee. Qui est un bon joueur, attention ! Il a eu des grosses responsabilités à Memphis. Même avant, il a été en finale NBA pendant sa saison rookie. Partout où il est passé, il a laissé un bon souvenir. Il a de l’expérience, il est très, très fort. C’est une bonne recrue pour nous.
Y a-t-il eu des tensions dans l’équipe ?
Il n’y a pas eu de problème en interne. Même quand on a connu une période difficile, on savait qu’on allait la passer ensemble. Le match contre Utah, en double-prolongation, ça nous a fait du bien. Parce que si on l’avait perdu, à domicile, ça nous aurait fait vraiment du mal. On est repartis sur la bonne voie depuis et j’espère que cela va continuer.
Au niveau collectif, comment anticipes-tu la fin de la saison pour Charlotte ?
On a eu un mois de janvier très difficile, avec 18 matchs à l’extérieur. Là, sur février, on a 11 matchs, dont 6 ou 7 à l’extérieur. Donc on a eu des mois de janvier et février très compliqués. Ça veut dire que pour nous, mars et avril ça va être très bien, puisque l’on va avoir beaucoup de matchs à domicile. Donc ça va vraiment être très important pour nous de faire un bon mois de mars.
Penses-tu que vous avez trouvé des clés à l’extérieur ?
C’est vrai que l’on était très bons à domicile et pas bons à l’extérieur. On a appris des choses. On a repris confiance en nous. On a pris une routine pour gagner en déplacement. En playoffs, il faut être capable de gagner chez l’adversaire aussi. On sait ce qu’on peut faire à la maison… Et puis ça nous a permis de passer de la 12ème à la 7ème place, avec ces matchs remportés en déplacement. En plus, à domicile, on a gagné contre des équipes comme Cleveland et Chicago là. Donc à l’extérieur, il faut continuer aussi de prendre des matchs, comme ce soir (dimanche, contre les Nets).
Regarde-t-on le classement dans ces cas-la, sachant que vous êtes à 3 victoires du 4e et 3 défaites du 12e (avant leur victoire face aux Nets dimanche) ?
On essaie d’éviter, mais c’est vrai que cela va être important d’ici la fin de la saison. Mais on ne peut pas se focaliser sur ce nombre de matchs par rapport à ces places-là. On sait par contre que l’on n’est pas loin d’Atlanta et d’Indiana. On va les jouer la semaine prochaine. Donc face à des concurrents directs, là, oui. On va rentrer dans cette période-là, où c’est le genre de chose que l’on regarde…
Propos recueillis par Antoine Bancharel, à New York