[Interview] Nicolas Batum: « Est-ce qu’on peut se passer du meilleur pivot défensif du monde ? »
Bien présent avec le groupe France même s’il ne peut pas participer aux exercices avec opposition, Nicolas Batum ronge son frein comme il le fera ce soir face à la Serbie, mais c’est pour la bonne cause, donner un coup de main aux bleus lors du TQO de Manille pour les éventuelles demi-finale et finale. Hier il s’est exprimé devant la presse et nous étions là.
Bonjour Nico, on t’avait laissé avec une cheville en très mauvais état à la suite de la saison NBA, comment est-ce qu’elle va aujourd’hui ?
Mieux. Ça fait quand même un mois et demi donc j’ai eu le temps de me reposer, d’en prendre soin et de la renforcer. Je continue d’ailleurs avec Frank (Kuhn) le préparateur physique donc non, ça c’est quasiment oublié.
Tu ne vas pas jouer la première moitié du TQO, est-ce que la préparation est différente, ce n’est pas frustrant ?
Bien sûr, c’est frustrant d’être sur le côté, de regarder les gars jouer à l’entraînement, de ne pas pouvoir participer au match de demain, de ne pas pas participer aux premiers matches du TQO, d’autant plus que je ne suis pas blessé. Je sais que je dois passer par là malheureusement, mais tout ce que je dois faire, c’est rester près de l’équipe, continuer à m’entraîner, rester en condition physique et c’est ce que je fais au quotidien pour être prêt d’ici là.
Comment ça s’est passé pour que tu puisses te retrouver dans cette situation là ?
C’est moi qui ai proposé ça à la fédé en janvier/février, parce que j’ai cherché toutes les solutions possibles pour justement participer à ce tournoi. Pour moi, c’était inconcevable de ne pas y être. Il fallait que je trouve une solution où je pouvais quand même être là. Ce que j’ai proposé, c’est de partir à 11 et que je rejoigne en cours de route. On en a discuté avec plusieurs personnes dont Vincent (Collet), Patrick (Beesley). J’ai appelé moi-même Tony pour lui demander s’il était ok avec ça, si ça ne le gênait pas. J’ai eu l’aval de tout le monde, y compris mon agent. Après on ne pouvait pas tous le faire non plus : on peut partir à 11, on ne peut pas partir à 8 par contre. Moi j’avais le droit de le faire, je pense que j’ai gagné ce passe-droit avec mon historique en équipe de France.
C’est cet historique qui te permet d’arriver du jour au lendemain au TQO ?
Bien sûr ! Après, les systèmes et les formes de jeu restent les mêmes donc voilà, je ne suis pas perdu. Je joue les 5 contre 0, je regarde les 5 contre 5, je ne suis pas perdu. Ça fait 15 ans que je joue avec Vincent.
Comment se sont passées les retrouvailles ? Tu l’as trouvé comment ?
C’est un professionnel. Bien sûr que c’est difficile. On a tous vu la défaite et la désillusion qu’il a pu avoir. On est triste pour lui mais content pour Tony et Charles. Il est concentré sur notre nouvel objectif, il faut tourner la page et il le fait très bien. Depuis hier soir, il est dans l’entraînement, il dirige l’équipe, il dirige les séances : c’est lui le patron de l’équipe de France comme d’habitude.
Est-ce que tu ne penses pas prendre un risque vu l’importance du contrat qui t’attend ?
Peut-être. Mais bon, ça serait ennuyant de juste rester à la maison, attendre et ne rien faire. Je préfère être ici, avec les gars et voilà, c’était un peu dangereux et j’essaye de minimiser les risques aussi mais je me devais d’être là.
Est-ce que l’expérience de 2012 t’aide…
(il coupe et s’exclame) Je ne jouerai pas demain ! Ca par contre j’en suis sûr et certain, je ne vous ferai pas la surprise de jouer demain. Je l’ai fait une fois pas deux. Ce sera surtout les supporter et faire attention. Malheureusement mon timing de contrat donne à chaque fois sur une année olympique. Je fais comme ça, j’essaye de rester en forme, avec eux le plus connecté possible. Quand je vais arriver à Manille avec eux, tout ira bien.
Tu as toutes les raisons de rester à Charlotte, on a été surpris de ne te voir ouvrir aucune porte avec d’autres franchise.
Premièrement, c’est le 1er juillet que je pourrai discuter. Ensuite je n’ai jamais dit ça, j’ai dit que mon premier coup de fil serait à Charlotte, par respect. […] Ils m’ont fait énormément confiance. Ils me veulent dans l’équipe l’an prochain. Après on verra ce qui se passe, ça reste un business.
Tu n’as pas été surpris de voir l’équipe du Canada rassembler aussi peu de ses joueurs NBA ?
Un petit peu parce que c’est une année olympique. Après on a des problèmes aussi et on doit se concentrer sur nous. Je connais bien le coach du Canada, il ne va pas se tirer les cheveux parce qu’il n’en a plus, je le connais très bien. C’est pas évident pour plusieurs nations dont le Canada, il leur manque des stars. C’est à nous d’être concentrés et de nous qualifier.
C’est peut-être la Turquie du coup l’adversaire à battre ?
Les Philippines sont dangereuses. On les oublie trop souvent. On ne les a battues que de 4 points à Antibes il y a deux ans, là elles vont être chez elles. C’est le premier match avec l’adrénaline et des joueurs estampillés NBA. C’est un traquenard. Si on les retrouve en finale, il y aura aussi de la tension ça peut être une équipe poil à gratter qui va sortir un gros.
Tu as été précis sur ton positionnement dans l’équipe, 11+1. Inversement, certains n’iront pas à Rio. Tu les connais bien, comment est-ce que ça se passe dans l’effectif ? C’est prévu dans le contrat avec le groupe ?
C’est pas simple, c’est une drôle de situation, surtout pour ceux qui ne sont pas là. Pour en avoir parlé avec eux et connaissant leurs qualités, ils aimeraient être là. C’est ce qu’on essaye d’expliquer depuis plusieurs mois. Ca ne dépend pas que de nous. C’était clair depuis le début, on n’en parle pas forcément entre nous. Il faut se qualifier d’abord. Après si on crée quelque chose d’exceptionnel, ça va être dur, si on doit faire des changements pour renforcer l’équipe, on verra. Est-ce qu’on peut se passer du meilleur pivot défensif du monde ?
On a parlé de tous les adversaires sauf des Tall Blacks, un mauvais souvenir (défaite au championnat du monde 2010), est-ce que ça peut encore arriver ?
Justement, j’espère qu’on aura pris en expérience. On était jeune, c’était le début d’une nouvelle ère en bleu. Sur ces deux premières années, on a beaucoup appris et depuis 2011 on cartonne. On apprend souvent de nos erreurs.
Au mois d’avril, Evan Fournier nous confiait qu’il était inconcevable que tu ne fasses pas les JO si tu n’étais pas au TQO. Aujourd’hui penses-tu inconcevable qu’Evan Fournier ne les dispute pas si vous vous qualifiez ?
C’est sûr qu’on prend les dossiers Fournier et Gobert avec attention. L’un est le meilleur marqueur français en NBA, l’autre le meilleur défenseur à son poste au monde, c’est pas évident de passer à côté. Mais il faut voir la tournure du TQO, il faudra voir comment ça se passe.
C’est pas trop difficile après la fin de saison NBA chargée que tu as connue d’enchaîner avec l’Equipe de France ?
C’est sûr que c’est très dur physiquement, mais ce n’est pas l’enchaînement NBA – EDF qui est dur : c’est celui entre l’EDF et la NBA qui est le plus dur. J’ai eu la chance d’avoir beaucoup de succès donc on y va pour passer un bon moment. Il n’y a que des bons gars dans cette équipe là. C’est toujours un plaisir de revenir, on a toujours eu du succès, on fait rêver les gens. C’est pour ça que je me suis dit qu’il fallait que je trouve une solution pour être là quoiqu’il arrive. Je viens avec plaisir parce que je sais que je suis avec un groupe de potes et qu’on peut créer quelque chose d’énorme !
Propos recueillis par Hugo Givernaud