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[Série de l’été] New York Streetball : Great Lawn – Central Park

Du 15 juillet au 15 août, chaque vendredi, vivez les playgrounds new yorkais comme si vous y étiez. Cette semaine : Great Lawn, en plein Central Park.

Les précédents épisodes sont ici

On vous l’a peut-être déjà dit : l’été à New York, c’est atroce du point de vue météorologique. La description « jungle urbaine » n’a jamais pris autant de sens que pendant ces trois mois. Même en Amazonie, les locaux doivent moins souffrir de l’humidité. Et au moins ils n’ont pas à se taper l’enchainement mortel frigo-fournaise, via les passages dans le métro sur-climatisé (en même temps, la pirogue et les piranhas, c’est pas forcément l’extase non plus…). Forcément, pour ceux qui veulent quand même mettre le nez dehors, Central Park devient vite une destination de choix. Si en plus on y pose un playground, avec de grands arbres pour y amener un maximum d’ombre… Alleluia, brothers !

Ce petit coin de paradis, c’est Great Lawn, au niveau de la 85ème rue, en plein cœur du poumon de NYC, entouré de verdure. Ses quatre paniers et deux terrains font partie des favoris de la ville depuis des générations. Si vous voulez vraiment y voir de l’action, mieux vaut venir le weekend. Voire parfois en fin de journée. Vous y croiserez peut-être aussi Narciso, 74 ans, qui délivre ses conseils régulièrement. « J’ai commencé à 7 ans, j’ai fait plein de terrains en ville et celui-ci a toujours été dans mes préférés », nous raconte-t-il. Alors qu’on commence à discuter allègrement de plusieurs, une petite pointe de regret se fait sentir dans sa voix. « Aujourd’hui, avec deux hanches artificielles et une autre opération au genou, je ne peux plus vraiment jouer », explique-t-il, assis sur un des bancs qui longent les lignes, avant de se lever pour aller corriger un gamin. « Quand tu shootes, il faut suivre ton tir derrière, comme ça ». Démonstration : swish, swish et swish. Après ces trois salves, le jeunot s’exécute et change son geste.

Narciso vient se rasseoir, puis son regard se tourne vers l’action en cours sur l’asphalte à-côté, où quelques teenagers pas hyper aguerris poussent le ballon. « Je ne veux pas être méchant, mais pour moi, ça, c’est pussy ball », commente cet habitant de l’Upper West Side. Comme souvent avec les personnes âgées, il râle pas mal. Mais basketballistiquement parlant, ce n’est pas inintéressant : « Les joueurs de New York sont trop souvent tournés vers l’attaque. Il faut aussi toujours que ce soit joli, pas forcément efficace. Perso, tu me donnes un Tim Duncan, ça me va (…) ». On convient qu’il ne faut certes pas tomber dans la caricature, mais ce flair, c’est quand même aussi ce qui a fait basculer le jeu dans une autre dimension, depuis qu’il a été importé en NBA via le streetball notamment. « Je trouve quand même que généralement, les Européens, vous êtes meilleurs au niveau des passes, du collectif. Du shoot aussi, souvent. Faudrait juste muscler votre jeu ». Notre Aimé Jacquet du basket poursuit : « Je regrette que les pros ne reviennent pas plus jouer à New York, comme avant. Maintenant, ils vont en Floride, voire en Californie, mais c’est souvent des matchs privés ». Sans virer complètement dans le bon vieux temps : « attention, tu peux encore voir de l’action ici ».

Vu le niveau un peu faible ce lundi après-midi, on décide de revenir dans le weekend. Malgré la chaleur (35 degrés, plus de quarante avec l’humidité), les ballers sont là. Moins qu’à l’accoutumé, mais ça joue pas mal sur un des terrains. Il ne faut pas trop se fier aux apparences d’ailleurs, car un certain Derrell, physique de barrique, possède un sacré dribble et shoote à trois points avec dextérité. Par contre, mieux vaut l’oublier pour revenir en défense ou partir en contre-attaque… L’erreur d’un de ses co-équipiers aura été de chauffer un adversaire. En colère, Marcus prend feu, balance deux trois points (casse-gueule mais ça rentre) et tue le match sur un drive. « Get them outta here ».

Le gars qui « got next » a déjà assemblé son équipe, on ne perd donc pas trop de temps cette fois-ci pour enchainer – ça peut durer des plombes sinon. Juste le temps pour les vainqueurs de se désaltérer à la fontaine entre les deux terrains. Les perdants discutent un peu de telle ou telle action, où un opposant s’est adjugé une faute, alors que ça n’en valait pas forcément la peine. Mais les gagnants préfèrent passer à l’autre match. Cette fois, ils ne réclament aucune faute et Brenton, qui joue en NCAA à Fordham, enchaîne crossover sur crossover, pour 5 paniers d’affilée. Trop tard pour les traps et autres prises à deux, dont il se défait avec quelques belles passes. Numéro de soliste, certes, mais efficace. Trop peu de répondant derrière. « What about that game ? », nargue un joueur victorieux, « any bad call there ? ».

Les touristes, qui sont venus se promener après avoir visité le Metropolitan Museum juste à côté, se marrent, au moins sur les vannes qu’ils comprennent. Le basket en attire d’ailleurs plus que le volley ou même le baseball, où se jouent pourtant des matchs à quelques mètres de là. Il faut dire que certains sont carrément en pèlerinage : « Moi et mon fils, on est fans de basket », nous explique un papa russe avec son fiston de 9 ans. « Ma femme et ma fille sont allées faire du shopping, nous on voulait voir un peu le streetball new yorkais », détaille-t-il. Ils sont en tenue et viennent de passer facile 20 minutes à shooter sur l’autre terrain. « Vous allez vous joindre à l’action ? », demande-t-on, un peu blagueur. « Mon fils est trop jeune, sauf peut-être si ces gamins-là se décident à faire un 3 contre 3 », répond le moscovite en pointant une assemblée de pré-ados. « Et vous ? », s’enquiert-on. « Je ne pense pas, on verra, c’est un peu différent comme style de jeu. Mais tu devrais toi », nous lance-t-il. C’est pas faux, mais votre serviteur n’était pas en tenue – et on vous réserve ça pour un autre épisode…

Antoine Bancharel à New York

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