– Interview – Donovan Mitchell : « Le workout avec Chris Paul et Paul George a tout changé »
Moins en vue que les grands noms de la dernière draft, le 13e choix – échangé des Denver Nuggets vers le Jazz le soir même – fait pourtant son trou à Utah et a notamment signé 28 points dans la victoire contre les Blazers ce mois-ci. Basket-Infos met un petit coup de projecteur sur cet arrière-shooteur, qui sera sûrement moins ignoré dans quelques années…
Donovan, comment as-tu commencé le basket ?
En fait on m’a juste proposé de venir en AAU. Je jouais au baseball à la base (son père est d’ailleurs resté 7 ans en ligue mineure), quand j’étais plus petit. Quand l’opportunité de jouer au basketball est venue, je m’y suis mis. De là, j’ai commencé à avoir une grosse passion pour le basket. Un jour j’ai décidé de ne faire que ça. Entre 9 et 13 ans, je faisais un peu des deux, et je crois que c’est à 13 ans que j’ai pris cette décision.
Y a-t-il des joueurs qui t’ont inspiré, ou dont tu étais fan même ?
Déjà, Michael Jordan, surtout que lui aussi avait fait les deux sports. J’étais obligé de l’aimer quoi ! Ensuite, LeBron (James), (Russell) Westbrook, Melo (Anthony)… Tous ces gars ont été une grosse influence, donc c’est assez fou maintenant que je me mette à jouer contre eux ! Il y avait (Amar’e) Stoudemire aussi.
C’est fou que tu cites Michael Jordan quand même, car en étant né en 1996, tu n’as pas vraiment dû le voir jouer en direct, si ? Surtout que bon, la période Wizards ne compte pas hein !
(Rires) Énormément de vidéos. Énormément de vidéos sur Youtube. J’adorais vraiment le fait qu’il avait cette passion phénoménale pour le simple fait de gagner. Il ne voulait jamais perdre. Ça n’avait aucune importance qu’il marque 50, 60 ou 0 points. Il allait toujours contribuer par n’importe quel moyen possible pour faire gagner son équipe. Je pense que c’est comme cela que j’essaie vraiment de jouer, en tout cas c’est ce que je désire le plus.
« Je suis encore choqué d’être en NBA »
Quand as-tu réalisé que tu avais une chance de jouer en NBA alors ?
Franchement, j’en suis encore choqué pratiquement tous les jours. Je n’ai pas encore eu de moment où je me suis dit : « c’est bon, j’y suis ». Je suis encore sous le choc. Je me concentre aussi sur ce que je peux faire pour aider mon équipe, ce sur quoi je dois travailler encore, par exemple faire la différence en défense. J’espère que mon jeu parle de lui-même, mais sinon moi je suis encore : « wow », comme un gosse dans un magasin de bonbons quoi !
A aucun moment tu ne t’es dit : « j’ai une chance » ?! Même l’an dernier ?
Non. Je n’imaginais vraiment pas que je pouvais jouer en NBA. Mais avec la nouvelle règle qui te permet de tester un peu, j’ai tenté le coup. Ce qui a vraiment tout changé, c’est quand j’ai pu faire un workout avec Chris Paul et Paul George. Ça a complètement changé mon état d’esprit. Dans ma tête, j’allais repartir en NCAA pour ma troisième année (à Louisville, où il avait fait first-team All-ACC l’an dernier). Mais ils m’ont dit : « écoute, tu es assez bon pour jouer maintenant ». Quand ces deux mecs-là te disent ça, j’étais genre… Mais qu’est-ce que j’attends quoi ? Qui d’autre peut me dire quoi que ce soit qui va me convaincre autrement ? C’est ce qui a réglé la question pour moi.
Donc là en fait, tu te rends à peine compte que tu joues en NBA ?
C’est clair, c’est toujours fou. C’est juste fou de penser que tout cela se passe à ce niveau-là. Il n’y a pas beaucoup d’entrainements en plus en NBA, donc j’apprends à chaque match surtout. On doit en être à 15 là ? Je n’arrive déjà plus à suivre ! Mais j’apprends à chaque, que l’on gagne ou que l’on perde. J’espère vraiment que ça va continuer. J’espère continuer pendant plusieurs années.
« Chris Paul et Paul George m’ont préparé à la vitesse du jeu en NBA »
Tu es resté en contact avec les deux Paul du coup ?
Oui, je continue de leur parler constamment d’ailleurs. On a fait beaucoup d’entrainements ensemble aussi cet été. Et du coup ils m’ont préparé, ils me disaient : « voilà ce qui va se passer en NBA, il faut que tu te prépares à ci, à ça ». Le fait d’avoir ces deux gars-là, ça m’a énormément aidé.
Que t’ont-ils dit spécifiquement ?
Ils m’ont beaucoup préparé à la vitesse du jeu en NBA. Ils m’ont conseillé aussi de faire du travail au niveau du renforcement musculaire, du travail sur la force. Mais ils m’ont dit également de ralentir le jeu, d’y aller doucement parfois. Et maintenant je vois vraiment ce qu’ils veulent dire. Pendant la Summer League, ça ne m’a pas tout à fait parlé. Mais maintenant que je suis en NBA, je vois ce qu’ils veulent dire. Il faut changer de vitesse, changer de rythme, être capable de trouver les gars ouverts…
J’imagine que tu continues de les regarder jouer, à distance ?
Je continue de regarder pas mal de vidéos de leurs matchs oui. J’essaie de repérer leur manière de jouer, certains moves, ce genre de choses. Mais pas qu’eux ! Je regarde vraiment tout le monde. Westbrook, Avery Bradley, LeBron… Surtout ces trois-là.
Ça a dû te faire quelque chose de jouer deux matchs à New York cette semaine, vu que tu as grandi à quelques dizaines de minutes au nord, et que tu as aussi fait une partie de ta scolarité dans le Connecticut…
Oui ! Je dis que je viens un peu des deux d’ailleurs. J’avais déjà foulé le parquet du Barclays Center, mais pas au Madison Square Garden. Pourtant, j’étais fan des Knicks en grandissant. J’étais là quand Melo, Stoudemire, Tyson Chandler, Jason Kidd et tous ces gars étaient là. Mais c’était la première fois que je jouais sur ce parquet donc, c’est un rêve devenu réalité. Je m’en souviendrai toute ma vie. Tu n’oublies jamais ta première.
Avec les blessures à Utah, il t’arrive de jouer meneur, te vois-tu comme un combo guard du coup ?
J’ai eu quelques opportunités de jouer meneur oui, mais bon, je ne cherche pas forcément à changer mon jeu quoi. Si les gars sont ouvert, forcément je vais faire la passe, mais sinon je continue de jouer comme j’ai l’habitude. Je regarde un peu ce que la défense me donne et voilà. Je ne cherche pas à faire 10 passes décisives par match. Je continue de jouer mon jeu, d’essayer de faire les actions qu’il faut. Franchement, je ne le prend pas vraiment comme si c’était un autre poste en fait, je continue de jouer. A la limite, je suis peut-être un peu plus attentif au fait d’avoir un gros impact en défense, mais bon…
Tu donnes l’impression de te faire plaisir sur le terrain. Le fait que tu réalises à peine que tu sois en NBA, ça te permet de ne pas vraiment le prendre comme un boulot ?
Oui ! J’essaie juste d’aller sur le terrain et de me faire plaisir quoi. De profiter de ces moments. Tu n’as qu’une chance dans la vie. Donc j’essaie vraiment d’approcher chaque match comme quelque chose de fun. C’est aussi un boulot, mais j’essaie de me faire plaisir en même temps.
« Frank Ntilikina m’avait marqué par son jump-shot cet été »
Tu as fait une partie de ta préparation estivale avec Frank Ntilikina. Quelle impression t’es-tu faite de lui ?
Oui, on a la même agence. Donc c’est comme ça que je l’ai rencontré d’abord. Puis on a commencé à travailler ensemble. C’est un super gars, il est calme, il est marrant, c’est vraiment un mec cool… J’ai été vraiment impressionné par la manière dont il a géré la situation face aux Cavs. Il est vraiment monté d’un cran. Je crois qu’il a eu 6 interceptions… Cleveland aurait pu perdre ce match, vraiment. C’est très impressionnant, la manière dont il gère ça. C’est dur d’être à New York, c’est une pression compliquée. Il y a beaucoup d’attentes, de médias… tout ça. Je suis vraiment fier quelque part de la manière dont il a géré a situation. Je lui ai dit plusieurs fois d’ailleurs, que j’étais excité de venir jouer contre lui à New York.
Qu’est-ce qui t’avait marqué chez lui ?
Je pense que c’était son jump-shot en fait, pour être honnête. Je ne suis pas trop sûr de ses pourcentages pour l’instant, mais je sais qu’il travaille constamment. Il cherche toujours à s’améliorer. Il veut travailler tous les jours. Je savais déjà que c’était un grand défenseur, qu’il pouvait faire de super passes. Mais ça m’a impressionné de le voir shooter comme ça.
C’était surtout des drills avec Chris Brickley ou vous avez fait des un-contre-un aussi ?
Pas tant que ça, parce qu’il avait son problème au genou… Donc on n’a pas pu trop jouer l’un contre l’autre.
Tu côtoies un autre Français tous les jours maintenant…
Oui ! Rudy est génial. Il nous manque là, on a hâte qu’il revienne. Son impact dans le jeu est énorme, on sait tous ce qu’il apporte à cette équipe… C’est un sacré chambreur aussi !
Dernière question, pourquoi portes-tu le numéro 45 (qu’il portait aussi à Louisville) ?
Ah, bah c’est pour Michael Jordan ! C’était le numéro qu’il portait au baseball. Comme je te disais, j’ai fait du baseball et du basket. Lsui aussi, et comme tout le monde veut le numéro 23, moi j’aime bien être différent, donc j’ai pris le numéro 45 (sourire).
Propos recueillis par Antoine Bancharel, à New York