Draft Film Room : Qui est Trae Young ? Le nouveau Stephen Curry ?
Pour reprendre l’expression consacrée dans la langue de Shakespeare, une tornade s’est violemment abattue sur la NCAA en ce début de saison, attirant toute l’attention des amateurs de basket universitaire mais aussi, et surtout, des dirigeants NBA.
Trae Young est sorti de nulle part (projeté 2nd tour de draft dans le meilleur des cas avant la saison), et est en train de se consolider une place bien au chaud dans le top 10 de la Draft 2018. Ce ne serait même pas étonnant du tout qu’il termine dans le top 5 (et pas forcément en fin de top 5) d’ici le mois de juin s’il continue de performer à ce même niveau de jeu. La saison de Trae Young est à ce point spectaculaire !
En vidéo : Analyse de sa performance contre Northwestern State (26 points, 22 passes) :
La raison de sa très petite valeur supposée avant le début de saison est très simple : son manque d’attributs physique. Pas très grand, mais quand même suffisamment pour être dans la moyenne, assez léger et avec surtout une envergure de bras peu impressionnante qui ne compense pas, et qui ne le fait pas jouer « plus grand qu’il ne l’est vraiment » (comme Isaiah Thomas). Or, en NBA, sauf extrêmement rares exceptions, qu’importe le talent si les atouts physique ne rentrent pas dans les standards. N’y voyez point de discrimination, mais simplement une loi de faits : des joueurs trop petits n’arrivent plus à avoir des tirs ouverts, n’arrivent plus à voir et passer par-dessus les défenses, n’arrivent plus à conclure au panier, et surtout sont de véritables trous noirs défensifs.
Isaiah Thomas et sa saison 2017 spectaculaire et l’exception littéralement extra-ordinaire confirmant la règle, mais les exemples inverses existent en bien plus grande quantité. Dernièrement, un joueur comme Tyler Ulis, véritable patron de Kentucky, général de terrain, incroyable joueur universitaire, est en train d’expérimenter ce dur constat chez les Suns.
Trae Young n’est pas du calibre de Thomas ou Ulis, pointant en-dessous des 6 pieds de haut. Lui est aux alentours de 6’2 (1m88), avec une envergure de 6’4 (1m93), mais d’une part il conviendra de confirmer ces mesures toujours très aléatoires aux Etats Unis selon qui les réalise, et surtout l’impression visuelle reste la même : Young n’est pas aussi petit mais joue quand même suffisamment petit pour que cela inquiète. Et devoir compenser avec des aptitudes basket pures, c’est non seulement extrêmement difficile mais parfois tout simplement impossible.
Sauf que.
Young a pris la NCAA d’un coup et la fait sienne. Au-delà des performances à gros chiffres et des statistiques impressionnantes, c’est surtout la manière et le contenu de ses matchs qui font changer d’avis. Finalement, si Young n’est pas en sur-régime et qu’il est véritablement le joueur qu’il semble être sur ces quelques matchs, ne devient il pas un prospect NBA bien plus solide, un potentiel premier tour de draft ? Se demandait-on fin Novembre. Nous voilà à présent début Janvier, et la question est désormais : arrivera-t-il à s’infiltrer dans le top 5 ou devra-t-il « se contenter » d’un top 10 ?
Pour faire simple : Trae Young est une version alternative de Stephen Curry. Du shoot à foison, des pluies de trois-points à n’importe quelle distance, une mécanique de tir qui dégage à la fois aisance et confiance extrême de la part de son exécuteur. Il y a tout le package du shooteur d’élite, qualité et quantité. Et la NBA n’est plus celle de 2009, année de draft de Curry : aujourd’hui, le curseur entre « il manque d’atouts physiques » et « oui mais la shoot compense beaucoup » s’orientera beaucoup plus vers l’optimisme que vers le doute, dans une ligue où le trois-points est devenu roi et où ses meilleurs artilleurs en sont les plus puissants serviteurs.
Avec 41% de réussite sur plus de 10 tentatives par match (!), Young s’invite dans des stratosphères que seul Stephen Curry à connu ces dernières années, même si Young le fait évidement à un niveau infiniment inférieur. C’est la même efficacité que les machines à 3pts qu’étaient Markelle Fultz et Lonzo Ball l’an passé, mais sur un quantité encore plus grande. D’ailleurs, contrairement à Ball, Young est comme Fultz : il fait tout ça en sortie de dribble principalement, sans laisser aucun doute quand à la viabilité de sa mécanique de tir, et donc à priori sans avoir à passer par les difficultés que rencontre actuellement Lonzo Ball.
Au-delà de ce shoot incroyable, il y a aussi un profil complet, comme pour Curry : de la pénétration et une capacité à distribuer le jeu de très haute facture. Même si cela se fait dans un style différent : là où Curry est maître de la subtilité, créateur inventif et maître de son ballon, Young est plus dans un registre fulgurant, utilisant l’atout que Curry n’a pas : l’explosivité, la capacité sur son seul physique en deux pas de faire la différence au démarrage, ou de foncer comme un boulet de canon vers le panier. Comme Curry également, le Stephen Curry d’avant 2015 (créateur gros volume à gros déchet, pas encore le candidat MVP propre), Young a aussi montré un certain penchant pour le flashy, recherchant parfois l’action flamboyante mais peu utile au détriment de la bonne action.
Le match contre Northwestern State d’il y a quelques jours fut une de ces plus belles sorties, bien qu’il soit possible d’en trouver d’autres où son talent s’exprime tout aussi magistralement. Il ne termine qu’à 26 points (oui, en dessous de ses standards cette saison, lui qui est quasiment à 30pts/m) mais surtout 22 passes décisives, un total extrêmement haut pour la NCAA (c’est même un record tout simplemen) où les possessions sont plus longues donc moins nombreuses, et où les matchs eux mêmes sont moins longs. Se dessinent aussi dans ce match sa plus grosse faille : la défense. Comme pour Curry. Toute la question pour les observateurs le reste de la saison NCAA va être de déterminer à quel point ces gros manques défensifs inhérents sont surmontables…ou pas. A quel point, à quel prix.
Images à l’appui.