Et si la clé du Process à Philadelphie se trouvait dans les petits déjeuners organisés par Brett Brown ?
Si les 76ers ont impressionné par leur niveau sur le parquet cette année, eux qui mènent 2-1 dans leur premier tour de playoffs face au Heat, c’est aussi grâce à leur cohésion qu’ils ont marqué les esprits en obtenant la 3e place de la conférence Est grâce à 16 victoires consécutives malgré l’absence de la star Joel Embiid sur la fin de saison. Cette harmonie, voire cette fraternité développée entre les joueurs fait partie des principes qu’a voulu inculquer Brett Brown à travers des petits déjeuners qu’il organise régulièrement avec l’équipe et le staff.
Cette atmosphère, Kevin Arnovitz (ESPN) a pu la ressentir l’an dernier lorsqu’il a débarqué un jour au moment du petit déjeuner dans le complexe d’entrainement des 76ers. Il a pu y voir Robert Covington expliquer à ses coachs et coéquipiers qu’il venait de s’acheter deux nouveaux reptiles. Passionné par ces animaux, il a ensuite projeté une vidéo montrant l’évolution des serpents, tirée de l’émission Planet Earth.
Il pense que les serpents c’est beau ! C’est n’importe quoi ! » T.J. McConnell
Sauf qu’ensuite, pour conclure la présentation, RoCo s’est dirigé vers son sac à dos en affirmant que même si les serpents agissaient de façon individuelle, ils pouvaient aussi bosser en tant que groupe pour encercler leur proie. Il en a alors sorti Max, un python bourdon de plus d’1,20m. Joel Embiid s’est tout de suite mis à courir, allant se cacher derrière le buffet à l’autre bout de la pièce.
Ça a surpris tout le monde ! Personne ne savait que je l’avais avec moi. J’ai ouvert mon sac à la fin de mon discours et j’ai dit à l’assemblée que je voulais leur présenter Max. Tout le monde s’est dispersé ! Joel a été le premier ! Il disait : ‘N’approche pas ce truc de moi ou je le tue !’. Il le répétait sans s’arrêter : ‘Je n’aime pas les serpents. Je n’aime pas les serpents. Je n’aime pas les serpents.' » Robert Covington
Près d’un an plus tard, Joel Embiid a parait-il toujours des frissons lorsque Robert Covington s’approche de son sac. En mémoire a cet évènement, Brett Brown a depuis nommé un exercice défensif dans lequel le but est d’encercler à plusieurs le porteur du ballon « The Max ». Ce qui est intéressant, c’est que cette culture là ne s’est pas développée avec la gagne récemment. Non, elle est apparue avec Brett Brown pendant toute la période durant laquelle les 76ers perdaient des matchs à n’en plus finir.
Ces petits déjeuners, Brett Brown essaie de les organiser de façon hebdomadaire. Souvent, il invite une célébrité ou une personne marquante qui vient raconter son histoire devant l’équipe. Mais, une fois par mois, c’est à un membre de l’organisation de faire sa présentation devant l’assemblée. Il travaille ensuite avec Connor Johnson, responsable de la vidéo de la franchise, pour monter un PowerPoint et un bref film. Ces moments font partie de ceux qui sont les plus appréciés par toute l’équipe.
Tout cela représente un moment où l’on apprend, où on progresse ensemble. C’est un temps qui permet de vraiment montrer la personne que vous pouvez être même lorsque vous êtes dans le dur. Ce parcours nous a permis de devenir qui nous sommes : la saison à 18 victoires, la saison à 10 victoires… Tout ça nous a aidés à construire ce que l’on vit aujourd’hui (52 victoires pour les 76ers cette saison, ndlr). » Robert Covington
Il y a quelques semaines, ce fut au tour d’Amir Johnson de se présenter devant les autres. Il décida de partager avec l’équipe ses connaissances sur le tatouage. C’est ainsi qu’il retraça toute l’histoire de cet art ancestral tout en expliquant comment il était arrivé aux Etats-Unis.
Les tatouages représentent quelque chose qui fait partie de ma vie depuis longtemps. J’ai fait des recherches et j’ai tenté d’expliquer comment et pourquoi ils étaient arrivés dans notre culture tout en détaillant ce qui m’avait inspiré quand j’ai fait les miens. » Amir Johnson
Cette présentation s’est ensuite terminée par un florilège des tatouages les plus surprenants vus en NBA en passant de Mario Chalmers à Jason Terry, ce qui permit de conclure ce petit déjeuner dans les rires et la bonne humeur.
Les sujets abordés dépendent ainsi de la personnalité de chacun. Après les serpents et les tatouages, T.J. McConnell qui boit du café constamment (avant les entraînements, après les entraînements, avant les matchs, à la mi-temps…) a logiquement abordé l’histoire de cette boisson narrant comment cette plante était cultivée en Ethiopie. Dario Saric a lui, abordé une tragédie qui lui tenait à cœur en détaillant le conflit balkan dans lequel il a grandi, proposant une vidéo datant de 1990 qui montrait les supporters des sélections de football nationales de Serbie et de Croatie se taper dessus alors qu’ils supportaient la même équipe quelques mois avant. Cet évènement a eu lieu un an avant le conflit qui a tué par la suite plus de 140 000 personnes.
Ce qu’a raconté Dario était le plus marquant. Il a parlé de tout ce qui s’est passé là-bas. Vous pouvez voir que c’est un sujet qui l’impacte beaucoup. » Robert Covington
Ce qui est intéressant, c’est que le 5 de départ des 76ers est composé d’un Australien (Ben Simmons), d’un américain blanc habitué à la vie rurale du Sud (J.J. Redick), d’un afro-américain ayant grandi dans le ghetto de Chicago (Robert Covington), d’un Croate (Dario Saric) et d’un Camerounais (Joel Embiid). Sur le banc, on retrouve également un Italien (Marco Belinelli), deux Turcs (Ersan Ilyasova et Furkan Korkmaz) et un Français (Timothé Luwawu-Cabarrot) : de quoi multiplier les cultures et les histoires de vie.
Brett Brown, formé sous l’aile de Gregg Popovich à San Antonio, fut également coach de l’équipe nationale d’Australie. Ces deux expériences cumulées lui ont permis de devenir le coach qu’il est aujourd’hui, certain que multiplier les cultures et les provenances géographiques représente une force pour son équipe. C’est bien cela qui a permis à Timothé Luwawu-Cabarrot de parler de comment les Français mangeaient les escargots, à J.J. Redick d’aborder la physique quantique et la théorie que nous pourrions tous vivre dans une simulation de la réalité (en projetant des extraits du film Matrix) ou à Ben Simmons (plutôt discret habituellement) d’évoquer la vie sauvage et les crocodiles d’Australie.
Nous allons de découverte en découverte. Nous avons compris que le niveau de variété de ces sujets de conversation est multiplié quand vous avez des joueurs étrangers dans un groupe de 14 ou 15 coéquipiers. Que nous parlions de religion, de politique ou de géographie, ça élève nos discussions de ne pas avoir seulement le point de vue de 15 Américains. Toutes ces discussions sont riches. Chacun des sujets abordés, chacune des présentations offre un niveau de divertissement, d’amusement, de tristesse ou d’humour. C’est un autre moyen de développer une culture et un groupe. C’est une expérience incroyable. Je crois que je suis en train d’atteindre le but que je recherchais quand j’ai rejoint cette franchise. Nous avons un groupe extrêmement proche et uni. » Brett Brown
Comme quoi… Pour être coach, il n’y a pas que le basket qui importe. Brett Brown semble être un vrai meneur d’hommes qui a réussi son défi. Les résultats actuels des 76ers sont ainsi forcément liés à la culture qu’il a su implanter dans ce groupe. Pas étonnant que les dirigeants veuillent prolonger le tacticien sur le long terme. Trust The Process !
Via ESPN