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Bilan de la saison: la pyramide des rookies

Le petit monde des rookies est un univers à part dans une saison NBA. Toutes les deux semaines, Basket Infos vous propose d’analyser les performances, bonnes ou mauvaises, des débutants dans la grande ligue.

 

Bien qu’ils soient encore incroyablement nombreux (et influents!) en demi-finales de conférence, il est temps de faire un bilan de la saison 2017-2018 des débutants NBA. Contrairement à l’an dernier, cette cuvée a été particulièrement performante, sans doute l’une des meilleures des quinze dernières années. Plutôt que de classer les rookies sur leurs pures performances de la saison, on vous propose de le faire selon le principe de la Trade Value, inspirée du classement proposé pendant quinze ans par Bill Simmons sur ESPN et Grantland.

Le principe est simple: au lieu de se demander si tel rookie a été meilleur que tel autre au cours de la saison, ce qui est intéressant mais limité, le classement ci-dessous repose sur la valeur que le joueur a acquis auprès de sa franchise. Autrement dit, entre un rookie X et un rookie Y, lequel est le moins susceptible d’être échangé par sa direction? Il ne s’agit donc pas seulement du niveau de jeu du joueur, mais de ce que la franchise projette en lui pour le futur.

Les critères utilisés pour ce classement seront donc les suivants:

  • le niveau du joueur durant cette saison.
  • la situation sportive de la franchise: si un rookie est bon, mais qu’il est dans une équipe très performante, il a sans doute moins de valeur que s’il est le seul atout correct d’un effectif. Une équipe qui a longtemps été performante mais s’apprête à faire exploser son effectif sera plus portée à faire des échanges, alors qu’une équipe en reconstruction a moins tendance à laisser partir ses rookies.
  • la situation financière de la franchise: dans des franchises proches de la luxury tax, un débutant performant peut avoir une valeur inestimable grâce à l’espace salarial que libère son petit contrat rookie.
  • l’histoire de la franchise: un grand marché dont on sait qu’il aura de l’ambition lors de la free agency donne toujours moins de valeur à un rookie, aussi bon soit-il, qu’un petit marché peu attractif.

Pour garder le suspense, on va donner le classement en sens inverse. Pour que ce soit bien clair: si un rookie est classé à la 22e place, cela signifie qu’il y a 21 rookies qui, selon nous, seraient moins susceptibles d’être échangés. Imaginez cela sous la forme d’une pyramide, où la valeur des joueurs augmente au fur et à mesure que l’on monte les étages.

 

REZ-DE-CHAUSSEE: Peuvent servir, mais sont faciles à remplacer

40. Tyler Dorsey

39. Maxi Kleber

38. Frank Mason

37. Brandon Paul

36. Milos Teodosic

35. Daniel Theis

Plusieurs cas différents, ici. Dans le cas de Tyler Dorsey (Atlanta) et Frank Mason (Sacramento), on a affaire à deux meneurs/arrières choisis au second tour (respectivement 41e et 34e), qui ont obtenu pas mal de temps de jeu dans des équipes de fond de classement et ont montré des qualités et des défauts assez semblables: des joueurs propres, commettant peu de turnovers, corrects à 3-pts (36 % pour les deux), mais manquant complètement de puissance pour finir près du cercle. Des backups corrects dans une mauvaise équipe qui, avec un peu de réussite et de boulot, peuvent éventuellement devenir de vrais backups malgré leurs limites physiques, à l’image de Tyus Jones ou Fred VanVleet. Dans la liste des priorités de leurs dirigeants, ils sont sans doute assez loin.

Les trois autres sont des Européens plus âgés (Kleber a 26 ans, Theis 25, Teodosic 31) très intéressants comme role players, mais dont la marge de progression est limitée, voire inexistante pour Teodosic. Kleber est un stretch 4 peu efficace (31.7 % à 3-pts), rebondeur moyen, qui a fait le boulot cette année mais que les Mavs échangeraient sans aucune hésitation. Teodosic est un passeur génial, mais sa défense s’avère plus que limitée au niveau NBA; comme back-up, il satisferait beaucoup d’équipes, mais dans l’état d’incertitude actuel des Clippers, sa valeur marchande est quasi nulle. Daniel Theis est lui une des bonnes surprises de la saison. S’il n’apporte pas beaucoup de spacing (31 % à 3-pts, moins d’une tentative par match), il a un bon tir mi-distance et a été très utile dans le rôle d’un pivot small ball. Theis est un joueur précieux, mais vu les ambitions des Celtics, il ne serait pas étonnant qu’il puisse être sacrifié pour faire de la place dans l’effectif.

Dernier cas, enfin: Brandon Paul, énième joueur sorti d’on ne sait où par les Spurs, ailier plus intéressant par sa défense que par son adresse à 3-pts (27.8 %), mais qui peut toujours servir pour apporter quelques minutes dans une rotation. A 27 ans, il est plus là pour faire le nombre qu’autre chose à San Antonio, qui ne s’accrochera pas à lui à tout prix.

PREMIER ETAGE: Un peu de valeur, en souvenir de leur sélection au premier tour

34. Tyler Lydon

33. TJ Leaf

32. Justin Patton

31. Terrance Ferguson

Ces quatre là ont été choisis au premier tour, et n’ont pas beaucoup joué, ou n’ont montré que très peu de choses. Le fait même d’être un premier tour de draft ajoute un peu de valeur au joueur, à la fois parce que certaines franchises peuvent penser que le rookie est tombé au mauvais endroit et a toujours du potentiel, et parce que les franchises n’aiment pas admettre un échec dans leurs choix.

La décision de Denver de sélectionner Tyler Lydon avec le 24e choix était peu compréhensible dès le soir de la draft: les Nuggets avaient déjà des ailiers-forts à ne plus savoir qu’en faire, et aucun ailier, ce qui ne s’est pas arrangé avec le départ de Gallinari et l’arrivée de Millsap. Résultat, Lydon a joué… 2 minutes dans la saison, et a un avenir complétement bouché dans les Rocheuses. Ne soyez pas étonné s’il est refilé à une autre franchise dans le cadre d’un échange pour rééquilibrer l’effectif.

Constat à peu près similaire pour Justin Patton, bouché à Minnesota par Towns et Dieng (à qui un gros contrat venait d’être offert), et qui a clairement été choisi parce que le front office pensait qu’il était le meilleur joueur disponible avec le 16e choix, sans que soient pris en compte les besoins de la franchise. Patton s’est blessé avant même le début de saison, a joué longtemps en D-League, a foulé les parquets NBA 4 minutes… et est à nouveau blessé. Il est très jeune (20 ans), ce qui explique qu’il ait encore une vraie valeur, mais on ne serait pas étonné que les Wolves acceptent de l’échanger si cela peut leur permettre d’apporter un joueur pouvant être utile immédiatement.

Leaf (18e choix) et Ferguson (21e choix) ont davantage joué, plus d’une cinquantaine de matchs chacun, sans qu’on sache bien ce qu’Indiana et OKC ont sous la main. Nate McMillan a dit à plusieurs reprises être fan de Leaf et de sa capacité à apporter du shoot extérieur (42.9 % de réussite), mais l’ancien d’UCLA est encore très léger défensivement. Les Pacers étant l’une des rares équipes avec du cap space, il n’est pas impossible que Leaf puisse être victime du recrutement estival. Ferguson, lui, n’a même pas 20 ans et a montré quelques belles choses avec le Thunder, mais était beaucoup trop juste pour jouer en playoffs. Sam Presti rêve que Ferguson soit le 3 & D qui manque depuis des années au Thunder, mais le tir à 3-pts n’est pas encore tout à fait là (33 %), le reste du jeu offensif est très limité et le jeune ailier récolte les fautes à un rythme alarmant. Bref, rien n’est sûr pour Ferguson: si une équipe demande à Presti son rookie pour l’aider à se débarrasser du contrat de Carmelo Anthony, pas sûr que le GM dise non.

DEUXIEME ETAGE: Le coin des 3 & D

30. Justin Jackson

29. Dwayne Bacon

28. Sindarius Thornwell

27. Cedi Osman

26. Sterling Brown

25. Royce O’Neale

24. Josh Hart

23. Dillon Brooks

22. Semi Ojeleye

Tout le monde a besoin de shoot et de défense sur le périmètre dans la NBA actuelle. Le 3 & D est le joueur le plus recherché qui soit, la plupart des franchises se rendant compte qu’elles ont trop d’intérieurs et pas assez d’ailiers capables de défendre sur plusieurs postes et de switcher face à des 5 small ball. La cuvée 2017 présente un panel assez intéressant de joueurs capables de devenir ces role players de plus en plus essentiel dans le jeu moderne. Aucun de ces neuf joueurs n’est très jeune (tous ont entre 22 et 24 ans, les plus jeunes étant Osman, Brooks et Bacon), la plupart a été choisie au second tour (seuls Justin Jackson [#15] et Josh Hart [#30] sont des choix de premier tour, Royce O’Neale n’a pas été drafté), mais tous ont ce profil d’arrière/ailier athlétique et polyvalent que recherchent les franchises. La preuve: deux d’entre eux, Ojeleye et O’Neale, jouent un rôle important en playoffs actuellement avec Boston et Utah, avec une belle réussite. Ojeleye, qui est bâti comme une armoire, a notamment crevé l’écran en muselant Antetokounmpo au premier tour.

Tous ces joueurs ne sont évidemment pas interchangeables. Ojeleye et Brown ont des physiques plus impressionnants que d’autres, Justin Jackson est l’un des plus irréguliers au tir (30.8 % seulement à 3-pts, mais bon finisseur), Dwayne Bacon n’a quasiment aucun tir, etc… Pour tous, leur valeur a comme base cette polyvalence défensive si précieuse. On mettra particulièrement en évidence l’excellente saison de Josh Hart, déjà un excellent tireur à 3-pts (39.6 %), très bon défenseur et rebondeur, et celle de Dillon Brooks, qui a joué les 82 matchs des Grizzlies.

TROISIEME ETAGE: Qui veut un shooteur?

21. Luke Kennard

20. Bogdan Bogdanovic

En parlant de 3-pts: voilà deux des meilleurs shooteurs de la cuvée, deux purs arrières, Luke Kennard (41.5 % à 3-pts) et Bogdan Bogdanovic (39.2 %). Tous les deux ont eu une saison bien remplie, avec 73 matchs pour le premier et 78 pour le second, et ont plutôt convaincu. Pourquoi ne sont-ils pas à un étage supérieur, alors?

Première raison: Luke Kennard est un bon joueur, mais il est quelque peu unidimensionnel. Ses limites physiques font qu’il est quasi incapable d’aller au cercle ou de défendre correctement sur les arrières adverses, ce qui le cantonne à un rôle de spot-up shooteur dans lequel il excelle, certes, mais qui ne saurait suffire tout à fait à justifier un choix dans la lottery…. surtout quand Donovan Mitchell était encore disponible (les Pistons vont se mordre longtemps les doigts de ce choix). Bogdanovic est lui aussi très prudent dans ses voyages dans la raquette: seuls 19% de ses tirs sont pris dans la raquette, pour une réussite assez moyenne de 58%. Il compense néanmoins avec un playmaking bien plus développé que Kennard, notamment sur pick & roll.

Deuxième raison: Bogdanovic est actuellement un meilleur joueur que Kennard, mais il a aussi quatre ans de plus, et un contrat plus important (27 millions sur 3 ans, le plus gros contrat de l’histoire pour un rookie). Bogdanovic ne vole pas du tout son argent, puisqu’il était sûrement le meilleur joueur des Kings cette saison, mais faire une telle saison à 25 ans en étant payé 9 millions par an n’est pas la même chose que payé 3 millions à 20 ans, du point de vue du marché; pour la plupart des franchises, Bogdanovic serait un atout non négligeable, mais comme très bon role player, pas comme un joueur autour duquel construire son équipe. D’où cette situation un peu ambivalente aux Kings: est-il vraiment une pièce centrale pour l’avenir, et peut-il attendre que De’Aaron Fox et le futur lottery pick deviennent ce qu’ils sont censés être? Ou n’est-il qu’un très bon joueur venu pour faire la transition, que le front office n’hésitera pas à sacrifier si cela leur permet de récupérer un autre très jeune joueur?

QUATRIEME ETAGE: A conserver, parce qu’on a rien d’autre sous la main

19. John Collins

18. Jarrett Allen

L’intitulé est un peu dur pour ces deux joueurs, qui ont fait une bonne saison, mais il est assez évident que la valeur marchande qui est la leur tient beaucoup à la faiblesse des assets des franchises auxquelles ils appartiennent. Collins est avec Taurean Prince le seul joueur qui semble former le tout début d’un noyau pour une reconstruction (pas sûr que l’expérience Dennis Schröder dure si longtemps…); Allen est le plus jeune joueur d’un effectif des Nets que Sean Marks essaye par tous les moyens de rajeunir, et la meilleure promesse, avec D’Angelo Russell, d’un avenir meilleur.

Le fait est que ni l’un ni l’autre ne sont des intérieurs particulièrement modernes. Aucun n’est capable (pour l’instant) de shooter à 3-pts, leur protection de cercle laisse à désirer, et ils ne sont pas particulièrement bons passeurs. Certains de ses défauts sont à mettre sur le compte de leur extrême jeunesse, mais ce n’est pas la seule explication. Leurs entraîneurs, en revanche, sont modernes. Plutôt que de développer leur jeu au poste, dont on voit bien qu’il est de moins en moins rentable pour les intérieurs, Mike Budenholzer et Kenny Atkinson ont passé leur année à essayer de faire de leurs rookies des intérieurs adaptés au nouveau jeu NBA. Non pas en les éloignant du panier, mais en les utilisant sur pick & roll ou pour finir sur des coupes près du panier. Le tableau ci-dessous montre la répartition des actions typiques des intérieurs dans le jeu de Collins et Allen:

Type d’action John Collins Jarrett Allen
Roll Man 22.5 % 35.9 %
Coupes 23.3 % 29 %
Rebond offensif 15 % 13.3 %
Jeu au poste 4.8 % 0.7 %

On voit que l’un comme l’autre n’ont quasiment jamais l’occasion de jouer au poste. Très intelligemment, leurs coachs ont privilégié leur utilisation en mouvement, comme roll man (le joueur qui « roule » vers le cercle sur pick & roll) ou sur les coupes, tout en leur accordant la possibilité d’aller chasser les rebonds offensifs, sur lesquels Collins est un aspirateur particulièrement impressionnant.

Collins et Allen sont donc des exemples de jeunes intérieurs développés avec un vrai savoir-faire, ce qui n’empêche pas les questions sur leur vrai potentiel. Collins est sans doute le cas le plus problématique, parce qu’il ne peut pas vraiment défendre le cercle et que son absence de tir à 3-pts en fait un poste 4 atypique et difficile à caser dans la NBA actuelle. Allen, qui est un vrai pivot, est sans doute plus facile à utiliser dans cette optique, même si son jeu est loin d’être abouti. En attendant de voir, les Hawks comme les Nets vont sans doute continuer le processus de développement.

CINQUIEME ETAGE: Dans un gros marché, les valeurs sont volatiles…

17. Jordan Bell

16. Frank Ntilikina

15. Kyle Kuzma

Ces trois-là n’ont pas déçu, loin de là. Kuzma, choisi en 27e position de la draft, est un attaquant capable de faire à peu près tout correctement en attaque, ce qui l’a amené à tourner à 16 pts par match; Ntilikina est déjà l’un des meilleurs défenseurs de la ligue à son poste; Jordan Bell a une polyvalence défensive précieuse dans la perspective du small ball, même si Steve Kerr l’utilise peu en playoffs. Le problème de ces trois-là, c’est qu’ils jouent dans les plus gros marchés de la ligue, où l’ambiance est rarement au développement patient de jeunes joueurs, aussi prometteurs puissent-ils être. Kuzma, Bell et Ntilikina ont de grandes qualités, mais ils ont aussi des limites qui semblent d’ores et déjà les éloigner d’une carrière de All-Star: Kuzma est un très mauvais défenseur, bon partout en attaque mais pas exceptionnel non plus; Ntilikina est très timide offensivement, un domaine où Bell est lui franchement limité. Tous les trois, dans des genres très différents, ont plutôt le profil d’excellents role players, soit précisément ce qu’une grosse franchise voulant gagner vite ne prend pas le temps de développer.

Qui peut dire ce que serait le rôle de Kuzma si les Lakers récupéraient de très gros poissons lors de la free agency? Il va sans dire que Magic Johnson et Rob Pelinka n’hésiteraient pas un instant à l’échanger s’il était nécessaire de libérer un peu de place pour signer Paul George ou LeBron James, ou si les Spurs souhaitaient le récupérer en échange de Kahwi Leonard. Comment être sûr que les Knicks voient vraiment Ntilikina comme le futur de la franchise, alors même que le front office a changé depuis sa draft, et que le Frenchie a vu arriver deux autres meneurs en cours de saison? Bell, enfin, serait-il toujours dans les plans de Steve Kerr si Golden State pouvait récupérer d’autres joueurs plus expérimentés au minimum lors de la free agency. Bref, ces trois-là ont parfaitement fait le boulot cette année, mais la culture même de la franchise dans laquelle ils sont tombés exclut d’affirmer que leur valeur marchande est au plus haut.

SIXIEME ETAGE: Les bouées de secours

14. Bam Adebayo

13. Malik Monk

12. Zach Collins

11. OG Anunoby

C’est la hantise de tout front office en NBA: construire un groupe qui fonctionne bien, s’assurer de sa pérennité en signant des contrats longs, puis s’apercevoir qu’il stagne. Au bout du tunnel, la terreur de tout propriétaire (à part Dan Gilbert): la luxury tax. Dans ce genre de situations bloquées, le miracle peut venir d’un rookie qui s’avère plus performant que prévu, et dont le contrat très léger hausse le niveau de l’équipe sans faire souffrir ses finances.

Les quatre joueurs ci-dessous sont donc les bouées de secours espérées de franchises encalminées dans cette mer sans vent qu’est le ventre mou de la NBA. Pour avoir surpayé des joueurs moyens, Charlotte (118 m$ de contrats garantis pour la saison prochaine), Miami (116 m$) et Portland (110 m$) sont déjà bien au dessus du salary cap (101 m$), et tout proches de la limite de la luxury tax (123 m$). Toronto, de son côté, est en meilleure situation sportive, mais a dépassé la luxury tax (126 m$ de contrats garantis) sans être sûr d’avoir un effectif taillé pour le titre. Les possibilités de recruter cet été sont donc, pour ces quatre franchises, quasi nulles. D’où l’importance de pouvoir compter sur un rookie à développer en interne, dont la valeur est, à l’aune de l’effectif, sans doute la plus importante derrière les deux ou trois joueurs principaux.

Bam Adebayo pourrait ainsi être l’une des réponses du Heat au problème Whiteside: l’ex Wildcat est un joueur extrêmement mobile, bon rebondeur, dont les limites offensives ne sont pas si graves s’il est cantonné à un rôle de rim runner. Surtout, il a déjà montré plus de sens de la passe que Whiteside, ce qui est particulièrement important pour ressortir sur les shooteurs. A seulement 20 ans, il est sans aucun doute l’un des derniers joueurs dont Pat Riley serait prêt à se séparer.

Malik Monk est lui l’une des garanties de Charlotte en cas de reconstruction – un cas de figure qui ne serait pas si étonnant, vu la reconstruction en cours du front office. Le jeu de Monk est plein de défauts: il ne va pour ainsi dire jamais au cercle (seulement 14% de ses tirs), use et abuse d’un tir à mi-distance où il n’est pas efficace (seulement 29%), défend de manière atroce. Mais il a aussi cette incroyable confiance en lui qu’ont toutes les stars offensives, que le temps et le travail devrait doubler d’une plus grande maîtrise. Monk est, dans les dernières saisons, le rookie qui se ressemble le plus d’un Jamal Crawford: une sélection de tirs suspecte, pas de défense, mais un joueur qui peut débloquer un match en prenant feu. Si le nouveau GM Mitch Kupchak décide de tout repeindre du sol au plafond, Monk peut être l’une des premières pierres du nouveau projet; s’il parie sur la continuité, il est celui qui peut augmenter le potentiel de ce groupe.

Ce dernier constat est le même pour Zach Collins et OG Anunoby. On le devine déjà durant ces playoffs avec le jeune ailier des Raptors, qui a déjà la charge de défendre sur LeBron James. Anunoby est un remarquable défenseur et un shooteur très correct, dont la marge de progression est immense. Avec lui dans le roster, Toronto a plus de flexibilité: la polyvalence défensive d’Anunoby permet plus facilement d’aligner trois arrières ensemble ou de se priver d’un intérieur supplémentaire. Peut-être arrive-t-il un peu tard pour coller parfaitement à la fenêtre de tir des Raptors, mais sa progression, qui devrait continuer, laisse à penser que l’équipe de Dwayne Casey n’a pas encore atteint son niveau maximum. (La même chose peut être dite de Pascal Siakam, au demeurant). Zach Collins, dans l’idéal, pourrait être encore plus capital pour le futur des Blazers: Collins est une potentielle « licorne », capable à la fois de shooter à 3-pts, de protéger le cercle et de défendre le périmètre. Avec un tel joueur à la place de Nurkic, Lillard et McCollum auraient bien plus de place pour leurs drives, ce qui rendrait Portland presque impossible à défendre. La saison de Collins a été bonne, bien meilleure qu’on n’aurait pu le penser pour un intérieur si jeune, mais la licorne est encore loin: Collins est encore inconstant au tir et n’a pas la résistance physique pour protéger le cercle sur la durée d’un match. Le temps file du côté de Lillard, qui n’aura peut-être pas la patience d’attendre le développement de Collins. Ce dernier, pourtant, est la meilleure chance de progression des Blazers dans les saisons qui viennent.

SEPTIEME ETAGE: LE CABINET DE CURIOSITES

10. Markelle Fultz

Un seul membre à cet étage, mais pas n’importe lequel. La saison de Markelle Fultz est une des choses les plus étranges qui soit arrivée dans la NBA récente, ce qui rend bien difficile l’évaluation de sa valeur actuelle. Deux choses sont sûres: Fultz a toujours la dimension athlétique et le playmaking qui lui ont valu d’être choisi en première position de la dernière draft; et son shoot a vraiment un problème. Que faire de cela? La communication étrange des Sixers sur son cas n’aide pas à débroussailler la situation, pas plus que la décision de Brett Brown de s’en passer durant les playoffs, après deux premiers matchs peu réussis. Le front office croit-il encore en Fultz? Sait-il quelque chose sur le problème qui a ainsi déréglé son tir? Si jamais les Sixers pouvaient faire un échange pour Kahwi Leonard, par exemple, seraient-ils prêts à sacrifier Fultz? Autant de questions auxquelles il est bien difficile de fournir une réponse.

Quoi qu’il en soit, le prestige d’un premier choix de draft reste important, ce qui explique que la valeur de Fultz doit encore être relativement haute dans la ligue. Il suffit de penser qu’Anthony Bennett était une des parties non négligeables du trade de Kevin Love, il y a quatre ans, alors que sa saison était l’une des plus mauvaises d’un rookie depuis des années, pour s’en rendre compte.

HUITIEME ETAGE: Les pièces maîtresses (provisoirement?)

9. Jonathan Isaac

8. Dennis Smith Jr

7. Lauri Markkanen

6. Josh Jackson

5. De’Aaron Fox

Sont regroupés à cet étage les rookies qui ont pour l’instant la plus haute valeur marchande de leur équipe (à l’exception de Jackson, qui est juste derrière Booker). Le « pour l’instant » est important: toutes ces équipes ont fait de très mauvaises saisons, et vont récupérer un choix de draft très haut placé, qui pourrait devenir un rookie venant détrôner ces cinq-là de leur titre d’asset le plus précieux.

Il faut dire que ce club des cinq a en commun d’avoir fait une saison tout à fait conforme aux attentes, sans pour autant lever tous les doutes à leur sujet. Pour le dire autrement, ils semblent être les joueurs que l’on attendait, mais pas dans leur version idéale: aucun des cinq n’est aujourd’hui clairement identifié comme un futur franchise player évident. J’ai développé ici les limites du jeu de Lauri Markkanen, ici celles de Fox et Smith. Josh Jackson a connu une courbe de progression très prometteuse, mais des interrogations subsistent sur la fiabilité de son jump shot. Quant à Jonathan Isaac, il est surtout dans cette liste du fait de la tragique faiblesse de l’effectif du Magic, qui n’a pour ainsi dire rien d’autre pour reconstruire, après… 6 ans à choisir dans la lottery. Isaac a confirmé qu’il était un excellent défenseur, malgré une saison fortement perturbée par une blessure, mais n’a pas encore pu prouvé qu’il était autre chose qu’un role player en attaque. Ces cinq peuvent sans doute devenir des All-Stars; ils ne font pas partie pour autant des rookies dont on sent d’emblée qu’une grande carrière s’offre à eux.

A l’exception des Suns, qui ont Devin Booker, il y a donc clairement une place de leader de la franchise à prendre à Dallas, Sacramento, Chicago et Orlando. Elle peut être pour ces quatre rookies, à condition d’en montrer un peu plus la saison prochaine. En attendant, ils sont sans doute exclus de toute négociation pour un échange. On ne jurerait pas que ce soit le cas éternellement.

NEUVIEME ETAGE: Intouchables, à moins que…

4. Lonzo Ball

3. Jayson Tatum

Dans n’importe quelle franchise, ces deux-là seraient sans doute 100% intouchables. Mais aux Lakers comme à Boston, où le but ultime sera toujours le titre, un petit doute subsiste. Et si LeBron James arrivait aux Lakers, et ne voulait pas du cirque Ball? Et si Anthony Davis demandait un trade dans les mois qui viennent, et que Danny Ainge, qui n’hésite devant aucun échange, se servait de Tatum pour emporter le morceau? D’accord, ces scénarios ne sont pas les plus probables. Ils ne sont cependant pas absurdes et empêchent de souscrire complètement à l’idée que Ball et Tatum sont dans leur franchise respective pour les dix prochaines années.

Cela ne doit pas faire oublier que Ball et Tatum ont été deux très bons rookies. Certes, Lonzo Ball est comme un joueur qui serait passé par le laboratoire de Daryl Morey et aurait subi un bug de développement: il prend les « bons » shoots (près du cercle et à 3-pts, très peu à mi-distance), mais n’en met pas un. Ses pourcentages sont presque risibles: 45 % aux lancers-francs (!!), 48 % près du cercle (6e percentile), 31 % à 3-pts. Dans ce jeu qui consiste à mettre un ballon dans un panier, Lonzo n’est pas franchement doué. Mais tout le reste est excellent: son playmaking, sa défense, son activité aux rebonds, sa capacité à organiser une attaque en font un joueur extrêmement précieux pour bâtir une équipe. Avoir un tel organisateur sur le terrain est une bénédiction pour une équipe en reconstruction. En général, les meneurs rookies ont tellement de mal à s’adapter à l’exigence du jeu NBA que leurs équipes suivent leur rythme d’apprentissage, et ne deviennent bonnes que lorsque leur meneur a pris la mesure du jeu; c’est typiquement ce qui se passe actuellement à Dallas et Sacramento. Ball, au contraire, maîtrise déjà le jeu et est capable de mener une bonne équipe.

Jayson Tatum est sans doute encore plus impressionnant. Regardez n’importe quel match de ces playoffs, et vous ne pourrez qu’être fasciné par la maîtrise avec laquelle le jeune ailier des Celtics appréhende la difficulté des phases finales: sa capacité à varier son approche offensive selon les matchups, en alternant entre drives et jump shots, la qualité de sa défense et la maturité générale de son jeu sont réellement bluffantes pour un rookie. Une part du crédit est bien sûr à accorder à Brad Stevens, comme expliqué ici.

On parierait plus facilement sur Tatum que sur Ball pour une future place au All-Star Game, en raison des limites offensives du Laker. Mais ces deux-là sont déjà des réussites, qui méritent leur place dans un étage très haut de notre pyramide.

DIXIEME ETAGE: Les intouchables

2. Ben Simmons

1. Donovan Mitchell

Pas de surprise de retrouver un tel duo au dernier étage. Mais qu’il est difficile de les classer! Le choix de mettre Mitchell en première position n’est pas forcément d’un verdict sur le titre de Rookie de l’année, mais plus d’un constat qui tient à la différence entre Philadelphie et Utah d’une part, à ce qu’ont montré les playoffs jusque là de l’autre. Philadelphie est un grand marché, qui attire déjà des rumeurs sur des possibles signatures de LeBron James ou Paul George cet été. Utah est un petit marché, où aucun free agent de renom n’a jamais signé. Utah n’aura jamais de joueur du niveau de Donovan Mitchell via la free agency; Philadelphie en est capable, éventuellement. Les Sixers, par ailleurs, ont déjà un franchise player attitré en la personne de Joel Embiid. En somme, du point de vue du marché, Utah a plus besoin de Mitchell que les Sixers n’ont besoin de Simmons, bien que la différence se fasse à peu de choses.

Tout cela n’est en rien une attaque envers Ben Simmons, dont j’ai analysé le jeu en détail ici. Simmons est peut-être même un meilleur joueur que l’arrière du Jazz, selon l’optique que l’on adopte. Mais l’Australien, malgré son immense talent, a cette limite – son shoot – qui reste légèrement problématique dans son développement. Mitchell est moins bon défenseur et un passeur infiniment inférieur, mais n’a pas une lacune aussi béante dans son jeu. Si jamais le jump shot de Simmons ne se développe absolument pas (il part de très loin) et que les défenses arrivent à faire payer les Sixers pour cela en playoffs pendant plusieurs années, Simmons peut éventuellement devenir un problème pour passer le dernier cap vers le titre. Les ambitions du Jazz ne sont pas (encore) à ce niveau. Avec Mitchell, ils ont un leader offensif pour les dix années à venir. Il est absolument intouchable, Simmons l’est juste très légèrement moins.

Mitchell, donc. La saison de l’arrière du Jazz est incroyable, et ses performances en playoffs le sont encore plus. Derrière LeBron, Harden et Anthony Davis, il n’est pas sûr qu’un autre joueur ait plus fait pour la qualification de son équipe que Donovan Mitchell face à OKC. Que l’on mette l’ex de Louisville dans une liste aux côtés de trois joueurs qui seront dans le top 5 du classement du MVP suffit à donner la mesure de ce que réalise le garçon.

La Bubble Offense de Mitchell (stats de saison régulière) montre sa polyvalence offensive:

 

Mitchell est un vrai arrière: comme on le voit sur le graphique, son rôle de meneur sur pick & roll (la grosse bulle bleue au milieu) est important, mais pas autant que les meneurs dominants de la ligue. Mitchell est correct dans ce rôle, sans être exceptionnel. C’est en spot-up qu’il est le meilleur, qu’il s’agisse de driver vers le panier ou de catch and shoot; la bulle la plus haute sur le graphique nous indique qu’il n’est pas seulement bon dans ce domaine: il est l’un des meilleurs de la NBA.

Une telle visualisation montre également que Mitchell a, finalement, assez peu de points très faibles en attaque. Il n’excelle pas en transition, mais tout le reste de sa palette offensive est au minimum autour du 50e percentile, ce qui est très correct. On voit avec la taille des bulles « hand off », « off screen » et « cut » qu’il est beaucoup utilisé sans ballon et qu’il joue finalement assez peu en isolation. Son absence complète de jeu au poste peut être un axe de développement pour le futur, mais il y a déjà là tous les éléments d’un excellent attaquant. Pour ne rien gâcher, Mitchell est également un bon défenseur, capable de défendre plusieurs positions.

Donovan Mitchell n’est pas encore All-Star, mais ses performances en playoffs ont plus de valeur que ce titre officiel. Il n’a que 21 ans, une éthique de travail que tout le monde souligne et peu de points faibles, à part un playmaking très perfectible. Sauf blessure ou catastrophe industrielle, il est le franchise player du Jazz pour un bon moment.

 

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