[Interview] Mathias Lessort : « J’attends de savoir ce que veulent les Sixers »
Mathias Lessort a débuté le basketball en Martinique en suivant l’exemple de ses frères, Gregory (33 ans, ancien pivot de Pro B) et Gary, basketteur amateur et préparateur physique-coach sportif. Sur son île il a évolué au Pôle Outre-Mer Basket (P.O.B) du Lamentin, avant de se faire repérer à l’âge de 15 ans par Chalon-sur-Saône. En trois ans il va remporter le championnat de France Cadets et Espoirs, avant de passer professionnel sous les ordres de Jean-Denys Choulet. Puis une saison à Nanterre où il va gagner la FIBA Europe Cup ainsi que la Coupe de France. S’ensuit la soirée du 22 juin 2017, ce soir là les Sixers l’ont sélectionné à la 50ème place. Il décide alors de quitter la France pour la Serbie. Pour sa première saison avec l’Étoile Rouge de Belgrade, Mathias Lessort a impressionné sur le devant de la scène européenne. Véritable boule d’énergie sur le terrain, l’intérieur a fait le bonheur des serbes. Le Français de 22 ans progresse rapidement et possède de grandes ambitions. À l’occasion du rassemblement de l’Équipe de France nous avons pu nous entretenir avec lui. Serbie, NBA ou encore les doutes sur son futur ont été évoqués.
Comment s’est passé ton adaptation en Serbie ? Ta première expérience à l’étranger.
« Mon adaptation a été assez rapide, j’ai eu d’excellents coéquipiers qui m’ont bien entouré. Les gens, les supporters et les dirigeants sont très accueillants. Au final, ça a été assez rapide. »
La ville de Belgrade vit pour son équipe ? Tu ressens cette passion dans les rues ?
« Franchement on sent que la ville vit pour son club. Y’a un vrai engouement autour du basket, du foot et même du sport en général. Quand on se balade dans la rue y’a vraiment beaucoup de fans qui nous arrêtent pour discuter des matchs, avoir un autographe ou prendre des photos. On ressent vraiment cette passion. »
Pour ton premier match en ABA League, tu as débuté avec deux énormes dunks en 3 minutes. Un bon coup de pouce pour marquer son territoire quand on vient d’arriver ?
« Oui, évidemment. On avait eu des matchs de préparation juste avant et le coach m’avait dit que les fans allaient beaucoup m’apprécier par rapport à mon style de jeu. Quand on a commencé ce match (face à Mornar Bar) j’étais très excité, j’avais beaucoup d’énergie et d’adrénaline. C’était le premier match y’avait une grosse ambiance, je me suis senti porté et j’ai mis ces deux gros dunks. Ça m’a aidé à donner une belle image de moi dès le début. »
Qu’est ce que ça te fait de jouer dans ces salles bouillantes ?
« Quand on a des supporters comme en Serbie qui mettent une ambiance folle, ça aide beaucoup. Ça nous pousse à nous dépasser, à mieux faire. C’est comme si on avait un gain d’énergie qui nous fait mieux jouer. Quand les fans commencent à crier et devenir fous ça nous motive. »
Le derby contre le Partizan t’as marqué ? En France on en est loin ?
« C’était vraiment chaud ! La rivalité avec le Partizan est très spéciale. Les matchs étaient vraiment incroyables, l’ambiance était folle. C’est l’une des choses qui m’a le plus marqué depuis le début de ma carrière. Mais pour le coup Nanterre et Chalon-sur-saône y’avait de vraies belles ambiances. C’est juste différent, nous on a des supporters et eux des hooligans. Ils insultent les mères, les femmes ou les religions. Tu peux recevoir un objet jeté des tribunes, ils sont dans l’extrême. En France on est beaucoup plus respectueux, si un joueur se fait insulter violemment ça peut vite finir dans la presse, alors qu’en Serbie ils font tous ça. C’est deux cultures différentes mais en France on a aussi de bons supporters. »
Considères-tu que la Serbie est l’endroit idéal pour faire progresser un jeune joueur ?
« Je pense que chaque personne a une situation particulière propre à lui même. Pour certains c’est jouer en France, Espagne ou d’autres en NCAA. Pour moi c’est la Serbie. C’est une grande école de basket qui a fait ses preuves. Enormément de joueurs sont sortis des deux gros clubs serbes (Étoile Rouge et le Partizan), et maintenant il y’a aussi Mega Leks. Beaucoup de joueurs qui sont passés par la Serbie ont fini en NBA ou dans des gros clubs européens. Je pense que c’est la bonne école pour apprendre. »
En finissant 3ème meilleur espoir de l’Euroleague derrière Doncic (Ex-Real Madrid) et Abalde (Valence), trouves-tu que cette première saison au haut niveau européen est satisfaisante ?
« Satisfait est un grand mot. Je n’aime pas trop parler de moi en réalité. C’est vrai que beaucoup de personnes me félicitent pour ma saison et pour ce que j’ai réalisé. Donc on peut alors dire que j’ai été bon d’après le regard des observateurs. Mais j’ai de grandes exigences envers moi-même, je ne suis pas satisfait de ma saison. Ce n’est qu’une première saison et certains objectifs ont été accomplis mais je reste tout de même sur ma faim. J’espère faire beaucoup mieux la saison prochaine. »
En te faisant drafter par les Sixers, penses-tu être tombé dans la meilleure organisation ?
« Je ne sais pas encore, l’avenir nous le dira. Pour le moment je suis encore en Europe, donc on verra comment ça évolue et si dans les prochaines années je vais à Philadelphie. C’est certain que c’est une très bonne organisation, ils font de grandes choses avec une équipé assez jeune. Donc je pense que pour un jeune joueur comme moi, c’est une bonne organisation pour débuter. »
Tu es en contact avec les dirigeants de Philadelphie ?
« C’est une question pour mon agent. Je l’ai dit à mon agent, je ne veux pas m’occuper de cette partie. C’est son travail, il parle avec les Sixers, l’Étoile Rouge et les autres. Il travaille sur mon avenir, sur ce que je vais faire l’année prochaine ou dans les années à venir. Moi j’attends juste qu’il m’appelle pour me présenter les propositions après c’est à moi de choisir. »
Cette saison tu as pu jouer aux côtés de Pero Antic, à Chalon-sur-Saône tu avais Devin Booker (MVP Pro A 2016). Comment on apprend autour de joueurs expérimentés sur ton poste ?
« Chaque année j’ai eu la chance de jouer avec de très bons joueurs à l’intérieur comme Devin Booker, Marcus Dove et Antic maintenant. C’est une chance d’avoir de très bons joueurs autour de moi, expérimentés et dominants sur ma position. Ça m’aide beaucoup à progresser de les avoir tous les jours à l’entrainement et à mes côtés. Ils me donnent des conseils, ils m’expliquent certaines choses et partagent leurs expériences. »
L’Étoile Rouge n’est pas qualifiée pour l’Euroleague la saison prochaine. Est-ce que cela peut entrainer un départ ? (Barcelone ou NBA)
« Y’a des rumeurs mais ce n’est pas moi qui les lance (Barcelone). Tout ce qui est contractuel ce n’est pas mon domaine. Ce que je fais l’année prochaine ? J’en ai aucune idée. Pour être honnête, je ne sais même pas quelles sont les options. Mon agent gère le dossier avec l’Étoile Rouge et les autres clubs. J’attends juste son appel pour me présenter les options. Au moment venu je prendrai ma décision. »
Ton envie réelle ressemble à quoi ?
« Mon envie c’est d’être dans la meilleure situation. Peut-être qu’il n’y a pas d’Euroleague mais rester serait un meilleur environnement pour moi. Ici j’ai du temps de jeu, aller dans une grosse équipe ne m’assure pas forcement de beaucoup jouer. Je veux juste être dans la meilleure situation, celle qui me ressemble, là où je vais pouvoir me montrer et progresser. J’attends de savoir ce que veulent les Sixers. On verra bien… »
Ça serait très excitant de jouer avec Joël Embiid et Ben Simmons ?
« Oui forcément ça donne très envie de jouer avec de gros joueurs. Jouer en NBA tout court serait excitant. Peu importe la franchise. Philadelphie a fait ses preuves, ils ont fait confiance aux jeunes, ils connaissent ce domaine et ça donne envie d’aller jouer la-bàs. J’ai envie d’aller jouer en NBA. »
Ton côté showman peut t’aider à accéder à la grande ligue ?
« J’ai le style de jeu pour la NBA c’est vrai, mais ce n’est pas suffisant. J’ai envie de devenir le joueur que je veux être avant. Je veux avoir ma chance, je veux aller jouer en NBA. »
Tu as affronté Doncic, il y’a quelques doutes sur lui. Tu penses qu’il va confirmer en NBA ?
« Il y’a des doutes parce qu’il joue en Europe. Sans manquer de respect, je pense que les gens qui doutent de lui ne connaissent pas trop le basket. Un jeune de 18 ans qui domine en Euroleague, qui joue contre des anciens joueurs NBA et des gars expérimentés je ne comprends pas les doutes sur lui. Ça peut arriver qu’il soit mauvais, certains gros joueurs sortis de NCAA se sont ratés. Anthony Bennett a été premier choix maintenant il est en Europe, personne ne sait où il joue. Des américains se trouent aussi, donc même si Doncic ne réussit pas ce n’est pas parce qu’il jouait en Europe. Un gars de 18 ans qui réalise ce genre de performances c’est juste impressionnant. Il mérite de faire de grandes choses en NBA. »
Des doutes existent aussi sur ton fit avec la NBA. Ta taille n’est pas forcement habituelle pour un pivot, tu n’as pas le shoot d’un ailier-fort moderne. Comment réagis-tu face aux critiques ?
« C’est à moi de faire mes preuves, tout simplement. Je dois montrer que mon shoot est bien meilleur que beaucoup de personnes le pensent, je travaille beaucoup dessus. Le basket évolue en ma faveur. Par exemple le CSKA Moscou évolue depuis 3 ans avec Kyles Hines en pivot, il ne mesure même pas deux mètres. Ça ne les empêche pas de dominer l’Euroleague. La taille ne veut rien dire pour moi. En NBA on a un cas similaire avec Golden State et Draymond Green, il joue beaucoup poste 5 et sa taille n’est pas incroyable. Jouer de cette façon permet de changer sur tous les écrans, personnellement je peux évoluer comme ça et défendre sur des petits. Les intérieurs de 2m20 on en voit de moins en moins, ce n’est plus à la mode. Le jeu prend une direction qui me convient, moins de jeu dos au panier, les équipes recherchent la vitesse et la transition. Ce que je peux apporter. Donc c’est à moi d’utiliser mes qualités pour y arriver. »
Quand tu vois Elie Okobo drafté qui va directement en NBA. Tu trouves que tu es en retard dans le processus ?
« Non je ne trouve pas. Chacun à son parcours, je suis vraiment content pour Elie. Je lui ai envoyé un message avant la draft, je lui ai donné quelques conseils pour les workouts, je lui ai expliqué des choses que j’ai vécu. Je suis vraiment content pour lui, comme je l’étais pour Frank (Ntilikina) l’année dernière quand il a été drafté haut. On ne s’envie pas, chacun à son parcours. Je leur souhaite la meilleure carrière possible et pour moi aussi. »
Statistiques de Mathias Lessort cette saison :
- En Euroleague : 8.5 points, 5.7 rebonds, 0.8 passes et 8.5 d’évaluation par matchs
- En ABA League : 9.5 points, 4.6 rebonds, 0.7 passes et 12.3 d’évaluations par matchs