[Interview] Nicolas Batum : « Dès le premier entraînement, Tony Parker a gueulé sur moi ! »
Tony Parker, James Borrego, les Hornets, l’ASVEL… L’ailier français nous a livré des morceaux précieux et détaillés sur tous ces sujets. Bonne dégustation !
Nicolas, quel rôle remplit Tony dans cette équipe ?
Il est entre l’assistant-coach et le joueur-mentor. Il a inventé un nouveau poste cette année ! C’est ça qui est génial. C’est un vrai relai entre le coach, « JB » (James Borrego), et nous. C’est un vrai relai. C’est un mentor pour les jeunes joueurs, c’est une aide pour Kemba. C’est quelqu’un à qui on peut demander des conseils. Ou sur des interrogations que l’on peut avoir… C’est vraiment un coach avec un maillot. Et j’ai toujours dit que quand on aura des moments difficiles, à chaque fois qu’il faudra prendre les choses en main, ce sera lui. Et ça n’a pas manqué ! A chaque fois, c’est lui.
Ça se manifeste comment, c’est cette fameuse image, mi-temps France-Espagne en 2013 ?
Ah bah il y va direct ! C’est ça, c’est cette fameuse mi-temps… Ça ne change pas. C’est exactement la même chose. Il a toujours été comme ça. Il ne changera pas. N’importe quel maillot : Spurs, France, Charlotte, il sera toujours comme ça.
Malik Monk nous a dit que ce fut dès le premier entraînement en plus ?!
(Sourire) C’est ça. Dès le premier entraînement, ou « open practice ». Fin août, il n’avait pas encore d’appart’, donc il habitait chez moi. On part à l’entraînement ensemble et déjà ça faisait un peu bizarre. On se retrouve dans le même vestiaire, avec le même maillot… Même lui quand il a mis ce maillot des Hornets pour la première fois, il l’a regardé et il était là : « Wow, ça change ! ». Petite parenthèse d’ailleurs : les gens devraient faire un peu abstraction de ça. Ils sont déçus qu’il n’ait pas fini à San Antonio, mais lui me le dit : cela fait longtemps qu’il n’a pas été aussi heureux sur le terrain. Il est vraiment heureux de sa vie en ce moment. Il apprécie vraiment chaque instant… Il adore ! Et pour en revenir au premier entraînement donc, c’est vrai qu’il a pris le truc en main en deux minutes. Littéralement. Montre en main, deux minutes. Il a poussé un coup de gueule d’entrée… (pause) Moi ça m’a un peu fait rire, parce que je m’y attendais un peu. Je savais ce qu’il voulait faire. Et en plus, le coup de gueule, il était pour moi ! Donc j’ai failli rigoler, parce que je savais ce qu’il était en train de faire. Il s’imposait. Mais moi j’ai besoin de ça et l’équipe a besoin de ça. Ça a secoué pas mal de monde ! On avait besoin de ce mentor, de ce vétéran. Dans le vestiaire, et sur le terrain, comme ses derniers matchs aussi, où il montre la voie. Parce que tout le monde va l’écouter. (Il insiste) Tout le monde va l’écouter Tony. On connaît son CV…
Ça peut être le facteur X qui va changer la culture et vous faire retourner en playoffs ?
On espère ! On espère. Parce qu’il ne laisse rien passer. Et c’est quelque chose dont on a besoin. Quelqu’un qui peut rentrer dans la tête à Kemba, qui est notre all-star. Comme moi, ou Malik Monk, ou Miles Bridges. Il s’en fiche de qui tu es, et si tu fais une boulette, il va te faire comprendre qu’il ne faut pas la refaire.
« Ronny et Boris nous le disaient : Tony et moi, on a le même amour du basket, H 24. Donc les Bleus, les Hornets, l’ASVEL, ça devait se faire… »
Vous avez toujours eu cette relation mentor-disciple d’ailleurs, tous les deux, à distance ou en équipe de France…
Toujours oui. On s’est rencontrés quand j’étais rookie, mais la première fois où l’on a partagé ça, c’était pour ma première convocation en équipe de France. En 2009. On est passés par les barrages, et l’Euro derrière. Et c’est vrai que ça a été assez naturel. On a une même connaissance et amour du basket. On n’arrêtait jamais d’en parler. C’est Ronny (Turiaf) qui nous disait ça, à l’époque : « Vous, les deux là, vous êtes les mêmes, vous ne pensez qu’à ça, H 24 ». Boris (Diaw) nous faisait aussi la remarque. Donc ce que l’on fait avec Villeurbanne, ce que l’on a fait en équipe de France et ce que l’on fait ici, aux Hornets, ça devait se faire. Parce qu’on a cet amour commun du basket.
Vous vous complétiez très bien en bleu, avec vos profils respectifs, l’un très offensif et l’autre plus défensif, du coup ?
Oui ! C’est pour ça qu’on s’est bien complété en équipe de France oui. Lui c’était le leader offensif, attaque non-stop. Et moi, c’était la défense. En 2013, c’est ce qui a fait un peu le truc. En quart, contre Dragic, on s’est dit : « toi tu le prends en attaque, et moi je le prends en défense ». Voilà, ce sont des trucs comme ça. Il fallait le prendre sur tout le terrain, et des deux côtés, pour l’épuiser. Et ça a marché ! D’ailleurs, en finale (contre la Lituanie), on a fait la même chose. « Toi tu l’épuises en attaque, moi je l’épuise en défense ». On avait cette connexion tous les deux, sur le terrain. Et c’est ce qui a créé ces bons souvenirs de parquet.
Et hors-terrain maintenant aussi donc…
Oui. Déjà, quand il a rejoint ce projet à l’ASVEL, il me l’avait proposé. Mais j’ai mis du temps à y aller. Puis il a fini par me dire : « vas-y, on le fait ensemble ». Et depuis on fait ça tous les jours. Littéralement. Tous les jours. C’est un luxe ! On sait très bien les responsabilités que l’on a. C’est l’un des plus grands clubs du basket français. Et on sait pourquoi on le fait. C’est très rare que deux joueurs en activité fassent ça, et puissent le faire ! Essayer de rendre pour un club en France. On essaie vraiment de remettre le basket français au plus haut niveau européen. C’est quelque chose qui manque au basket français. Et on essaie aussi bien pour les garçons que pour les filles. On est vraiment à fond dans les deux projets, et aussi le projet jeunes, et on le fait en les mettant sur le terrain, dès qu’il y en a un qui a besoin de jouer, on le met sur le terrain.
« Tony est ici pour James Borrego aussi »
L’autre grosse addition, c’est le nouveau coach, James Borrego… Comment est-il, dans son rapport avec ses joueurs et sur le plan technique ?
Sur le plan personnel, c’est quelqu’un qui communique beaucoup, qui est très ouvert, qui est dans le contact, échanger. Il demande l’avis des ses joueurs, de façon à ne pas prendre des décisions que par lui-même. Il nous responsabilise énormément. Mais quand il faut mettre le poing sur la table, il va le faire aussi ! Je pense que c’est quelque chose qu’il a appris à la maison Spurs, pendant deux décennies… Il est vraiment très bien par rapport à ça. Côté basket, techniquement parlant, il nous laisse beaucoup de libertés, mais dans un cadre. C’est structuré, ça ne part pas n’importe comment. On a une certaine base, qu’il faut respecter. Et après c’est vraiment l’expérience de chacun. Ça joue plus vite et on étire plus le terrain cette année aussi.
Tu retrouves son passage de dix ans aux Spurs (2003-10 puis 2015-18) ?
Tu le retrouves d’autant plus qu’on a Tony avec nous oui ! Il l’a connu à San Antonio. Par rapport à ce que me dit Tony, l’école Spurs est vraiment là. Il s’y retrouve beaucoup là-dedans d’ailleurs ! C’est aussi pour cela qu’il est venu avec nous, parce qu’il savait dans quel coaching il allait tomber. James Borrego ne nous laisse pas beaucoup de cadeau, et ça c’est bien pour nous.
« Hors joueurs, il ne reste que trois personnes de l’an dernier aux Hornets, c’est une nouvelle ère »
Après deux années sans playoffs, y a-t-il une pression, un côté « make or break » ?
Nos résultats passés ont fait qu’on a dû avoir un changement. Et ça a été fait. On va dire que c’est une bonne chose, pour l’instant. On part dans la bonne direction, même s’il y a encore pas mal de choses à mettre en place. Parce que c’est encore tout nouveau. Pour le staff, et pour nous. En terme de connaissance de jeu… C’est quelque chose qui va prendre un peu de temps. Mais c’est sur la bonne direction. Et je ne m’inquiète pas du tout.
Il n’y a donc pas de crainte que l’équipe explose si ça ne fonctionne toujours pas cette saison ?
Non. Non, non. Parce qu’il y a eu ce changement, et on a beaucoup de jeunes. Donc le renouvellement a déjà été fait je pense, cet été. Beaucoup de joueurs qui ne jouaient pas ont été responsabilisés maintenant. Kemba a passé un cap. On a fait venir Tony, Miles Bridges joue beaucoup, Malik Monk joue beaucoup. L’aile a été stabilisée (Michael Kidd-Gilchrist devrait plutôt jouer 4). Donc le changement a été fait. On est en transition en ce moment, et c’est à nous de faire une bonne saison pour justement construire sur ce que l’on est en train de faire maintenant. Le ménage a été fait (on peut y voir une référence à Dwight Howard, qu’un autre joueur nous a mentionné directement dans ce sens…).
Il y a aussi un nouveau président, Mitch Kupchak, pour toi il a donc déjà fait tous les changements majeurs ?
Hors joueurs, je crois qu’il reste trois personnes. Trois personnes, ce n’est pas beaucoup dans un staff NBA. Il doit y avoir une vingtaine de personnes qui a changé… Quand je suis arrivé en septembre, je ne connaissais pas beaucoup de monde. Comme si j’étais nouveau. J’avais l’impression d’être dans une nouvelle équipe, une nouvelle franchise ! C’est pour ça que je te dis que le changement a déjà été opéré. C’est vraiment une nouvelle ère. C’est frais, c’est nouveau, la routine a changée, l’organisation a changée.