[Interview] Vince Carter : « Ce feeling il n’y a peut-être rien de comparable »
On ne va pas vous mentir, l’idée était de faire une interview « Ma NBA » avec « Vinsanity ». On est allés le voir sur quatre matchs (alors qu’il joue aux Hawks hein, c’est un vrai sacrifice !), mais les collègues le harcelaient toujours. On a alors eu une promesse d’entretien exclusif, après avoir appris que l’équipe ne prendrait pas un avion dans la foulée comme d’habitude, mais resterait sur New York le soir, pour un entrainement le lendemain à l’insu de la plupart des médias. Malheureusement, ledit entraînement fut annulé. Du coup on n’a jamais réussi à finir de lui poser toutes nos questions. Mais comme on a quand même pu échanger avec lui, notamment les différentes époques qu’il a traversées, ce serait trop bête de ne pas partager ça avec vous…
Vince, quel est ton meilleur souvenir en NBA ?
Ça fait vingt ans de souvenirs hein ! C’est dur de choisir… Mais franchement, le simple fait d’avoir encore l’opportunité de jouer en fait. J’ai gagné le respect de beaucoup de joueurs grâce à mes highlights, tout ça. Mais vraiment, le feeling de m’asseoir à la table du GM, stylo en main, et signer un contrat pour une année de plus, il n’y a peut-être rien de comparable. (Alors que l’on prend un air surpris, son regard devient sérieux) Je suis vraiment honnête avec toi là. Pour avoir tout ça, (il pointe du regard autour du vestiaire : les équipements, les coéquipiers, les médias…) il faut déjà avoir signé un contrat ! Donc vraiment, c’est peut-être mon meilleur souvenir en fait. Peut-être parce que c’est le plus récent, aussi, d’accord. Mais regarde : j’ai 41 ans (quand on lui dit « bientôt 42 », le 26 janvier, il nous répond « je ne regarde pas aussi loin ! ») et je suis encore avec ces gars-là, à jouer contre eux… Contre les fils de gars contre qui j’ai joué même, comme aujourd’hui : Tim Hardaway Jr ! Peut-être que j’ai un peu plus mal qu’eux le soir, mais ça va, ça en vaut le coup ! Je continue de me préparer de la même manière, après toutes ces années. Même quand j’ai perdu ma place de titulaire, je n’ai pas arrêté. Parce que je voulais prendre soin de moi, mais aussi parce que j’aurais l’impression de ne pas respecter le jeu sinon.
Dirk Nowitzki dit qu’il passe beaucoup de temps sur la table de massage avant les matchs ces dernières années. As-tu toi aussi développé une préparation particulière après un certain temps quand même ?
Non, ça n’a pas changé. Pas de méthode particulière. Je n’ai pas un secret de nutrition, ou d’étirement, ou je ne sais pas quoi non plus. Tu cites Dirk, oui moi aussi j’ai des habitudes, mais tu vois lui par exemple s’il passe dans les mains du kiné avant d’aller sur le terrain, moi je dois surtout venir très tôt à la salle, pour d’abord m’échauffer, et je fais les soins ensuite, 40 minutes… Mais je suis toujours venu tôt en fait. Premier gars dans le premier bus, ou même Über… enfin c’était des taxis avant (rires) ! Le truc, c’est avant tout la volonté de continuer, et puis un peu de chance ! J’ai été chanceux. Et je comprends mon corps, je sais ce que je dois faire pendant l’été, trouver le bon équilibre. Cela me permet de garder encore toute cette passion et cet amour du jeu, et de les vivre tous les jours, surtout. Donc c’est pour ça que recevoir encore un coup de fil, pour continuer de jouer à mon âge, franchement c’est ce que je retiens le plus.
« Le jeu a énormément changé ! »
Peu de joueurs sont vraiment passés par différentes époques comme toi. Le jeu a-t-il autant changé que l’on en a l’impression ?
Bien sûr que c’est super différent ! Le jeu a changé énormément ! Tout est pour l’attaque maintenant. Tu ne peux plus toucher ton gars. A l’époque… (il penche la tête et fait de grands yeux médusés, avant de lancer un grand sourire) On va dire que c’était un petit peu différent, hein ! C’était priorité à la défense. Tu devais passer par un paquet de « hand-checking », prendre des coups quand tu voulais couper vers le cercle, même quand tu n’avais pas le ballon. En fait, ça a changé tous les dix ans j’ai l’impression. Donc j’ai l’impression d’être dans une troisième phase. Tu ne vois plus vraiment les gros poste bas, ou beaucoup moins souvent qu’avant. C’était tellement physique les premières années ! Je me rappelle être fatigué le soir rien que pour ça : la douleur d’en prendre tous les jours. Surtout nous à l’Est : Les Knicks, les Pacers, les Celtics… ça ne rigolait pas quoi. Par contre, maintenant, tu dois être capable de courir tous les soirs. Avant, ça pouvait un peu dépendre des matchs. Du coup, là, maintenant, c’est différent physiquement, ça te demande autre chose. C’est une autre fatigue. D’ailleurs on me parlait du fait de durer aussi longtemps en tant qu’arrière : tu as vu les arrières qu’il y a maintenant ? Ça court de partout, tout le temps ! Je n’ai plus la vitesse, donc je dois trouver des angles. Et du coup ça ne me dérange pas d’aller jouer 4 aussi.
Il y a le plaisir d’apprendre aussi ?
Bien sûr ! Tu apprends tout le temps… Donc oui c’est ça aussi le plaisir : continuer à apprendre de nouvelles choses, voire même devoir en apprendre ! Puisque mon corps change. Mais c’est tout le temps comme ça. Un nouveau coach, de nouveaux coéquipiers, etc., tu vas forcément continuer d’apprendre.
« Mon meilleur souvenir au Garden c’est… »
Quelle est ta salle préférée ?
Ici, le Garden ! C’est ma préférée ! Quand on parle du Garden, c’est spécial. C’est l’histoire. Celle que j’ai connue, ou que j’ai vue quand je jouais, ces vingt dernières années, mais aussi celle qu’il y a eu avant ça ! Michael Jordan, Kobe (Bryant), LeBron (James) ont tous eu des soirées spéciales ici. (Il sourit) Même moi… (s’il n’y a jamais scoré 50 pts ou plus comme les autres susnommés, il planta 40 pts le 26 mars 2004, et plusieurs à 30 pts ou plus) Tu es sur une grande scène, dans un building historique, le feeling est juste spécial. Il n’y a rien de mieux en fait. Et tiens, puisque tu me demandais avant quel est mon meilleur souvenir, je vais te donner mon meilleur souvenir ici : gagner la première série de playoffs de l’histoire des Raptors. En 2001. J’ai joué tout le match même ! C’est Mike Breen (le commentateur) qui m’a dit ça tout à l’heure… Je me rappelais qu’on avait gagné, mais je ne m’étais même pas rendu compte que j’avais joué tout le match en fait ! C’était tellement important. Dans ma tête, c’est la seule chose à laquelle je pensais : « Si on gagne ce match… ». Surtout qu’on s’était pris un sweep l’année précédente. Donc je ne pensais qu’à ça.
Quel est le joueur défensif qui t’a le plus marqué ?
C’est vraiment dur d’en choisir un seul. Surtout que les époques étaient différentes. Mais j’ai envie de dire les San Antonio Spurs, en tant qu’équipe, étaient super durs. Et il faut donner le crédit qui lui est dû à Bruce Bowen du coup, parce que c’était lui le fer de lance en défense. Les Sixers de 2001 aussi, c’était pas mal, avec Dikembe Mutombo en dernier rempart, tu n’allais pas au panier les yeux fermés… Et encore, il fallait passer Eric Snow avant ! Du coup c’est ça en fait le problème : quand tu as joué dans différentes époques, tu ne peux plus vraiment choisir une seule personne, ou une seule équipe.
Quand as-tu su que tu serais en NBA un jour ?
Jamais en fait. Même après avoir été drafté. Tu sais combien de choix numéro un n’ont jamais rien donné ? Donc même si j’ai été drafté numéro 5, pour moi ce n’était pas une garantie. Oui, je savais que j’allais sûrement être recruté. Mais est-ce que j’allais vraiment jouer, faire une carrière ? Ça je ne savais pas du tout. Tout dépend des opportunités, de ce que tu en fais, et de combien de temps tu veux durer. Tous les étés je me prépare comme si j’étais free agent. D’ailleurs, ces dernières années je le suis la plupart du temps (rires) ! C’est peut-être pour ça d’ailleurs que j’ai duré aussi longtemps. Je ne me suis jamais dit que c’était acquis.
Propos recueillis par Antoine Bancharel, à New York