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NBA Notebook : Denver Nuggets

Les Denver Nuggets explosent cette année après quelques saisons prometteuses, et pointent actuellement en seconde position de l’ultra compétitive conférence Ouest. L’occasion de faire le point sur cet équipe, son profil, et son avenir.

Guillaume (@GuillaumeBInfos)

 

Jeux à deux, jeux dangereux

L’association Jamal Murray/Nikola Jokic n’est pas nouvelle mais elle atteint peut être actuellement un niveau d’alchimie, d’automatisme et de liberté d’improvisation assez impressionnant.

L’attaque mise en place par Mike Malone, non sans l’être totalement, est assez atypique dans le paysage NBA actuel. Il recherche les même tirs rentables que tous les autres coachs de la grande ligue, et sait que le Pick & Roll reste le moyen le plus simple de créer le décalage, mais le profil atypique de ses joueurs majeurs le pousse à modifier les contours des outils tactiques classiques utilisés pour arriver à son but.

Ni Gary Harris ni Paul Millsap ne sont des créateur offensif de qualité, il savent faire de tout assez bien (voire très bien) mais sont plutôt des finisseurs d’actions que des porteurs de balle qui créent le décalage. Mais surtout : Jamal Murray n’est pas un meneur de jeu classique, ni un meneur de métier, qui peut évoluer dans un registre de playmaking pour autrui. Et plus encore, Nikola Jokic, lui, est extrêmement plus intéressant dans ce rôle de créateur que n’importe quel autre intérieur. Autrement dit, un système de jeu classique serait une sous optimisation à la fois des qualités de scoreurs de Murray et de son jeu sans ballon et de celles de passeur/créateur de Jokic balle en main. Tout en risquant d’exposer les faiblesses de Murray en porteur de balle dominant ou Jokic en finisseur intérieur classique.

Cette attaque de Mike Malone ressemble en beaucoup de points à celle de Rick Adelman de l’époque Minnesota Timberwolves de 2013-2014. Chez les deux attaques, et des deux techniciens il est possible de déceler l’influence de l’attaque en triangle (quelques concepts, et surtout la manière d’occuper l’espace), les deux utilisant également beaucoup High Post offense (ou corner offense), du Horns et du jeu en sortie d’écran à partir de ces formations. Identique à ces Wolves là, Murray et Jokic inverse régulièrement les rôles comme Kevin Martin et Kevin Love le faisaient à l’époque pour surprendre la défense dans ces systèmes-là. Un écran pour l’un se transformant au dernier moment en un écran pour l’autre, ou ce genre d’autre combinaisons rapides et surprenantes à deux.

Cependant, la différence fondamentale avec ce Minnesota là demeure le fait que Murray et Jokic sont des manieurs de ballon d’un calibre bien plus élevé que ne pouvaient rêver de l’être Martin et Love.

Là où les trucs et astuces des deux compères du Minnesota se limitaient au jeu en sortie d’écran, Jokic et Murray peuvent jouer de cette double menace, ce dragon à deux têtes qui oblige la défense à ne plus savoir où donner de la sienne, à partir de beaucoup plus de formations et de types d’action différents. Notamment, sur Pick & Roll.

Au-delà même des actions où Murray surprend la défense en posant un écran pour Jokic alors que l’inverse semblait être en chemin (et vice versa), au-delà même du simple effet de surprise de ce genre de manœuvre, la défense doit en plus constamment veiller à ne pas en abandonner un pour aller sur l’autre. Faire ceci, c’est laisser à celui des deux délaissé tout le champ libre d’entamer son dribble librement et driver jusqu’au panier, marquer ou trouver un coéquipier démarqué. Ce simple fait que les deux éléments du Pick & Roll peuvent à tout moment se servir de leur dribble suffit à ajouter à l’équation cette complexité là. Ce n’est pas pour rien si l’arme ultime des Warriors reste le P&R Curry/Durant, incroyablement plus dangereuse qu’un P&R meneur/intérieur classique.

L’incapacité pour Murray d’évoluer comme un meneur de jeu de métier (qu’il n’est pas) est un problème de ce fait assez rapidement contourné par ces séquences là Ainsi que par le fait d’avoir Jokic à ses côtés.

Non seulement le fond de jeu classique des Nuggets peut se reposer sur de Jokic au poste haut, ou des jeux en sortie d’écran, du Horns, et tout un tas de formations où Murray n’a pas à faire le général de terrain, mais en plus, ce monstre de Jokic permet à ce Pick & Roll des Nuggets de fonctionner aussi bien (si ce n’est mieux) que les meilleurs de NBA. L’histoire serait très différente pour Murray s’il devait se frotter aux responsabilités du poste 1 avec un intérieur classique, ou ne serait-ce que d’un profil différent (Clint Capela par exemple). Murray est avant tout un scoreur, un bon passeur évidement, mais pas un savant de la passe précise, bien dosée, qui possède des instincts naturels de haute volée, et qui peut délivrer des ballons dans tous les angles possibles et imaginables. Dans ce Pick & Roll avec Jokic, il a moins de responsabilités au playmaking et peut en plus faire parler son superbe jeu sans ballon pour trouver des shoots (et les rentrer) ou filer au panier.

Jokic est à ce point un fabuleux passeur et créateur qu’il permet cela. Pas mal de pivots en NBA, notamment les « licornes » sont capables d’entamer leur dribble loin du panier, de driver, d’attaquer balle en main le panier, ou de survivre dans le périmètre. Mais ce que fait Jokic est unique et va bien au delà de ça : c’est un véritable manieur de ballon. Il ne survit pas dans le périmètre, il y vit. Jokic n’est pas comme Karl Anthony-Towns, Anthony Davis, Joel Embiid ou Al Horford, capable de driver balle en main le temps d’une seconde et demi ou deux, sur une distance pré-déterminée quand un chemin jusqu’au cercle s’ouvre. Non, il peut aussi et surtout maintenir son dribble en plein milieu d’une défense, changer de direction sous contrôle, garder la tête levée, scanner le terrain pendant qu’il dribble et prendre la bonne décision. C’est assez unique, et l’expression éculée « meneur dans le corps d’un intérieur » n’est en vérité que littéralement juste que dans le cas de Nikola Jokic.

La nuance peut paraître simple, infime, voire négligeable, mais elle est on ne peut plus conséquente. Ce Pick & Roll ne serait pas aussi viable ni implacable si Murray était associé à un partenaire autre, même un grand à l’aise avec la gonfle (Towns par exemple). Murray ne remplit qu’à moitié la fonction de créateur nécessaire au bon fonctionnement d’un P&R, mais Jokic se charge de la seconde moitié, rendant l’ensemble tout à fait viable. Et Murray lui rend bien en lui offrant le scoring électrique, le shooting et le flair sans ballon que Jokic pourrait difficilement trouver dans un partenaire de P&R classique, plus meneur passeur dans l’âme.

Or, c’est tout sauf anodin. Dans les hautes strates des playoffs, dans les moments importants et/ou face à des splendides défenses qui attendent les Nuggets au tournant, connaissent leur playbook et sont parées à le contrer, si Denver déroule du jeu en sortie d’écran, du High Post offense ou ce genre de système qui sont le sel de leur attaque, ça risque de ne pas aussi bien marcher.

L’imprévisibilité d’un Pick & Roll, son aspect frontal et inattendu, qui ne peut pas être contenu ni anticipé, donnent à cette attaque des Nuggets une tout autre dimension. Une dimension que n’avaient pas les Minnesota Timberwolves de Rick Adelman, Kevin Love, Kevin Martin et Ricky Rubio (40-42). Il n’y a pas de scouting pour ça, on ne peut pas savoir que tel joueur effectue cette course ou sort de cet écran pour récupérer la balle à tel endroit, parce que souvent, c’est de l’improvisation. Une improvisation répétée, préparée et bien cadrée par les heures d’entraînement, l’alchimie et les automatismes des deux bougres. Mais aux yeux de la défense adverse, c’est une improvisation. Non seulement intrinsèquement, en elle-même (on ne sais pas ce que Jokic ou Murray vont faire), mais aussi de par son côté unique en NBA, où un tel combo, un tel P&R à deux têtes pensantes et dribblantes n’existe tout simplement pas.

Le Pick & Roll est une attaque directe envers la défense, tout comme l’isolation, et ce n’est pas pour rien que dans les moments chauds les équipes s’en remettent toujours quasiment à ça. Un système pré-établi permet à la défense d’être pro-active si tant est qu’elle connaisse les principes de jeu et les systèmes à défendre…ce qu’ont tendance à savoir faire les équipes compétentes du mois d’Avril, Mai, Juin après 6 à 8 mois de compétition à étudier les adversaires. Au contraire, dans un Pick & Roll, a fortiori dans celui des Nuggets où la menace peut venir des deux côtés, le défense n’est pas pro-active mais bien passive, elle subit et doit réagir, et par conséquent doit souvent encaisser un temps de retard.

Pouvoir jouer des deux mains, et surtout savoir jouer de la main gauche quand l’adversaire est capable de priver de la bonne main droite, est un atout qui devrait beaucoup aider ces Nuggets en post-season. Etre capable d’une part de dérouler leur jeu collectif qui permet de faire marcher l’ensemble, et d’autre part d’y aller plus frontalement lorsque c’est nécessaire, est d’ailleurs (toute proportions gardées) ce que font les Warriors de Steve Kerr. Ne le dites à personne, mais l’arme secrète de Kerr quand tout va mal c’est aussi de délaisser leur motion offense pour se tourner vers le Pick & Roll Stephen Curry/Kevin Durant, et voir les adversaires paniquer.

Devant un dragon à deux têtes qui menace de vous cramer d’un double crachat infernal, vous l’orientez de quel côté, votre ridicule bouclier ?

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Le général de terrain

Monte Morris continue plus ou moins discrètement son excellente saison. Drafté au deuxième tour en 2017 et pensionnaire de l’équipe de G-League l’an passé, Morris est tout simplement un des meneurs les plus propres de toute la ligue avec ratio passe/turnovers de 5.75 (167 ast, 29 tov) à rendre jaloux même le Chris Paul des grandes années.

Vétéran universitaire, Morris est le vrai meneur de métier de cette équipe. Ses services ne sont pas nécessaires à tout instant (le sang froid de Jokic ou le système offensif en lui-même s’occupant de bien distribuer le jeu), mais le gestionnaire qui peut rentrer et même finir des matchs en s’appropriant le contrôle du jeu ainsi que son bon fonctionnement, c’est lui. Sa science offensive, sa patience à toute épreuve pour ne jamais forcer ou au contraire son sens du timing pour saisir une opportunité avant qu’elle ne s’échappe en font un playmaker de premier ordre, leader dans l’âme de la seconde unit (sans pour autant en être son meilleur scoreur) ainsi que le joueur attitré pour gérer la boutique quand le manager serbe s’absente.

Pour une équipe qui joue autant sur du jeu d’écran et des mouvements collectifs, la capacité à prendre soin du ballon et à pouvoir conclure les possessions par un tir plutôt qu’une balle perdue reste cruciale. Morris apporte cependant à son coach un autre aspect important, stylistique cette fois : la capacité de pouvoir jouer de manière plus traditionnelle. C’est à dire sur Pick & Roll. Un exercice que ni Jamal Murray, ni Gary Harris, ni aucun extérieur de l’effectif ne maîtrise autant. Et Malone ne se prive pas d’alimenter son meneur back-up en systèmes de la sorte (Pistol, High P&R, Side P&R, Double Drag, Step-up screens, etc).

Plusieurs avantages à cela.

Le premier est d’offrir un plancher minimum à la seconde unit. Par définition celle-ci est moins talentueuse que l’escouade titulaire, et pourrait ne pas arriver à générer autant de bons tirs que les titulaires sur des jeux en sortie d’écran, des coupes, et autres actions de ce genre qui font le sel de l’attaque de Denver (qui nécessite talent, timing, alchimie, précision de geste, etc). Morris « run the show », les autres suivent et arrivent plus facilement à s’intégrer sur des actions basiques que sont les Pick & Roll, plutôt que s’ils devaient exécuter une symphonie de courses millimétrées autour d’un passeur au poste haut ou dans le périmètre.

Le deuxième avantage, c’est le changement de rythme d’un point de vue tactique. Toujours utile pour surprendre la défense ou au minimum la sortir de sa zone de confort. Passer d’un jeu collectif à un style plus direct, et vice versa, permet de ne pas se laisser diagnostiquer par l’adversaire, de ne pas reproduire tout le temps les mêmes choses sous peine de devenir caricatural. Il n’est pas rare de voir Morris rester un peu plus de temps avec les titulaires certains soirs, et Murray en puncheur dans la seconde unit. Ou même les deux ensemble. Selon les forces défensives de l’adversaire, bonne ou mauvaise défense du P&R, bonne ou mauvaise défense collective sur les aides, savoir jouer des deux mains permet d’établir des plans de jeu différents et demeure un atout précieux entre les mains de Malone.

C’est ce que permet d’avoir un tel joueur de Pick & Roll comme Morris dans une équipe dont ce n’est pas la force première. Sans même mentionner ses progrès significatifs au shoot lointain (un splendide 44% à 3pts), ou son excellent jeu à mi-distance (floaters, jump-shots) qui l’ont bien aidé à gagner sa place dans le collectif de ces Nuggets là.

Monte, le Général.

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La (petite) tour de contrôle.

Nul besoin de présenter Gary Harris. Bien qu’une blessure soit venue gêner sa première partie de saison, Harris est un des meilleurs éléments de cette jeune escouade des Nuggets du haut de ses 18 points à 40% de réussite à trois-points sur un gros volume de tirs (6 tentatives/m) l’an passé.

Si le jeu en sortie d’écran et tout le système offensif de Denver marche aussi bien, c’est en partie grâce à lui. Harris n’est pas l’ombre d’un créateur balle en main, pour lui-même (un peu quand même) et surtout pour autrui, mais cette partie du jeu est pleinement assumée par Jokic, Murray et le système en lui même. Quant à Harris, ses qualités de finisseur pour concrétiser ces étincelles de création sont on ne peut plus importantes, que ce soit de par son jump-shot très fiable, sa rapidité et son tranchant pour driver tout droit jusqu’au cercle, son explosivité en transition ou sans ballon, et sa complicité avec Jokic sur les fameux DHO (dribble hand-off, jeu à deux) des Nuggets.

Mais l’aspect où Harris impressionne le plus cette saison est sans doute la défense. Et pas là on pourrait le penser : Harris est athlétique, rapide et avec de très bons fondamentaux défensifs, mais c’est loin d’être un lockdown défenseur en homme à homme, notamment limité par son manque de taille et de longueur de bras. Sans compter que ces manques-là diminuent grandement sa polyvalence défensive et que le voir switcher sur des postes 3 ou 4 n’est pas une assurance tous risques.

Non, la patte Gary Harris, on la retrouve surtout dans la défense sans ballon. Timidement, discrètement, et dans l’anonymat relatif au désintérêt total du grand public pour cet aspect du jeu pourtant capital, Harris est peut être un des trois ou cinq meilleurs arrières de NBA en défense collective. Son intelligence de jeu, son attention, sa science du placement, son anticipation, et son explosivité pour très vite sortir de sa position et arriver à temps deux ou trois mètres plus loin pour aider de la bonne manière, dans le bon timing, en bouchant les bons angles…sur tout cela, Harris impressionne.

Dans les schémas défensifs de Denver nécessitant de nombreuses aides défensives et rotations en deuxième, troisième et quatrième rideau pour compenser l’agressivité sur le ballon, Harris est comme un poisson dans l’eau, ainsi que d’une valeur inestimable pour les Nuggets. Si Denver a quelque peu souffert défensivement ces derniers temps et est retombé dans le classement des meilleures défenses de NBA (de top 3 à top 10), c’est sans doute un peu plus du à l’absence de Harris que celle de Millsap (elle, bien compensée par Plumlee).

Au-delà du fait d’arriver à diagnostiquer les actions adverses et d’arriver à temps pour réaliser la bonne rotation défensive, sa compréhension élevée du jeu lui confère une certaine assurance pour se montrer un peu plus libre que les autres dans les schémas, s’autoriser un peu plus, jouer un peu plus sur les nuances. Là où les autres aident à l’intérieur et laissent donc leur attaquant ouvert, Harris est plus en contrôle, aide juste assez, pas complètement mais ce qu’il faut pour pouvoir revenir sur son attaquant beaucoup plus aisément. Là où les autres effectuent parfois scolairement les aides nécessaires, Harris parvient à anticiper les lectures de jeu des adversaires et aide avec une demi seconde d’avance pour mieux intercepter la gonfle. Là où les autres sont parfois imprécis dans leurs aides en mouvement, Harris démontre sa rapidité d’exécution et sa technique défensive impeccable pour boucher le bon angle, arriver en bonne position et de la bonne manière pour finir l’action. Là où les autres se resserrent autour du porteur de balle pour le priver d’espace, Harris ne se prive pas de tenter carrément l’interception si il entrevoit une ouverture.

Un bon safety défensif comme on les aime. John Elway a déjà appelé pour se renseigner.

Un nouveau titulaire inattendu…

L’évolution de Torrey Craig est remarquable. Denver possède une des rotations à l’aile les plus denses de la ligue, ayant accumulé via la Draft quantité de prospects entre les poste 2 à 4 ces dernières années, tous se montrant performants cette saison. Pourtant, il se pourrait bel et bien que Malone tienne en son free agent de 28 ans récupéré sur un two-way contract et pensionnaire de GLeague la majorité de l’année passée le titulaire du poste 3.

L’évolution est tout aussi marquante tant sur la place qu’il a acquise dans l’équipe que sur pourquoi et comment il l’a fait. Sur les deux premier mois de la saison, Craig est un véritable patch défensif, utilisé avec parcimonie par Mike Malone sur certaines rencontres où de sérieux clients doivent être contenus (la victoire contre Golden State fin Octobre, l’affrontement contre OKC fin Novembre, par exemple) mais qui est prié de prendre les miettes, voire carrément de sortir de la rotation de temps en temps si ses qualités de stoppeurs ne sont pas nécessaires (7 matchs avec <10min, 5 DNP).

Mais depuis le début du mois de Décembre, Craig s’est imposé comme le titulaire de cette équipe au poste 3, et un très bon titulaire (27min/m, et pas juste un titulaire « Keith Bogans »). Les multiples blessures dans l’effectif des Nuggets ont participé à cela, mais Craig lui-même semble un joueur différent du début de saison : ses tirs ont commencé à rentrer.

16% à 3pts en Octobre/Novembre, mais 34% en Décembre/Janvier. Étant toujours aussi peu à l’aise balle en main, et plus généralement ne pouvant scorer ni à l’intérieur (via des drives) ni à mi-distance, le fait que ses tentatives à 3pts rentrent change toute la donne.

En plus d’être un bon défenseur individuel (sans non plus être élite), et de s’occuper de défendre quasiment tous les meneurs adverses (pour soulager le limité Jamal Murray, poste 1 de facto des Nuggets) ce jump-shot qui rentre à un taux suffisant à présent lui permettent d’exister bien plus et d’obtenir ce rôle de vrai titulaire (aux quasi 30min/m) d’une vraie bonne équipe. Craig est d’ailleurs un joueur assez intelligent, sobre et pas du tout passeur/créateur balle en main mais très altruiste, qui a un vrai sens et un vrai bon timing pour couper au panier ou se déplacer sans ballon (parfait quand on joue avec Jokic), qui attaque le rebond offensif agressivement (une des forces de cette équipe) et ne semble jamais perdu dans les systèmes de jeu de Malone.

…mais qu’en est il de l’ancien ?

Une révélation qui amène à une autre question : quid de Will Barton ? Blessé depuis le tout début de saison, l’ailier vient tout juste d’être prolongé par la franchise l’été dernier pour un coquet salaire annuel de 12 à 15 millions sur les 4 prochaines années, synonyme de considération de choix par le front office des Nuggets.

Sauf que, au moment où Barton se blesse durant le deuxième match de la saison, les Nuggets ne possédaient pas encore cette impressionnante profondeur dans la rotation des ailiers. Un problème de riche reste quand même un problème.

Là où la question de la réintégration de Barton s’avère autant intéressante qu’épineuse est dans la multitude de profils de jeu différents dont Malone dispose. Barton est un scoreur accompli, utile et on ne peut plus capable dans tous les domaines : du drive, du shoot, du playmaking. Or, dans un système aussi égalitaire que peut être celui des Nuggets par moment, réinsérer Barton permet de multiplier le nombre de menaces sur le terrain, de diluer encore un peu plus l’attention générale des défenses qui, évidement, ne veilleraient pas sur lui de la même manière qu’elle se permettrait de délaisser Torrey Craig ou Juan Hernangomez.

D’un autre côté, son apport défensif est quant à lui inférieur à ce qu’a prouvé cette saison Craig (évidement) mais aussi Hernangomez, devenu un vrai bon défenseur qui rattrape en centimètres de taille et envergure (au dessus de la moyenne) ce qu’il concède en puissance et en dureté. Si Barton peut tout à fait être utilisé au poste 2, ou si Craig et Hernangomez peuvent quant à eux se décaler sur le poste 4, difficile d’imaginer Gary Harris ou Paul Millsap abandonner leur place de titulaire pour cela.

La question auquel va devoir résoudre est donc la suivante : est-il préférable de booster mon attaque en rajoutant une menace supplémentaire capable de tout bien faire (mais qui n’est pas élite, ni même excellent non plus), ou bien sacrifier ce supplément offensif pour ne pas compromettre ma solidité défensive ? D’autant que la perte défensive ne se ferait pas seulement sur le seul différentiel individuel entre Craig et Barton : Craig est celui qui se charge des meneurs de jeu adverses, permettant ainsi de cacher Murray sur des attaquants plus faibles. Si Barton revient dans le cinq de départ, il faudrait ainsi gérer les limites défensives de Barton au poste 3 et également celles de Murray poste 1. Compliqué.

Le choix aurait été sans doute plus facile à faire si Craig avait continué de tourner à 16% de réussite à trois-points. Dans cette hypothèse là, Craig aurait suffisamment handicapé l’attaque pour que le retour de Barton dans le cinq apparaisse comme une évidence, mais ce n’est pas le cas aujourd’hui.

Au-delà même de la question purement sportive, Barton vient tout juste de parapher son joli contrat, marque de confiance de la franchise, et s’est blessé en étant titulaire (il n’a pas perdu le poste sur le plan basket, à l’entraînement ou en match, donc espère sans doute le retrouve une fois sa santé revenue). Si Mike Malone venait à l’utiliser dans la second unit, comment réagirait-il ? Et à quel point cela pourrait-il affecter la dynamique de l’équipe, autant d’un point de vue de l’alchimie et entente collective, que sur le plan sportif : un Barton qui veut récupérer son poste aura il la même lucidité, efficacité, et le même altruisme sur ses 20 minutes par match plutôt que 30 ? Et donc, la même valeur sportive ?

Un problème de riche reste reste quand même un problème.

Le 3e géant

Une des belles trouvailles de Malone cette saison, conséquence sérendipitaire de l’avalanche de blessures, est l’association entre Mason Plumlee et Nikola Jokic. Si l’idée qu’une association entre un intérieur passeur, jamais mieux optimisé qu’avec un maximum de shooteurs à ses côtés, et un pivot traditionnel sans véritable jeu dans le périmètre ni shoot extérieur, peut paraître totalement contre-intuitive…elle s’est pourtant révélée possible une fois sur le parquet.

Plumlee est complémentaire de Jokic en bien des aspects, bien que ceux-ci ne soient pas évidents, il est vrai. Son moteur infatigable, sa vivacité et sa bonne explosivité en font un finisseur des plus intéressants autour du panier, et par extension un récipient de choix pour les caviars de Jokic. Le serbe est tout à fait à l’aise dans le périmètre ou carrément dans l’entre-jeu, en tout en contrôle, gardant son dribble continu à la manière d’un meneur de jeu presque. Avoir Plumlee proche du cercle n’est pas un obstacle qui réduit le spacing pour un éventuel drive ou post-up de Jokic, mais plutôt une solution de passe supplémentaire si la défense est trop agressive sur lui.

Par ailleurs, Plumlee conserve une bonne valeur en attaque malgré son manque de shoot. Il compense et fait fructifier son positionnement proche du cercle en se montrant on ne peut plus remarquable pour gratter inlassablement des rebonds offensif. Denver est la meilleure équipe de NBA dans le domaine et la titularisation de Craig, mais surtout Plumlee à côté de Jokic n’y sont pas étrangères.

(parenthèse : Denver est la 1e équipe de toute la ligue sur rebond offensif et, de manière assez exceptionnelle, est également la meilleure défense de toute la NBA sur contre-attaque, généralement l’aspect à concéder quand on attaque le rebond offensif).

En défense, Plumlee se montre également complémentaire de Jokic. Pendant que le serbe s’applique à effectuer ses couvertures agressive sur Pick & Roll, Plumlee possède la vivacité, la taille, et même les instincts/l’expérience d’un pivot de métier pour effectuer les rotations en second rideau, protéger le cercle ou combler les petits espaces. Il ne possède pas une aussi bonne science défensive que Millsap évidement (comme en attestent d’ailleurs son très haut total de fautes), mais il est peut-être à ce stade de la carrière de Millsap (33 ans) un athlète plus fluide et plus rapide pour survivre dans le périmètre. Le tout en postant le meilleur % de steals + blocks de toute l’équipe (respectivement 77%tile et 92%tile dans toute la NBA).

Pas question cependant de piquer la place de Millsap dans le cinq de départ, bien entendu. D’autant que sur certains autres aspects du jeu, sa place est préférablement dans la seconde unit : sa qualité de passeur au-dessus de la moyenne pour jouer dans les même systèmes poste haut que Jokic, le fait de jouer 5 (et pas 4 avec Jokic) et d’être associé à un stretch 4 pour optimiser le spacing (Lyle, Hernangomez), ses qualités de rebondeur défensif dans une second unit orpheline de vrais bons joueurs dans ce domaine sans lui, ou tout simplement son partenariat avec Monte Morris sur P&R notamment (sa qualité de poseur d’écran et de finisseur).

Oui…mais.

D’une part, Malone adore jongler avec ses rotations et n’hésitera pas à user de ce duo Jokic-Plumlee sur certaines séquences pour pilonner au rebond offensif face à certaines petites équipes, ou au contraire pour défendre des gros attaquants intérieurs. D’autres part, étant donné la durabilité aléatoire de Millsap (souvent touché par les blessures), Malone sait d’ores et déjà qu’il tient en Jokic-Plumlee une raquette titulaire de qualité au cas où. Si un jour il veut s’en servir, elle est là.

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L’explosion des jeunes

Deux jeunes joueurs draftés assez haut ont enfin réussi à s’imposer dans la rotation régulière des Nuggets cette saison : Juancho Hernangomez et Malik Beasley.

Dans le cas du premier, il s’agit d’abord et avant tout d’un retour en forme physique. Après une saison rookie convaincante, Juancho (15e pick en 2016) a vu sa deuxième saison complètement handicapée par une mononucléose qui l’a privé de presque 60 matchs. Cette saison, il est dans la forme physique de sa vie. Exit le baby fat qu’on lui connaissait à son arrivée dans la grande ligue, Hernangomez est un athlète longiligne et très mobile qui s’avère être un défenseur très intéressant.

Pas vraiment à l’aise balle en main, Hernangomez se limite à son registre de 3&D qui défend, participe grandement au rebond, se projette en transition et prend les tirs qu’on lui offre (avec un excellent 41% à trois-points). Propre.

Dans le cas du second, Malik Beasley, l’évolution dans le jeu est réelle. A 22 ans, Beasley (19e pick, également de la Draft 2016) explose enfin pour sa troisième saison NBA après deux premières années timides. Drafté très jeune sur le pari de son haut potentiel, Beasley est en train de rendre de jolies dividendes à Malone et aux Nuggets qui ont parié sur lui.

Beasley est et a toujours été un superbe athlète pour le poste 2 (un de ses atouts majeurs durant la Draft), qui d’ailleurs brille plus par son explosivité et son impressionnante fluidité de mouvement que par ses mensurations physiques (6’5/6’7), bonne pas mais extraordinaire pour les standards d’un poste 2 NBA.

Cependant, c’est tout ce qui vient s’ajouter en plus de cette fondation physique qui en fait un joueur très intéressant.

A commencer par le shoot extérieur, où il poste un très bon 38% de réussite sur un bon échantillon (4.2 tentés/m). Une qualité qui, au grand minimum, lui confère un plancher et des minutes en tant que catch & shooteur dans le système offensif des Nuggets, jamais repu de ce genre de finisseurs.

Défensivement, Beasley réalise également de très belles prouesses. Les niveaux de technique et de fondamentaux qu’il a acquis rendent son explosivité fonctionnelle : il est rapide, fluide et explosif intrinsèquement mais le fait de savoir maintenir une bonne posture défensive, son excellent footwork ou son savoir-faire pour traverser les écrans avec aisance permettent de capitaliser sur ce potentiel athlétique. Au delà de sa défense en homme à homme, il est aussi (et surtout) excellent sans le ballon, démontrant un très bon QI défensif pour un joueur de son âge, et s’intégrant parfaitement dans les schémas dynamiques de Denver.

Plus encore, Beasley n’est pas qu’un simple 3&D classique, bien que ce soit dans ce rôle là qu’il gratte toujours plus de minutes au fil des matchs. Il possède une vraie intelligence de jeu, de vrais bons instincts et un altruisme intéressant. Ça ne se manifeste pas encore très souvent par de la création balle en main, mais la présence de Beasley sur le terrain permet souvent de fluidifier le jeu, d’aider à son bon fonctionnement, au partage de la gonfle et à la recherche du bon tir, grâce à ses extra-pass, sa capacité à attaquer les closeouts sur du dribble et même ses drive & kick occasionnels. Sans même rajouter donc, des capacités de créateur occasionnelles mais extrêmement intéressantes en porteur de balle, sur Pick & Roll par exemple.

En l’état, Denver possède d’ores et déjà un mini Garry Harris, qui ne démériterait pas du tout ses 15 à 20 minutes par match dans une rude série de playoffs. A l’avenir, et dans un scénario que l’on pourrait appeler idéal, Beasley pourrait même continuer à développer son tir en sortie de dribble (seulement occasionnel pour l’instant, mais certainement pas inexistant) et son playmaking en sortie de dribble (pour lui même et autrui). S’il confirme et y arrive, Beasley rentrerait dans une tout autre dimension, passant de 3&D intelligent à porteur de balle tertiaire ou même secondaire de l’équipe.

Sinon, même s’il n’y arrive pas, Beasley demeurera quand même un joueur de rotation de qualité pour Denver. Au même titre qu’Hernangomez, d’ailleurs. Même si ni l’un ni l’autre ne poursuivent leur dynamique de progression, Denver a d’ores et déjà eu un retour sur investissement de leur deux choix du milieu de premiers tours. Et ça, c’est une victoire.

Le Robinson Crusoé des Rocheuses

Perdu au milieu de ces compliments et louanges qui pleuvent en masse sur la franchise du Colorado, entre jeunes joueurs qui se développent, stars qui s’affirment, et rotations qui s’épaississent, Trey Lyles est peut-être un peu le grand oublié de cette expédition 2018-2019.

Ce n’est pas que Lyles réalise une mauvaise saison, loin de là. Lui qui a des limites défensives assez évidentes se montre particulièrement convainquant cette saison de ce côté-là du terrain. A la fois attentif pour voir et réaliser les rotations défensives, exécute les schémas demandés par Mike Malone et dans sa défense individuelle ne représente plus du tout une cible facile ni un boulet que doit se traîner son équipe lorsqu’il foule le parquet.

Ce renouveau, ou plutôt mise à niveau défensive, est une bonne chose. Cependant, les attentes autour de son impact offensif étaient importantes, et sur ce point là, Lyles déçoit.

La première raison à cela reste son tir extérieur. De 38% a trois points sur 3 tentatives/m l’an passé, son jump-shot s’est enrayé cette année (seulement 29% de réussite sur le même échantillon). Or, c’est par le tir lointain que Lyles a le plus de chances de survivre en NBA, dans le rôle d’un stretch 4 capable d’étirer les défenses.

Comparé à ses années lycées, universitaires et même ses débuts en NBA, Lyles a grandement amélioré sa condition physique, mais n’en est pas devenu pour autant un superbe athlète. Il est fluide, mais pas vif. Agile pour se mouvoir dans l’espace (pour son gabarit et sa taille) mais certainement pas de manière rapide et explosive. Son impact de poste 4 évoluant dans le périmètre est d’ailleurs limité par cela. Il n’est pas toujours capable d’attaquer suffisamment rapidement sur du drive les intérieurs classiques (lent) qu’il rencontre, de les mettre dans le vent (comme y arrivent les stretch 4 d’habitude) ou même d’avoir suffisamment de jus en fin de course pour conclure au dessus ou au niveau du cercle (et pas en dessous).

Ses pourcentages ont d’ailleurs baissé cette saison : seulement 41% FG (quasi 50% l’an passé), 53% à deux points (56% l’an dernier, déjà très faible pour un intérieur). Au delà de son manque de carburant pour être un stretch 4 qui attaque le cercle depuis le périmètre, Lyles a aussi du mal à punir les mismatch au poste bas. Un peu trop de mal, même, par rapport à ce qu’on attende de lui dans ce profil de jeu. Il n’est ni dur/agressif, ni d’une vivacité époustouflante, ni ne possède du turnaround jumper fiable, et son bon toucher de balle ne peut évidement pas toujours compenser son incapacité à créer une séparation poste bas.

Lyles n’a pas le luxe de pouvoir se passer d’un jump-shot de qualité. C’est très simple : il ne peut tout simplement pas.

Son QI basket et son sens de la passe sont évidement très appréciables, tout comme son toucher de balle (un bon 70% de réussite sous le panier malgré son manque de dynamite dans les mollets). Mais son profil de jeu est celui d’un intérieur fuyant, et vu ses limitations défensives, plutôt un stretch 4 que stretch 5. Or, il n’a pas l’explosivité pour l’aider à créer le décalage en sortie de dribble, pour attaquer les closeouts, attaquer le cercle balle en main en un clin d’oeil, ou même jouer en tant que catch & finisher. Lyles a besoin d’un trois-points de qualité supérieure pour avoir un impact, pour exister en tant que scoreur. Mais aussi pour profiter de la force gravitationnelle que lui donnerait ce tir : s’il flirte avec les 40% de réussite à trois-points, le défenseur aura tendance à se découvrir pour ne pas lui concéder le tir, et ainsi être plus facilement vulnérable sur drive.

Lyles a besoin de son tir. Absolument. Et pour l’instant cette saison, ça n’a pas été le cas.

Ses progrès défensifs et son intégration dans les schémas agressifs de Denver sont très intéressants. Mais le garçon partait de loin, et il n’a sans doute pas réussi à faire plus qu’à équilibrer la balance. Il n’est plus une valeur négative, en somme, il ne pénalise pas l’équipe, mais il n’apporte pas non plus une plus value positive comme certains autres joueurs de l’effectif peuvent le faire (Millsap et Plumlee, à l’intérieur, peut être même Hernangomez en small ball 4). Ainsi donc, si Lyles n’est pas capable d’être une vraie plus value, une vraie addition positive en attaque, sa valeur globale n’est plus si intéressante que ça.

Le bon côté, c’est que la saison offensive décevante de Lyles semble se résumer à son jump-shot, et qu’une unique amélioration de cet aspect là du jeu (seulement ça) pourrait l’aider à retrouver la forme. Tous ses pourcentages de réussite sont en baisse, sauf autour du panier où il tourne à un très bon 70% de réussite cette année comme l’an dernier. Tout cela pointant du doigt que la chute d’efficacité est liée à tous les autres tirs ailleurs sur le terrain (les jump-shots, donc).

Le mauvais côté, c’est que cette irrégularité est chronique. Et, à présent dans sa quatrième année, c’est toujours la même interrogation qui plane au-dessus de la tête de Trey Lyles qu’à l’époque de sa Draft en 2015 : peut-il shooter ? Si oui, c’est jackpot. Sinon, ça va être très compliqué. Le skill-set, les qualités de passe, de dribble, la fluidité et le profil physique perimeter-like pour un poste 4, tout ça il l’avait déjà à Kentucky, mais le shoot n’était pas là (13% 3PTS sur à peine 29 tirs totaux). Par la suite, Lyles surprend agréablement sa première année à Utah et se fait une petite place notamment du fait d’un début de bon tir extérieur (38%) avant la seconde année de retomber (32%). Rebelote à Denver (38%) l’an passé, avant encore une fois cette année de redescendre (25%). Si l’on fait le total en NBA, l’échantillon total est seulement de 33% sur 350 tentatives. Pas bon, ni suffisant, pas catastrophique, ni perdu d’avance non plus.

Il va arriver un moment, très probablement cet été à la fin de son contrat rookie, où les potentiels acheteurs se demanderont : au final, que vaut réellement son tir ? Et à quel point peut on parier nos billets vert dessus ?

Définitivement un cas fascinant de la prochaine intersaison, mais avant cela, le soldat Ryan d’un Denver qui retrouve avec une rotation intérieur solide (Jokic, Millsap, Plumlee) et même quelques small ball 4 émergents (Craig, Hernangomez) va devoir retrouver sa gâchette pour se sauver lui même.

Just gotta make thoses Treys, Lyles.

Matthew Stockman/Getty Images)

Capitaine Flex

En parlant d’expression éculée, « est un des plus sous-estimés de NBA » se positionne bien.

Loin de moi donc l’idée de m’autoproclamer le sauveur désigné de Mike Malone en osant l’usage de cette expression parfois pédante (« moi qui regarde les matchs, et moi qui comprend le basket, je vous le dis, il est sous côté »).

Malone est bel et bien un des meilleurs coachs de NBA, un entraîneur très compétent comme on peut s’en rendre compte depuis quelques saisons à présent. C’est peut-être un des seuls techniciens de la grande ligue à avoir prouvé en aussi peu de temps savoir bâtir une attaque de haut calibre comme une défense de grande qualité. Quand on traîne une réputation de coachs défensif (à juste titre) tout en étant capable d’avoir une attaque top 5 NBA avec des Jokic, Murray ou Harris de moins de 22 ans, c’est qu’on est quand même pas mauvais dans son job. Là n’est pas la question, tout le monde le sait, c’est établi, Malone connaît le métier et le fait bien.

Ce que je voudrais souligner ici, c’est une des caractéristiques de son travail, une facette atypique de son approche : sa flexibilité. Il semble évident que Malone a dans sa tête et quelque part sur un bout de papier sa structure d’équipe, et aborde les rencontres avec quand même une hiérarchie établit au préalable.

Néanmoins, il ne semble jamais effrayé de casser ce cadre pré-défini selon les circonstances, selon le contexte, la situation, et tout un tas d’autres facteurs. D’ailleurs, le système offensif égalitaire est ainsi fait que, mis à part Jokic peut-être, chacun des postes peut-être occupé par un joueur différent si tant est qu’il remplisse le job. La distribution du ballon et sa non dépendance d’un ou plusieurs porteurs de balle participe grandement à cette tendance, et Malone semble tout autant flexible qu’imperturbable par les événements qui pourrait embêter l’équilibre collectif.

Un des meilleurs exemples de cette flexibilité a été la récente réintégration de deux des plus importants joueurs de Denver dans la rotation : Gary Harris et Paul Millsap, longtemps blessés en décembre. Alors que la majorité des coachs auraient rendu leur poste immédiatement à une star de nouveau sur pied, le retour de Harris et Millsap s’est fait discrètement, presque sans qu’on s’en rende compte. Les deux joueurs (qui pèsent pour 50 millions de dollars cumulés pour cette année tout de même) ont commencé doucement en sortant du banc, le temps de quelques matchs, avant enfin de retrouver leur place de titulaire. Pourquoi précipiter les choses, arguait Malone, l’équipe était sur une bonne période. If it ain’t broken, don’t fix it.

Plus encore, et surtout, c’est sa flexibilité pendant les matchs qui sort de l’ordinaire. Le banc est sur une bonne lancée ? Tant mieux, Jokic & cie ne retrouveront le parquet qu’avec seulement 5, voire 4 minutes à jouer dans le quart temps. Ça ne veut pas dire que Malone n’a pas un cadre, ni un plan en tête, mais il est assez confiant pour s’autoriser des libertés qui, souvent, s’avèrent payantes. Les rotations en elles-mêmes ne cesses d’être mélangées. On retrouve parfois Morris avec les titulaires pour finir les matchs, parfois Murray dans la second unit, parfois encore une combinaison des deux. Quelques fois, Hernangomez joue small ball 4, parfois il est poste 3 à côté de Plumlee et Lyles, d’autres fois il termine les matchs titulaire, d’autres fois encore, c’est Malik Beasley qui s’octroie ce privilège. Certaines fois, l’apport de Torrey Craig en défense, au rebond ou au shoot paraît crucial pour cette équipe, et le match d’après, il joue bien moins de minutes sur une mi-temps, ou deux.

Au-delà du système de jeu égalitaire et équilibré, c’est aussi et surtout la profondeur d’effectif qui permet à Malone de se montrer aussi flexible, et de faire confiance à ce qui marche au moment t. Plus que le nombre de joueurs compétents, c’est aussi la diversité de leurs profils qui offrent une multitude d’options à Malone. S’il faut jouer aéré, ou au contraire imposer sa présence sous les panneaux, il a le personnel pour s’ajuster. S’il faut cibler une défense du P&R, ou au contraire continuer à étirer la défense à coup de mouvements dans le périmètre et de partage de la gonfle, Malone a les joueurs pour faire l’un, ou l’autre. S’il faut défendre un secteur de jeu en particulier, d’une certaine manière, ou d’un autre, Malone a le luxe de posséder des joueurs qui correspondent à cela.

L’effectif est dense, et Malone lui rend bien. La méritocratie n’a jamais semblé aussi de mise dans une équipe NBA, et dans une ligue où une série de playoffs est un mini laboratoire à ajustements, c’est un sacré atout que détient le technicien du Colorado.

Don’t. Even. Touch. It.

La signature du petit meneur de jeu n’avait pas beaucoup de sens durant l’été dernier, et elle n’en a pas beaucoup plus aujourd’hui que les Nuggets sont à peu près dans ce que l’on pourrait appeler leur meilleur scénario imaginable en début d’année.

Peu de sens durant l’intersaison puisque l’équipe était déjà étincelante offensivement depuis quelques saisons, et à l’inverse, souffrait beaucoup en défense. Autrement dit, même si le pari Isaiah Thomas se révélait gagnant et que le bonhomme retrouvait une forme d’enfer, ce qu’il peut apporter (l’attaque) les Nuggets n’en ont pas besoin. Et les compromis qu’il faut faire avec lui (la défense), les Nuggets n’en ont pas besoin non plus.

La rotation des postes arrières est d’ailleurs on ne peut plus inamovible à l’heure actuelle. Au-delà des titulaires indiscutables que sont Jamal Murray et Gary Harris, Monte Morris et Malik Beasley se sont imposés et ont acquis une vraie importance au sein de l’équipe. Au point que leur priver de minutes pour les donner à un Thomas essayant de retrouver la forme ne serait pas seulement injuste : cela desservirai l’équipe.

Même dans le meilleur des cas où Thomas revient à fond les ballons (ce qui est une probabilité infime, rappelons le), même si Thomas redevient un vrai bon joueur offensif, Malone devrait alors repenser la majorité de ses schémas défensifs pour compenser sa présence sur le terrain. Ce que Brad Stevens a fait à Boston, ce qu’il est légitime de faire quand il s’agit d’un candidat au MVP dont la réussite entière de l’équipe dépend. Mais pas pour un joker, qui plus est superflu pour le succès de l’attaque. La charité a ses limites.

Un problème de riche reste un problème quand même. Mike, stay away from this, don’t even touch it.

Don’t even think about touching it.

Et le meilleur dans tout ça…

…c’est de se rendre compte qu’une des toutes meilleures équipe de NBA compte dans ses rangs un joueur qui, il a y a moins de 18 mois, était perçu comme un prospect supérieur à Luka Doncic.

De toute évidence, même s’il n’avait pas été blessé durant toute sa saison universitaire Michael Porter Jr aurait quand même rétrogradé dans les mocks et aux yeux des observateurs avertis. La saison 2017-2018 du Slovène fut trop splendide, depuis ce fameux Euro basket de Septembre 2017 (s’étant déroulé après cette première mock draft) jusqu’à son double titre de MVP de l’Euroleague et du championnat espagnol. Là n’est pas la question. Pour autant, savoir que Porter était imaginé il n’y a pas si longtemps que ça dans les mêmes strates que Doncic, Ayton et Bagley pose d’une part le niveau de talent pur du garçon et d’autre part doit faire saliver les fans de Nuggets, pourtant déjà repus devant le spectacle de cette saison sans lui.

Porter est typiquement le profil d’une star de la NBA actuelle. Les comparaisons avec Kevin Durant sont évidement exagérées (il n’y a et n’y aura jamais qu’un seul Durant), mais Porter est dans ce moule similaire d’un très grand ailier (autour de 6’10) très à l’aise balle en main, et au jump-shot de qualité. Reste encore à développer ces fondations on ne peut plus alléchantes, ainsi que surveiller de près sa santé très fragile (la raison pour laquelle Denver a réussi à l’obtenir avec un 14e choix) mais soyons très clair sur le sujet : c’est rarissime qu’une aussi bonne équipe puisse mettre la main sur un talent pur de ce calibre là.

Dans le meilleur des cas, Porter viendra renforcer la rotation à l’aile des Nuggets à un point où son coach ne serait certainement pas devant un problème de riche (comment lui trouver assez de minutes autour d’autant de bons joueurs) mais bel et bien devant une évidence que la jeune superstar que peut être Porter représente un atout de premier ordre qui voit son nom parmi les deux ou trois premiers inscrit sur la feuille de match. Son potentiel maximum est de ce calibre là.

Plus encore, Denver a récupéré un autre estropié intéressant durant la dernière draft : l’ailier fort Jared Vanderbuilt, abonné à l’infirmerie à Kentucky et encore plus cette saison à Denver. Si pour l’instant il sait faire bien peu de choses avec le ballon (et encore moins shooter), Vanderbuilt est un prototype à la Pascal Siakam d’un point de vue physique. Sans doute moins incroyablement agile et flexible que Siakam ne l’est mais peut être plus costaud, et tout aussi explosif. Ce sont précisément ces qualités athlétique très au dessus de la moyenne, ses mensurations physiques, sa polyvalence défensive, ses énormes qualités au rebond et son jeu de passe très intéressant qui constituent son attrait principal à court terme. En d’autres termes, un joyaux brut à polir qui dans le pire des cas peut servir occasionnellement dans la rotation sur des points spécifiques, et dans le meilleur pourrait se développer en un Ying parfait au Yang diamétralement opposé qu’est Jokic.

It ain’t bad.

Comment cette équipe va-t-elle perdre ?

Beaucoup de louanges, un scenario idéal, tout qui fonctionne, tout le monde à son maximum…ça d’accord, mais est-ce suffisant après tout ?

Dégotter le Saint Graal que représente le titre NBA n’est pas malheureusement pas un examen où chaque bon élève ayant assidûment révisé pour l’échéance est admis : c’est un concours, où seul un candidat, le meilleur, remporte la mise. Un par an, pas plus. Aussi, pour autant formidable que puisse se passer la saison des Nuggets, et pour aussi forte cette équipe puisse-t-elle être en exploitant au mieux chaque éléments qui la compose, il se pourrait bien que des élèves encore plus brillants qu’eux passent le concours cette année. Yack.

Mettons de côté l’imprévisible facteur blessure, tout autant frustrant pour le story-telling qu’inintéressant lorsqu’on parle du jeu.

Il n’y a, a priori, pas trop d’inquiétudes à se faire pour cette attaque des Nuggets. Évidement, on ne sait pas vraiment comment celle-ci peut réagir, ni à quel point peut fonctionner dans une série de 7 matchs face à des défenses de haut calibre, préparées et capables d’ajustements efficaces. Particulièrement, à quel point les Nuggets peuvent-ils briller face à des défenses d’élite en switch capables de de supprimer tous leurs décalages, tout en ayant sur chaque poste des défenseurs individuels assez bons pour tenir le coup ? On n’en est pas sûr.

Néanmoins, ce n’est pas illégitime de penser que le système offensif est suffisamment bien huilé et équilibré pour générer assez de jeu même dans des conditions difficiles. Plus encore, le cerveau merveilleux d’un Nikola Jokic est sans conteste l’arme ultime à posséder pour faire déjouer les plans de jeu défensifs roublards et répétitifs mis en place sur une série de playoffs. Et si ce n’est pas le cas, son efficacité pour scorer en un contre un, ou l’étincelle explosive qu’est Jamal Murray, ou bien leur P&R et sa puissance d’attaque frontale, ou encore les nombreuses gâchettes très fiables de l’effectif laissent à penser qu’il y a de quoi survivre plutôt bien.

En revanche, quid de la défense ? La formulation interrogative est, en elle-même, un excès de générosité de ma part. Selon toute vraisemblance, c’est de ce côté-là du terrain que leur ultime adversaire de la saison enfoncera les derniers clous du cercueil d’une bien chouette saison.

C’était pourtant la belle histoire de la saison. On connaissait le Denver dominant offensivement, même avec des Jokic, Murray, Harris & co pas arrivé à maturité (4e en 2017 déjà, 6e en 2018). Si l’attaque restera toujours leur identité, la défense des Nuggets est devenue cette saison leur roc, leur plancher.

Exit les schémas défensifs traditionnels et conservateurs pour défendre le P&R, Malone est agressif cette année, et donc également agressif sur les rotations en second rideau pour couvrir et compenser. Fini de voir Jokic rester bas (en « Drop »), ne pas prendre de risque, attendre proche du cercle, et se faire quand même éliminer. Cette année, Jokic est proactif, il monte haut sur le porteur de balle, et ça marche.

L’idée d’une défense plus soft pratiquée pendant des années n’était pas idiote néanmoins : les coachs NBA préfèrent à juste titre limiter la tâche défensive d’un intérieur peu mobile, et leur demande donc de patrouiller proche du panier pour protéger les tirs rentables (au cercle) sans avoir à trop bouger. Jusuf Nurkic ou Brook Lopez démontrent d’ailleurs ces dernières saison qu’il est possible de bâtir une défense d’élite de cette manière.

Sauf que le cas de Jokic est différent : il n’est ni autant imposant, ni aussi long, ni autant agressif/dur pour tenir sa position sous le cercle, et n’a pas du tout un bon sens du timing pour monter au contre. Et puis, surtout, il n’est pas capable de faire pivoter ses hanches autrement que très lentement. Il n’a pas cette agilité là, c’est comme ça. En revanche, pour un intérieur, son footwork est excellent, et ses appuis extrêmement légers pour sa taille et son gabarit. Il est capable de les bouger très rapidement et ainsi déplacer sa lourde carcasse aisément. Pour caricaturer : sur des « Drop » où Jokic restait en retrait, il ne pouvait pas (physiquement) faire pivoter ses hanches ni reculer assez rapidement pour contenir un arrière ou un meneur lancé et avec déjà de la vitesse. Mais sur les « Hedge » qu’il fait cette année (monter au niveau de l’écran), ses appuis de ballerine pour ses 120 kilos de viande lui permettent se déplacer latéralement et de boucher les angles.

Bien que cela paraisse contre-intuitif, l’agressivité du Hedge correspondent mieux à Jokic que le Drop. A l’inverse, Brook Lopez possède des hanches beaucoup plus fluides, et peut reculer plus facilement en conservant un bien meilleur équilibre. Aussi, lorsqu’il attend proche du panier et qu’un attaquant fonce sur lui en sortie de l’écran, il est capable de pivoter assez rapidement pour boucher l’angle de protection du cercle. Mais demandez lui de sortir dans le périmètre et ses Moon Boots de 15 kilos qui lui servent de pied ne répondront pas suffisamment aux ordres envoyés par son cerveau. Lopez ne serait pas capable de coulisser latéralement assez vite pour ne pas laisser s’échapper le porteur de balle. Deux grands intérieurs mais pas les mêmes qualités ni le même profil physique. Jokic n’est pas meilleur cette année simplement parce qu’il est proactif et se sent plus concerné, bien que cela joue indéniablement.

L’autre paramètre très important que permet cette nouvelle du P&R est, elle aussi, contre-intuitive : elle protège en fait Jokic. En se montrant agressif sur le porteur de balle, Denver créé (quasiment) une prise à deux soft, et force ainsi le porteur de balle adverse à lâcher la gonfle. C’est la bonne solution, la base du basket : 2 joueurs sur sois signifie un avantage numérique pour l’attaque ailleurs, un 4vs3 sur le reste du terrain, donc la bonne solution face une prise à deux est de lâcher le ballon. De toute évidence, quand la balle ressort effectivement du Pick & Roll, le reste de la défense se retrouve dans cette situation désavantageuse du 3vs4. Mais c’est précisément ce que veut Malone : ses rotations en second rideaux, ses autres défenseurs, sont beaucoup plus compétents que Jokic, c’est donc plus intelligent d’orienter l’attaque vers ces derniers plutôt que de les laisser attaquer Jokic.

Avec un Paul Millsap et son expérience, Gary Harris et son formidable impact défensif sans ballon, et de manière plus générale tout un collectif qui s’est mis au diapason et exécute parfaitement les aides prévues, Malone a réussi à bâtir une défense suffisamment solide pour encaisser ces 3vs4. Lorsque la balle ressort du Pick & Roll, il faut un premier défenseur pour coulisser sur le Roll Man, puis un second pour couvrir le shooteur abandonné par le premier défenseur, puis éventuellement un troisième qui couvre le deuxième, avant qu’enfin les protagonistes du Pick & Roll reviennent dans la parties et ne retrouve bonne position. C’est un bal bien orchestré, sur lequel Malone travaille sans doute depuis son arrivé dans le Colorado et qui porte ses fruits cette saison.

Entre laisser le sort de l’action entre les mains de Jokic, à reculons, en 1vs1 face à un arrière bien plus rapide et/ou capable de prendre le tir devant lui, ou forcer la balle à aller ailleurs, vers une partie de la défense bien plus compétente, Malone a choisi. Question de probabilité.

C’est un peu comme si vous vous retrouviez nez à nez avec un guépard en pleine savane. Plutôt que courir, ce qui semble peine perdue de toute façon face au félin le plus rapide du globe, vous lui balanciez votre ration alimentaire devant le museau : c’est très risqué, et peut-être que ça ne marchera pas non plus, mais vous vous donnez une chance, ou au minimum, un peu de temps d’avance pour courir vous planquer.

Cette couverture agressive du P&R, Malone l’applique d’ailleurs aussi à ses deux autres intérieurs.

Avec Plumlee, bien plus vif, agile, rapide et même explosif, il se permet même d’être encore plus agressif : plutôt que de le faire monter au niveau de l’écran, il va au delà et barre la route au porteur de balle, parce que cela perturbe plus l’adversaire et que dans le même temps Plumlee est plus rapide pour revenir en position. Plumlee n’est de toute façon pas assez grand ni imposant pour exceller sur « Drop ». On en a eu un bon échantillon pendant presque 2 saisons : Portland utilise ces schémas défensif, et fut top 10 NBA en défense avec Robin Lopez, puis top 5 avec Jusuf Nurkic…mais dans les 5 pires défenses de NBA avec Plumlee dans ce rôle là entre les deux périodes. Plumlee aussi est bien mieux dans ce genre de schémas défensifs.

Quant à Lyles, en plus du Hedge (à la Jokic) Malone l’utilise aussi en switch, et en lui demandant de surcroît de presser très haut son mismatch. Le but : l’inciter à driver. Lyles étant plus lent qu’un arrière, si cet arrière voit que Lyles est trop agressif et trop proche de lui sans se donner de marge de manœuvre, son instinct et la bonne solution est de l’attaquer sur drive. Sauf que dans le même temps, Malone envoie également un autre défenseur sous le cercle, qui aide à prendre en sandwich l’attaquant (un sous le cercle, Lyles derrière mais quand même dans le coup). Là encore, cela va contre l’intuition mais c’est une manière de protéger Lyles en forçant l’adversaire sur des mauvais tirs autour du cercle, plutôt que de laisser Lyles en 1vs1 incapable de stopper un meneur qui canarderait des trois-points semi-ouverts les uns après les autres. Ici encore, Malone est agressif pour être proactif. Dérapage contrôlé.

La défense de Denver est par ailleurs consolidé par sa superbe capacité à valider la possession en récoltant le rebond défensif. De la même manière que Denver insiste sur les rebonds offensifs (1e de NBA) pour s’assurer d’enfoncer le clou si le premier coup n’est pas tombé avec suffisamment de précision, Malone veut à l’inverse ne pas laisser cette chance à l’adversaire de l’autre côté du terrain. Moins de rebonds offensifs pour l’adverse équivaut à moins d’opportunités de scorer pour ce dernier, et dans le même temps, permettre à son équipe de défendre moins de possession (facteur important étant donné leurs schémas énergivore).

Plusieurs facteurs qui expliquent cette domination au rebond défensif.

Un vrai effort collectif d’abord, qui malgré cette formulation éculée dans les analyses à la va-vite, n’est pas une notion ineffable. En effet, Denver est une superbe attaque mais la 5e pire équipe de NBA en nombre de possessions jouées en transition. Parce que, lorsqu’un tir est prit, la priorité n’est pas de s’échapper pour partir en contre-attaque, mais bien de se concentrer sur le rebond défensif et de le sécuriser. Et ce, quitte à perdre en rythme de jeu : Denver est la 3e pire équipe de NBA sur le nombre de possessions offensives jouées. Mais après tout, avec une attaque sur demi terrain aussi létale, pas besoin d’avoir beaucoup de possessions pour arriver à bon port. Surtout si dans le même temps, en sécurisant le rebond défensif et en étant une bonne défense, l’adversaire n’a pas tant que ça de chances de marquer plus de points que les Nuggets.

L’autre aspect important qui participe à cette razzia sur le rebond défensif est évidement la qualité individuelle des joueurs. Jokic est un rebondeur très solide (du genre instinctif qui sait et anticipe où va ricocher le ballon, à la Kevin Love), Plumlee, back-up de grande qualité (qui pourrait presque être un titulaire ailleurs), est très solide dans l’exercice également. En étant bien aidé par ailleurs par des ailiers (Craig et Hernangomez par exemple) très au-dessus de la moyenne de leur poste dans le domaine.

Tout ça est bien beau. Magnifique. Très encourageant. Et si je puis discuter sémantique, j’ai énoncé que la défense des Nuggets les perdra, seulement « selon toutes vraisemblances ». Seulement. Dans une saison aussi ouverte qu’actuellement, il n’est pas impossible que personne n’arrive à leur faire mettre les deux genoux à terre d’ici le mois de Juin. Néanmoins, la juste chose à faire est de relever les indices plus nuancés que l’on peut apercevoir à propos de cette défense, quitte à s’extirper d’une douce rêverie de Larry O’Brien dans les rocheuses.

Une défense qui s’appuie sur des schémas aussi agressifs, dépendants autant de la précision de nombreuses rotations défensives bien orchestrées n’est généralement pas la bonne formule pour faire face à des attaques d’élite. Trop de choses doivent être bien exécutées en même temps, trop de planètes doivent parfaitement s’aligner. Sur chaque possession. Autant dire que la probabilité que ça arrive sur la majorité des possessions d’un match, encore plus de sept matchs, est infinitésimale.

D’autant que face à des attaques d’élites ça devient encore plus compliqué. Ces dernières, non seulement d’être préparées pour anticiper ces rotations, possèdent en plus des joueurs de qualités supérieure capable de rentrer des tirs difficiles ou d’exécuter correctement la bonne façon de contourner ces rotations. Denver s’est déjà fait bousculer deux fois par les Rockets cette année, dont une en début de saison où Houston n’avait pas encore totalement réglé ses problèmes de spacing. Les Nuggets ont tenu bon face aux Warriors (article écrit avant le match de la nuit, ndlr), mais nul doute que si sa saison en dépend Steve Kerr ne rechignera pas autant à utiliser ses armes secrètes (les Pick & Roll ou combinaisons avec à la fois Curry, Klay et Durant) qui ont, par séquences seulement donc, réussi à faire déjouer Denver. Les Bucks de Budenholzer et leur spacing optimal ont trouvé la solution, deux fois. Même une équipe comme Brooklyn, sans beaucoup de talent, mais avec une exécution offensive chirurgicale, à la fois précise et rapide, a réussi à s’imposer dans le Colorado. Même chose pour des Hawks qui surent contourner cette défense, à défaut d’avoir assez de talent pour mettre ensuite les tirs et concrétiser le tout en une victoire. Ou encore les Mavericks d’un Luka Doncic réalisant son match le plus impressionnant à la passe, et disséquant ce Pick & Roll avec une précision chirurgicale.

Des schémas aussi agressifs qui volontairement créent une surnombre sur le ballon sont vulnérable précisément face aux joueurs qui excellent le plus dans ce situation, lorsqu’il faut exploiter et faire profiter son équipe de ce surnombre : les excellents porteurs de balle. Sans même évoquer les noms de James Harden, Paul, Curry, Durant, Kyrie Irving ou Doncic, des joueurs comme Trae Young ou D’Angelo Russell (bons mais pas encore élite) sont parvenus à exploiter ces schémas. Les meilleures attaques NBA sont celles qui arrivent le plus à créer le décalage dans la défense. A partir d’une situation de homme à homme, perturber cet équilibre pour créer un espace et libérer quelqu’un. Or, si Denver offre ce décalage volontairement, sert sur un plateau un 2vs1 dès le début de l’action, c’est plus que donner le bâton pour se faire battre, c’est carrément aiguiser la lame du bourreau qui servira à sa propre exécution.

Très concrètement, Denver présente un profil défensif très dangereux d’un point de vue statistique. Malgré le succès de cette défense, les Nuggets sont parmi les équipes qui concèdent le plus de tirs au cercle et de tirs à trois-points. Autrement dit, les tirs rentables qui font très mal. Tout cela, par ailleurs, en concédant le moins de tirs à mi-distance de toute la ligue (les tirs qu’on veut que l’adversaire prenne).

Évidement, une part de tout cela est voulue et même recherchée. Par exemple Denver cherche parfois à piéger l’adversaire en l’incitant à prendre des tirs au cercle qui, en réalité, seront bien contesté (il ne sont d’ailleurs que 15e sur 30 sur l’efficacité concédé au panier). Mais tout de même : en playoffs la vitesse du jeu est décuplé, et les adversaire bien meilleurs pour terminer les actions et/ou profiter d’un défenseur en mouvement pour obtenir des lancers francs. Aussi, même si le piège est tendu et que la rotation est supposée arriver pour compliquer le tir, encore faut-il arriver à temps et de la bonne manière. Denver s’en sort bien actuellement malgré ces aides défensives nombreuses (13e au nombre de lancers francs concédés), mais c’est un aspect de leur défense qui risque de ne pas passer le test des playoffs.

Plus encore, Denver est 2e de NBA sur la réussite adverse à 3pts. Or, la réussite extérieure est un facteur on ne peut plus aléatoire. Comprenez : les Nuggets ont eu jusqu’ici beaucoup de chance, les trois-points de leurs adversaires sont très peu tombés dans l’arceau. Évidement, une partie du crédit est à leur attribuer : ils se bougent les fesses pour contester ces tirs, mais de nombreuses études révèlent que, malgré tout, le hasard reste le facteur principal de cette statistique. Autrement dit : Denver a eu de la chance jusqu’ici, mais le jour où ils auront moins de chance et que les tirs adverses commenceront à rentrer, le fait de concéder autant de trois-points va sacrément saler l’addition. Les Nuggets sont à un jet de pièce en l’air d’une hypertension basketballistique, c’est pas idéal et pourrait même leur être fatal.

Concéder autant de tirs à Houston, à Golden State, à Utah, ou si par miracle (relatif) ils arrivent en Finales, à Milwaukee, Boston, Toronto (ou à n’importe quelle autre équipe NBA qui ne dégaine pas autant que tous ceux là), sur une série de 7 matchs, c’est presque l’assurance de signer son arrêt de mort. Et ce, même en étant en bonne position et en contestant parfaitement tous ces tirs là.

Le problème fondamental pour Mike Malone, c’est que de ce côté-là du terrain, Denver n’a pas de main gauche.

Ils n’ont pas de plan de secours, ils ne peuvent pas faire des changement de rythme comme en attaque, en variant jeu collectif et attaque frontale du P&R Jokic/Murray. Ils ne peuvent pas, parce qu’il ne l’ont pas, cette main gauche. Pas de qualité en tout cas. Ne pas faire jouer Jokic est évidement impensable (ou bien signer son arrêt de mort d’un autre manière). Et le faire jouer en « Drop » pour ne pas avoir à déclencher maintes rotations par la suite est une expérience qui a déjà été menée ces dernières années du côté du Colorado. Avec très peu de succès.

Quant à une défense en switch, l’idée semble également difficile à envisager. La force défensive des la majorité des Nuggets reste la défense collective, sans ballon, l’intelligence de jeu pour repérer les aides à faire et la rapidité pour les exécuter. Mais individuellement, ils sont beaucoup plus limité. Craig et Hernangomez sont peut être les deux meilleurs défenseurs d’homme à homme de l’effectif (les plus polyvalent, du moins) mais le première manque en vitesse latérale d’élite, le second en puissance (au moins). Gary Harris et Malik Beasley ont à la fois cette dureté et ces appuis explosifs pour coulisser très rapidement, mais ne sont pas assez grand pour couvrir suffisamment de terrain assez rapidement, ni assez long pour ne pas se faire shooter sur la tête (par des postes 3, 4, et même certains poste 1 ou 2). La mobilité latérale semble avoir abandonné Millsap quelque peu, rattrapé par le poids des années, et sa technique ne suffit pas à compenser. Murray, Morris et Barton sont clairement des défenseurs en dessous de la moyenne, ou autour de la moyenne, que les attaques adverses seraient tout à fait satisfaites de cibler action après action. Jokic et Lyles pareillement, sur les postes d’intérieur. Seul Plumlee peut être considéré comme très bon pour son poste, mais ce n’est pas seulement sur la mobilité de son pivot remplaçant que l’on bâtit une défense en switch. Harden, Paul, Curry, Durant, LeBron et compagnie n’auraient même pas à effectuer leur danse du switch pour obtenir une proie à dévorer sur isolation : la majorité des joueurs de l’effectif représente une cible satisfaisante à attaquer.

Les Nuggets n’ont pas de mains gauche en défense. Par exemple, les Celtics ou le Thunder peuvent défendre de manière très traditionnelle, en essayant d’étouffer les espaces, mais possèdent le personnel pour tout d’un coup basculer sur du Switch-All en playoffs s’il le faut. Les Warriors et Raptors sont dans cet esprit là également. Les Rockets n’ont eux qu’une seule main droite (quasi uniquement du switch) mais c’est une main droite suffisamment forte, qui correspond aux âpres batailles de Mai et Juin. C’est ce style de défense qui prime en playoffs, celui qui marche le plus, pas besoin de main gauche quand on a déjà à droite le truc qui fonctionne.

Avoir une main gauche, un plan de secours, la capacité de s’adapter et de jouer différemment pour ne pas faciliter la tâche à l’adversaire est primordial, et Denver ne l’a pas. Tout comme Portland ne l’avait pas l’an passé, manquait de flexibilité et s’est mangé le mur face à une attaque qui savait faire déjouer leur schémas. Tout comme Utah s’est planté ces dernières années, malgré la main droite (en Drop) la plus phénoménale de la ligue, parce qu’ils ne pouvaient pas jouer de la main gauche (en switch) pour contenir Golden State, ou Houston. Tout comme Philadelphie pourrait aussi avoir du mal, si Joel Embiid doit se mettre à abandonner sa zone de confort et switcher sur tout, ou si les adversaire arrivent à cibler trop facilement JJ Redick. Tout comme Milwaukee cette saison, tout a fait armé pour passer sur switch-all mais qui pour se faire devra se priver de l’apport offensif (important) et défensif (important) de Brook Lopez. Pour ces Sixers, Bucks, Jazz, le doute plane.

A n’en pas douter, le style défensif émerge clairement comme le critère le plus décisif, et le plus discriminant au moment d’énumérer qui sont les vraies équipes qui jouent le titre cette année. Ceux qui savent s’adapter par rapport à leur style préférentiel et/ou ceux qui déjà pratiquent le must-have défensif actuel, le Switch-All.

Pour cette année, rien n’est joué, et voir les Nuggets surprendre leur monde n’est ni à totalement exclure, ni quelque chose qui serait pour déplaire. Mais a priori, ce ne sera pas pour cette année, le Graal, à Denver.

La bonne nouvelle, c’est que le cycle de vie de cette équipe vient à peine de démarrer. Ils sont déjà aux portes du Paradis, à gratter et vociférer le nom de St Pierre pour qu’il leur ouvre, à défaut de pouvoir y rentrer pour l’instant.

La bonne nouvelle, c’est aussi que l’équipe a déjà une superstar transcendante, des jeunes stars déjà fortes et aux potentiels très intéressants, des encore plus jeunes pousses qui n’ont pas encore foulé un parquet NBA mais qui sont au moins aussi intéressants, des atouts en pagaille pour faire des ajustements d’effectif et intégrer l’élite, un front office qui de toute évidence travaille très bien et un excellent coach capable de s’ajuster et de maîtriser les deux côtés du terrain.

Selon toute vraisemblance, Denver, l’aventure ne fait que commencer.

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2 réflexions sur “NBA Notebook : Denver Nuggets

  • WarriorsBucksKid #A

    Wow quel article, si il y en avait un par équipe ça serait énorme !

  • Guillaume

    Merci ! Ce format est effectivement envisageable sur d'autres équipes.

    Néanmoins, un par équipe c'est impossible. Pour être sur des propos qu'on avance, et pour pouvoir aller en profondeur d'analyse il faut prendre le temps de regarder une équipe très régulièrement, en détail et dans différents contexte. Or, il y a des limites de temps incontournables malheureusement.

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