[Grosse Interview] Vincent Poirier : « On n’a pas parlé du Mondial aux Celtics… j’essaie d’avoir des amis ici moi ! »
Samedi dernier à New York, puis en milieu de semaine à Boston, nous avons pu passer du temps avec Vincent Poirier. Joueur au parcours rare. Découverte du basket à 16 ans, U18 dans la foulée : « bon, parce que j’étais grand quoi », bonne saison Espoirs, U20 derrière : « ça allait déjà mieux ! », Euroleague, où il est devenu le meilleur rebondeur l’an dernier et dans la deuxième équipe type « alors que les débuts étaient compliqués », et désormais en NBA. En moins de dix ans donc…
Vincent, comment se passe ton adaptation à la NBA pour l’instant ?
Plutôt bien. Au fur à mesure, chaque semaine je me sens mieux. La NBA n’attend pas, donc il faut vite se mettre au niveau ! J’essaie de profiter du temps de jeu que je peux avoir pour essayer d’apprendre le plus vite possible. Mais tout se passe bien. On a un bon groupe, ça bosse. Et on a vraiment de grosses ambitions.
Quelle est la plus grosse différence pour toi ?
Le jeu de Baskonia me demandait de beaucoup plus sortir sur le pick-n-roll, ce qui demandait plus d’effort. Ici, l’intérieur a beaucoup moins de responsabilités sur le pick-n-roll. C’est moins fatiguant, mais il faut être concentré quoi. C’est plus une question de bons placements en NBA. C’est plus physique par contre, forcément. Mais ça va, je m’adapte bien, je me sens bien.
Le rythme des matchs aussi ?
En Euroleague, tu as moins de déplacement, mais c’est plus compliqué de se déplacer. Ici, on est mis dans de super conditions : on a l’avion privé. Donc ça va. On sent que tout est plutôt facilité, donc on ressent moins les déplacements. Et puis là ce sont de petits trajets que l’on fait pour l’instant. L’Euroleague en plus, c’était entraînement tous les jours, collectif. C’était différent. C’est plus facile en NBA.
Les infrastructures, les moyens… c’est là où tu sens que c’est un autre monde ?
C’est vraiment tout l’à-côté oui. La NBA est un business. Un business qui engendre beaucoup d’argent. Les équipes ont plus de moyens que ne peuvent avoir les équipes Euroleague, donc forcément… (Ses yeux s’écarquillent) Tu le vois toi-même : il y a un coach par joueur ! (Ses sourcils se haussent à chaque détail, sur lequel il insiste) On a un avion privé à chaque fois, on n’a pas besoin de passer un contrôle de sécurité, tellement de choses qui te facilitent la vie ! Moi, je suis rookie, donc je dois quand même m’occuper de mes chaussures. Mais je n’ai que ça ! Et les autres, ils arrivent à la salle les mains dans les poches… Les clubs sont moins contraignants qu’en Euroleague aussi. Par exemple, quand on se déplace, tu n’es pas obligé de mettre un truc des Celtics quoi. Tu peux mettre ce que tu veux. En Europe c’est, (voix insistante) voilà, tu dois mettre le truc du club, le machin, le truc… Tu es plus libre de faire ce que tu veux, tu n’as pas les dîners obligatoires avec l’équipe, tout ça. Ça permet aussi de te libérer la tête. Parce qu’une saison, c’est long ! Donc si tu vois les gars tout le temps, « H 24 », au bout d’un moment c’est vrai que tu en as marre. Donc voilà, tu as plein de petits trucs comme ça qui font que c’est différent, et c’est plutôt pas mal !
« J’aime jouer dans les clubs qui ont une histoire, comme les Celtics »
C’est le côté culturel américain, plus individualiste, où tu dois te prendre en charge tout seul ?
(Il réfléchit) Je pense que c’est plutôt que tout ça engendre tellement d’argent, que si en plus on disait « dîner obligatoire » etc. pendant toute la saison, au bout d’un moment les gars en auraient marre. Donc ils nous laissent une liberté. Et puis on est des grands garçons, on est des hommes, donc tout ce qu’ils te demandent c’est d’être sur le terrain et de faire le taff. Et puis la NBA, c’est à toi de te gérer aussi oui. Tu as beaucoup d’aide, mais si tu ne veux pas travailler, personne ne va te forcer à travailler. Tu dois te prendre en main.
En plus là tu n’arrives pas dans n’importe quel club NBA. Ça fait quoi de voir ce logo, les photos partout sur les murs, ce parquet, les bannières au plafond (du TD Garden comme au superbe centre d’entraînement Red Auerbach d’ailleurs…)
(Son visage s’illumine) C’est impressionnant ! Et excitant, à la fois… J’aime jouer dans les clubs comme ça, qui ont de l’histoire. Qui visent le haut niveau et le titre, à chaque fois. Donc franchement, moi je kiffe ! (Son diaphragme monte un peu et on sent l’émotion dans sa voix) Quand tu mets le maillot, la tenue des Celtics… voilà ! J’aime cette franchise et j’espère y rester longtemps.
« Je n’ai commencé à suivre la NBA qu’il y a deux ans »
Tu as commencé le basket tard (à 16 ans), mais est-ce que tu suivais un peu la NBA quand même avant ?
Pas du tout ! Pô du tout (rires) !! J’ai commencé à m’intéresser à la NBA il y a… (il cherche) deux ans, on va dire. Avant de signer à Vitoria. Je me suis intéressé pour m’inspirer un peu de ce que faisaient les joueurs et pour progresser. Puis la saison NBA est vraiment entrée dans ma tête après ma deuxième saison à Vitoria, où je me suis dit que c’était un objectif possible et que j’allais tout faire pour y arriver.
C’était le côté « je fais mes devoirs », en gros ?
Plutôt que je veux être le meilleur possible dans ma carrière, donc je vais m’intéresser à ce qu’il se fait de mieux.
Mais tu n’y pensais pas du tout avant Baskonia ?
Si tu veux, avant de signer à Vitoria, moi, je voulais juste être un joueur de Pro A, déjà. Après, quand j’ai commencé en Euroleague, mes débuts étaient assez compliqués, donc je me suis dit que j’allais essayer d’être un bon joueur d’Euroleague… (sourire) Et voilà, maintenant je suis en NBA, mes débuts sont forcément compliqués encore, donc mon objectif là aussi c’est de devenir un bon joueur NBA. Voilà, c’est un autre palier à franchir. Ça ne sera pas le plus facile, forcément. Mais bon, je travaille, je suis là pour progresser. Et j’attendrai mon heure, comme je l’ai toujours fait !
Qu’est-ce qui aide justement à franchir chaque palier : Pro A, Euroleague… NBA maintenant ?
C’est le travail, mais c’est les coéquipiers aussi. Quand tu as un bon groupe, ça aide. Là, les gars ne me connaissent pas – vu qu’ils ne me doivent pas suivre l’Euroleague pour la plupart – donc forcément, c’est à moi de montrer ce que je sais faire. A l’entrainement, en match… pour qu’ils aient de plus en plus confiance. Donc c’est prouver sur le peu de minutes que j’ai, faciliter le jeu de l’équipe… J’essaie de faire des choses utiles, même si je ne score pas ou ne prends pas de rebonds. J’essaie de faire tout ce que l’on ne peut pas voir sur les stats. Un jour cela tournera à mon avantage et ils verront ce dont je suis capable. Mais c’est une question de confiance avec les coéquipiers. Moi j’ai un jeu qui tourne autour de ça. Je n’ai pas la balle en main, à faire des dribbles, tout ça. Ce sont les gars qui me font briller. C’est juste une question de temps et d’habitude du coup. C’est toujours difficile, quand tu arrives dans une nouvelle équipe et que personne ne te connaît. Mais ce n’est qu’une question de temps.
« J’aime aussi dunker sur les gens ! »
A Boston, tu es bien servi pour le côté besogneux. Et puis ça a l’air de bien t’aller, d’être dur au mal, plus que le côté flashy peut-être ?
J’aime un peu les deux ! Dunker sur les gens, c’est flashy quoi ! Mais oui, je sais que je suis là pour faire le sale boulot. Parce que je sais que le sale boulot va m’amener vers le côté « shiny » (brillant), les dunks, les alley-oops… Donc je commence par ça, comme je l’ai toujours fait, et j’attends de voir la suite. Mais c’est vrai que c’est une franchise où les fans aiment ça, donc j’essaie de leur donner.
Tu as une vraie spécialité au rebond par exemple, ici au moins tu tombes sur des fans qui savent apprécier ça…
Oui, je sais que dès que je vais prendre les premiers rebonds ou autre, la confiance va monter avec leurs réactions. Même si elle n’est pas basse ou quoi. Mais après, ça déroulera. Là c’est juste ce petit temps qu’il faut pour gagner la confiance des joueurs, du coach…
Difficile à gérer quand tu ne sais pas trop ce qu’il va se passer ?
Oui, je suis entre jouer, pas jouer… montrer que je peux être bon… C’est à la fois de la découverte et en même temps je fais aussi des erreurs. Voilà. Mais je sais que cela fait partie du processus, donc je ne m’inquiète pas. Et j’ai deux ans de contrat. Donc le but, c’est qu’à la fin de l’année, j’ai pu montrer ce que je sais faire.
« Les Bleus m’ont vraiment aidé »
Le fait de passer l’été avec les Bleus, et notamment les Frenchies de NBA, cela t’a fait une bonne préparation ?
Oui, forcément ! L’équipe de France m’a permis d’arriver ici avec moins de lacunes, on va dire. J’ai pu échanger avec Rudy (Gobert), les autres joueurs NBA. Donc voilà, j’ai pu arriver avec moins de lacunes que sans cette expérience en bleu, je pense. Ça m’a aidé, et permis de travailler d’autres aspects de mon jeu. On sait qu’en NBA on s’écarte beaucoup, donc j’essaie de travailler mon tir. D’être solide, en fait. J’essaie de m’adapter, de prendre le rythme. De prendre un peu la tension dans les matchs (depuis le banc principalement pour l’instant), de voir comment je peux être efficace.
Ça n’a pas jeté un froid avec les quatre joueurs de Team USA (Kemba Walker, Jayson Tatum, Jaylen Brown et Marcus Smart) quand tu as débarqué ici ?
(Sourire en coin) Non, non, non, non, non… Bon, déjà, j’avais signé avant en plus, ils le savaient. Donc c’était fait. Mais on n’en parle pas.
Le sujet n’a jamais été abordé ?
Non, non.
Même pas au détour d’une blague ou d’un petit chambrage ?
On a juste parlé de la Chine, tout ça. Il y a dû juste avoir une remarque, genre « vous nous avez botté », et fin. J’essaie d’avoir des amis ici moi (rires) ! Mais bon ils ne sont pas vénères ou quoi… C’est juste qu’on n’en a pas parlé et qu’on essaie de faire la saison tous ensemble.
« On n’a pas parlé du Mondial aux Celtics… j’essaie d’avoir des amis ici moi ! »
Comment sont l’ambiance et les ambitions dans le groupe justement ?
C’est un groupe qui se relance, mais qui en même temps sait sur quoi s’appuyer. Le but, cette saison, c’est d’avoir une grosse défense. Il y a une base de joueurs qui sont là depuis des années, donc c’est aux nouveaux de s’intégrer à cela et de trouver un équilibre. Mais oui, on sent que c’est un groupe qui a envie de bien faire. Ils ont envie de se rattraper, par rapport aux mauvais résultats de l’année dernière. On est tous dans cette mentalité.
Il y a une motivation supplémentaire après l’année précédente gâchée, surtout parmi les leaders ?
Toute l’équipe a les crocs ! On a tous envie de briller en tant qu’équipe. On a tous envie de bien faire, et cela se voit sur le terrain ! Quand quelqu’un marque, on est tous contents. On a vraiment faim de gagner. Et c’est cela qui va nous motiver toute la saison. Et qui va nous garder ensemble.
Autant la transition Kyrie-Kemba est assez facile, voire très bénéfique, autant le départ d’Al Horford a laissé un grand trou à remplir. Tu es forcément d’autant plus concerné vu ton poste. Les intérieurs ont une sensation supplémentaire de chance à saisir, mais aussi de devoir à remplir ?
Forcément, Al Horford, c’était un gros joueur de l’équipe ! Et les départs ont un peu chamboulé des choses oui. Mais moi j’essaie de faire ce que je sais faire. De courir, de prendre des rebonds. De batailler dans la raquette… Et voilà, on essaie tous un peu de faire quelque chose à notre sauce. Et on essaie de le faire bien. On a tous des qualités autres que celle de Al Horford. Mais voilà, c’est aussi cela le basket : trouver d’autres qualités chez d’autres joueurs qui t’apportent autre chose.
Propos recueillis par Antoine Bancharel, à New York et Boston
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Celtics – Rockets
Celtics – Nets
En partenariat avec @celticsfr
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