Milwaukee, ça ne pouvait être qu’eux

Le 26 août dernier, les Milwaukee Bucks ont surpris, ont choqué, mais surtout ont agi en décidant de ne pas se présenter pour le game 5 de leur premier tour face à Orlando. Un geste sans précédent, pour protester contre les violences racistes et policières aux États-Unis, notamment après les sept balles dans le dos reçues par Jacob Blake lors d’une arrestation à Kenosha dans le Wisconsin. Si George Hill a insisté sur le côté spontané de l’action, il n’est pas surprenant de voir que ce sont les joueurs des Bucks et pas ceux d’une autre équipe qui ont fait ce geste fort en premier. 

Milwaukee, la ville la plus ségréguée des États-Unis

C’est une donnée primordiale pour comprendre la complexité du problème. Selon une étude de la Brooking Institution, Milwaukee est la ville plus ségréguée des États-Unis. Au Nord, les quartiers Noirs, au sud les Latinos et dans les banlieues riches ainsi que le long du lac Michigan, vous trouverez les quartiers blancs. Au-delà de cette ségrégation spatiale, ce sont les disparités économiques qui frappent. Selon Libération, en 2016, une famille blanche gagnait en moyenne 126% de plus qu’une famille noire. D’ailleurs, la pauvreté frappe 38% des habitants noirs de la ville, un triste record des États-Unis. Ces difficultés sont visibles lorsque vous vous baladez dans la ville, ainsi, si vous partez du campus de Marquette, enclave riche du centre-ville et que vous partez vers le Nord, vous tomberez rapidement dans les quartiers délabrés du Nord, rongés par la pauvreté.

Les Milwaukee Bucks, touchés par les violences racistes et policières

Au cours des cinq dernières années, les joueurs des Bucks eux-mêmes ont été touchés par de tels actes qui sont les conséquences de la ségrégation spatiale et économique. En novembre 2015, c’est John Henson qui avait été victime de racisme dans une bijouterie de Whitefish Bay, une banlieue nord aisée de Milwaukee. Alors que le joueur s’était présenté pour acheter une nouvelle montre – en s’étant au préalable renseigné par téléphone – il avait trouvé porte close. L’employée du magasin avait jugé le comportement suspect et craignait que la voiture de l’ancien de UNC avait été volée, sans argument rationnel : « Je ne le sens pas ». La police ayant fait le déplacement, les vérifications de la voiture et n’ayant rien trouvé à redire a alors demandé à l’employée d’ouvrir le magasin devant un John Henson humilié par cet épisode.

En janvier 2018, c’est Sterling Brown qui avait été victime d’un incident avec la police. Mal garé sur une place pour handicapés, il avait été tasé et frappé par plusieurs policiers. Si l’affaire avait fait du bruit, c’est surtout la révélation des images de l’interpellation qui ont montré l’inadéquation de la réponse policière à la menace. Fils de policier, le joueur avait annoncé porter plainte et avait décidé de refuser les 400 000$ de compensation proposés par la ville de Milwaukee pour aller au bout et se faire entendre, comme il l’écrivait dans The Players Tribune début juillet : « J’ai rejeté l’offre parce que j’ai la responsabilité d’être une voix et de changer l’histoire pour les gens comme moi. Je dois raconter mon histoire pour que les conversations à propos des violences policières puissent influencer et changer ce système corrompu ». On comprend ainsi aisément pourquoi Sterling Brown a été l’un des deux joueurs à prendre la parole devant les journalistes après le refus des joueurs de disputer le match 5.

Directement touchés par les violences policières et racistes, les Milwaukee Bucks étaient probablement l’équipe la plus encline à agir de manière forte pour les dénoncer. La franchise a d’ailleurs toujours soutenu les joueurs sur ce point en étant notamment l’une des premières franchises à organiser ses propres rassemblements lors des marches pour l’égalité du mois de mars. Elle avait également enclenché depuis longtemps le processus pour faire du Fiserv Forum un bureau de vote early voting-site, une initiative primordiale pour inciter au vote les populations habituellement les moins enclines à se déplacer, ce qui est d’autant plus important dans un État-clef de l’élection comme le Wisconsin.