Who The F*** Is The N°1 NBA Draft Pick ?
Je n’ai pas la moindre idée de qui est le joueur que les Timberwolves de Minnesota ont drafté cette année avec son choix de draft placé tout au sommet du tableau. Est-il grand, petit, gros, gras, squelettique, gracile balle en main ou du genre à marcher sur ses adversaires sans se poser de question ? Je ne sais pas.
Le manque de temps m’a contraint à sacrifier mon suivi des candidats à la draft 2020 et je me retrouve maintenant là, comme un idiot les sourcils froncés à ne pas savoir comment regarder cette équipe de Minnesota en théorie magnifiquement gonflée par l’arrivée d’un n°1 de draft, parce que je ne visualise pas du tout les contours de cette recrue entrée en fanfare.
J’avais entendu son nom, Anthony Edwards, mais c’est tout. Je n’aurai pas la possibilité de visionner les rencontres qu’il a jouées jusque-là. Ni pour lui, ni pour aucun de la soixantaine de tout frais draftés cette année.
Mais je ne veux pas spécialement me faire un avis sur lui. Ça, ça viendra quand je le verrais évoluer dans son nouveau maillot bleu et blanc. Ce que je veux, c’est simplement connaître son profil et peut-être ses forces et faiblesses pour voir comment il s’inscrit dans l’effectif de Sota aux étagères pleines de talent avec Karl-Anthony Towns, D’Angelo Russell, Ricky Rubio qui vient de débarquer, Malik Beasley tout juste lourdement prolongé et peut-être Jarrett Culver qui porte encore son badge de n°6 de draft autour du cou.
Bon, je veux bien savoir ce que les gens pensent de son niveau aussi. Ça ne mange pas de pain.
Ce soudain besoin de connaître Edwards m’est venu alors que je faisais un tour un peu las sur The Ringer en cette période de signature de contrats et de transferts. Les mots « NBA Draft Guide » calés dans un coin de la page du site internet m’ont alors interpellé comme s’ils avaient lu dans mes pensées et pris du volume pour que je les voie.
Edwards apparaît en seconde position de ce classement derrière Kyllian Hayes. Le passage qui lui est consacré indique qu’il s’agit d’un arrière de 19 ans mesurant 1,95m (6’5 ») pour une envergure de bras de 2,06m (6’9 »).
Rien à signaler pour le moment. À première vue, on n’est pas dans le registre d’un monstre de foire physique immédiatement visible comme Zion Williamson et ses 130kg pour 2,01m ou je ne sais quel prospect d’une longueur insensée.
Il s’agit aussi, très classiquement d’un joueur très jeune affublé de la mention « freshman » et qui n’a donc eu besoin que d’une seule petite saison en NCAA pour démontrer que sa place était dans la grande ligue. Un autre cas, simple lycéen ou un troisième, voire quatrième année universitaire, m’aurait davantage intrigué (avec une épaisse dose de méfiance attachée à ma curiosité).
Le fait qu’il vienne de la fac de Georgia est quand même un peu étonnant. Ça ne veut pas forcément dire grand-chose, mais ce n’est pas spécialement un endroit très producteur de grands joueurs. Si Dominique Wilkins est un représentant des plus impressionnants de l’école, il est un peu seul dans cette sphère et c’était il y a bien longtemps. Dans l’histoire récente, seul Kentavious Caldwell-Pope mérite d’être cité.
N’ayant plus l’œil collé à la NCAA, je ne sais pas non plus quel était le niveau de compétition qu’Edwards a affronté chaque semaine. C’est dommage parce que des performances face à des équipes sophistiquées et/ou face à des athlètes de calibre NBA donnent une un peu meilleure idée de ses chances de réussites à l’échelon supérieur.
J’en arrive à la description. Elle se découpe en une partie « Forces » et une partie « Faiblesses ». Je n’aime pas trop cette distinction, car elle peut avoir tendance à laisser dans le fond les secteurs du jeu où le joueur est moyen. Or le jeu d’un basketteur est un microcosme où la plupart des éléments ont des interdépendances entre eux. Être moyen dans un domaine ou plusieurs peut-être un coup de pouce à une force ou contribuer à l’existence d’une faiblesse.
Par exemple, un excellent shooteur à longue distance n’a pas la même valeur selon si son dribble est un peu bon ou s’il est un peu en dessous de la moyenne : dans le premier cas, le joueur peut probablement contrecarrer les close-outs efficacement en les débordant balle en main et conserver ainsi le décalage, tandis que dans le second il finit vraisemblablement coincé avec son trop vif défenseur sous le menton.
Ce découpage induit aussi des ruptures de liaison qui rendent les choses un peu confuses. Parfois, on va vous parler d’une force dans un domaine (la capacité à mettre des paniers par exemple), puis longtemps après on va revenir sur ce domaine pour en évoquer un aspect négatif (la sélection de tirs, disons). Or ces deux éléments s’inscrivent dans un même sujet (l’impact au scoring) et c’est leur combinaison qui détermine comment le joueur évalué répond à la question posée (quelle est sa valeur au scoring?).
Un partage « Attaque/Défense » évite bien mieux ces problèmes, ces deux aspects n’étant pas spécialement fondus l’un dans l’autre. Mais même là, la distinction n’est pas parfaite. Je pense par exemple aux joueurs qui se créent des paniers faciles en transition parce qu’ils sont de bons intercepteurs en défense.
Le texte du Draft Guide de The Ringer est assez succinct. Dans les forces, Anthony Edwards apparaît comme quelqu’un qui est avant tout une force de pénétration, s’appuyant sur sa puissance et sa maîtrise du jeu des contacts pour aller au cercle, puis sur ses qualités athlétiques (lesquelles ? La puissance, l’explosivité, la longueur, la coordination, le body control?) et son touché de balle des deux mains pour scorer.
Je comprends qu’Edwards est fort pour aller au cercle, mais à quel point ? Passe-t-il à travers la défense systématiquement, souvent ou juste un peu plus de fois que la moyenne ? Quid de sa vitesse, de son premier pas ? Ici, on semble surtout faire de sa puissance et sa capacité à jouer de celle-ci pour se frayer un chemin jusqu’au panier, mais est-ce tout ? Et que cela donnait face à des joueurs aussi puissants, rapides et/ou long que ceux qu’on trouve en NBA ? Son avantage de puissance sera-t-il toujours un avantage face aux meilleurs athlètes basket du monde ?
Pour sa finition au cercle, même genre de zones d’ombre : est-il efficace ou très efficace ? Ou bien est-ce que son efficience est juste bonne, mais comme il le fait avec un gros volume, au final le calcul est rentable ?
Quelle adresse a-t-il face à des intérieurs longs et athlétiques ? Arrive-t-il à improviser de façon pertinente selon les réactions de la défense ? Provoque-t-il des fautes ? Et si oui, quelle est son adresse aux lancers-francs ?
Bref, quels sont les indices qui laissent penser que cette force de pénétration, mise ici en premier, demeurera une force en NBA ? On ne sait pas.
On a quelques renseignements sur ses qualités de dribbleur quand l’auteur, Kevin O’Connor, indique que l’élève de Georgia est un scoreur dynamique en sortie de dribble et qu’il « passe fluidement de dribbles complexes, spins et hésitations à des pull-up, stepbacks et side steps ».
Comme un écho moqueur à ce que je disais quelques paragraphes avant, O’Connor déborde un peu sur les faiblesses dans sa partie « Les Plus », pour remettre dans un contexte ce qu’il voit comme une force : après avoir exposé les éléments précédents sur la capacité d’Eddie à aller au cercle et ajouté que l’intéressé était un « train de marchandises » en transition, O’Connor estime que même si sa sélection de tirs est douteuse (voilà donc la faiblesse), il pense qu’avec ces qualités-là, le large spacing qu’offre la NBA pourrait le mener à obtenir un bien plus gros paquet de shoots au cercle. Soit, à pouvoir utiliser plus fréquemment sa force.
Cela n’est pas neutre parce qu’apparemment, Edwards n’utilise pas aussi souvent qu’on le voudrait cette force. En effet, dans ses « Moins » affichés par O’Connor (et en première place, qui plus est), l’auteur explique que l’arrière se laisse trop souvent aller à se contenter d’un shoot (en un contre un, je devine), même face à un mismatch avantageux. C’est bien le problème de la sélection de tirs douteuse glissé un peu l’air de rien quelques lignes plus tôt.
Du moins ça l’est si la capacité du shoot n’est pas suffisamment bonne (selon l’emplacement de celui-ci, ajouterai-je). Or, le chroniqueur de The Ringer commence ce passage par un évocateur « n’est pas un pur shooter ».
Ça ressemble un peu à une façon polie de dire qu’il n’est pas bon à distance. Évocateur, mais vraiment peu précis. Si c’est inscrit dans les faiblesses, on comprend qu’Antho prend des shoots peut-être un peu trop souvent plutôt que de driver, alors qu’il n’y est pas assez bon pour privilégier ainsi l’un sur l’autre.
Ok, mais à quel point est-il mauvais shooteur sur ces situations qu’on critique ? Simplement moins bon qu’en drive ? Carrément mauvais de manière générale ? Si c’est mauvais, on peut raisonnablement s’inquiéter de cette sélection de tirs. Et puis quelle est la proportion de choix de ces mauvais tirs plutôt que l’attaque du cercle ? Plus ce volume sera grand, plus ce sera inquiétant.
On peut aussi s’interroger sur la raison de ces choix du shoot en lieu et place du drive. Est-ce parce que les défenses étaient totalement focalisées sur lui, faute d’avoir des coéquipiers suffisamment fiables ? Les défenses se repliaient-elles dans la raquette pour dissuader le drive, force première du joueur ? Dans ces cas et peut-être plus encore si ces deux éléments sont réunis, la mauvaise sélection de tirs d’Edwards est peut-être à relativiser.
Comme pour tout, le contexte compte. Un mauvais choix de tir est-il vraiment un mauvais choix de tir s’il n’y a pas de meilleure solution ? Ce que j’aimerai savoir -même si je sais bien que c’est extrêmement dur à cerner-, c’est dans quelle proportion prend-il une mauvaise décision de tir alors qu’il y avait mieux à faire.
O’Connor fait quand même un peu pencher la balance du côté de la mauvaise décision malgré d’autres possibilités quand il dit que parfois, Edwards shoote quand bien même il avait l’avantage physique ou technique (ou les deux) sur son vis-à-vis pour un débordement. Mais on ne sait pas non plus si au-delà de ce mismatch, l’équipe adverse ne préparait-elle pas deux ou trois joueurs supplémentaires pour venir en deuxième rideau bloquer l’accès au cercle. Dans ce cas, le choix d’Edwards de shooter plutôt que d’aller s’empaler sur eux n’est pas si mauvais que ça. D’autres diront que jouer autrement restait un meilleur choix ou qu’il pouvait aller chercher les lancers-francs, ce qui pourrait aussi être vrai. Je n’ai clairement pas suffisamment d’éléments pour me faire une opinion.
O’Connor n’en dit pas davantage sur le shoot et c’est dommage vu l’importance de cette caractéristique dans le jeu actuel. On comprend que ce n’est pas fameux, mais ça semblait surtout parler de tir en sortie de dribble. Qu’en est-il en réception de passe ? Ce seul point peut faire la bascule dans la comparaison avec un autre joueur, car être au moins correct en catch & shoot à 3pts le ferait rentrer dans la catégorie des joueurs qui participe au spacing. Y être insuffisamment bon ferait au contraire de lui un handicap pour l’ensemble de l’attaque quand il n’a pas le ballon dans les mains.
Il est là le nerf sensible du shoot longue distance, notamment pour un joueur extérieur : il n’y a pas de milieu moyennasse dont on peut à peu près se contenter comme dans d’autres secteurs du jeu. Soit on est assez adroit pour créé du spacing et on est un apport sérieusement positif pour l’ensemble de l’attaque, soit on ne l’est pas et on a un impact gravement négatif, également pour la totalité du collectif offensif.
Vous comprenez donc bien que cet élément fait souvent une grande différence entre deux prospects et que cela mérite d’être évoqué pour un joueur comme Edwards. D’autant plus qu’O’Connor, dans les « Moins » précise que l’arrière serait mieux installé dans une formation aux multiples porteurs de balle et à côté d’un joueur à la mentalité priorisant la passe avant le shoot (Ricky Rubio!), car il présente des instincts de playmaker décevants.
Dans les forces, le journaliste en parlait un peu, le décrivant comme un solide passeur, comme quelqu’un qui ne possède pas une vision de jeu d’un grand niveau et avait tendance à réagir (à la défense) plutôt que créer des opportunités pour ses coéquipiers, mais qui peut exécuter des lectures de jeu simple pour des shooteurs et des cutters.
Je ne suis pas sûr que faire une passe en réaction au mouvement de la défense, soit vraiment opposé au fait de créer pour autrui (si la défense a réagi à un mouvement -drive ou autre- d’Edwards au point de libérer quelqu’un, c’est bien qu’Edwards a créé une opportunité pour un partenaire) mais on comprend l’idée. L’arrière fait une passe quand une opportunité se présente d’une manière ou d’une autre dans son champ de vision un brin restreint, mais il ne verra pas forcément le joueur démarqué dans des angles plus compliqués, ne manipulera pas un mouvement de la défense adverse pour libérer un coéquipier particulier, ou toute autre chose aussi sophistiquée.
Cette limite dans le playmaking est dommageable, mais pas forcément rédhibitoire si sa capacité de drive est si forte qu’elle obligerait quoiqu’il arrive les défenses à se découvrir dans ces angles faciles. Russell Westbrook a fait une excellente carrière comme ça. Un playmaking plus abouti est aussi quelque chose qui peut se développer avec le temps.
Cependant, le drive d’Edwards est-il projeté pour être de la trempe d’un Westbrook ? Pour l’instant, je n’en ai pas la réponse. Et puis, quelle est donc sa maîtrise du pick-and-roll, cette combinaison entre un porteur de balle et son coéquipier devenu l’un des fondements du jeu actuel ?
J’y pense, O’Connor ne disait-il pas que l’arrière devait être couplé à un meneur passeur ? Je commence à relier les points à partir de mes suppositions, mais si Edwards est un peu juste pour être un porteur de balle principal et qu’en même temps il n’a pas le tir longue distance pour éviter d’être une valeur négative quand il ne porte pas la gonfle, ne se retrouve-t-on pas avec ce genre de joueur bancal dont les limites à des endroits clés gênent une attaque, qu’importe dans quelle position on le met ?
Je commence doucement à m’inquiéter. Puis je me rassure en me disant que le portrait dessiné est pour l’instant bien trop flou pour avoir des sueurs froides.
Même si le dernier élément offensif avancé par The Ringer dans son bref résumé du prospect est encore une fois une faiblesse. L’effort du Bulldog serait inconsistant, jouant dur en faisant des cuts, cavalant sur le terrain et allant chercher les rebonds parfois, et disparaissant complètement à d’autres occasions.
Je ne tire pas beaucoup de conclusions de ces derniers points tant le contexte entre la NCAA et la NBA peut faire varier cet élément « effort » (passer de la star de la fac à qui on laisse tout passer au rookie qui doit montrer qu’il mérite sa place, au contraire ceux qui sont simplement satisfaits d’arriver en NBA et qui ne bosse pas plus, etc).
Je ressors ainsi de la lecture de cette synthèse de joueur présenté par The Ringer, sans trop savoir vraiment quoi penser du désormais n°1 de draft. Le profil de slasher un peu unidimensionnel et un peu trop attiré par le shoot, commence à se dessiner, mais c’est un dessin fait sur le sable et je ne distingue pas bien les nuances du modèle original.
Surtout, rien ne crie au premier choix de draft. Peut-être parce que je n’ai pas perçu avec ce texte à quel point Edwards était fort dans l’attaque du cercle. Peut-être parce que la question du shoot m’a envoyé sur des mauvaises pistes.
En clair, moi qui voulais avoir une idée nette du joueur rapidement et en quelques lignes, c’est raté. Je m’en vais donc, à la fois par la flemme et poussé par la curiosité, voir d’autres analyses.
A suivre…
StillBallin (@StillBallinUnba)