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Focus sur Isaiah Joe, un poignet de velours dans la cité de l’amour fraternel

Si la NBA essaie tant bien que mal de limiter la propagation de la COVID, cette dernière s’est immiscée plus que jamais dans le quotidien de la grande ligue ces derniers jours. Avec des cas positifs qui se multiplient, et les cas contacts allant avec, plusieurs matchs ont déjà été reportés, et certains ont eu lieu avec des effectifs très limités. Exemple le plus criant, la rencontre entre Denver et Philadelphie samedi soir s’est déroulée avec des Nuggets quasi au complet, et des Sixers totalement décimés. Avec seulement Danny Green, Dwight Howard et Tony Bradley comme seuls joueurs habitués aux joutes de la NBA. Autour d’eux, une ribambelle de two-way contracts et rookies ont eu l’occasion d’obtenir un temps de jeu inespéré. Isaiah Joe fait partie de ceux-là.

Un sniper d’élite dès l’adolescence

Sélectionné par les Sixers en 49e position de la dernière Draft, le jeune joueur sorti de la fac d’Arkansas a vu son temps de jeu exploser lors des dernières rencontres. S’il est amené peut-être à n’avoir que du garbage time une fois les nombreux absents revenus, il a montré que se place en NBA n’était pas volée. Une suite logique pour le jeune homme de 21 ans.

Natif de Fort Smith en Arkansas, Isaiah Joe s’est naturellement dirigé vers le lycée de sa ville afin d’effectuer ses études. Membre de l’équipe de basketball, les Grizzlies, c’est avec cette équipe, qu’il va commencer à devenir un véritable prospect. Au-delà du basket, le jeune adolescent se fait également remarquer par sa politesse et son calme, comme nous le confie son ancienne principale au lycée de Fort Smith.

« J’ai été sa principale quand il était en 5e, il était, et est, un remarquable jeune homme. Il a toujours obtenu de bonnes notes, et c’était un garçon poli avec un bon comportement. C’est vraiment un étudiant respectueux, et un jeune homme génial en tout point ! » Dr Keri Rathbun

Très rapide et déjà à l’aise au shoot, il se fait une solide réputation de sniper en portant son équipe à coup de banderilles longue distance. Son avant-dernière saison, il explose ainsi le record de paniers à 3 points (120) inscrits par un joueur du lycée de Fort Smith, allant même jusqu’à en planter 11 dans la même rencontre.

« Il est devenu un joueur spécial en 1ère »

Au fil des années, celui qui pouvait être considéré comme un joueur unidimensionnel va progresser dans les autres aspects du jeu. Il a les clés du camion lors de sa dernière année, ce qui lui permet d’étaler sa domination sur le championnat d’Arkansas. Ainsi, suite à une rencontre remportée fin décembre face à la Joe T. Ronbinson High School dans laquelle il plante 24 points, l’assistant coach des Grizzlies se satisfait des progrès effectués par son joueur.

« Isaiah Joe a toujours été capable de jouer avec le ballon, mais l’année dernière, nous avions Tevin Brewer donc nous n’avions pas besoin qu’il fasse ça. Il était principalement un spot-up shooteur. Cette année, nous savions qu’il devrait passer un cap pour relever le challenge, et je pense qu’il veut prouver aux autres qu’il n’est pas qu’un simple shooteur. C’est également un bon manieur de ballon. Si nous avons besoin de lui pour tenir la mène pendant les 32 minutes d’un match, il en est capable. » Greg Scott, Whole Hog Sports, décembre 2017

Contacté par la rédaction de Basket Infos, Eric Burnett a été le coach principal du joueur, qu’il a côtoyé pendant plusieurs années au sein de l’établissement. À partir de la 5è jusqu’au lycée, il dirige ainsi avec bonheur un jeune gamin à l’écoute, toujours en quête de progression.

« Ma première impression à son sujet est qu’il pouvait shooter extrêmement bien pour un collégien. C’était un joueur vraiment très intelligent sur le parquet et il possédait un QI basket élevé. Sa principale faiblesse était sa puissance, mais progressivement, il s’est renforcé physiquement et est devenu un leader génial pour l’équipe. Il a aussi beaucoup travaillé sur son handle et les remontées de balle. Je dirais qu’il est devenu un joueur spécial en 1ère. Sur le circuit AAU, il a prodigieusement élevé son niveau de jeu. Il était le meilleur shooteur cette année-là lorsque l’on regarde ses statistiques et son jeu. » Eric Burnett

Durant sa dernière saison à Fort Smith, il explose définitivement en menant son équipe à un bilan plus que positif (21V-9D). Avec 23,5 points, 5,8 rebonds et 5,5 passes, il affiche des statistiques conséquentes, et est le véritable leader de l’équipe. Cette magnifique saison lui vaut l’honneur d’être élu joueur de l’année dans l’État de l’Arkansas, et lui vaut par la même occasion d’intégrer l’université de son Etat. Isaiah Joe le Grizzli devient donc un Razorback.

Un défenseur acharné qui s’étoffe progressivement

A l’été 2018, il rejoint sa nouvelle équipe avec beaucoup de promesses. Suite à sa dernière saison réussie à Fort Smith, il débarque en qualité de Freshman qui contribue tout de suite. Aux côtés de l’actuel Bull Daniel Gafford, et de Mason Jones, il devient d’emblée l’une des premières options de l’équipe grâce toujours à sa qualité de shoot. Il est tout simplement le joueur qui prend le plus de tirs longue distance dans sa conférence. Avec 13,9 points par match et un pourcentage à 3 points très solide (41,9%) malgré un gros volume, ses débuts en NCAA sont réussis. Cependant, son équipe ne parvient pas à se qualifier pour le tournoi final en raison d’un bilan tout juste positif (18V-16D), et carrément négatif si l’on prend uniquement les résultats de la Conférence (8V-10D). Malgré une saison décevante pour une université qui restait sur deux participations consécutives au tournoi final, Isaiah se montre à son avantage même s’il manque encore de régularité d’un match à l’autre, et se retrouve dépendant de sa réussite au tir. Contrairement à sa dernière année à Fort Smith, il se retrouve peu souvent avec le ballon, et ne participe pas réellement à la création du jeu.

En revanche, il prend de l’épaisseur de l’autre côté du terrain et gagne un gros respect en tant que défenseur. Se plaçant directement comme l’un des meilleurs intercepteurs, il devient un joueur de plus en plus compliqué à effacer en un contre un pour les guards adverses. Son efficacité à tous niveaux lui permet d’être élu dans l’équipe freshman de l’année. Une belle performance qu’il confirme la saison suivante. Arkansas privé de Daniel Gafford, Isaiah Joe devient naturellement pour sa deuxième saison l’une des deux armes principales de l’université aux côtés de Mason Jones.

Sous la houlette d’un nouveau coach précédemment passé en NBA, Eric Musselman (ex-Warriors et Kings), l’équipe affiche un bilan collectif beaucoup plus solide (20V-12D) avant que la pandémie ne vienne interrompre la saison en mars dernier. Davantage responsabilisé, il marque plus (16,9pts), mais son pourcentage d’adresse diminue (34 % à 3 points) en raison de la cible plus grande qu’il a dans le dos. Son volume de shoot augmente également, mais reste très centré sur le tir extérieur (plus de 10 tentatives par match sur 13 tirs tentés!). Il est donc difficile de remarquer une évolution flagrante du joueur en attaque, mais il devient en parallèle un défenseur de plus en plus dur sur l’homme malgré un physique encore frêle.

Journaliste pour le Whole Hog Sports, un média centré sur le sport dans l’Arkansas, Scottie Bordelon a suivi avec attention l’évolution du joueur. Notamment ses deux saisons d’université en couvrant régulièrement l’actualité des Razorbacks. Cela lui permet donc d’avoir un point de vue avisé sur l’évolution qu’a connue Isaiah Joe.

« Isaiah a effectué une première saison tellement formidable que beaucoup de gens ont vu sa seconde année comme un pas en arrière. Il a établi le record de paniers derrière l’arc pour un Freshman d’Arkansas avec 113, à 41 % de réussite. Il possède l’un des plus beaux tirs que j’ai jamais vus. La saison suivante, ses tentatives à 3 points ont augmenté sous un nouveau coach, Eric Musselman, qui a vu l’avantage de lui donner plus d’espace dans le périmètre. Il a mis 94 paniers à 3 points en tant que sophomore malgré six matchs ratés pour une blessure au genou. Il est devenu plus fort, et cela lui a permis de progresser dans le jeu en dehors de la raquette, et en pénétration. Nous ne l’avons toujours pas beaucoup vu dans ses matchs, mais il a ça en lui. Défensivement, il est sous-estimé parce qu’il a de bons instincts, de l’anticipation et de longs bras. Il était toujours disposé à mettre son corps en péril et prendre des passages en force, ce qui pour moi est le signe d’un défenseur dévoué. C’est un formidable défenseur d’aide. » Scottie Bordelon

« Un joueur que n’importe quel coach aimerait avoir »

Avec la COVID, tout le processus de Draft est bouleversé, et le flou qui l’entoure va tout d’abord poussé Isaiah Joe a déclaré début août qu’il compte poursuivre l’aventure avec Arkansas. Mais au fil des semaines, voyant sa côte être intéressante, le natif de Fort Smith décide finalement de se présenter après deux années en NCAA. Avec sa qualité de shoot et ses qualités défensives, il présente un profil de 3&D prêt à aller au charbon dont la NBA est de plus en plus friande. Malgré tout, il n’était pas dit qu’il soit forcément sélectionné même s’il a finalement été pris dans le range attendu, en 49e position. Possédant un environnement stable, et une mentalité exemplaire, il est l’archétype même du joueur bosseur et discret se mettant au service du collectif.

« Il est la définition même du joueur d’équipe. Il a toujours dit que tant qu’Arkansas gagnait, il se foutait de marquer ou non. De l’avis général, il est incroyablement facile à coacher. Il n’a jamais été au centre d’une mauvaise histoire dans le vestiaire, et n’a jamais eu une mauvaise attitude. C’est une personne modèle. Il a un entourage génial avec ses parents et Eric Burnett, son coach au lycée, et ils l’ont aidé à devenir une personne et un joueur que n’importe quel coach aimerait avoir. » Scottie Bordelon

Désormais arrivé dans l’élite du basket mondial, il se retrouve dans un autre monde, beaucoup plus dur que ceux qu’il a pu connaître dans son cocon de l’Arkansas. Philadelphie est à plus de 2000 bornes de son Fort Smith natal, et il doit donc s’habituer à un nouveau quotidien, une nouvelle ville, un nouveau coach, de nouveaux coéquipiers…La vie traditionnelle d’un rookie en soit. En ayant évité jusque là les blessures et les protocoles sanitaires, il est devenu par la force des choses un joueur sur lequel Doc Rivers s’appuie beaucoup ces derniers jours, sans doute avec satisfaction. Avec plus de 32 minutes de jeu pour 14 points inscrits à près de 40 % derrière l’arc sur les quatre dernières rencontres, et une énorme activité en défense, il fait ce qu’il sait faire avec détermination. Mais pour Scottie Bordelon, le jeune joueur doit diversifier et renforcer son jeu. C’est ce qu’il attend de lui.

« Je pense qu’il est désormais concentré à plein temps sur le basket, et nous pourrions le voir développer un peu plus son jeu sans ballon. Ça ferait de lui une plus grande menace quand les défenseurs le suivent derrière l’arc. Une chose à propos d’Isaiah, c’est qu’il n’arrête jamais de bosser, donc j’attends vraiment qu’il ajoute des éléments à son jeu en NBA que nous n’avons peut-être pas vu à l’université. » Scottie Bordelon

Pour son ancien coach à Fort Smith, Eric Burnett, le fait de retrouver Isaiah Joe en NBA n’est pas vraiment une surprise, et il est toujours impressionné par les progrès qu’effectuent son ancien protégé.

« Quand je le vois aujourd’hui, je suis impressionné par la façon qu’il a de défendre très bien face à certains des meilleurs joueurs de la ligue. Bien après qu’il ait quitté Northside j’ai pensé qu’il aurait une chance parce qu’il pouvait shooter extrêmement bien, et il avait l’éthique de travail adéquate. Puis, après sa première année de fac, je savais qu’il allait le faire en raison du nombre de 3 points qu’il mettait. C’est un joueur génial, mais c’est une également une personne remarquable hors des parquets. » Eric Burnett

L’aventure ne fait que commencer pour le jeune joueur des Sixers. Il profite en tout cas des nombreuses absences dans le roster pour montrer ses qualités, et s’établir progressivement comme un véritable joueur capable de s’insérer dans une rotation, avant de pourquoi pas viser plus haut.

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