Il y a certainement des choses que je peux mieux faire » : Steve Kerr fait le bilan de la saison
Alors qu’il reste cinq matchs à jouer avant le play-in tournament et une hypothétique post-season, le coach des Golden State Warriors, Steve Kerr, a fait le point sur sa saison et celle de son équipe pour The Athletic. Bilan de 67 matchs, tous plus rocambolesques que les autres, 67 montagnes russes pour les triple champions NBA.
Les Warriors auront à peu près tout connu cette saison : de très graves blessures avec Klay Thompson et Marquese Chriss, des cas de Covid, des blessures plus mineures avec James Wiseman, une second unit cataclysmique dans un premier temps, et une ultra dépendance à son meneur, Stephen Curry. Malgré tout, les Warriors restent autour d’un bilan à l’équilibre, visant la 8ème place de la Conférence Ouest, ce qui satisfait plutôt bien Steve Kerr :
« J’ai juste l’impression que probablement, là où nous en sommes, c’est là où nous sommes censés être, vous savez », a déclaré Kerr. « C’est un peu comme ça que la saison entière s’est déroulée. Vous savez, nous avons juste oscillé autour des 50% de victoires toute l’année. Et nous sommes assez bons pour battre n’importe qui. Et aussi assez mauvais pour perdre contre n’importe qui. Comme Dennis Green (ancien Head Coach des Cardinals de l’Arizona en NFL, de 2004 à 2006) l’a dit un jour, nous sommes ce que nous pensions être. Ceci dit, j’ai beaucoup appris sur moi-même. » a-t-il renchéri. « J’ai beaucoup appris sur nos joueurs. Je pense que notre organisation a beaucoup appris sur notre processus…nous avons tous appris une tonne de choses. Et cela va nous servir, vous savez, pour l’année prochaine. C’est du bon travail. »
En parlant de l’année prochaine, les Warriors vont devoir continuer de développer leurs jeunes joueurs, leurs expérimentés. Golden State compte sept joueurs avec un an d’expérience NBA ou moins dans son roster. Damion Lee a lui entamé sa première saison avec un contrat à long terme. En tout, cela fait huit joueurs qui commencent ou presque leur carrière en NBA. Sur ces huit joueurs, quatre d’entre eux se classent dans le top 10 de l’effectif en termes de temps de jeu sur l’ensemble de la saison, sans compter Eric Paschall, qui a quasiment vécu une saison blanche, et Mychal Mulder, qui pointe le bout de son nez en fin de saison seulement. Cette inexpérience la, les Warriors l’ont payé. Oui ils l’ont payé, notamment lors de fins de match serrées, rudes, où le manque de maturité leur a fait perdre certains matchs.
« Les vétérans gagnent des matchs dans cette ligue », a déclaré Kerr. « Ça a toujours été comme ça. »
Les Warriors ont un bilan de 12 victoires pour 16 défaites dans les matchs définis comme « clutch », c’est à dire avec une différence au score inférieure ou égale à 5 points dans les cinq dernières minutes du match. Sur l’ensemble de la saison, ils ont été battus de 31 points dans cette même fourchette de temps. Si l’on regarde au niveau du classement, ils sont au 24emes rang de la NBA dans ce type de situations comptables. Leur Defensive Rating durant le money time – 122,7 points par 100 possessions – les classe au 29ème rang. Seuls les Pistons, aux 19 victoires et 47 défaites font pire dans la grande ligue.
Cette fébrilité dans le money time, on ne peut pas la mettre uniquement sur le dos de l’inexpérience du roster. Steve Kerr a lui aussi sa part de responsabilités. Souvent trop effacé, trop peu réactif, il a appris à ses dépens qu’il devait être plus proactif avec sa « nouvelle » équipe, orpheline de Kevin Durant et Klay Thompson. Aujourd’hui, il faut guider Kelly Oubre Jr, Nico Mannion, Kent Bazemore ou encore Mychal Mulder vers la victoire. Ce n’est même pas le même job quand l’on compare a celui de manager Andre Iguodala ou Kevin Durant. La microgestion tactique, il y a trois ans, il avait bien moins, voire pas du tout besoin d’y penser une seule seconde dans ces moments-là.
« Il y a certainement des choses que je peux mieux faire. Juste des petits détails », a déclaré Kerr. « Ce qui se passe quand vous perdez des matchs serrés, vous avez tendance à penser à chaque décision que vous avez prise. Il est évident qu’il y a plus de chances qu’une décision puisse faire la différence dans le match, simplement parce que vous avez moins de marge d’erreur. Donc moins de marge d’erreur signifie que je dois être plus concentré. »
La gestion de Stephen Curry a elle aussi fait grand débat cette année. Le meilleur scoreur de la ligue est à lui seul, ou presque, le système entier de Golden State. Une ultra dépendance offensive d’un système en un seul et même homme, aussi fort soit-il, peut avoir des failles. Curry, dans la caste des franchise player NBA, est celui qui fait face au pire spacing, en compétition avec Bradley Beal dans ce domaine. Il a besoin de shooteurs pour écarter le jeu. Il a besoin de défenseurs acharnés autour de lui. Il a besoin de finisseurs hors pair autour de lui afin de capitaliser sur les ouvertures qu’il crée.
Voici un classement des joueurs les plus « dominants » de la NBA, en fonction du spacing dont il font usage. Le niveau du spacing étant déterminé par la capacité à créer de l’espace sur le terrain par la menace que représentent les shooteurs de l’équipe des joueurs présents dans ce classement. Plus il y a de bons tireurs à longue distance sur le parquet, moins les défenseurs peuvent se permettre de leur laisser de l’espace sur les extérieurs. Et plus les défenseurs sont occupés par les shooteurs extérieurs, plus il est possible d’attaquer le cercle pour le porteur de balle, ou bien d’avoir de l’espace (et donc par définition, du temps), pour exécuter leurs shoots, et ne pas prendre constamment des tirs complexes. On voit ici que Stephen Curry est peu aidé par ses coéquipiers sur le parquet, avec un indice de 17.2, contre 98 pour Giannis Antetokoumpo par exemple.
We actually found an error where low volume 3pt shooters weren't being penalized so with that fixed, here's an updated look at the spacing around the Ringer's top 25 players https://t.co/QztBPUfBkP pic.twitter.com/0pvdsEJfR0
— Krishna Narsu (@knarsu3) May 5, 2021
« La plus grande différence, c’est que nous n’avons pas les armes que nous avions auparavant », a déclaré Kerr. « Ce que nous sommes, c’est que nous sommes plus dépendants de Steph. C’est la grosse différence. »
De ce fait, Steve Kerr a été beaucoup critiqué, notamment sur les réseaux sociaux. Sa gestion de Curry, son manque de fond de jeu, beaucoup de choses lui ont été reprochées cette année. Et il n’a pas manqué de renvoyer la patate chaude en conférence de presse cette saison, comme la fois où il avait déclaré qu’il ne ferait pas forcément la chasse aux victoires, déclaration qui avait défrayé la chronique.
Lorsque j’ai fait ma désormais célèbre déclaration », a déclaré Kerr, « tout le monde s’est souvenu de la partie « chasse aux victoires ». Ils ne se sont pas souvenus de la première partie de la phrase, qui était que nous n’allons pas faire courir Steph pendant plus de 40 minutes chaque soir pour chasser les victoires. L’erreur que j’ai faite a été de dire que je n’allais pas chasser les victoires. La clé de la déclaration était : « Nous n’allons pas faire jouer Steph 40 minutes et plus ».
Curry ne joue pas 40 minutes par soir, certes, mais plutôt 36. Une chose qui a cependant évolué au cours de la saison, ce sont ses entrées en jeu, dans les deuxièmes et quatrièmes quart-temps. Tout au long du début de saison, Curry jouait 36 minutes, jamais plus, quelque soit le scénario du match. Il a fait revenir Curry plus tôt que d’habitude à plusieurs reprises, surtout dans le quatrième quart, quand la situation devenait chaude et qu’il fallait appeler le chef pour cuisiner un petit peu la défense adverse. Il a aussi intégré Toscano-Anderson dans la rotation, qui a amené toute son énergie et sa défense. Il a fait remonter Jordan Poole et Nico Mannion depuis la G-League pour compléter un roster de plus en plus meurtri par les blessures. Il aussi accepter de jouer small ball après la perte de Wiseman, avec Draymond quelques fois aligné au poste 5. Voilà les adaptations prises par Steve Kerr cette saison.
Une autre nouvelle facette du jeu du coach Kerr concerne le pick and roll : il a été utilisé lors de 14,9 % des possessions cette saison, selon le recueil de statistiques de l’organisme Synergy. C’est le plus grand nombre de fois qu’il a été utilisé dans l’ère Kerr avec un Stephen Curry disponible, et au top de sa forme. Avec Curry, le précédent record était de 11,7 % en 2014-15, avec l’aide d’Andrew Bogut. En 66 matchs (donc sans compter la rencontre face au Thunder la nuit dernière), ils ont plus de possessions pick-and-roll – 1 100 – que durant toute la première saison de Kerr à la tête des Warriors (1 052 PnR en 82 matchs). La seule autre fois où ils ont dépassé les 1 000 unités est sur la saison 2019-2020, lorsque l’attaque était dirigée non par Stephen Curry mais bien par D’Angelo Russell, aujourd’hui joueurs des T’Wolves. Cette saison-ci, l’équipe de Kerr en avait effectué 1 268, c’est-à-dire sur 17,4 % des possessions.
Toutes ces adaptations ont surement permis aux Warriors de garder un niveau de compétitivité acceptable, qui leur permettra de potentiellement accrocher les playoffs si le play-in se déroule bien. Les critiques qu’il a pu subir tout au long de la saison, Steve Kerr les prend avec légèreté.
« La beauté de la chose, c’est que tout le monde se soucie tellement de nous », a déclaré Kerr. « Il faut juste l’accepter. Et croyez-moi, quand nous perdons le match, et que je sens que j’aurais pu faire quelque chose de mieux, je me sens mal. Quand nous gagnons, et que je sens que j’ai fait du bon travail, je me sens bien. Mais ça fait partie de l’attrait de ce travail. Vous vivez ça, vous savez ? C’est tellement génial. Juste les montagnes russes émotionnelles. C’est épuisant. »