[Analyse] Russell Westbrook – Bradley Beal, une entente parfaite ?
8e de la conférence Est et d’ores et déjà éliminés des play-offs (défaite 4-1 contre Philadelphie), les Wizards ont vécu une saison en demi-teinte, entre blessures, défaites, cluster(s) et remontée fantastique en fin de saison. Si tout n’a pas été rose du côté de la capitale, deux joueurs semblent avoir donné satisfaction aux fans des Wizards : Russell Westbrook et Bradley Beal.
Individuellement, les deux hommes forts des Wizards sortent tous deux une saison statistiquement exceptionnelle : deuxième meilleur scoreur de la ligue, Bradley Beal a réalisé la plus belle saison de sa carrière, compilant 31 points (!) à 48% au tir, presque 5 rebonds et 4 passes, en moyenne, par match. Russell Westbrook, quant à lui, a de nouveau écrit l’histoire en terminant une quatrième (!) saison en triple-double (22 points, 11,7 passes, 11 rebonds) tout en battant le record d’Oscar Roberston, avec le plus grand nombre de triple-double en carrière. Fraîchement arrivé de Houston (contre John Wall et un 1st pick), Russell Westbrook s’est donc bien adapté à l’air de la côte Est, sans doute aidé par ses retrouvailles avec son coach de toujours, Scott Brooks.
Si les saisons des deux joueurs sont donc réussies sur le plan individuel, qu’en est-il de leur connexion sur le terrain ? Si l’on vantait la liaison Wall – Beal, Russell Westbrook a-t-il su faire oublier le meneur dragster John Wall ? Éléments de réponse dans cet article.
Éléments d’introduction :
Minée par les blessures à répétition de John Wall, les Washington Wizards ont dû faire un pari : celui de la progression Bradley Beal, jusqu’alors lieutenant de Wall. Aussi, si sa progression est linéaire, les paliers franchis par Beal l’ont été de manière abrupt, probablement grâce (ou à cause, c’est selon) à l’absence de Wall. Les points forts de Beal ? Ce sont ses drives léthaux, évidemment, mais aussi et peut-être surtout, son jeu off-ball (sans ballon) : Beal demeure un guard shooter dans l’âme, c’est pourquoi il préfère recevoir la balle en mouvement. Fort de ce constat, Beal, n’étant pas un créateur (création d’adaptation en réalité, quand il est trappé par exemple, c’est-à-dire lors d’une prise à deux), a besoin d’avoir à ses côtés, un meneur initiateur d’attaque de niveau élite, comme l’a pu l’être John Wall … et comme l’est Russell Westbrook. Sur le papier, une complémentarité évidente. Et les chiffres semblent le confirmer.
Quand Russell Westbrook est sur le terrain, Bradley Beal tire à 51.3 %, selon NBA Stats. Quand le “Brodie” est sur le banc, Beal ne tire qu’à un petit 43%. Rien d’étonnant quand on connait la qualité de passe de Russ et la qualité de déplacement, ainsi que le sens du jeu, de Bradley Beal.
Toutefois, quand il est servi par Westbrook, Beal tire à 45% (soit en deçà de ses % sur l’ensemble de la saison, 48%) ; avec un 49% à 2 points et un triste 33% à 3 points. Si l’on observe les statistiques de Westbrook quand Beal est à la passe, les statistiques varient certes, mais à la marge (42% au tir quand servi par Beal vs 44, 31 vs 31% à 3 points), des statistiques dont on peut donc difficilement tirer de réelles conclusions.
Sur un plan plus collectif, la présence de Westbrook et de Beal sur le parquet est essentielle pour la franchise de la capitale. En effet, quand les deux hommes sont sur le terrain, les Wizards ont un net rating positif (=différentiel de points marqués et encaissés sur 100 possessions) de + 0.74, comme le montre ce tableau, alors que selon NBA Stats, les Wizards ont un Net Rating de – 1.6 sur l’ensemble saison. Pire, quand le backcourt de DC est sur le banc, les Wizards s’effondrent avec un Net Rating de – 4,12 et un dramatique offensive rating (points marqués pour 100 possessions) estimé à 94.98, soit à peine 95 points marqués pour 100 possessions.
Au niveau des statistiques, il semble que Beal et Westbrook soient meilleurs lorsqu’ils jouent ensemble sur le parquet. Mieux, leur présence rend les Wizards bien meilleurs. Pourtant, dans le même temps, les statistiques tendent paradoxalement à montrer que Russ et Beal ne voient pas leur % au tir augmenter lorsqu’ils se servent mutuellement. Qu’en est-il alors sur le terrain ? Ont-ils développé une forme d’alchimie, au-delà des statistiques ?
Westbrook – Beal, en transition :
Si les Wizards ont la première pace de la ligue (nombre de possessions jouées par match aka le rythme), ce n’est pas pour rien. Ils disposent de ce qui est sans doute le meilleur meneur rebondeur de la ligue en la personne de Russell Westbrook. Véritable rampe de lancement des contre-attaques de Wizards, “Brodie” profite de l’explosivité et de la rapidité de ses coéquipiers, y compris de celle du Panda.
Une de leur force principale, avec cette pace ultra rapide, est de pouvoir se trouver aisément en transition : ici, Westbrook est au rebond, attend le cut (coupe) de Beal et le sert… C’est facile le basket, non ?
Westbrook essaie perpétuellement de faire la passe à BB3 avant que la défense puisse se replacer. Sur cette séquence, on assiste à une petite temporisation de la course de Russ pour attendre que Beal cut pour le alley-oop.
Synthèse de ce qu’on vient de dire :
Westbrook au rebond, accélère, fixe la défense puis attend que Beal cut : panier facile.
Autre situation où Westbrook – Beal excellent en transition : ici, Westbrook se sert de sa gravité pour attirer deux joueurs de Denver. La qualité de passe de Westbrook permet à Beal de cut (grâce au screen de Lopez). Le Panda n’a plus qu’à finir.
Deux joueurs qui ont donc une immense facilité à se trouver en transition, d’où la pace élevée des Wizards.
Qu’en est-il sur demi-terrain ? Se trouvent-ils toujours aussi bien ?
Sur ce clip, les Wizards jouent small ball : avec les 3 guards (Beal, RW et Raul Neto) et Rui Hachimura en tête de raquette, les Pacers sont attirés vers les extérieurs. Westbrook décèle alors la possibilité d’un backdoor (coupe dans le dos du défenseur). Beal le sait, fait mine de se coller à la ligne des 3 points pour cut vers le panier de manière soudaine. Russ a tout lu, et sert Bradley Beal dans le bon timing. Résultat ? gros dunk de Beal.
Venons-en aux systèmes du duo Russ – Beal. En réalité, Scott Brooks n’est pas réputé d’avoir un playbook très étendu. Parfois stéréotypé, souvent minimaliste, le jeu offensif des Wizards n’a pas été flamboyant cette saison. C’est d’ailleurs le GM des Wizards, Tommy Sheppard, qui fait ce constat :
« Nous devons être plus créatifs en attaque, que la balle circule plus. »
Un jeu offensif basique donc, qui se retrouve logiquement dans les connexions sur demi-terrain entre Beal et Westbrook. Mais cela n’empêche pas les deux comparses de parfaitement exécuter les rares systèmes qui composent le jeu des Wizards :
Le système de base du backcourt de la capitale est simple : le pindown, avec un Westbrook en tête de raquette, un screen du pivot et un Bradley Beal qui sanctionne en sortie d’écran. Un système qui convient bien aux deux joueurs, notamment dans la mesure où Beal préfère recevoir la balle en mouvement puisqu’il est et restera un shooting guard.
Variante ici de ce pindown avec un double ball screen avec Len et Rui Hachimura pour Westbrook au départ de l’action qui se transforme en double pindown (mêmes screeners) : Beal se retrouve avec un tir ouvert en tête de raquette. Sanction.
Ici, Beverley lit très bien le pindown en passant au-dessus de l’écran de Lopez. Beal s’adapte grâce à son excellent jeu off-ball. Sanction.
« Spain pick and roll » ici : backscreen de Beal sur Boogie. Boogie fait le bon choix en ne switchant pas, mais les deux joueurs de Houston sont happés par le drive de Russ. Beal se retrouve wide open.
En définitive, peu de variété dans ce que propose le backcourt des Wizards. Beaucoup de tirs en sortie d’écran pour Beal, avec un Russ qui contrôle la pace et qui distribue. D’ailleurs, comme l’indique cette infographie, Beal prend presque 50 tirs en sortie d’écran de plus que l’an passé.
Du pindown, quelques rares spain-pick-and-roll mais bien souvent, de l’isolation : voilà de quoi est fait la liaison Westbrook-Beal sur demi-terrain. En réalité, Westbrook et Beal se trouvent surtout en transition.
Sur le plan défensif, Bradley Beal est un défenseur plutôt neutre. Bien qu’en difficulté parfois lorsqu’il s’agit de switcher, Beal n’est pas particulièrement un poids pour son équipe. Westbrook, lui, est parfois trop “obsédé” par la balle : sur l’homme, il peut être étouffant. Offball (loin du ballon), Westbrook a parfois tendance à oublier son homme, en offrant notamment de nombreux backdoors à ses adversaires.
En somme, deux joueurs véritablement complémentaires, au moins sur le plan offensif. Si les Wizards ont pu faire les play-offs via le play-in, c’est en immense partie grâce à ces deux hommes, qui auront véritablement porté leur équipe. Il s’agit maintenant de voir si, avec un potentiel nouveau coach et un nouveau staff, Beal et Westbrook pourront se trouver plus aisément, et surtout, avec plus de diversité. Quoi qu’il en soit, le backcourt de DC aura besoin d’être mieux entouré si les Wizards veulent devenir, à moyen terme, de véritables prétendants au titre…