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[Analyse] La Stephen Curry dépendance

Les fans des Warriors peuvent sourire, le Chef est de retour. Quasiment privé de la totalité de la saison 2019-2020 (5 petits matchs joués) à cause d’une blessure à la main, Stephen Curry faisait son grand retour cette année, mais sans son Splash Brother, Klay Thompson, de nouveau absent cette saison. Cette fois-ci, c’est le talon d’Achille qui a touché le numéro 11 de Golden State.

La tâche de Baby Face était lourde. Souvent taxé comme incapable de porter une équipe seul, il devait guider une équipe quasiment identique à celle qui a remporté 15 matchs la saison dernière en saison régulière. Seuls changements notables, les arrivées d’Andrew Wiggins puis de Kelly Oubre Jr., venu suppléer la franchise de la Baie après la rechute de Klay.

Statistiquement, la saison de Stephen Curry est plus que réussie. All-Star, 3ème au classement des votes au titre de MVP remporté par le Joker Nikola Jokic, Chef Curry a terminé meilleur marqueur NBA devant Bradley Beal, avec 32 points de moyenne sur la saison, son record en carrière, 1.9 point de plus que lors de sa saison de MVP unanime en 2015-2016. Soit dit en passant, il a planté 62 points sur la tête des Blazers début janvier. Il est seulement le second joueur de l’histoire de plus de 33 ans à terminer meilleur scoreur avec Michael Jordan. Il rejoint Jordan, Wilt ChamberlainKareem Abdul-Jabbar parmi les seuls joueurs de l’histoire à avoir été plusieurs fois MVP, champion NBA et meilleur scoreur sur une saison. En parlant de Wilt Chamberlain, Curry l’a dépassé cette saison au nombre de points marqués avec les Warriors, devenant le meilleur scoreur de l’histoire de la franchise californienne.

Curry a réalisé un mois d’avril historique en réussissant pas moins de 96 tirs à 3-pts, un record sur un mois dans l’histoire de la ligue, tout comme son nombre de matchs à au moins 30 points avec 13, un record sur un mois d’avril et pour un joueur d’au moins 33 ans. Le tout en tournant à 37.3 points à 51.8% dont 46.6% à 3-pts, 6.1 rebonds et 4.6 passes en 15 matchs. Il est devenu le premier joueur de l’histoire à tourner sur un mois calendaire à au moins 35 points à 50/40/90. Son mois d’avril en détails :

Il bat aussi le record de la plus grosse moyenne de tirs à 3-pts par rencontre avec 5.3 alors que le record jusque là lui appartenait avec 5.1 en 2015-16. Ajoutez à cela 5.5 rebonds et 5.8 assists de moyenne par match. Sur l’ensemble la saison, son Player Impact Estimate Percentage (PIE%) est de 18.1 selon NBA Stats, le PIE étant une formule permettant de définir quel est le pourcentage d’actions positives par match effectué par un joueur lorsqu’il est sur le terrain. Un PIE% supérieur à 10 est souvent l’indicateur d’un joueur au-dessus de la moyenne, car celui-ci fera en moyenne plus d’actions positives que les neuf autres joueurs sur le parquet. Avec 18, Curry est bien aussi de cette barre fatidique (son PIE% était de 19.7 en 2015-2016).

Si la valeur individuelle de Curry est plus que démontrée via ces nombreux faits, qu’en est-il de son impact sur le collectif des Warriors ? A-t-il réussi à porter son équipe comme on pouvait l’attendre ? Une fois que Thompson a été victime d’une déchirure du talon d’Achille en novembre, l’empêchant de jouer pour la deuxième année consécutive, la saison reposait entièrement sur les épaules de Curry. Éléments de réponse.

« Je ne sais pas quoi dire d’autre », a déclaré Steve Kerr. « C’est la même chose après chaque match. C’est juste l’émerveillement total devant le niveau de ce gars, son cœur, son esprit, sa concentration. C’est tout simplement incroyable. »

Factuellement, les Warriors ont progressé cette saison, passant d’une catastrophique 15ème place avec un bilan de 15-50 à une 8ème place au terme de la saison régulière en 39-33. Le tout avant d’échouer consécutivement face aux Lakers puis face aux Grizzlies en phase de play-in tournament, malgré des performances à 37 puis 39 points de son meneur. La démonstration de Curry a été telle que certains joueurs ont commencé à déclarer qu’il était sans conteste le MVP de la saison, notamment LeBron James et la star de Memphis Ja Morant, bien que les Warriors aient été classés (seulement) huitièmes.

Parce que oui, statistiquement, l’impact de Stephen Curry sur les performances de son équipe est impressionnant. Sur la saison, les Warriors ont un le 15ème net rating de la la NBA (1.1). Si vous n’êtes pas familier à cette sombre statistique, le net rating est la différence de points marqués et encaissés par une équipe, sur 100 possessions. Plus précisément, ils possèdent le 5ème defensive rating (109.4) et le 20ème offensive rating de la ligue (110.4), c’est à dire qu’ils scorent en moyenne 110.4 points par 100 possessions. Sans Stephen Curry sur le parquet, les chiffres sont tout autres. En plus d’une pace (nombre de possessions jouées par 100 possessions) qui baisse, passant de 103.738 à 98.680 (sur la saison, les Warriors ont la 3ème pace de la ligue avec un score de 102.81), quand le chef n’est pas là, les adversaires dansent. Comme nous pouvons le voir sur ce tableau, quand Curry n’est pas présent sur le parquet, le net rating passe à -0.57 (ce qui en ferait le 20ème de la NBA), l’offensive rating à 104.29 (29ème de la NBA), et le defensive rating 104.86 (le meilleur de la NBA). Dans ce cas précis, les Warriors sont plus que théoriquement la meilleure défense NBA lorsque Curry est sur le banc ou absent, mais c’est offensivement ou le bat blesse. Avec Curry, un net rating de 4.2 ferait passer Golden State à la 7ème place NBA dans ce domaine (ils sont 15ème en réalité), et l’offensive rating à 115.52. C’est sur ce point que l’impact du Chef est le plus frappant : sans Curry, Golden State à la 29ème attaque de la ligue, avec Curry, la 8ème. Au niveau d’équipes comme les Suns ou les Mavericks.

Par quels types d’actions se matérialisent cet impact ? Comment Steve Kerr a mis Stephen Curry dans les meilleures conditions ?

Ce graphique donne une comparaison de provenance des points des cinq meilleurs marqueurs NBA de la saison. Au-delà d’être le joueur de la liste qui score le moins sur la ligne des lancers, Stephen Curry est surtout celui dont les points proviennent le plus de passes décisives, avec un total de 13.5 points par matchs en moyenne. En comparaison, Damian Lillard est à 6.5 points dans ce domaine. Ce n’est pas une tendance uniquement valable à Stephen Curry : les Warriors sont l’équipe qui réalise le plus de passes décisives par match, avec une moyenne de 27.7 cette saison. Les Blazers sont eux la pire équipe dans ce compartiment du jeu, avec 21.3 assists par rencontre. Tous joueurs compris, 67% des points inscrits par les Warriors proviennent d’une assist. Curry n’est y pas étranger. L’infographie ci-dessous dévoile la cartographie des passes de Curry amenant à un tir cette saison (en football, on dénommerait ça « key passes »). Le coéquipier privilégier de « Steph » est Draymond Green, dans le sens du receveur (194 passes) comme du passeur (61 passes), suivi par Andrew Wiggins. Dans une moindre mesure, Curry est aussi lié à la passe vers James Wiseman (34), Juan Toscano-Anderson (34) et Kelly Oubre Jr (57), le plus souvent sur des situations de lob ou de alley-oop. Curry est souvent disponible, tout en restant altruiste quand il a la gonfle.

L’attaque des Warriors repose sur le fait que les joueurs bougent, libèrent des espaces pour que de nouveaux joueurs puissent les occuper. Les passes ont toujours été la potion secrète de l’attaque des Warriors. Steve Kerr veut que la défense adverse bouge, se fasse bouger, de là une pace élevée, comme précédemment évoquée. Parce que la défense adverse en mouvement crée des opportunités. Et les erreurs créent des opportunités de tirs ouverts. Des opportunités dont raffolent les joueurs des Warriors comme Curry, Thompson ou encore Kelly Oubre Jr, quand il est décidé à être fiable à longue distance.

Comme vous le savez, Stephen Curry a l’un des meilleurs jeux sans ballon de toute la ligue. Le jeu de Steve Kerr étant basé sur un mouvement presque perpétuel de ses joueurs, tout est fait pour que Curry puisse se retrouver démarqué, encore plus cette année. Comme le montre ce graphique, le nombre de shoots pris « handoff » (passage de la main à la main de la balle vers un coéquipier, qui va soit prendre le shoot après la prise de balle, soit continuer son dribble) par le Chef cette saison a explosé, au nombre de 163 en 2020-2021. Son précédent pic datait de 2018-2019, avec 76 unités.

Ces tirs « handoff », ce sont des phases de ou la plupart du temps Draymond Green est placé en tête de raquette. Stephen Curry, sans ballon, va venir à hauteur de Green ou tout autre de joueur, et va tirer, le plus souvent à 3 points, en catch-and-shoot, comme sur cet exemple, tiré de la base de données du site de la NBA. Selon Elias Sports Bureau, Green a enregistré 194 passes décisives pour Curry. Les deux joueurs ont joué neuf saisons ensemble et plus d’un quart des passes décisives de Green à Curry en carrière ont eu lieu cette saison. Comme ici face aux Grizzlies, Green va voir avant tout le monde de déplacement de Curry à l’intérieur du jeu et va servir ce dernier, qui va finir avec un « floating jump shot ». Counted and a foul.

Un exemple d’une situation handoff dans ce clip, accompagnée d’un écran de Kent Bazemore. Curry va contourner la défense des Blazers (il marquera 62 points durant ce match) et être servi par Looney qui avait la balle en main :

À la fin de la saison, Looney menait les Warriors avec 197 screen assists (lorsqu’un écran mène à un panier). Draymond Green en avait lui réalisé 192. Ces situations en sorties d’écrans ont aussi beaucoup été utilisées par Steve Kerr, comme face aux Pistons en fin d’année dernière. Ici, Curry va sortir de l’écran de Looney et sanctionner à trois points, après une passe d’Eric Paschall, symbole du jeu sans ballon de Curry :

Cette menace constante a forcé les équipes adverses à prendre à deux voire trois Stephen Curry, et ce durant toute la saison. Fatidiquement, ces prises ont libéré des espaces pour ses coéquipiers.

Sur ce clip, prise à deux sur Curry avec Alex Caruso et Kentavious Caldwell-Pope lors de match de play-in entre les Warriors et les Lakers. Andrew Wiggins, de ce fait laissé seul, va pouvoir attaquer l’espace vers le panier et aller chercher un layup ainsi que la faute après contact. La simple gravité autour de Curry a créé à elle seule (il ne faut pas oublier la bonne passe) une occasion de marquer.

Toujours face au Lakers, toujours lors du play-in, mais scénario et situation différente. Encore une prise à deux sur Curry, ici de Montrezl Harrell et de Dennis Schröder. Juan Toscano-Anderson est donc abandonné au marquage par l’ancien Clipper. Harrell va finalement se raviser et laisser Schröder seul sur Curry, pour aller se repositionner sur JTA. Curry a vu le décalage et sert le rookie des Warriors, qui malgré le retour du grand pivot des Lakers, a le temps de dégainer et sanctionne à longue distance.

Sur ce genre d’action, où le système de Steve Kerr se sert de la gravité que créer Curry, le Chef n’a même pas besoin d’être toujours à la passe, puisque son son équipier favori cette saison, Draymond Green, prend le relai. Dans ce clip dans une rencontre face à Dallas, Maximilian Kleber, Kristaps Porzingis ainsi que Dorian Finney-Smith sont focalisés sur Curry balle en main, qui, voyant cette prise à trois, sert un Green ayant le jeu grand ouvert. Plutôt que d’aller attaquer la peinture, Green décale, toujours vers ce même JTA, qui, wide open, peut terminer l’action à 3 points.

Réelle révélation de la saison, Juan Toscano Anderson a aussi pu dégainer une autre arme utilisée par Stephen Curry : le backdoor. Ici, lors du dernier match de la saison, face aux Memphis Grizzlies, JTA va apporter ce type de solution à l’intérieur du jeu, que l’effectif des Warriors n’offrait que très peu avant l’incorporation de l’ancien des Santa Cruz dans le roster par Steve Kerr. Excepté peut-être Draymond Green (s’il se trouve dans un match où il a les yeux en face des trous), aucun joueur de Golden State n’est capable de faire cette passe à part Curry :

C’est enfoncer une porte ouverte que de dire que Stephen Curry a été indispensable pour Steve Kerr et les Warriors cette saison. Curry aura porté son équipe, via ses innombrables trois points, la gravité qu’il crée ou les caviars qu’il distribue. Si Golden State a pu atteindre le 8ème place cette année ainsi que le play-in tournament, c’est grandement grâce à lui. Sans cet homme, les Warriors végètent aux fins fonds de la Conférence Ouest, avec lui, ils sont playoffables.

Sources :

The Athletic 

The Athletic

NBA Playtype Exploration

NBA Stats

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