Road to the Draft : Markelle Fultz vs Gonzaga
Dans une classe de Draft 2017 prédite comme excellente, où la cuvée de meneurs s’annonce extraordinaire en qualité et en quantité, Markelle Fultz arrive à rafler pour lui le titre officieux de meilleur joueur de ces deux catégories à la fois. C’est vous dire si Fultz est un prospect de très haut calibre, et sans doute le joueur qui sera sélectionné en toute première position de la draft en Juin prochain.
Prédit en tant que tel depuis avant le début de la saison, Fultz n’a pas manqué de confirmer ce statut lorsque celle-ci a commencé. Pour ses premiers pas universitaires, le meneur de Washington s’est amusé avec ses défenseurs, produisant de grosses performances statistiques et des highlights de haut vol contre des équipes d’un niveau moyen. Aussi, ce premier vrai teste contre Gonzaga, classé 5e meilleure équipe du pays, s’avérait comme extrêmement intéressant pour juger le meneur contre une meilleure compétition. Si Fultz n’a pas empêché la très large défaite ni n’a rendu une très belle copie, il ne s’est pour autant pas privé de démontrer ses fabuleuses capacités sur un parquet.
Un des premiers atouts de Fultz, c’est son physique. C’est un scoreur naturel, mais il est suffisamment passeur pour le projeter sur le poste de meneur de jeu, et de ce fait, sa taille (6’4/1m93) qui peut paraître petite pour le poste 2 est en revanche excellente pour le poste 1. Il n’est pas extrêmement explosif, mais son contrôle du corps et sa fluidité de mouvement son tout bonnement fantastiques.
Contre Gonzaga donc, ce fut la première fois qu’il fut réellement testé, à la fois offensivement et défensivement. De manière amusante, son match-up direct se nommait Nigel William-Goss, l’ancien meneur de Washington et meneur lycéen extrêmement attendu (membre de la fabuleuse classe de lycéen 2013 des Embiid, Wiggins, Parker, Randle, Gordon, où il était considéré comme le deuxième meilleur meneur derrière Andrew Harrison). Williams-Goss n’a jamais confirmé son énorme potentiel lycéen (il était une recrue 5 étoiles, le maximum qui soit) à Washington, mais brille en ce moment dans sa vraie-fausse troisième année universitaire chez les Bulldogs, au point d’en faire une des meilleures équipes du pays. Et ce match-là ne fit pas exception à la règle : il réussit à obtenir un panier ou une faute à chaque fois qu’il était défendu par Fultz, et le gêna considérablement en attaque, remportant assez facilement le duel direct, et indirect (victoire +27). Malgré tout, même en étant dominé, Fultz est tout de même arrivé à compiler 25 points et 10 rebonds. Alors même qu’il affrontait pour la première fois de sa jeune carrière une opposition aussi relevée.
C’est particulièrement sur son arme favorite, le jump-shot, que sont apparus quelques défauts conséquents. Sa sélection de tirs fut assez mauvaise sur l’ensemble du match, dégainant trop, de trop loin, beaucoup trop tôt (en début de possession). Si Fultz a d’excellentes capacités dans l’exercice, et arrivait à tout rentrer avant ce match, la défense d’impact de haut niveau de Gonzaga l’a beaucoup gêné. Un fait assez intéressant en vue de son futur en NBA où les défenses sont encore meilleures.
Néanmoins, Fultz demeure véritablement excellent dans l’exercice. Il relâche son tir très haut, grâce à une belle élévation et une belle mécanique, et son toucher de balle est superbe. Plus encore, il a démontré la capacité à scorer par-dessus les défenseurs, même lorsque le tir est très contesté, la qualité des grands joueurs, et un indice encore plus intéressant quant à son futur chez les pros. Il possède de plus une très belle portée de tir et n’a aucun problème pour tirer à longue distance, même en sortie de dribble, ce que l’on demande inévitablement à son meneur de jeu dans la NBA actuelle.
Techniquement parlant, il possède encore quelques petits défauts. Fultz n’est pas toujours bien droit au moment du tir, penché un peu trop vers l’avant ou vers l’arrière, et ne gardant pas bien les pieds dans l’axe du corps. De plus, au moment de s’élever pour le tir, il ne saute pas toujours très droit, et on l’a même vu effectuer une complète rotation du corps sur un de ses tirs, finissant le mouvement presque dos au panier.
Bien qu’il soit un des joueurs les plus créatifs de toute la NCAA en termes de feintes, d’appuis, de dribbles et contrôle du corps, Fultz a eu du mal à générer une belle séparation avec son défenseur lorsqu’il devait se créer son tir. Nul doute que la rude défense de Gonzaga, et le fait qu’elle se soit complètement resserrée sur lui (pas vraiment d’autres bons joueurs autour de lui) n’a pas dû aider. Néanmoins, Fultz en est capable, et même quand il n’est pas arrivé à se débarrasser de son défenseur, il s’est montré capable de lui marquer sur la tête malgré la belle défense.
De manière générale, Fultz a eu beaucoup de mal sur son jump-shot durant ce match, que ce soit au niveau de ses choix de tirs, sa capacité à créer de bons tirs ou sa réussite générale (il termine le match à un mauvais 10/26, avec pas mal de paniers en deuxième mi-temps lorsque le match était d’ores et déjà plié). Cela ne reste qu’un match cependant, et il ne faut certainement pas prendre cette rencontre pour argent comptant et déclarer Fultz comme mauvais dans l’exercice, bien au contraire. Il est d’ailleurs dans le 90% percentile de toute la NCAA sur l’efficacité du tir en sortie de dribble (ie : 90% des joueurs de NCAA ont une efficacité inférieure à Fultz dans ce domaine, Fultz est donc en fait superbement bon), et Draftexpress vient tout juste de publier une vidéo sur ses très belles prouesses, et son incroyable répertoire de tirs en sortie de dribble.
Si l’on ne peut pas en déduire que Fultz est mauvais sur jump-shot, on peut en revanche récolter l’information plus minime mais tout de même importante : face à une excellente défense, Fultz a eu bien plus de mal que d’habitude (90%centile, mais la quasi-totalité de ses matchs furent contre des équipes de seconde zone). Ce n’est pas anodin, et il conviendra de confirmer durant la saison, contre de vraies bonnes équipes, si c’était juste un mauvais match ou bel et bien un indice qu’il a du mal à scorer aussi efficacement contre de meilleur adversaire. Un peu comme D’Angelo Russell lors de sa saison NCAA, en 2015 (superbe contre les petites formations, très discret face aux grosses écuries).
Sur du drive, Fultz n’a pas eu la vie facile dans ce match non plus, mais encore une fois, à trouvé le moyen d’éclabousser de tout son talent la rencontre. Son spin-move est particulièrement utile et efficace, notamment lorsqu’on lui barre la route. Il n’a pas l’explosivité pour dépasser son défenseur sur le démarrage, ou pour exploser jusqu’au cercle plus rapidement que lui, mais il fait preuve de créativité balle en main pour se créer un chemin jusqu’au panier.
Plus encore, et surtout, c’est un finisseur absolument fabuleux. De ce fait, même lorsqu’il n’arrive pas à complètement distancer son vis-à-vis, il arrive quand même à scorer. Son touché de balle (des deux mains) et sa créativité son tout bonnement superbes, et son contrôle du corps remarquable. Il ne fuit pas le contact du tout, et il n’hésite pas à attaquer le protecteur du cercle de plein fouet. Il manque encore de puissance pour régulièrement finir malgré le contact, mais cela viendra, et il compense déjà avec une belle capacité à absorber les chocs et se réajuster dans les airs.
Les comparaisons avec Kyrie Irving sont nombreuses, notamment du fait de ce combo jump-shot/drive, et la capacité de Fultz à scorer sur pénétration. Irving était en revanche déjà plus puissant, et toujours en équilibre durant ses drives, même en NCAA (à l’inverse de Fultz qui termina deux pénétrations en déséquilibre en un peu affecté par les contacts reçus), mais c’est vrai que les deux possèdent ce vrai sens de la finition en finesse. Plus encore, Fultz est un peu plus grand, avec des bras bien plus long (6’9/2m06), et même un peu plus de verticalité.
Son match fut également assez convainquant du point de vue de la distribution. Fultz est d’abord et avant tout un scoreur, mais se montre altruiste et capable de distribuer le jeu correctement. On l’a vu réaliser la passe simple régulièrement, créer sur pénétrations deux ou trois fois, délivrer de bonnes passes sur Pick & Roll et même mener la contre-attaque et trouver le joueur ouvert. Son timing et sa précision de passe sont encore légèrement perfectible, mais on sent clairement la fibre du vrai meneur de jeu, assez patient, qui joue dans le flow, et ne force pas les choses.
Il n’a pas démontré une extraordinaire créativité, mais il est important de noter que la défense était très resserrée autour de lui, l’empêchait de s’exprimer pleinement, et qu’il ne possède pas de très bons coéquipiers (qui n’ont su transformer que peu d’occasions qu’il leur a créés). Il manqué çà et là deux coéquipiers ouverts, et fait un mauvais choix, mais de manière générale son jeu de passe fut très satisfaisant.
Globalement, au-delà des superbes qualités démontrées, Fultz n’a pas produit son meilleur match offensif de la saison (de manière logique). Il fut sans doute un peu trop passif en première mi-temps, déléguant trop les ballons et tentant trop de faire tourner une attaque sans queue ni tête, au lieu de réclamer la balle et prendre les choses en main alors que Gonzaga commençait à prendre de la distance pour ne plus jamais être rattrapé. Cela va être très compliqué de juger la saison de Fultz et ses performances, tout comme il sera compliqué pour lui de pleinement montrer son talent. L’équipe autour de lui est très moyenne, le basket pratiqué est pauvre (jeu trop simpliste, trop d’iso, pas assez de mouvements, des joueurs égoïstes), autant dire le pire environnement possible pour un meneur d’évoluer. Preuve en est : Washinton est à 4 victoires et 5 défaites, avec un calendrier très facile pourtant. Ce n’est d’ailleurs pas impossible que Fultz, tout comme Ben Simmons l’an passé, manque le tournoi de la March Madness.
Défensivement, Fultz montra principalement de mauvaises choses malgré un assez bon potentiel. Il possède de bons atouts physiques et une bonne vitesse latérale, mais ses fondamentaux, sa technique et son niveau d’effort furent insuffisants. Sur l’homme, il fut souvent pris dans les écrans (ne tentant pas de les traverser de la bonne manière), et autorisé quelquse pénétrations. Gonzaga et William-Goss l’ont bien compris d’ailleurs, et ne se sont pas privé pour l’attaquer souvent là-dessus.
Loin du ballon, son attention fut aléatoire. Il fut quelques fois hors de position (laissant un ou deux shoots ouverts, réagissant en retard) et ne fit pas preuve d’une très bonne intensité de jeu (en transition notamment, il s’est fait prendre par deux fois du fait de ne pas défendre correctement dès le début de l’action). Encore une fois, tout cela est à relativiser vu le niveau de l’équipe autour, l’effort offensif qu’il doit fournir, et le fait que très vite ce match a viré à l’avantage des Bulldogs, de quoi décourager à faire des efforts pour revenir vu la rapidité avec laquelle Gonzaga a pris 10, 15 et 20 points d’avance.
L’un dans l’autre, Fultz est arrivé à briller sur un match où il fut pourtant en grande difficulté. C’est dire le niveau de talent du bonhomme. Il faut prendre cette rencontre pour ce qu’elle est : un premier vrai test, un peu raté. Ni plus (rien de catastrophique), ni moins (ses performances contre les gros sont à surveiller de près sur le reste de la saison). Même s’il a manqué de réussite, Fultz est tout de même arrivé à montrer sur ce match qu’il peut être en NBA un excellent jump-shooteur, un excellent slasher, un bon passeur, et un bon défenseur (avec plus d’envie et d’expérience). Bien que l’explosif Dennis Smith Jr aura sans doute le temps d’essayer de lui prendre, le premier choix de la draft 2017 semble pour l’instant entre les mains de Markelle Fultz.
Guillaume (@GuillaumeBInfos)