[Interview] Kyrie Irving : « Trop d’équipes tombent dans le piège des Warriors »
Les Celtics ont aligné une 13ème victoire d’affilée à Brooklyn dans la nuit de mardi à mercredi (109-102). Inespéré après la perte de Gordon Hayward pour un an, et de quoi faire jubiler Kyrie Irving, qui avait plaqué les Cavs cet été.
Kyrie, qu’as-tu ressenti sur ce coup au visage vendredi dernier ?
Au début j’étais un peu déboussolé. Ce coup m’a pris complètement par surprise. C’est arrivé de manière tellement inattendue. Je n’ai pas été frappé comme ça depuis un bail, genre jusqu’à ce que mon nez commence à saigner…. Se faire cogner par Aron Baynes, c’est pas la joie ! Mais ça fait partie du jeu. Quand ce genre de chose arrive, c’est un moindre mal. Tu ne veux surtout pas avoir une commotion cérébrale et te retrouver à l’arrêt pour plus longtemps que prévu. Evidemment, on a pris toutes les précautions. J’ai fait tous les tests pour voir si je n’avais pas de maux de têtes ou ce genre de chose, des douleurs persistantes (il a d’ailleurs manqué le match de dimanche contre les Raptors). C’est vraiment une bonne chose que ce soit resté assez isolé, juste là sur mon visage.
Ça ne doit pas être très sympa comme sensation quand même…
Oui, en plus ma fille m’a mis un coup exactement au même endroit, direct ! J’avais pratiquement les larmes aux yeux. J’ai dû faire de mon mieux pour ne pas pleurer devant elle ! J’étais genre : « oh mince bébé ! ». Elle m’a mis un coup au même endroit, juste après que ce soit arrivé… Je suis rentré à la maison (ce qui lui avait été recommandé dès la mi-temps), j’ai essayé de la mettre au lit et elle m’a donné un coup à cet endroit-là par accident.
Tu le sens encore aujourd’hui ?
C’est juste mes sinus en gros. Je ne peux sûrement pas crier autant que je ne le voudrais. C’est une fracture au visage, sous l’œil. C’est inconfortable mais ce n’est pas comme si je n’avais jamais senti ce genre de douleur. Je suis tombé la tête la première une fois, je me suis cassé le nez, j’avais le septum (la cloison nasale) dévié… Tu veux toujours essayer que ce ne soit pas trop moche derrière mais bon, ça devient de plus en plus dur si je continue de jouer toujours plus agressivement.
« Les gens sont dingues de l’homme masqué sur les réseaux »
Effectivement, tu avais déjà été blessé au visage aux Cavs, es-tu habitué à porter un masque du coup ?
J’ai vraiment horreur de le porter, mais bon, apparemment les gens en sont dingues sur les réseaux sociaux. Genre c’est « l’homme masqué ». J’ai compris que ce masque me protège, alors je vais le mettre pour quelques semaines et retourner aux affaires. J’avais surtout envie d’être sur le terrain avec ces gars-là. Sur les derniers matchs, on a montré qu’on avait énormément de caractère. Je suis vraiment fier de ce que l’on a fait et j’avais vraiment hâte de repartir à l’assaut avec ces gars-là. J’espérais juste ne pas me prendre un coup de coude par un coéquipier cette fois !
Aron Baynes a dû se sentir mal…
Non, je lui ai dit qu’il n’avait pas besoin de m’envoyer un panier de fruits. Il a essayé d’aller chercher le contre sur Kemba Walker. J’aurais dû juste l’envoyer vers l’intérieur et dégager de la route. C’est plus ou moins ma responsabilité. Je n’aurai pas dû me retrouver sous le panier.
Quel regard portes-tu sur votre série de victoires ?
C’est une série absolument incroyable. Et là la presse commence à s’enflammer : « qu’est-ce qui va se passer quand les Warriors viennent à Boston jeudi ? », tout ça… Quelque part je suis un peu pressé de voir tout ce cirque, mais nous on doit se concentrer, le prendre comme une nouvelle façon de s’améliorer, de rester ensemble, de montrer notre résilience et de quoi nous sommes faits. C’est à cela que l’on reconnaît les vrais compétiteurs et on en a certainement plusieurs dans cette équipe. Les Warriors sont champions en titre, nous on essaie de se surpasser et d’aller gagner un titre. On a donc une longue route devant nous…
Comment pouvez-vous continuer sur cette belle lancée ?
Il faut que l’on reste constant dans notre approche. Ne pas oublier de préparer les matchs les uns après les autres. Continuer à se battre, surtout en défense. En attaque, on n’a probablement pas joué nos meilleurs matchs récemment, mais on continue de se battre et on reste ensemble.
« Trop d’équipes tombent dans le piège des Warriors »
Quel est la plus grosse différence entre vous et Golden State ?
C’est l’expérience surtout. Nous on vient de se mettre ensemble, eux ils ont déjà établi une culture là-bas : courir pour prendre des 3 points rapides, attaquer le panier, faire l’extra-pass… On a vu le nombre de matchs où ils ont plus de 30 passes décisives. Ils bougent la balle d’un bout à l’autre du terrain, ils sont très collectifs et ils ont des gars vraiment spéciaux dans leur effectif. Pour nous l’idée c’est juste rester les pieds sur terre, dicter notre manière de jouer et maîtriser le tempo. Il ne faut pas chercher à changer son jeu pour eux. Trop d’équipes tombent dans ce piège et deviennent impatientes. Contre une équipe à ce niveau, qui peut être championne, il faut rester patient, rester dans notre stratégie et en tirer le maximum.
Y a-t-il un peu de piquant contre eux ?
C’est toujours sympa de se mesurer à leurs meilleurs défenseurs. Pour moi c’est Klay (Thompson). C’est toujours lui qui me garde. Au niveau collectif, j’ai même vu tout un triangle de 3 joueurs parfois, pendant les finales. Avec un joueur qui veut m’envoyer sur un autre et un troisième qui se met à l’opposé au cas où… J’ai une certaine expérience de leurs stratégies à travers les dernières années.
Est-ce difficile de ne pas répondre du tac-au-tac quand on a ton talent offensif et que l’on voit un adversaire commencer à enchainer ?
Les joueurs vraiment spéciaux, ils trouvent la manière de le faire tout en restant dans le système. Sans en sortir. Après, il y a forcément des moments où tu te sens dans un duel. Quand tu te retrouves face à face avec un grand joueur, tu te dis que tu aimerais bien marquer plus que lui, faire plus de passes, prendre plus de rebonds… Mais au final, c’est l’excitation qui compte et c’est pour ça que je suis impatient de les rencontrer.
« Brad Stevens prépare toujours un super game-plan »
Cette série doit vraiment t’inspirer en tout cas, non ?
C’est mon meilleur début de saison ! Je ne suis pas avec eux depuis longtemps, mais je suis certain que pour la plupart de ces gars, c’est aussi leur meilleure entame. Je pense qu’on profite juste au maximum des moments que l’on a ensemble et qu’on se donne une chance de continuer à s’améliorer. C’est un peu l’innocence qui caractérise notre équipe aujourd’hui. On sait aussi que l’on peut tous compter les uns sur les autres et que l’on va toujours se battre, que l’on soit devant au score ou menés. On restera toujours sur notre route. En plus Brad (Stevens) fait toujours un super game-plan et on n’a plus qu’à appliquer les consignes du coup.
Désolé de revenir dessus mais bon : ça ne te ravit pas ce masque, si ?
Bah en fait je ne veux juste pas avoir un bout de plastique sur mon visage, déjà. Cela fait une sacrée différence. C’est comme avoir constamment de la buée dans les yeux. Quand je l’enlève, je peux tout bien voir, et quand je le remets je ne vois pratiquement qu’en face de moi, ma vision latérale est pratiquement hors-circuit du coup. Il faut s’y habituer, c’est comme ça.
Certains voulaient te voir porter le masque noir…
Alors, je vais te dire la différence avec le masque noir. Un de mes coéquipiers me l’a demandé d’ailleurs… La différence, c’est qu’ils ne recevraient jamais la balle (rires) ! Ils me faisaient genre : « ah ouais Kyrie, il faut vraiment que tu mettes le masque noir » et tout. Et moi je leur ai dit : « yo, en fait j’ai marqué autant quand je l’avais parce que tout ce que je pouvais voir c’était l’arceau ! ». Si j’attaquais le panier, une grosse partie de ma vision périphérique foutait le camp et je ne voyais que ce que j’avais en face de moi. Du coup je ne pouvais viser que le panier, et encore, j’étais content quand je le voyais quoi ! C’est ça la vérité avec le masque noir. Donc j’étais content de pouvoir porter le transparent. Je leur ait dit à mes coéquipiers qui me chambraient un peu : « Oh, les gars, c’est un signe de gratitude que je vous fais là ! ».