Analyse Vidéo : Andrew Wiggins est-il le nouveau Rudy Gay ?
Le phénomène Andrew Wiggins fait enfin ses premiers pas en NBA. Au cours de ces dernières années le Canadien n’a eu cesse d’attirer à lui les critiques, positives comme négatives, mais aussi les comparaisons. Décrit comme le nouveau LeBron James, d’autres fois comme une deuxième version de Kevin Durant, la meilleure comparaison entre l’ancien Jayhawk et un ailier actuel de NBA ne serait-elle pas Rudy Gay finalement ? Un petit retour dans le passé rendu possible par les anciens articles de Draftexpress (référence absolue en matière d’évaluation de prospects) montre en effet énormément de similarités entre le Timberwolf et le prospect NCAA qu’était Gay au moment de sa draft en 2006.
Jetons un coup d’œil à leur profil.
Guillaume (@GuillaumeBInfos)
(L’article original date du 3 Mars 2006, quelques mois avant la draft et lorsque Rudy Gay évoluait encore aux UCONN Huskies en NCAA)
Physique
« Véritable machine à stats au potentiel de premier choix de draft, Rudy Gay est sans aucun doute le joueur aux qualités athlétiques naturelles les plus impressionnantes de tout le championnat universitaire. C’est tout bonnement impossible de ne pas être excité à son sujet en le voyant jouer.
Gay possède des mensurations physiques idéales pour un ailier NBA, étant doté d’une taille (6’9/2m06) et une envergure (7’3/2m21) dignes d’un ailier fort tout en ayant la mobilité et l’agilité d’un arrière. »
Pour Andrew Wiggins également, ses qualités physiques et athlétiques sont à l’origine de l’énorme hype qui l’entoure. Au-delà de ses très belles mensurations (6’8/2m03 et 7’0/2m13 d’envergure), Wiggins est lui aussi un athlète explosif monté sur ressorts qui a prouvé à maintes reprises sa capacité à pouvoir jouer bien au-dessus du cercle.
Slashing
« C’est d’abord et avant tout dans ses incroyables qualités athlétiques que réside l’essentiel de son potentiel en pénétration. Il est incroyablement explosif et possède une superbe détente verticale, décollant très rapidement du sol tout en pouvant monter très haut. Une fois dans les airs, il semble même pouvoir y rester pendant des jours. Son énorme envergure de bras et son explosivité en font en toute logique un dunkeur ultra spectaculaire, apparaissant on ne peut plus régulièrement dans les highlights de la semaine.
Gay est cependant beaucoup plus qu’un simple dunkeur. Il est extrêmement créatif dans sa finition autour du cercle que ce soit au moyen d’un très joli floater dans la peinture, d’un scoop shot parfaitement dosé ou de lay-ups difficiles en se servant de la planche à bon escient. Il n’en finit plus de surprendre de par sa volonté de finir dans la peinture, et possède absolument tous les ingrédients nécessaires pour devenir encore bien meilleur dans ce domaine. »
De la même manière que pour l’ancien Huskie, Wiggins n’est pas encore un slasher accompli mais possède la marge de progression pour le devenir du fait lui aussi de sa dimension physique. Doté d’un excellent premier pas, il se rend au cercle au moyen de très longues enjambées (parfois même, seules deux ou trois suffisent pour aller depuis la ligne des trois points jusqu’au panier). En revanche, Wiggins est à l’heure actuelle en retard en terme de finition au cercle par rapport à ce que pouvait être Gay à l’époque.
Son toucher de balle est en effet beaucoup moins impressionnant et apparait même plutôt frustre de manière générale, limitant ainsi grandement sa palette de finisseur. Beaucoup moins créatif, Wiggins doit encore apprendre à mieux se servir de la planche pour augmenter considérablement l’amplitude d’angles différents avec lesquels il peut conclure au cercle. Pas très efficace dans le trafic, il peine à bien doser ses scoop shots au cercle, et ne possède à l’heure actuelle pas l’ombre d’un floater fiable pour scorer dans la peinture à quelques mètres de l’arceau ou par-dessus des protecteurs de cercle.
De ce point de vue-là, Wiggins reste un cran au-dessous du Rudy Gay de 2006, étudiant universitaire sur le point de se faire drafter. Là où Gay présentait de très belles qualités de finition avec en plus une certaine marge de progression dans le domaine, le canadien a lui du mal à tout simplement se montrer efficace pour terminer ses drives lorsqu’il n’a pas la possibilité de monter au dunk. Son 54% de réussite au cercle est à premier abord moyen sans être catastrophique, mais il devient mauvais quand on se rend compte qu’il prend en compte un nombre important de « high percentage look » (dunks, alley-oops, paniers ouverts en transition, etc.).
Pour pleinement exploiter son énorme potentiel en pénétration, les progrès qu’il fera (ou non) en finition au cercle seront réellement déterminants. Si son envergure de 7 pieds de longs est largement suffisante (LeBron James, par exemple) même si pas aussi massive que celle de Gay, c’est en revanche son toucher de balle et sa créativité qui laissent le plus de doutes quant à son potentiel de finisseur, du fait tout simplement que ce ne sont en général pas des compétences qui s’améliorent en un claquement de doigts.
A terme cependant, on peut espérer le voir franchir allègrement la barre symbolique des 60% de réussite au panier, voire même flirter avec les 70% dans le tout meilleur des cas, du fait de sa taille et de sa verticalité.
« Le jeu en transition reste le domaine où Gay reste le plus redoutable, affichant une aisance et une fluidité impressionnante. Sa vitesse en fait une véritable terreur sur contre-attaque et il est bien souvent impossible pour le défenseur de rester en face de lui si Gay possède suffisamment d’espace pour opérer. Son premier pas est tout simplement phénoménal et c’est clairement sur transition qu’il tire le plus profit de ses très longs bras et de son explosivité. »
Pour Wiggins également, le jeu en transition reste son domaine de prédilection. Sur terrain ouvert, l’ancien Jayhawk pouvait en effet laisser parler toute sa rapidité et son explosivité pour aller d’un bout à l’autre du terrain en une fraction de secondes, mettre son défenseur dans le vent à coup de longues enjambées et s’offrir de bons tirs au panier.
« Son ensemble de qualités basketballistiques reste en retard par rapport à ses capacités physiques et athlétiques, et il a parfois du mal à répondre aux immenses attentes placées en lui causées par la hype extraordinaire qu’il reçoit depuis ses années High School.
Malgré le fait qu’il soit un athlète exceptionnel, Gay n’est pas toujours capable d’en tirer profit ni ne sait très bien s’en servir, particulièrement sur du jeu placé. Sa qualité de dribble n’est malheureusement pas au niveau de son premier pas phénoménal, et il ne sait pas réellement comment créer régulièrement et efficacement de l’espace pour lui-même en sortie de dribble. Il se repose sans doute trop sur sa dimension athlétique plutôt que sur une palette de moves créatifs que possèdent les meilleurs ailiers afin de mettre dans le vent leur défenseur ou de le désorienter. Que ce soit des feintes de corps, de tête, ou des petites hésitations pour s’ouvrir un peu d’espace.
Sa taille semble lui faire défaut plus qu’autre chose au niveau universitaire, du fait qu’il expose le ballon aux plus petits arrières qui défendent sur lui dans le périmètre, et également du fait qu’il ne sache pas encore comment utiliser sa flexibilité pour conserver un centre de gravité suffisamment bas. Ses coachs en NBA devront sans doute veiller à le faire travailler là-dessus, être plus fluide et rester moins haut sur ses appuis pour mieux tirer profit de son contrôle du corps (qui demeure moyen pour le moment). »
C’est là-dessus que l’on peut observer de grandes similarités entre les deux jeunes joueurs. Tout comme Rudy Gay à l’époque, Andrew Wiggins peut encore bien mieux exploiter ses ressources physiques et athlétiques, ce qu’il est encore incapable de faire notamment du fait de cette même tendance à rester trop rigide. Il ne sait pas encore descendre sur ses appuis, évoluer plus proche du sol et mieux se servir de son corps (par exemple abaisser son épaule et l’enfoncer dans la poitrine de son défenseur pour s’ouvrir un chemin). Son contrôle du corps semble réellement excellent les quelques fois où on l’a vu tenter d’être créatif pour se rendre au cercle (notamment un spin move assez intéressant). Mais c’est de fluidité de mouvement qu’il manque à ce stade-là, et qu’il ne pourra malheureusement pas acquérir tant qu’il ne sera pas plus à l’aise qu’il ne l’est actuellement balle en main.
Wiggins demeure à l’heure actuelle un simple straight-line driver et ne joue qu’à une seule vitesse, et devrait également apprendre à varier vitesse et direction tout comme acquérir une palette de moves plus créatifs pour ne pas se reposer uniquement sur son premier pas ou sur sa dimension athlétique.
Dans le meilleur des cas, Wiggins possède le potentiel pour devenir aussi extraordinaire que Kevin Durant en pénétration, un très grand ailier longiligne à la qualité de dribble et aux changements de vitesse/direction bluffants, se servant à merveille de ses longs bras pour conclure au cercle. Il y a peu de chances pour que Wiggins progresse jusqu’à arriver à ce niveau-là (du fait notamment qu’il n’ait pas les phénoménales qualités de finisseur ni le touchdf de balle du MVP 2014), mais Durant a démontré avec OKC à quel point ce profil-là de slasher peut être extrêmement embêtant à défendre efficacement.
Tout comme pour Gay, sa précocité physique et athlétique a nourri depuis quelques années déjà chez Wiggins une hype assez énorme à son sujet. Le bilan que l’on peut tirer de sa courte aventure universitaire est la même que pour Gay : assez mitigée. Wiggins n’a pas su répondre aux attentes (certes, quelque peu démesurées) placées en lui de manière générale et est resté un phénomène physique plus qu’un véritable joueur phénoménal. Malgré des progrès nets durant tout le long de la saison, ses qualités basketballistiques demeurent encore assez en-dessous de sa dimension athlétique.
« Même si sa charpente reste superbe (grande, longue, longiligne) il pourrait encore largement la consolider et ajouter quelques kilos de muscles supplémentaires pour mieux faire face à la physicalité d’un tout autre niveau de la grande ligue. »
On pourrait certainement dire la même chose d’Andrew Wiggins. Une fois sa belle carrure remplie et fortifiée de quelques kilos de muscles nécessaires, il pourra bien mieux résister aux contacts et terminer malgré eux. De même, s’il arrive très bien à se rendre sur la ligne des lancers francs, il lui arrive encore régulièrement de reculer devant le contact ou de ne pas franchement le provoquer. Les équipes NBA craindront certainement bien moins ses qualités athlétiques que ne pouvaient le faire les formations universitaires (qui de ce fait préféraient commettre la faute sur lui avant qu’il ne leur « explose sur la tête »), et certainement qu’un physique plus épais devrait l’aider face à la dimension athlétique nettement supérieure de la grande ligue.
Shooting
« Gay a fait admirer par moment un jeu complet dans le périmètre, avec un superbe footwork, des spins moves et une belle volonté pour créer son tir en sortie de dribble, particulièrement lorsqu’il part sur sa droite. Sa mécanique de tir est tout simplement magnifique, possédant une belle élévation sur son jump-shot et relâchant son tir très haut. Lorsqu’il à l’occasion d’établir ses appuis, Gay a démontré la capacité à rentrer avec aisance des trois points aux distances NBA, ou parfois même plus. Même s’il n’est pas excellent lorsqu’il est forcé de dégainer en sortie de dribble, il est meilleur à longue distance que ses chiffres ne semblent l’indiquer.
Son jeu à mi-distance nécessite encore beaucoup de travail cependant. Du fait qu’il soit un athlète à ce point incroyable, Gay peut obtenir un tir semi –ouvert dans le périmètre simplement sur un rapide dribble ou deux puis en s’élevant haut sur le jump-shot. Plus encore, durant la première partie de la saison il a montré une tendance à abuser de cette arme de son jeu, se contentant bien trop souvent de longs fadeaway qui ne faisait pas parti des systèmes offensifs mis en place. Ce n’est pas une facette de son jeu où il est extrêmement poli pour le moment, ce qui affecte directement ses pourcentages de réussite générale comme à longue distance. Un problème majeur pour UCONN jusqu’à ce que Gay décide à corriger de le tir et à épurer son jeu pour jouer de nouveau sur ses forces, à savoir plus particulièrement son jeu à moins de 15 pieds du panier. »
De son coté, Andrew Wiggins possède également une très bonne mécanique de tir, même si sans doute un peu moins fluide et naturelle que ne pouvait l’être celle de Gay. Le Canadien partage également en commun avec l’ancien Grizzli la capacité de pouvoir relâcher son tir très haut du fait de sa taille et de ses longs bras, là où il est difficile pour le défenseur de contester le tir efficacement. C’est d’ailleurs cette caractéristique qui semble prodiguer à Wiggins l’essentiel de son potentiel dans l’exercice : s’il arrive à trouver une fiabilité dans son jump-shot il peut faire de cette aisance à pouvoir shooter par-dessus les défenses (dans la mi-distance notamment, à la Kevin Durant) une arme on ne peut plus redoutable de son répertoire. On peut cependant relever la présence dans son jeu un stepback plutôt rapide et prometteur, même si peu utilisé à Kansas, certainement un élément qu’il serait très intéressant de développer par la suite.
Il faut néanmoins noter que Wiggins n’est pas encore capable de se créer régulièrement et efficacement son tir. Son manque de fluidité de corps (là encore, il ne descend pas assez sur ses appuis) et de maîtrise du dribble l’empêche de pouvoir créer de l’espace pour son propre tir, et à la manière de Gay à l’époque le 1 ou 2 dribble pull-up représente à l’heure actuelle son grand maximum en terme de création de son propre tir.
Plus encore, Wiggins a lui aussi montré l’an passé à Kansas une vilaine tendance à se contenter un peu trop de longs jump-shots plutôt que de se montrer agressif et d’aller chercher ses points en pénétration. Plus particulièrement, ce sont les longs-deux ou les trois points en sortie de dribble dont il a semblé abuser un peu toute la saison, sans vraiment chercher à corriger le tir.
Playmaking
« Gay est un excellent coéquipier, démontrant tous les fondamentaux qui laissent à penser qu’il devrait un jour pouvoir atteindre son potentiel maximum. Extrêmement altruiste, c’est un excellent passeur qui possède une bonne vision du terrain de par sa taille ainsi qu’une bonne compréhension du jeu, sachant mettre ses coéquipiers dans de bonnes dispositions pour scorer que ce soit dans le périmètre ou à l’intérieur. Il se montre enclin à réaliser l’extra pass, parfois même à l’excès. »
Andrew Wiggins n’est lui pas encore un passeur aussi accompli à ce stade-là de son développement. Ce n’est pas qu’il n’est pas volontaire, bien au contraire, se montrant même lui aussi altruiste à l’excès jusqu’à un point où sa volonté à ne pas être assez égoïste faisait défaut à son équipe. Mais il ne possède tout simplement pas de bons instincts de passeur, ni les qualités techniques pour performer dans l’exercice à l’heure actuelle. Sans même parler de son sens du jeu assez moyen ou de son incapacité à pouvoir créer en sortie de dribble (P&R, pénétration, transition), Wiggins a parfois du mal à réaliser la passe simple, à lire correctement les défenses ou reconnaître une situation de jeu. Il est certes encore très jeune, mais demeure sans doute en retard sur cet aspect-là, et c’est définitivement quelque chose qui sera intéressant de suivre de près d’ici les deux, trois à quatre prochaines années.
Défense
Défensivement, Gay possède un superbe potentiel de par sa taille, son envergure et ses appuis extrêmement rapides. Son attitude n’est pas ce que l’on pourrait attendre d’une star universitaire, ne s’économisant pas, étant enclin à batailler et réaliser des « hustle plays » pour le bien de l’équipe. Gay couvre une quantité de terrain énorme en un temps très court, ce qui lui permet de retrouver position très rapidement et être une réelle menace pour surgir depuis le côté faible et contrer les tirs au cercle. Il a de très bonnes mains et un bon flair pour créer des interceptions comme des contres. Non seulement de démontrer la capacité à être un superbe défenseur, Gay a en plus fait admirer une vraie volonté d’étouffer son vis-à-vis par moment, même s’il peut s’avérer irrégulier dans ce domaine.
Gay est souvent assigné à défendre des joueurs bien plus petits que lui, les ailiers universitaires pointant en moyenne à tout juste 6’6/1m98 de haut. Il a laissé voir quelques soucis pour défendre ces plus petits joueurs, n’allant pas assez bas sur ses appuis dans sa posture défensive et ne pouvant donc pas tirer profit de sa vitesse latérale pour rester toujours en face de son attaquant. Il doit continuer à engranger de l’expérience en terme de défense dans le périmètre mais possède un remarquable potentiel dans ce domaine-là du jeu.
La défense demeure à n’en pas douter l’aspect du jeu où Wiggins est le plus à son avantage, étant déjà très compétent dans l’exercice et ayant même une marge de progression restante encore conséquente. Indéniablement, c’est ce potentiel défensif qui en grande partie a fait la différence entre lui et Jabari Parker au moment de décider qui devait être le premier choix de la draft.
Sa combinaison de vitesse, taille, envergure et mobilité lui confère une polyvalence on ne peut plus intéressante en défense sur l’homme, qui devrait même devenir encore meilleure et complète une fois qu’il aura ajouté du muscle à sa charpente et aura la capacité de mieux résister aux contacts face à des ailiers costauds. Contrairement aux phases de jeu offensives, Wiggins sait déjà plutôt bien descendre bas sur ses appuis de ce côté-là du terrain pour être en bonne posture défensive, mieux coulisser latéralement et ainsi défendre efficacement de plus petits et rapides joueurs. A l’inverse du Rudy Gay de 2006 donc. Il n’empêche que Wiggins partage cependant avec Gay quelques-uns des défauts énumérés, à savoir un manque de connaissances (on ne peut plus normal pour son âge) et de discipline défensive pour réellement exceller dans le périmètre, ainsi qu’un moteur parfois inconstant.
Loin du ballon en revanche, Wiggins n’a pas démontré les mêmes instincts que le jeune Huskie de l’époque. En effet, c’est un défenseur encore très moyen sur aide défensive, qui doit encore apprendre beaucoup sur comment aider dans le bon timing, de la bonne manière, reconnaître les situations où il faut aider et celle où il ne faut pas, être plus attentif et discipliné, etc. Là encore, rien d’alarmant à ce que son QI défensif soit aussi moyen à son âge, c’est généralement le cas pour tous les joueurs de cet âge-là (sauf exception, Aaron Gordon par exemple). Il a d’ailleurs montré de nets progrès durant toute la saison dernière sous les ordres du très bon Bill Self à Kansas, passant de défenseur carrément passif en début d’année à un joueur volontaire (même si maladroit) en fin de saison. A terme, on peut espérer le voir devenir un défenseur complet, capable de faire les bonnes rotations défensives, ou même de protéger le cercle et de jouer les lignes de passe avec une meilleure anticipation qu’actuellement.
Mentalité
« Gay peut passer de longues séquences de jeu sur le terrain sans réclamer le ballon. Quand il se trouve dans cet état d’esprit là, il a tendance à camper dans le corner en se faisant oublier au sein des systèmes offensifs d’UCONN, à moins que l’action appelée ne lui soit destinée. Son jeu sans ballon n’est pas satisfaisant pour le moment, et comme beaucoup de joueurs de son âge son moteur et son niveau d’effort peuvent être très inconstants par moment.
Une des principales questions que devront se poser les GM de NBA est de savoir s’il possède ou non un killer instinct. Tôt dans la saison notamment, Gay s’est montré très irrégulier d’un match à l’autre voire même d’une mi-temps à une autre. S’il commence un match discrètement, bien souvent il finit par trop réfléchir pour finalement en arriver à se démotiver.
Dans le pire des cas, Gay alterne entre essayer de faire beaucoup trop ou ne rien faire du tout. Forçant carrément les choses en voulant prouver sa valeur et justifier la hype à son égard, ou à l’inverse n’étant pas un facteur du tout dans le jeu d’un côté comme de l’autre du terrain. Sa force et sa dureté mentale demeurent de réelles interrogations et beaucoup de questions persistent quant à sa capacité ou non à pouvoir atteindre son incroyable potentiel et être un go-to-guy, leader offensif et une superstar légitime en NBA. Cela paraît évident qu’il prend du plaisir à jouer au basket, mais cela reste encore à voir s’il aime réellement et est vraiment passionné par le jeu.
La pression de devenir une superstar qui pèse sur ses épaules est énorme, et Gay n’a pas toujours été capable de se montrer au niveau et de justifier sur le terrain ces immenses attentes, ce qui d’ailleurs a fini par lui rajouter encore plus de pression. Son sens pour le jeu est décent à ce stade là, mais certainement pas superbe. Quelque chose qui peut aussi se dire de sa dureté physique et mentale. Il pourrait sans aucun doute grandement profiter d’une année supplémentaire en NCAA pour engranger plus d’expérience et continuer de développer son jeu, mais il est très peu probable que cela arrive. »
Ici aussi, de grandes similarités apparaissent entre les deux étudiants universitaires. Le Andrew Wiggins actuel, tout comme le Rudy Gay de UCONN ont pour eux d’avoir été sous le feu des projecteurs très tôt du fait de leurs atouts physiques et athlétiques hors du commun. Mais l’un comme l’autre n’ont pas toujours (au niveau NCAA) su répondre aux énormes attentes placées en eux.
On a rarement (pour ne pas dire jamais) vu Andrew Wiggins tenter de trop faire. On ne l’a jamais vu tout essayer, à tort, pour tenter de justifier la hype comme Gay l’a fait de son temps. C’est peut être une bonne chose, de ce fait le risque de le voir du coup se développer en une deuxième version du Rudy Gay actuel (qui force les choses, arrose bien trop par moment, a la gâchette facile, etc.) semble du coup moindre.
En revanche, ce qu’on a bel et bien vu toute la saison c’est un Andrew Wiggins qui se fait oublier de la même manière qu’est décrit Rudy Gay en 2006. Trop altruiste, pour ne pas dire bien trop passif carrément, Wiggins n’a clairement pas assez pris ses responsabilités l’an passé et semblait même les fuir par moment. Alors qu’on s’attend à ce qu’il se montre agressif et tire profit de ses grosses qualités, le Canadien s’est trop souvent contenté de faire tourner la balle dans les systèmes de jeu sans tenter quelque chose suffisamment souvent. Pour un prospect à ce point considéré, attendu, et dont on espère qu’il pourra devenir à terme une première option d’équipe, cette réticence à endosser les responsabilités qui lui incombent n’est pas forcément encourageante.
De même que pour Gay, les questions de killer instinct et de dureté mentale et physique se posent aussi pour Wiggins. Certes, le garçon est jeune, mais ce genre de mentalité n’est pas quelque chose qu’on acquière très vite ou très facilement généralement, si tant est qu’on l’acquière. Au-delà de ses défauts sur le plan technique (création offensive, notamment), la question de sa mentalité demeure sans doute pour Andrew Wiggins le point crucial de son développement.
« Hors des parquets, les échos à propos de Gay se recoupent tous très positivement, mettant en lumière son éthique de travail et sa volonté de devenir un excellent all-around player. Sur le terrain, il possède une très bonne attitude et semble aisément entraînable. Il joue pour un des meilleurs coachs et meilleurs programmes du pays au sein d’une équipe désormais coutumière au fait de former et développer des lottery picks pour la NBA ».
Le même constat peut se faire pour Andrew Wiggins, qui a sans doute fait un excellent choix en venant jouer à Kansas sous les ordres de Bill Self. Non seulement d’avoir fait des Jayhawks un des meilleurs programmes du pays, Self a aussi cette particularité de faire jouer son équipe de manière très similaire à une franchise NBA plutôt que dans un style universitaire plus traditionnel. Concrètement, ce sont plus de systèmes de jeu offensifs calibrés NBA et qu’on retrouve dans pas mal de playbook de franchises de la grande ligue (contrairement à bien d’autres formationq universitaires, dont la fameuse Dribble Drive de John Calipari à Kentucky), et une défense en homme à homme plutôt qu’en zone la très grande majorité du temps (contrairement à beaucoup de formations NCAA, dont Syracuse qui n’a plus joué autre chose que la zone depuis l’arrivée de Jim Boeheim en 1976).
Un excellent apprentissage auprès d’un des meilleurs coachs du pays, qui a semblé porter ses fruits puisque Wiggins a démontré en attaque comme en défense des progrès intéressants tout le long de la saison. De ce point de vue-là le Canadien va pouvoir débarquer dans la grande ligue en étant aussi prêt qu’il puisse être.
Conclusion
« Gay a démontré par touches quelques fulgurances brillantes dont seuls les joueurs d’élites sont capables. Ce n’est pas sur son immense potentiel que reposent les doutes, mais bien sur sa capacité ou non à pouvoir un jour l’exploiter complètement.
Si Gay se concentre et s’applique à jouer un rôle similaire à celui de Shawn Marion à Phoenix, la façon dont il a d’ailleurs joué majoritairement la seconde partie de la saison universitaire, il est tout simplement incroyable. Mais si à la place il tente de modeler son jeu à la manière de Tracy McGrady, ce dont il n’a pas les qualités pour à ce stade-là de son développement, son potentiel est bien moins intéressant. L’équipe dans laquelle il atterrit et surtout le coaching staff avec qui il travaillera chez les pros détermineront en grande partie à quel point il pourra être efficace et impactant durant ses premières saisons NBA. S’il démarre mal, la pression d’être un choix de draft très haut placé pourrait le rattraper et être tout simplement trop grosse à surmonter.»
Le problème est sans doute là avec Andrew Wiggins : tout n’est absolument qu’une question de potentiel. Certes, de très gros potentiels et dans tous les compartiments du jeu (slashing, shooting, défense), mais que du potentiel tout de même.
Là où l’on a pu voir à l’époque par très fine touche ce que pouvait donner Rudy Gay, on n’a malheureusement pas vu la même chose pour Wiggins. C’est d’ailleurs la très claire limite qui séparaient Andrew Wiggins et Joel Embiid, les probables premiers choix de la draft pendant de longs mois. En effet, on a vu ce que le Camerounais pouvait donner à terme, on l’a vu dominer un match défensivement comme offensivement, protéger le cercle à la perfection ou époustoufler de sa technique au poste bas. Le risque de son cas réside dans l’adaptation ou non de ce même niveau de jeu avec un temps de jeu plus grand et plus de responsabilités (à peine 20 minutes de jeu par match pour Embiid l’an passé). Or, avec Wiggins, ce n’est pas le cas, on n’a pas pu voir à un seul moment de la saison le joueur que l’on souhaite obtenir à terme. On n’a pas encore pu voir un leader offensif, qui sait se créer régulièrement et efficacement ses points ni un défenseur abouti dans le périmètre. On compte absolument sur son développement pour que le pari de sa sélection s’avère payant, ce qui revient tout de même à mettre tous ses œufs dans un même panier (sans mauvais jeu de mots).
Si on fait le décompte, Wiggins devra considérablement améliorer son dribble, apprendre à se créer son propre tir, acquérir une lucidité quant à quel tir prendre à quel moment, améliorer sa finition au cercle, acquérir une plus grande fluidité de mouvement et savoir se rendre au panier autrement que sur du straight-line drive, développer un plus grand QI basket, savoir lire les défenses, réaliser les passes simples et diversifier ses compétences de passeur, développer un plus grand QI défensif, avoir plus de discipline et apprendre à être un meilleur défenseur collectif. Tout cela sans même parler de l’évolution cruciale et nécessaire de sa mentalité, sans quoi toutes les qualités qu’il aurait réussi à développer ne serviraient pas à grand-chose si ce n’est être un joueur capable d’à peu près tout bien faire mais incapable de porter une équipe et de performer soir après soir.
La liste est longue. En effet, dans le meilleur des cas possibles le joueur à terme est un potentiel candidat très sérieux au titre de MVP, un joueur performant des deux côtés du terrain et autour duquel on peut construire une équipe bâtie pour le titre. Mais voilà, ce cas de figure là serait la conséquence de l’accomplissement de toutes les hypothèses liées au cas de l’ancien Jayhawk, autrement dit pas si un grand pourcentage que ça sur un plan théorique alors que c’est ce que la majorité des observateurs vont attendre du garçon. Au final, la probabilité que Wiggins devienne un total bust tout comme celle qu’il devienne la réincarnation de Lebron James demeurent assez faibles, et il y a sans doute de fortes chances qu’on se retrouve à terme avec un joueur dont le niveau se trouve entre ces deux possibilités.
Sur le papier, Wiggins apparait en tout cas moins développé que ne pouvait l’être Rudy Gay au moment de sa draft, mais il est tout de même bon de rappeler que le Canadien est également plus jeune et n’a passé qu’une seule saison en NCAA (contre deux pour Gay). Pour Wiggins, arriver à terme à atteindre le niveau du Rudy Gay actuel serait déjà une très grande réussite, le King possédant certains défauts non négligeables mais étant un scoreur confirmé qui a parfaitement su exploiter ses ressources physiques et développer une palette offensive complète. Reste désormais à voir si Wiggins pourra ou non aller au-delà de ce niveau-là, gravir la dernière marche que n’a pas su franchir Gay, à savoir réussir à être plus qu’un excellent joueur NBA mais bien un franchise player capable de porter une équipe et autour de qui on peut construire une formation qui gagne.
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