Le petit monde des rookies est un univers à part dans une saison NBA. Toutes les deux semaines, Basket Infos vous propose d’analyser les performances, bonnes ou mauvaises, des débutants dans la grande ligue.
Le monde impitoyable des rookies l’est parfois encore plus pour les joueurs européens, obligés de s’adapter à un jeu et à un rythme différents de celui du Vieux Continent. On le voit encore cette année: qu’ils soient de « vrais » rookies, choisis lors de la dernière draft ou de la précédente, ou des joueurs déjà plus expérimentés, ayant bâti une carrière européenne avant de tenter leur chance dans la grande ligue, la découvert de la NBA n’est pas toujours chose aisée pour eux. Jetons donc un œil sur le parcours des 5 rookies européens de la saison.
Kristaps Porzingis (New York)
On ne va pas refaire ici l’histoire de Porzingis, l’une des belles surprises de cette année. Voilà un jeune joueur de vingt ans, peu utilisé en Espagne l’an dernier, qui se révèle l’un des débutants les plus efficaces de la saison, et redonne l’espoir à toute une franchise. Pas une mince affaire, même si Big Apple a tendance à vite s’enflammer. Avec 13.7 pts, 7.6 rbds et 1.9 cts de moyenne en 28 minutes, Porzingis est le troisième marqueur, le second rebondeur et le meilleur contreur de la cuvée 2015-2016. Le titre de ROY est plutôt parti pour aller dans la poche de Karl-Anthony Towns, mais le Letton fait tout pour rendre la course serrée.
Malgré le battage médiatique incroyable autour de lui, Porzingis est encore loin d’être un produit fini, à l’évidence. Son expérience européenne ne l’a absolument pas habitué à jouer autant, et cela se ressent sur sa régularité. Ces dernières semaines, notamment, il a montré des difficultés à tenir la même intensité que d’habitude, ce qui se ressent d’ailleurs sur les résultats des Knicks, qui ont perdu 8 de leurs 10 derniers matchs et se retrouvent à 4.5 victoires de la 8e place. Autant dire qu’il sera difficile de voir le jeune prodige en playoffs cette année.
Au-delà de cela, l’utilisation du joueur dans le jeu en triangle prôné par Phil Jackson est parfois contestable. On voit bien que lorsque les Knicks jouent plus « simplement » à partir du pick & roll ou du pick & pop, Porzingis s’avère une menace énorme par sa capacité à s’écarter et sa vivacité. Sans aller jusqu’à dire que le triangle n’est pas le système où il pourra se développer au mieux, il est clair que le front office et le coaching staff de NY devront réfléchir à le mettre dans des situations idéales, puisque tout laisse à penser qu’il est capable de devenir le visage de la franchise pour un certain nombre d’années.
Cela étant, Kristaps Porzingis a peut-être déjà lancé une petite révolution quant à la manière dont sont perçus les jeunes joueurs européens par les scouts et les GM NBA. Comme tout univers sportif, la NBA est moutonnière et se construit par imitation de ce qui marche: après avoir cherché à tout prix le nouveau Nowitzki, les franchises semblaient dégoûtées du profil du « grand blanc qui shoote » après l’expérience Bargnani. Il est bien possible que Porzingis ait contribué à changer cette image pour un certain temps, au moins. On pourrait en avoir la preuve dès la prochaine draft, où le Croate Dragan Bender, au profil assez semblable à celui du Letton, est déjà annoncé dans le top 5, à l’aune de la réussite rencontrée par les Knicks avec leur pick.
Mario Hezonja (Orlando)
Le Croate était, avec Porzingis, le deuxième gros prospect européen cet été. Plus connu du fait d’une carrière déjà plus aboutie, muni d’une confiance à toute épreuve, on le voyait tout casser dès ces débuts NBA. Et puis non, en fait. Hezonja connaît une première saison bien compliquée, dans un effectif qui n’est pas idéal pour lui : non seulement le Magic, après trois saisons de reconstruction, a besoin de résultats, ce qui laisse peu de temps pour développer un rookie, mais en plus les postes 2 et 3 sont blindés de joueurs ayant besoin, comme lui, du ballon, avec Oladipo, Fournier et Harris. Scott Skiles n’a pas encore réussi à démêler ce drôle d’embrouillamini qu’est le roster du Magic, truffé de joueurs entre deux postes et de duos incompatibles. Qu’un échange vienne mettre un peu d’ordre dans tout cela ne serait pas étonnant. Hezonja pourrait-il être du voyage ?
Tout n’est pas noir pour autant. Si le Magic est en train de perdre pied, Hezonja, lui, pointe le bout de son nez. Avec plus de minutes pour s’exprimer, il a même réalisé de très beaux matchs ces derniers temps : 17 pts (à 7/13), 3 rbds, 3 pds contre Boston, 16 pts et 4 rbds en 20 minutes contre OKC, notamment. La pureté de son shoot ne fait aucun doute, ses pourcentages étant d’ailleurs très honorables pour un rookie, avec 43.4% d’adresse et 38% derrière l’arc. Il n’est pas encore capable, en revanche, de shooter de partout : de 50% à droite du panier, son adresse chute à moins de 30% à gauche ! Très efficace en transition, il lit également parfaitement le pick & roll, ce qui explique que Skiles lui ait parfois donné des minutes à la mène. Bref, les fondamentaux et l’intelligence de jeu sont là.
Pourquoi, dans ce cas, n’a-t-il pas plus de temps de jeu ? D’abord parce que Skiles, qui n’est pas un rigolo, n’apprécie guère les flottements défensifs de son joueur. Les adversaires directs de Super Mario shootent 3.6 pts au-dessus de leur pourcentage habituel lorsqu’ils sont défendus par le Croate, ce qui n’est pas très bon signe. Il y a là à la fois des erreurs de concentration et un certain manque de puissance physique, qui saute également aux yeux lorsque l’on voit la difficulté qu’a Hezonja à aller sur la ligne des lancers. Et puis, il y a tous les joueurs devant lui, qui ont aussi besoin de temps de jeu. Ce qui est, on l’a vu, son plus gros problème.
Il serait absurde de déclarer Hezonja comme un flop après ces trois premiers mois NBA. Le talent est là, sans aucun doute. Mais le Magic va sérieusement devoir réfléchir à ce qu’ils veulent faire de leur rookie. D’après Nylon Calculus, sur environ 2100 minutes disponibles à chaque poste depuis le début de la saison, Fournier a joué 977 minutes poste 2, Oladipo 839, Hezonja 257. Au poste 3, Harris a eu 1089 minutes, Fournier 435, Gordon 341, Hezonja 321. Le pauvre Mario est donc troisième, voire quatrième choix sur les deux postes, à chaque fois derrière des joueurs eux aussi jeunes, eux aussi susceptibles d’être le futur de la franchise. Pas sûr que cela puisse durer très longtemps ainsi.
Nikola Jokic (Denver)
Voilà la très bonne surprise européenne de la saison. Sélectionné en 41e position de la draft 2014, le pivot serbe était resté se développer une saison en Europe. Bien lui en a pris, visiblement. Jokic, profitant des blessures de Nurkic, de la nullité de J.J. HIckson et d’un front office des Nuggets très bienveillant envers les Européens, s’est tout simplement imposé comme titulaire dans le 5 de Mike Malone, avec certains matchs de mammouth (27 pts, 14 rbds, 4 pds contre Toronto !). Sur les 8 derniers matchs, il tourne à 14.3 pts, 9.3 rbds et 3.2 pds, rien que ça. Efficace en attaque (53.6% sur la saison), capable de s’écarter (un très bon 38% à 3-pts), il est en plus d’une intelligence situationnelle remarquable, comme en attestent ses stats à la passe. Autour de lui, l’attaque des Nuggets devient bien plus efficace, d’autant que son compère rookie à la mène, Emmanuel Mudiay, est loin d’avoir la même compréhension collective.
En défense, le tableau n’est pas aussi brillant. Capable de bien maintenir son adversaire dans la raquette, Jokic manque en revanche de vitesse sur pick & roll et peut donner l’impression d’être assez pataud. Ses chiffres au contre sont très moyens, pour un pivot (0.6/m).
Mais peu importe, pour l’instant : avec Jokic, Denver tient une vraie perle. A long terme, le visage des Nuggets est encore assez flou : comment gérer le temps de jeu de Nurkic et Jokic, même si leurs qualités différentes offrent des perspectives intéressantes ? Mudiay peut-il se développer comme un vrai meneur ? Gallinari, Faried et Chandler sont-ils là pour longtemps ? La rumur selon laquelle Denver a contacté les Clippers pour Griffin est un signe que la franchise du Colorado est prête à bouger. Mais on ne serait pas étonné que, s’il y a deux ou trois noms intouchables dans le roster, celui de Jokic en fasse déjà partie.
Nemanja Bjeliça (Minnesota)
MVP de l’Euroligue, « faux » rookie de 27 ans, Bjeliça était très attendu pour sa capacité à apporter immédiatement en NBA. Après de très bons débuts, une blessure l’a coupé dans son élan, et le Serbe a bien du mal à revenir. Avec 4.4 pts, 3.3 rbds et 1.4 pds, on ne peut pas dire que ses stats soient pour le moment flamboyantes.
Une partie de ces difficultés lui sont imputables. Habitué à être au centre de l’attaque, Bjeliça a du mal à trouver ses repères comme role player. Trop souvent, il refuse les shoots ouverts pour se lancer dans des drives qui s’écrasent sur les baobabs qui campent dans la raquette. En défense, il semble souvent perdu, voire dépassé physiquement. Les passages, dans les derniers matchs des Wolves, où il est associé à Nikola Pekovic sont des supplices pour les yeux.
Mais Bjeliça est aussi tombé sur l’un des pires coachs possibles pour le mettre en valeur. Le playbook vieillot de Sam Mitchell fait des Wolves l’équipe qui tente et marque le moins de 3-pts par match, et dont le spacing est clairement catastrophique. Mitchell lui préfère Gorgui Dieng, voire Adreian Payne ( !) et Damjan Rudez, pour des résultats peu convaincants. Que Bjeliça ne se fasse guère violence pour s’imposer face à un coach qui manie plus le bâton que la carotte est un fait ; mais ce qu’on voit de lui actuellement ne saurait être un résumé fidèle de son talent.
Boban Marjanovic (San Antonio)
Mais comment diable font les Spurs ? Privés de Splitter, dont le transfert était nécessaire pour récupérer Aldridge, les Éperons sont encore allés chercher une très bonne pioche avec le pivot serbe de 27 ans, auteur d’une très bonne saison l’an dernier à l’Étoile Rouge de Belgrade. Le bon Boban joue peu (31 matchs, pour 8 minutes de moyenne), mais fait à chaque fois le boulot, avec un pourcentage remarquable (60.4%). Pas sûr qu’on le voie énormément en playoffs, mais pour reposer Duncan, c’est le profil parfait. Du beau travail de R.C. Buford, encore une fois.
Cet homme a, qui plus est, des mains inhumaines.
Tibor Pleiss (Utah)
On attendait un peu plus du pivot allemand, arrivé au Jazz pour être la doublure de Rudy Gobert, et qui s’est fait piquer la place par Jeff Withey, bon joueur de devoir, mais clairement pas un aigle non plus. A 26 ans, il est typiquement dans la situation du joueur européen qui va vite devoir faire un choix : insister en NBA, au risque de très peu jouer, ou trouver un rôle plus important dans une équipe européenne ?
Damien Inglis (Milwaukee) , Sasha Kaun (Cleveland) et Thanasis Antetokounmpo (New York)
Très peu de temps de jeu pour ces trois-là, qui squattent les fonds de rotation. On ne jurerait pas que cette situation change rapidement, mais ils se font au moins connaître. A suivre.
Quelques remarques sur le petit monde des rookies
- La nouvelle formule du Rising Stars Challenge est fort sympathique, mais crée des bizarreries, du fait de la répartition USA/Reste du monde. Sans vouloir être désagréable avec Raul Neto, le meneur du Jazz, le voir au All-Star Game alors que Devin Booker n’y est pas est tout de même tout à fait étrange.
- Excellente draft d’Indiana, avec Myles Turner et Joe Young. Le premier apporte bien plus qu’attendu, alors qu’il était annoncé comme un des paris les plus risqués de la draft, et le second peut devenir un bon joueur offensif en sortie de banc. Turner a lui un potentiel énorme : celui d’un intérieur capable de s’écarter et de protéger le cercle, ce que tout le monde recherche aujourd’hui.
- Stanley Johnson va de mieux en mieux, et prend de l’épaisseur dans la rotation de Detroit, notamment offensivement. Très bonne nouvelle pour le banc de Stan Van Gundy.
- Larry Nance Jr était une des bonne surprises de la saison. Il est out pour un bon bout de temps. Décidément, la saison des Lakers est pourrie dans le moindre détail.
- Cameron Payne est un très bon joueur, qui commence déjà à piquer la place de DJ Augustin ? Après James Harden et Reggie Jackson, le nouveau 6e homme du Thunder ?
- Vous voulez tout savoir sur les rookies ? N’oubliez pas d’écouter L’écho des parquets de la semaine! http://basket-infos.com/2016/01/31/podcast-le-bilan-des-rookies-a-mi-saison/